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L'Hérétique (Démocratie et hérésie économique) - Page 310

  • Le PS est puissant !

    C'est marrant, quand j'y pense : je vois la plupart des médias, et la blgosphère leur embraye le pas, gloser sur l'impuissance et les malheurs du PS. On a la mémoire courte en France : le PS a remporté les municipales haut la main. Il contrôle 20 des 22 régions. Il contrôlera le Sénat en 2011, et, à chaque élection partielle, il progresse. En réalité, ce parti est très puissant, et, si en 2012 il gagne les législatives et les présidentielles, il disposera d'absolument tous les leviers en France, ce qui ne s'était encore jamais vu en France, d'autant qu'il a également de très importants relais dans les associations et les organisations syndicales.

    Il y a eu des primaires au PS pour désigner le premier secrétaire ; certes, la débat d'idées n'a pas été particulièrement élevé, mais enfin, c'est tout de même le signe d'une certaine vitalité démocratique. En réalité, il y a plus d'opposition entre Aubry et Royal, sur le plan politique, qu'on ne le dit. Aubry représente le socialisme gestionnaire, la vieille social-démocratie, avec ses atouts et ses faiblesses (dont la plus inquiétante, toutefois, est l'absence de renouvellement en termes d'idées et de doctrines) et Royal la gauche réformiste accompagnée d'une touche populiste. Bien sûr, il y a des ponts entre ces deux gauches, mais elles ne sont pas identiques.

    La social-démocratie gestionnaire emprunte l'économie à la droite, du moins, pour une partie conséquente, alors que le réformisme de gauche emprunte plutôt à certaines valeurs de la droite, mais pas forcément à son fonctionnement économique.

    Au-delà de la différence de style entre ces deux femmes, il y a une réelle ligne de partage dans le domaine politique. Ségolène Royal représente en fait une autre gauche qui n'avait jamais vu le jour jusque là en France : une sorte de mélange assez étrange entre réformisme et un soupçon de populisme moderne. Je pense que c'est ce mélange inconnu (qui se rapproche par certains côtés du blairisme, au demeurant) qui effraie l'appareil traditionnel du PS.

    Quoi qu'on en dise, l'histoire personnelle forge fatalement les personnalités et les engagements. Ségolène Royal s'est construite contre les opinions de toute sa famille ou presque, qui penchait vers la droite dure voire l'extrême-droite. Elle a du affronter son père, un militaire, pour le contraindre à payer ses études et une pension alimentaire à sa mère, lui qui avait chassé son épouse sans aucune ressources du domicile familial.

    On ne choisit pas sa famille, mais on en hérite, qu'on le veuille ou non. Ses origines et sans doute l'atmosphère familiale ont contribué à lui donner une forme de rigidité qui peut ressembler parfois à celle de la droite dure. Or, cela, un socialiste le flaire à plus de cent lieues de distance. Tout du moins, un socialiste rompu à la politique. L'idée qu'une telle personnalité puisse diriger le PS hérisse littéralement les socialistes traditionnels. C'est sans doute pour la même raison que certains d'entre eux ont du pousser un ouf de soulagement quand Ségolène Royal a perdu. C'est que, quelque part, ils avaient et ont la sensation que Ségolène Royal les pousse, ainsi que le PS dans une direction où ils ne veulent absolument pas aller, et qu'ils détestent.

    Je reconnais, pour ma part, avoir été un peu outrancier pendant les élections internes du PS : j'ai pris parti, il est vrai, pour Ségolène Royal, parce que le Tout Sauf Ségolène m'énervait. Mais, sur le fond, j'ai un avis beaucoup moins tranché sur ce qu'il se passe au PS. Je suppose que les derniers évènements auront finalement assez peu d'incidence, malgré tout, sur l'avenir du PS.

    Le MoDem, à cet effet, ne doit pas compter sur une implosion du PS. Elle ne se produira pas. Mélenchon sera marginal et son parti n'a aucun avenir. Dès que la conjoncture se redressera, ce qui finira par se produire, Besancenot reviendra à des niveaux d'intention de vote conformes à ce que l'on a habituellement pour un parti d'extrême-gauche en démocratie.

