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Bayrou - Page 27

  • Bayrou veut produire en France

    J'ai bien enregistré les trois priorités de François Bayrou et du MoDem, qui sont aussi les miennes :

    - bâtir la meilleure éducation du monde

    - promouvoir une Europe refondée

    - relocaliser l'industrie et les services en France.

    C'est le dernier point qui m'intéresse (les autres aussi, mais j'en reparlerai plus tard). Cela va être difficile. Très difficile. A l'heure actuelle, je ne vois que quatre leviers à actionner

    a) la fiscalité : en instaurant une TVA sociale, on réduit le poids du coût de la main d'oeuvre dans le prix total du produit. Inconvénient : les Français sont-ils prêts à en payer le prix car inévitablement une hausse des prix s'ensuivra, d'autant que pour être efficace, cette hausse de la TVA doit être relativement forte (minimum 5 points).

    b) les aides : beaucoup d'entreprises ont bénéficié d'aides parfois très importantes des collectivités ou de l'État quand elles se sont engagées à implanter des industries en France, créant en théorie des emplois. On peut appliquer le principe du remboursement intégral de toutes les aides apportées quand les engagements ne sont pas tenus, y compris celles issues de baisses de fiscalité dans les zones franches.

    c) les libéraux vont faire une crise cardiaque quand ils vont lire ce qui suit : re-créer des champions nationaux publics tels qu'il en a existé par le passé en France, avec évidemment force investissement. Cela correspond bien aux traditions planificatrices françaises, mais la Commission européenne va ruer dans les brancards si jamais les investissements de l'État dans les dites entreprises peuvent s'apparenter à des subventions cachées, et donc, aboutissent à fausser radicalement la concurrence.

    d) la voie fort risquée qu'indique Corine Lepage dans son Vivre autrement : une révolution pour promouvoir une industrie verte. Inconvénient : cela a un coût faramineux que je doute que notre état endetté puisse supporter, et on n'a aucune certitude absolue sur ce qui en sortira.

    Pas simple. Je sais que Bayrou travaille d'arrache-pied sur le sujet pour pouvoir proposer des solutions concrètes aux Français à l'aube de 2012. Une mission sénatoriale est également en cours sur le sujet depuis mai 2010, mais, à l'heure actuelle, elle est encore moins avancée que le MoDem.

    Mon sentiment, à l'heure actuelle, est que nous ne pouvons guère continuer à nous développer sans recycler. Les matières premières ne sont pas inépuisables, et leur valeur est sujette à de fortes variations ; en outre, elles nous maintiennent dans un état de dépendance géostratégique vis à vis de nations qui sont très loin de nous être bienveillantes.

    Une économie du recyclage allégerait au moins les coûts de transport, dans le calcul des coûts finaux, et générerait par son seul principe tout un espace de nouveaux emplois. Le problème, toutefois, est à mon avis relativement similaire à celui de la TVA sociale : il faut que le recyclage ne fasse pas piquer du nez nos porte-feuilles quand il faudra régler l'addition finale.

    A l'heure actuelle, nous n'en sommes qu'à une forme peu fonctionnelle et très primitive de recyclage, puisque nous nous contentons d'incinérer les déchets pour produire de l'énergie. Or, l'idée, ce serait de mettre en place tout un circuit économique pour chaque produit, du type "consigne", qui permettrait de tout recycler pour réutilisation. Pour que cela marche, il ne faut pas compter sur le civisme citoyen, mais il faut que les citoyens qui recyclent soit individuellement gagnants. C'est bien pour cela que j'évoque le principe de la consigne, idée qui a été un temps appliqué avec les consignes sur les bouteilles en verre, jusqu'à la fin des années 80 (on ramenait une bouteille et on recevait de l'argent en échange).

    C'est toute une organisation à penser en amont, et pas en aval. Le recyclage est coûteux, parce que les objets produits en amont ne sont pas (ou peu conçus) pour être facilement recyclables. C'est donc à la conception qu'il faut agir.

    In fine, il est nécessaire, pour que cela marche, de parvenir à un circuit économique où l'on recycle non parce que c'est écolo, mais tout simplement parce que c'est le plus rentable. 

    Si l'idée de la relocalisation c'est de produire sur place, ce que souhaite François Bayrou, à mon avis, le recyclage sur place des déchets en est une dimension importante. 

     

  • Comment lutter contre un FN dédiabolisé ?

