Je suis cerné sur ma gauche par Jegoun et sur...euh...je n'ai jamais trop su situer Toréador, en fait, mais je dirais plutôt sur ma droite, a priori.
L'un m'annonce le retour de la démocratie chrétienne et l'autre la réélection de Nicolas Sarkozy. Ce qui me semble contradictoire. Je pense, en effet, qu'il y a trois forces politiques en France à l'heure actuelle : la gauche et tous ses alliés, la droite nimportenawak et ses affidés, et, au milieu, un gros espace central un peu divisé mais dont émerge François Bayrou.
Et dans cet espace central, il y a en effet la tradition démocrate-chrétienne. Celle qui n'a pu supporter dès l'origine le projet granguignolesque de Nicolas Sarkozy, et a donc rejoint le MoDem, et celle qui a supporté avec de moins en moins de résignement les errements de cette droite-là. Alain Lambert, à n'en pas douter, en fait partie, l'Nicolas a raison de le relever.
En revanche, le raccourci, c'est de limiter l'espace central couvert par Bayrou à la démocratie chrétienne. Il recouvre aussi assez largement celui de la deuxième gauche. Quand j'écoute Valls, Rocard, Delors, pour en citer quelques uns, ou encore Collomb, le maire de Lyon, sans adhérer à tout (notamment l'éducation), j'observe de fortes convergences.
Ce n'est pas tout : je discute souvent avec des électeurs socialistes, et je suis frappé de les voir tenir des raisonnements économiques et sociétaux qui ne déparereilleraient pas au MoDem. Et par conséquent, je comprends que la force de l'habitude les conduit à voter socialiste, mais, quelque part, il y a un problème d'empreinte.
Oui : d'empreinte. Je pense à un dialogue platonicien en disant cela, le Théétète. Théétète est un jeune Athénien qui aime la philosophie et il discute un jour avec le philosophe Socrate de ce qu'est l'ignorance. Socrate lui développe un long raisonnement pour démontrer que la nature humaine comporte une part immortelle, l'âme, capable de se souvenir de ses vies antérieures, et de discerner le vrai du faux, le bien du mal. Mais alors s'étonne Théétète, d'où provient l'erreur ? Simple répond Socrate : elle vient quand tu tentes d'appliquer une idée à une empreinte de l'âme qui ne convient pas.
Pour éclairer la lanterne de mes lecteurs, quand par exemple tu appliques une idée socialiste à une empreinte centriste et démocrate, tu te rends bien compte qu'il y a quelque chose qui cloche, mais tu n'arrives pas précisément à trouver quoi. Je pense qu'on est dans quelque chose de ce genre avec un bon quart de l'électorat de gauche...
Venons-en à mon compère Toréador. Il voit Sarkozy passer ric-rac au second tour de l'élection présidentielle parce qu'il analyse que les éventuels candidats socialistes sont tous des candidats de substitution. Je crois que Toréador sous-estime une chose et en oublie une autre
a) il sous-estime l'ampleur de l'échec de Nicolas Sarkozy sur ses propres thèmes de prédilection. Il n'y a plus ni rupture ni fracture sociale à faire valoir. Nicolas Sarkozy est cuit, et sur sa droite, où les électeurs du FN ne lui pardonneront pas le décalage entre ses discours et ses actes, et sur sa gauche au centre, où la rigueur démocrate-chrétienne a très mal supporté le bling-bling, l'absence de projet sérieux pour réduire notre endettement et le délitement de l'école.
b) Toréador oublie que la présidence française revient à la droite depuis 1995. 15 années. Il y a une usure inévitable. Rien ne peut empêcher la droite de perdre désormais.
Ce qu'il pourrait se passer, en revanche, c'est un second tour FN-PS. Hélas. Marine Le pen est une candidate de la réaction à peu près idéale :
- elle est propre sur soi (pas d'antisémitisme, peu de propos déplacés)
- elle reprend tous les thèmes nationalistes habituels (sécurité, immigration, souverainisme)
- elle est honnête (pas d'affaires, réputation de droiture)
Autant dire qu'on va avoir chaud. Très chaud.
Perso, si je soutiens la candidature de Bayrou, c'est que je pense que ce serait celui qui pourrait le plus facilement l'affronter.
- Son programme politique et économique est crédible. C'est même le seul qui le soit. Plusieurs reponsables politiques mais également plusieurs journalistes experts sur les questions économiques et politiques ne sont s'y pas trompés. Il y a, au sein de nos élites, tout de même des individus responsables qui ont très peur de voir notre pays aller dans le mur en chantant. C'est pour cela qu'ils regardent Bayrou avec espoir, parce que comme il le disait il y a un an, l'espoir qu'il représente est un espoir crédible.
- il est honnête (tradition démocrate-chrétienne). Il n'a jamais trempé dans la moindre affaire et sous son égide, aucune affaire n'est jamais venue secouer ni l'UDF ni le MoDem. De même, c'est un homme modeste qui, lorsqu'il vient à Paris, s'installe dans un petit deux pièces. Une sorte d'anti DSK/Sarkozy, en somme. Il a, d'ailleurs, la vieille aversion catholique pour le culte de l'argent.
- il est indépendant. Nul ne peut le lui contester. Aucune promesse de récompense, aucune menace, aucun sale coup ne l'a jamais fait taire ni accepter des compromis.
Sa difficulté, c'est qu'il lui faut convaincre, or, l'homme qui a écrit Abus de pouvoir, se défie des réseaux de pouvoir, ceux-là mêmes qui marquent de leur empreinte les esprits en France. Bayrou veut des soutiens, mais il ne veut pas de soutiens occultes. Là, il va avoir du mal, parce qu'il va devoir gagner non seulement contre ses adversaires politiques, mais aussi contre plusieurs réseaux de pouvoir à droite et à gauche.
Je suis un militant démocrate bien que d'obédience libérale. Alors évidemment, j'espère. Je ne sais pas ce que donnera l'élection présidentielle. Le plus probable, c'est un second tour Hollande-Sarkozy ou Hollande-Marine Le pen. Toutefois, je me refuse à admettre que l'histoire soit écrite, et je vais tenter de me battre jusqu'au bout pour offrir à mon pays une autre alternative que cette alternative convenue.
Probable n'est pas certain. Probable n'est que possible. S'il nous reste une chance, il faut la jouer jusqu'au bout, l'enjeu me semblant en valoir suffisamment la chandelle, puisque c'est ni plus ni moins l'avenir de notre pays.
Je soutiendrai donc François Bayrou jusqu'à mon dernier souffle.