    Tout cela pour conclure que le MoDem doit compter avant tout sur ses propres forces et sur ce qu'il sera capable de proposer aux Français. Il n'existait pas de courant démocrate en France avant le MoDem. Peut-être que le MoDem parviendra à aspirer certains sociaux-démocrates, mais, cela sera par la force de ses idées, pas par une explosion qui lui est extérieure.

     

    EDIT : tiens, y'en a qui se demandent où je classe Delanoë. Voyons, réfléchissez bien chers amis : d'où vient Ségolène ? D'une famille de catho de droite (d'où les références catholiques dans sa phraséologie, au fait) ! Qu'est Martine ? Une catho de gauche ! Or, cathos de gauche et de droite se détestent cordialement, c'est un fait avéré ! Quant à Bertrand, c'est un social-démocrate libertaire (une variante du social-démocrate traditionnel). Or, les cathos de gauche dont la mauvaise consicence de gauche est consubstantielle à leur nature de cathos de gauche, adorent les libertaires qui soulagent leur mauvaise conscience. Pour le compte, il y a assez peu de différences entre Bertrand et Martine, et là, davantage une histoire d'égo. Le côté libertaire peut-être, alors que les cathos de gauche abordent les choses davantage sous l'angle de la morale. En revanche, les cathos de droite voient dans les libertaires la quintessence de la déliquescence morale, alors...ceci explique cela...et je ne dis pas ce que les libertaires pensent des cathos de droite, évidemment...Vous le voyez, tout s'explique, beaucoup par les valeurs, d'ailleurs, dans ces histoires socialistes...

  • L'ADLE veut une industrie verte !

     

    L'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe se félicite que la Commission européenne réaffirme les principes de l'économie de marché et de la bonne gestion budgétaire dans le plan de relance qu'elle a dévoilé aujourd'hui. Pour l'ADLE en effet, la crise financière ne doit pas marquer le retour vers la vieille économie mais au contraire être l'occasion de tourner tous les efforts d'investissement vers le développement durable et la création d'emplois bien rémunérés et porteurs d'avenir.

    "Les propositions de la Commission européenne contrastent avec les conclusions du G20 à Washington qui avaient relégué le développement durable de la dernière place à l'avant dernière place," souligne Graham WATSON, président du groupe ADLE au Parlement européen, selon qui "le paquet de la Commission démontre une préoccupation plus marquée pour l'investissement vert et la croissance durable. L'Europe doit donner la priorité à une croissance économique durable pour lutter contre la récession actuelle."

    "La Commission européenne doit être attentive à ne pas céder à la tentation d'un retour au passé au détriment des efforts déjà consentis pour se conformer aux objectifs de la Stratégie de Lisbonne. Nous devrions, par exemple, résister à subventionner inutilement l'industrie. Pour faire prospérer l'industrie européenne, il vaudrait mieux en priorité vendre des produits industriels respectueux de l'environnement et augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs," a conclu M. Watson.

    NB : Le MoDem est membre de l'ADLE.

  • Prison et délinquance des mineurs

    Je suis avec beaucoup d'attention le débat sur l'ordonnance de 1945 et les sanctions qu'il convient d'infliger aux mineurs délinquants. Dès lors que la prison ne concerne que les crimes, je ne suis pas a priori opposé à la conduite en prison de mineurs, dès lors que des prisons spécifiques leur sont réservés et qu'ils disposent d'un encadrement éducatif.

    Les mineurs d'aujourd'hui ne sont absolument pas ceux de l'immédiat après-guerre. Les lois doivent s'adapter aussi aux états de fait, or, un état de fait, c'est qu'il y a 200 000 mineurs délinquants actuellement en France. Dans les propositions faites, certaines sont intéressantes : par exemple, plutôt que l'incarcération, il est question d'envisager un bracelet électronique dans de nombreuses circonstances.