    Variae pose en des termes qui me semblent fort justes le défi qui attendra les forces démocratiques dans les prochaines années, voire les prochains mois. Marine Le Pen accomplit à l'heure actuelle la mutation du Front National, comme l'ont fait avant elle les leaders de plusieurs partis d'extrême-droite en Europe. Le FN devient un parti populiste, débarrassé (du moins en apparence) de ses oripeaux fasciste, vichyste, intégriste, antisémite, et même raciste (au moins ouvertement)...

    L'exemple de la Hollande, de la Flandre, de l'Italie et plus récemment de la Suisse, montrent que populisme est soluble dans le système démocratique. Il n'en devient que plus difficile d'apporter une réponse politique aux incantations populistes.

    Comme le dit justement Variae, qu'est-ce qui distingue, au fond, la Droite populaire, désormais, du Front National ? Le cordon sanitaire a-t-il encore un sens ? Marine Le Pen, qui sait très bien ce qu'elle fait, s'apprête à achever la mutation de son parti en mettant au point un véritable programme de gouvernement. Si cette évolution se poursuit, on pourrait imaginer une explosion de l'UMP si les intentions de vote en faveur du FN se précisent. Il y aurait alors une explosion puis une recomposition du paysage politique. Christian Romain, qui commente de temps à autre mon blogue, mettait en garde il y a peu sur l'attitude qu'il convenait d'adopter face au programme du FN. Il ne s'agira plus dans l'avenir de hurler au nazisme, mais de débattre pied à pied sur chaque point du programme du Front National, tout en évitant de faire de ce dernier l'adversaire unique de toutes les autres formations politiques.

    Cette nouvelle donne attribue d'autant plus de force à ce que je disais hier à propos de mon parti : si l'espace central se resserre, il s'agira de présenter des propositions d'autant plus clivantes pour ne pas être confondus dans un même "tous pourris, tous incompétents, tous européistes" qui s'adresse généralement aux partis politiques de gouvernement.

    Être différents et le faire savoir est désormais un impératif pour exister. L'espoir crédible, l'alternative sont à ce prix. Je pense que Bayrou l'a compris, puisque son objectif, désormais, est d'imposer le débat d'idées dans la sphère médiatique (bon courage !!!...). Il reste désormais à construire et à convaincre en se gardant bien des pièges nombreux qui attendront le MoDem et son président sur son parcours.

  • Ouistes et Nonistes...

    Un commentaire récent d'un lecteur de ce blogue est l'occasion de faire une mise au point sur l'Europe et le TCE. Je le reproduis ici, tout en avertissant de mon clair désaccord avec les idées qu'il exprime. Je le commente au fur et à mesure.

    Petit conseil amical à F Bayrou : Mettez un peu de "nonisme" dans votre stratégie.[...]

    Non, surtout pas ! l'Europe est au coeur de l'ADN démocrate. Se déjuger maintenant reviendrait à briser le socle électoral qui reste à Bayrou.

    Je reviens avec un autre cri du coeur, tout en précisant que je n'ai pas la science infuse mais juste des choses à dire comme vous tous certainement et tant pis si parfois je m'emporte mais au moins cela sort et cela fait du bien en cet époque inique et bien triste. F. Bayrou est sur la bonne ligne depuis le début (indépendant, scrupuleusement républicain et intègre, en rupture avec le PS et l'UMP, humaniste et républicain rassembleur et terrien, exactement ce dont le pays à besoin) mais il s'enferme dans une souricière si il n'accepte pas de donner quelques gages aux 55% de citoyens français (de gauche comme de droite) qui ont voté NON au référendum sur la constitution neo-libérale européenne.

    a) le TCE n'était pas néo-libéral. b) le gage que Bayrou peut donner, c'est de soumettre les traités à l'approbation du peuple par référendum. Mais de lui demander de renoncer à ses convictions européennes, ce n'est pas pensable.

    Comment incarner la rupture si il colle au camps des OUiistes ? d'autant que ce camp explose et qu'il affiche complet (ils sont nombreux tant au PS, au centre droit, qu'a l'UMP à se disputer le camp minoritaire des 45% de ouiistes) et que le "système" veut nous vendre une alternance Sarkozy/DSK qui n'en est pas une (un libérale atlantiste face à un libérale atlantiste ou est le choix?). La preuve ? le seul à s'en être tiré un tant soit peu en 2007 c'est Sarkozy en ratissant une part des voix ....."nonistes de droite" (celle du FN). Le fond du pays n'en peux plus des délires neo-libérales du PS (depuis 83) et de l'UMP (depuis 2002 et la prise de pouvoir de la droite financière sur les gaullistes, comme par hasard l'année ou Bayrou s'éloigne de l'UMP).