    J'ai entendu aussi qu'il était envisagé d'envoyer le mineur à l'école pendant la semaine et en prison le week-end : le retour au sein de la société des gens ordinaires mais tranquilles ne doit se faire que si les dits mineurs ne viennent pas jouer les caïds dans les écoles sous prétexte qu'ils sont en prison, un certain nombre en tirant actuellement un titre de gloire.

    Je suis d'accord aussi avec l'idée que des mineurs délinquants de 16-18 ans puissent être jugés par des juges ordinaires et non par des juges pour enfants. En revanche, ceci doit se faire sous la condition qu'ils ne puissent être incarcérés avec des adultes.

    C'est à mon avis ce dernier point le véritable enjeu : les conditions d'incarcération. On entend beaucoup d'organisations s'indigner des nouvelles règles pénales, or, ce ne sont à mon avis pas elles qui sont un véritable problème, mais bien l'environnement dans lequel la peine se passe. Il faut notamment séparer aussi chez les mineurs les délinquants des criminels, et, parmi les criminels, mettre à part les pervers de toutes sortes (violeurs, auteurs d'actes de barbarie) qui sont clairement les pires et difficilement récupérables la plupart du temps.

    Si l'on évoque les conditions d'incarcération, il faut fatalement parler de gros sous, et donc, de moyens ! Personne n'en parle, mais il faudrait commencer par là. Dans la mesure où la délinquance augmente, il est évident qu'il faut plus de prisons et plus de surveillants, or, les unes et les autres fonctionnent à moyens constants depuis plusieurs décennies.

    Commençons déjà par là, avant d'avoir l'indignation sélective : on ne peut connaître l'efficacité d'une politique répressive que dans la mesure où elle est appliqué correctement et avec les moyens adéquats, or, nous sommes très loin du compte...

  • La pub, inépuisable vache à lait ?

    Il y a une question que je me pose depuis un moment : chaque fois que je vois des particuliers ou de nouvelles plate-formes se développer sur la Toile, j'entends toujours parler de financement par les recettes publicitaires, et, à lire les projets, on a l'impression qu'il s'agit là d'un puits sans fond, d'une Corne d'Abondance qui ne connaît pas de limites.

    Nous avons connu deux crises financières profondes en moins de dix années : bulle internet en 2001, crise du crédit tout récemment. J'ai l'impression que la prochaine crise sur Internet cela celle des recettes publicitaires. Partout on trouve l'idée que c'est la solution universelle au financement des activités numériques. Viendra un moment tout de même où les diverses entreprises finiront par réduire leurs investissements dans ce domaine, surtout si une crise économique menace, par exemple.

    Or, le gratuit se développe, prolifère, même, sur l'idée que la publicité paiera. C'est la nouvelle intendance. Tout va bien, Madame la Marquise, la Publicité suivra et paiera tout. D'ailleurs, l'actuel gouvernement envisage de taxer les recettes publicitaires du net. Après l'amendement de mon Jean, encore un bon coup sur la fracture numérique...

    Toutefois, les sommes en jeu, au regard de ce que représentent par exemple les opérateurs de télécommunications, sont assez faibles. Moins de 450 millions d'euros pour la totalité des recettes publicitaires sur internet en France.

    Il n'en reste pas moins que ce modèle de développement m'inquiète parce qu'il ne diversifie pas ses sources de financement et que l'expérience prouve que miser sur un seul cheval est presque toujours très risqué...

  • Le Nouveau Centre fait exploser le prix des ordinateurs

    Et voilà, j'en parlais il y a deux jours, et j'en ai la confirmation définitive par Orange Politique. Le Nouveau Centre a fait passer un amendement qui permet de faire payer la redevance TV, soit 116 euros par an à tout acheteur d'un ordinateur moderne.

    Prétexte ? ils peuvent recevoir la télévision. Conséquences ? Vous n'aviez pas beaucoup de sous et vous vouliez acheter un ordinateur pour les cinq prochaines années. Les programmes de m... de la télévision vous emm... à mourir. Vous payez 300 à 400 euros, satisfait de votre investissement. Mais, une très mauvaise surprise vous attend : vous allez payer 580 euros de plus dans les cinq années qui suivent. Coût total de l'opération ? 880 à 980 euros. Bon, et attendez, je suis bon : je table sur un changement d'ordinateur au bout de 5 ans. Parce que pour chaque année qui va s'écouler en plus, la facture va s'allonger...En supposant que la redevance TV n'augmente pas bien sûr...C'est bien, on a des idées astucieuses au Nouveau Centre...Il va falloir que j'ouvre un chapitre intitulé "Mon Jean et la fracture numérique"...

    Ia ora na les néo-centristes, comme le dit souvent mon saltimbanque favori, Leroy-Morin, dont j'espère une note prochaine sur le sujet...

  • École, la fin du clivage gauche/droite

    Je viens de lire avec un très grand intérêt le billet du Président du SNALC, un syndicat enseignant sur Médiapart : il analyse avec finesse le propos de l'ouvrage de Muriel Fitoussi et Eddy Khaldy "Main basse sur l'école publique". Ces derniers accusent Darcos et Sarkozy de chercher à rétablir une école de type clérical, antérieure même à Ferry. En réalité, avec beaucoup d'intelligence, Bernard Kunz observe que la plupart des réformes proposées par la droite depuis qu'elle est au pouvoir s'inspirent des revendications pédagogiques de nombre de syndicats de gauche, particulièrement le SGEN-CFDT. Le clivage droite-gauche n'est plus opérant car, en réalité, les mêmes individus sont aux commandes de l'Éducation Nationale depuis des années, passant de cabinet en cabinet et de gouvernement en gouvernement.

    Cela fait longtemps que je dénonce cet état de fait sur mon propre blog, et notamment l'alliance entre les recettes pédagogistes et la forme moderne du malthusianisme gestionnaire que Kunz appelle libéral. Pour moi, je n'y vois pas du libéralisme, mais de l'opportunisme et de l'absence de vue à long-terme, tout simplement. Les libéraux ne sont pas bêtes à ce point-là.

    Je ne partage pas l'avis de Kunz sur les talents, car je crois, comme les Marxistes (trop fort, non ? :-D ) à l'éducabilité universelle. En revanche, cette même éducabilité ne me paraît pas contradictoire avec une sélection selon les goûts, les résultats et les efforts consentis de chacun. Une chose est certaine : je me défie tout à fait, comme Bernard Kunz, des thèses constructivistes dans le domaine de l'acquisition du savoir, même si je reconnais qu'elles sont en revanche intéressantes en littérature et en analyse littéraire.

    Il n'en reste pas moins que nous devrions au MoDem, non pas nous aligner sur la doxa de la superstructure pédagogique et du SGEN-CFDT qui s'impose partout mais prendre acte de cette absence de clivage et réfléchir à une alternative nouvelle qui pourrait s'enraciner profondément dans l'esprit de la Renaissance et de l'humanisme.

  • Bayrou propose des unités de logement pour les SDF

    Je voulais pousser un coup de gueule, mais François Bayrou m'a pris de vitesse. Juste tout de même la remarque suivante : si les SDF ne veulent pas se rendre dans les centres d'hébergement, c'est qu'ils y sont menacés, battus et dépouillés par les plus forts. Une vraie loi de la jungle. Alors le blabla de Madame Boutin me fait doucement rigoler. Quand je pense que Sarkozy s'est fait élire sur la sécurité...Ce n'était pas la sécurité pour tous, manifestement...

    Voici la réaction de François Bayrou :

    En déplacement à Belfort les 26 et 27 novembre, François Bayrou a fustigé "le manquement des responsables politiques qui multiplient les déclarations, les oublient et redécouvrent chaque année la misère des SDF", alors qu'une "autre politique est possible"...

    "Je pense qu'il y a vraiment de quoi se mettre en colère. Tout les ans, c'est la même chose :  les responsables politiques, y compris Nicolas Sarkozy, multiplient les déclarations promettant qu'il n'y aura plus de décès de SDF", a déclaré à l'AFP François Bayrou, en visite pour deux jours à Belfort dans le cadre de son tour de France des régions.

    Il a évoqué l'idée d'un "programme d'équipement des petites structures disponibles (...) dans les villes pour créer des lieux d'accueil individuels qui donnerait un havre de paix pour ces hommes et ces femmes" qui vivent dans la rue.

    "Ces refuges, disséminés dans la ville et non regroupés au même endroit, pourraient être financés par un petit loyer pris sur l'allocation logement à laquelle chaque personne a droit en fonction de sa difficulté sociale", a-t-il précisé."Souvent, les SDF refusent de se rendre dans les centres d'accueil car ils redoutent la violence et les vols", a ajouté le président du Mouvement Démocrate (MoDem).

    François Bayrou était à Belfort pour visiter le fabriquant de turbines General Electrics Energy, ainsi qu'un établissement public d'insertion de la défense (Epide) assurant l'insertion sociale et professionnelle de jeunes, en difficulté scolaire, sans qualification ni emploi
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  • Le langage de la démocratie

    Poursuivant ma lecture de "De la Démocratie en Amérique", j'en suis arrivé au chapitre XVI de la première partie dans le Tome II. Et je suis tombé sur une très intéressante réflexion de Tocqueville sur les rapports entre langage et démocratie.

    Tocquville essaie d'analyser le rapport de la démocratie aux lettres et aux arts. Il voit dans l'égalité entre les individus la source d'un traitement spécifique des lettres et des arts par la démocratie ; le langage est également touché par la nature de la démocratie.

    Il écrit ainsi :

    Les nations démocratiques aiment d'ailleurs le mouvement pour lui-même. Cela se voit dans la langue aussi bien que dans la politique. Alors qu'elles n'ont pas le besoin de changer les mots, elles en sentent quelquefois le désir. Le génie des peuples démocratiques ne se manifeste pas seulement dans le grand nombre de nouveaux mots qu'ils mettent en usage, mais encore dans la nature des idées que ces mots nouveaux représentent.

    Comme l'avait noté Tocqueville, la Démocratie est un régime propice à l'innovation, ce qui ne peut qu'atteindre la langue elle-même.

    Chez ces peuples, c'est la majorité qui fait la loi en matière de langue, ainsi qu'en tout le reste. Son esprit se révèle là comme ailleurs. Or, la majorité est plus occupée d'affaires que d'études, d'intérêts politiques et commerciaux que de spéculations phi­lo­­so­phiques ou de belles-lettres. La plupart des mots créés ou admis par elle porteront l'empreinte de ces habitudes; ils serviront principalement à exprimer les besoins de l'industrie, les passions des partis ou les détails de l'administration publique. C'est de ce côté-là que la langue s'étendra sans cesse, tandis qu'au contraire elle abandonnera peu à peu le terrain de la métaphysique et de la théologie.

    Cet aspect peut se discuter, parce que la métaphysique concernera aussi un plus grand nombre d'individus dans une démocratie, mais, le fait est que dans les démocraties marchandes comme les nôtres, le langage porte en effet l'empreinte de nos intérêts. De fait, les créations récentes concernent en effet des biens de consommation pour l'essentiel.

    Mais c'est principalement dans leur propre langue que les peuples démocratiques cherchent les moyens d'innover. Ils reprennent de temps en temps, dans leur voca­bulaire, des expressions oubliées qu'ils remettent en lumière, ou bien ils retirent à une classe particulière de citoyens un terme qui lui est propre, pour le faire entrer avec un sens figuré dans le langage habituel; une multitude d'expressions qui n'avaient d'abord appartenu qu'à la langue spéciale d'un parti ou d'une profession, se trouvent ainsi entraînées dans la circulation générale.

    L'expédient le plus ordinaire qu'emploient les peuples démocratiques pour innover en fait de langage consiste à donner à une expression déjà en usage un sens inusité. Cette méthode-là est très simple, très prompte et très commode. Il ne faut pas de scien­ce pour s'en bien servir, et l'ignorance même en facilite l'emploi. Mais elle fait courir de grands périls à la langue. Les peuples démocratiques, en doublant ainsi le sens d'un mot, rendent quelquefois douteux celui qu'ils lui laissent et celui qu'ils lui donnent.

    C'est vrai. Et il y a un danger, à mon sens, parce que la confusion des mots finit par entraîner celle des genres, et, à terme, la distorsion du sens avec tout ce que cela peut engendrer comme faux-semblants. Quand les mots ne disent plus ce qu'ils sont sensés dire, on entre alors dans l'ère de la méfiance. Je suis, sur ce travers de la démocratie, bien plus pessimiste que Tocqueville. En revanche, il n'est pas suffisant de dire que c'est là le travers du seul peuple démocratique. Vaclav Havel, dans un discours célèbre devant le Bundestag de la RFA avait dénoncé cette propension à détourner les mots dans les régimes communistes, qui se voulaient justement démocratiques et populaires.

    J'ai montré précédemment que les peuples démocratiques avaient le goût et souvent la passion des idées générales ; cela tient à des qualités et à des défauts qui leur sont propres. Cet amour des idées générales se manifeste, dans les langues démocratiques, par le continuel usage des termes génériques et des mots abs­traits, et par la manière dont on les emploie. C'est là le grand mérite et la grande faiblesse de ces langues. Les peuples démocratiques aiment passionnément les termes génériques et les mots abstraits, parce que ces expressions agrandissent la pensée et, permettant de renfermer en peu d'espace beaucoup d'objets, aident le travail de l'intelligence.

    C'est là, à mon avis, le passage le plus intéressant de ce chapitre. C'est intéressant, parce que je me suis demandé s'il ne fallait pas relier cet avis exprimé par Tocqueville avec l'évolution de l'art et de la littérature dans les sociétés démocratiques, qui ont pris de plus en plus des formes abstraites. Par ailleurs, si l'on a pu retrouver des phénomènes identiques dans les régimes communistes, c'est que Tocqueville relie ces phénomènes à l'égalité dans la démocratie, qui lui semble la substance même de la démocratie. Or, on retrouvait cette caractéristique dans les régimes communistes qui se voulaient des démocraties populaires, bien qu'elles n'eussent pas grand chose de populaire à vrai dire... Il faudrait une étude lexicographique certainement très précise pour voir si la prégnance de mots de ces catégories se vérifie ou non dans les langues française et anglaise depuis 150 ans, par exemple, et, mieux encore, comparer leurs évolutions avec les langues de pays demeurés en régime despotique.

    Les hommes qui habitent les pays démocratiques ont donc souvent des pensées vacillantes; il leur faut des expressions très larges pour les renfermer. Comme ils ne savent jamais si l'idée qu'ils expriment aujourd'hui conviendra à la situation nouvelle demain, ils conçoivent naturellement le goût des termes abstraits. Un mot abstrait est comme une boîte à double fond : on y met les idées que l'on désire, et on les en retire sans que personne le voie.

    J'aime beaucoup cette définition du mot abstrait :-) heureusement qu'Aristote a précédé Tocqueville pour concevoir les catégories et la logique sans lesquelles nous serions bien en peine. L'inconvénient, dans nos sociétés démocratiques, c'est qu'il y a bien usage à volonté de ces abstractions, mais, parallèlement, méconnaissance crasse de leurs catégories. C'est à mon avis sur cette ignorance que se fondent les discours les plus démagogiques...

    Chez tous les peuples, les termes génériques et abstraits forment le fond du langage; je ne prétends donc point qu'on ne rencontre ces mots que dans les langues démocratiques; je dis seulement que la tendance des hommes, dans les temps d'égalité , est d'augmenter particulièrement le nombre des mots de cette espèce; de les prendre toujours isolément dans leur acception la plus abstraite, et d'en faire usage à tout propos, lors même que le besoin du discours ne le requiert point.

    Oui, et comme le disait Tocqueville, la pensée des habitants des pays démocratiques est en effet facilement vacillante. On se demande par quel miracle la démocratie tient quand on la voit si facilement abusée. Le discours démagogique et réducteur use et abuse des mots génériques et de déterminants de la même classe. Plutôt que de citer un homme politique par sa fonction, on dit "les politiques" voire "les politiciens" par exemple. "politique", voilà un mot qui a changé de catégorie grammaticale pour mieux se disperser. Tout comme lorsque l'on oppose "la France d'en haut" et la "France d'en bas". Bref, on pourrait multiplier les exemples. Quelle pertinence, ce Tocqueville ! Comment a-t-il fait pour pressentir tout cela si tôt ?!

  • Certification européenne environnementale et sociale

    C'est au tour de Thierry de me gratifier d'un excellent commentaire à la suite de celui de Florent, publié hier.  Je rappelle que la problématique porte sur la pertinence et la difficulté d'établir des normes susceptibles d'être codifiées dans le domaine environnemental et social ; ces normes auraient vocation à être utilisées sous forme d'étiquettes de couleur sur les produits que l'on nous vend dans la grande distribution ou ailleurs. Pour ma part, j'ai pensé à une action sur la Toile afin d'interpeler nos élus nationaux à ce sujet. Thierry, lui, pense qu'il vaut mieux d'abord passer par l'Europe, voici ses arguments :

    Comme souvent Florent apporte de bonnes remarques.
    Je compléterai son propos en revenant sur les points suivants :
    Contrairement à toi L'Hérétique, je pense qu'il faut dès le début raisonner en européen. En voici quelques raisons ?
    - l'Europe est un grand marché sans barrières douanières
    - Une certification uniforme serait plus facile à mettre en œuvre (sans occulter l'aspect d'instauration de normes a minima que Florent redoute),
    - Une agence européenne de certification offrirait une surface suffisante pour résister aux pressions des lobbies. Par ailleurs, les coûts de certification seraient de facto mutualisés
    - Le niveau européen offre en outre l'avantage d'écarter toute suspicion de protectionnisme étatique puisqu'il s'agit de sensibiliser les citoyens européens à consommer de manière éclairée et reponsable.
    - Une harmonisation sur la base de critères commun à tous met toutes les entreprises sur un même pied d'égalité.

    A quoi pourrait ressembler ces visuels ?
    La notation doit, à mon avis, être limitée à 5 classes (A, B, C, D, E) pour ne pas noyer les consommateurs. Elle offre l'avantage de reprendre l'esprit de la classification qui existe déjà par exemple pour les appareils électroménagers que les consommateurs ont intégré.
    Idéalement j'imagine assez bien des cercles (rouge ou vert) au centre cernés par un liseré bleu parsemé par les douze étoiles. La lettre en blanc serait apparente dans le cercle central. Les étoiles européennes offriraient en outre aux citoyens un remarquable exemple de ce que peut leur apporter concrètement l'Union.

    Ceci dit, je reviens sur la juste remarque d'Aurélien sur le fil précédent :
    "Une question cependant: sur quels critères les pastilles ou les notes seraient elles accordées? Le simple respect de la loi ?"
    Comment déterminer en effet les critères à faire entrer en ligne de compte ?
    Comme Florent l'a parfaitement démontré, il y a une réelle difficulté pour définir des critères pertinents et qui soient reconnus par tous.
    Voici l'état de quelques questions que ce point peut soulèver.
    Le Grenelle avait avancé l'idée de prendre en compte le "bilan carbone" des produits qui arrivent sur nos marchés.
    Mais comment noter par exemple une tomate produite sous serre dans la province d'Almeria qui est vendue en bout de chaine dans un magasin de Paris. Cette tomate pourrait avoir été débarquée sur le port de Rotterdam et avoir été transportée par camion réfrigéré ? Si on ajoute que le bateau navigue sous pavillon de complaisance avec des personnels philippins, cela risque d'être vraiment difficile de s'y retrouver !!!

    Si nous raisonnons à l'échelle de l'Union européenne, il serait difficile d'affecter un coefficient transport infra communautaire. Car notre tomate espagnole peut être vendue aussi bien à Paris qu'à Dublin. Un produit extra communautaire, une tomate chilienne serait plus facilement affectée d'un "malus".
    Mais se pose alors le problème des produits provenant des territoires européens qui sont des confettis d'Europe répartis dans le monde. Une banane antillaise doit-elle être "notée" comme une banane produite dans une république d'Amérique centrale ? OUI bien évidemment, si on on s'en tient à la pastille verte. La différence en l'occurrence serait visible dans la pastille sociale rouge.

    Pour la pastille verte, j'estime qu'un critère devrait absolument être pris en compte. Il s'agit de tout ce qui concerne le conditionnement.
    Cet aspect, en théorie, est facile à déterminer et à quantifier :
    - Quels sont les coûts de production de l'emballage ?
    - Quels en sont les composants et d'où viennent-ils ?
    - Quels sont les coûts de recyclage théorique des matériaux composant l'emballage ?
    => S'il s'agit d'un produit non consommable, on pourrait dès sa fabrication en estimer le coût de recyclage (dans l'idéal à 100%).
    Cette échelle de coût de production et de recyclage des emballages peut être très facilement transposée par la suite dans la Grille A, B, C, D, E.

    S'agissant des critères qui seraient pris en compte pour attribuer une note sociale. C'est très difficile à imaginer.
    Au niveau de l'Union, il n'y a pas d'harmonisation des règles sociales qui sont donc différentes d'un état à un autre.
    Quels critères objectifs retenir ?
    Ci-après, je propose une liste indicative :
    - Pour une entreprise donnée, établir un salaire moyen des employés, hors encadrement. Ce salaire serait comparé à un salaire moyen européen des employés de cette branche d'activité. Se poserait alors la question de définir ou pas les bases d'un SMIC européen.
    - A l'intérieur de chaque entreprise établir l'échelle de rémunération. Quel est le rapport de salaires entre l'ouvrier en production et le dirigeant de l'entreprise ? Quel ratio est socialement juste (1 à 5, 1 à 10) ?
    - Quelle est la structure du capital de l'entreprise, il y a-t-il une part d'actionnariat-salarié ?
    - Quel est le taux de formation appliqué aux employés ?
    - Il y aurait-il une différence des salaires entre hommes et femmes à travail et niveau de responsabilités identiques ?
    - Quel est le taux d'emploi réel de travailleur handicapés ?
    - L'entreprise contribue-t-elle à financer une partie des complémentaires santé de ses employés ?
    - Il y a-t-il des formes d'intéressement aux résultats de l'entreprise (Stock options, primes...) ?
    - Quel est le taux d'arrêts de travail (conflits sociaux, arrêts maladie)
    - Quel est le taux d'accidents de travail ?
    Pour les entreprises hors Union européenne, je le reconnais, c'est réellement la jungle et terra incognita !!!

    Après réflexion, je pense qu'il serait bon dans un premier temps de proposer cette forme de labellisation à des entreprises européennes sur la base du volontariat (démarche de type IGP). Cet effort de transparence devrait donc en toute logique être soutenu par des campagnes d'information des consommateurs les incitant à privilégier dans leurs actes d'achat les entreprises s'étant engagées dans cette démarche.

  • Jean-François Kahn écrirait-il sur les Chroniques Vénitiennes ?

    L'information est à prendre avec des pincettes, mais, si je n'ai pas la berlue, et que la signature que j'ai vu sous le dernier article de l'excellent blog Chroniques Vénitiennes est exacte, Jean-François Kahn, ex directeur de rédaction de Marianne écrit dessus. Trop fort !!!

    Je n'ai tout de même pas rêvé, regardez, chers lecteurs ce que j'ai lu en signature :

    Gianfranco Canio, Gazette Marianni Di Venice du 26 Novembre 1608

    khan

    C'est bien lui, non ? ça va faire le tour de la blogosphère à la vitesse de l'éclair, à mon avis...