    Il faut en finir avec les dérives d'un discours qui fait du libéralisme l'alpha et l'oméga de tous les malheurs du monde. En réalité, derrière chaque accusation, il y a la duplicité des États, quand ce sont des gouvernements qui s'expriment, et dans le cas contraire, des démagogues qui essaient de surfer sur une forme délitée alter-mondialisme. En ce qui concerne l'Atlantisme, une Europe forte est justement le meilleur rempart contre une dilution de notre indépendance et de notre identité. 

    Il faut bien reconnaitre que l'addition de la gauche caviar et de la droite bling bling (atlantistes toutes deux encore un hasard surement), est un peu dure à avaler pour un pays républicain dans l'âme et social (ce qui ne veux pas dire socialiste) comme le nôtre. Bref si F Bayrou veut incarner jusqu'au bout ce qu'il est, c'est à dire un républicain démocrate anti-système donc anti UMPS alors il doit aller plus loin...

    Je me défie de l'étendard républicain, même si Bayrou aime à le porter. Il sert trop souvent de cache-misère à tous les souverainistes qui prônent les idées les plus insensées et les plus inquiétantes (une sortie de l'euro, par exemple, qui ruinerait à l'évidence toute la classe moyenne comme l'observait avec justesse Bayrou dans le Figaro). En revanche, je suis bien d'accord pour estimer que gauche caviar et droite bling-bling convergent à plus d'un égard. Il faut toutefois rendre à César ce qui appartient à César. Les Socialistes français, au Parlement européen, se sont notablement démarqués de leur propre camp en de nombreuses circonstances quand les intérêts vitaux de la France étaient en jeu. On ne peut pas les accuser de brader notre pays, ce serait inexact. En revanche, mieux vaut ne pas regarder de trop près ce qu'ont accompli certains de leurs hiérarques, comme Pascal Lamy, par exemple, ou même parfois Delors, comme commissaire européen, ou plus simplement, les gouvernements socialistes...

    sinon il n'est pas ce qu'il prétend être car on ne peut être à la fois républicain et neo-libérale atlantiste (mes amis en phase avec les valeurs du CNR le savent bien) car ces valeurs sont incompatibles.

    Je récuse ce sophisme. On peut très bien être républicain, démocrate et atlantiste : c'était bien le cas de Lecanuet dans les années 60. Moi, je ne suis pas atlantiste, Bayrou non plus. Mais je refuse catégoriquement de me laisser enfermer dans une dialectique alter-mondialiste qui fait des USA l'alpha et l'oméga de tous les malheurs du monde. Quant au néo-libéralisme, c'est une terminologie fourre-tout qui permet de s'épargner les prémices d'une démonstration rigoureuse.

    Les citoyens républicains croient en un état citoyen capable de réguler les excès du libéralisme au nom de la justice sociale et des valeurs humaines alors que le neo-libéralisme veux un état le plus faible possible et que sont système prospère sur la dérégulation, l'inégalité croissante et les excès en tout genre (pulsions, égo, addictions, prédation).

    Je ne sais pas ce que veulent vraiment les néo-libéraux, mais dites-vous bien qu'à la notable exception de l'Irlande, 95% des pays du monde sont très étatistes avec des interventions très nombreuses à tous points de vue. Cela dit, on ne peut pas dire que l'absence d'état ait réussi à l'Irlande. Moi, je crois justement qu'il faut lutter contre l'étatisme et tous ses travers les plus pervers, justement au nom du libéralisme. Je ne sais pas ce que sont ces néo-libéraux dont on me rebat les oreilles, mais ce que je sais, c'est que les vrais libéraux sont choqués des licences que s'arrogent les États contre leurs propres citoyens. L'Amérique n'est pas un pays libéral, au demeurant. Il faut le dire une bonne fois pour toutes, que cela soit clair. Et Bush n'était pas un libéral, mais un ultra-conservateur. 

    On ne demande pas à F Bayrou de renier l'Europe, juste de reconnaitre que cette Europe là, trop longtemps inféodé aux idées neo-libérales US, aux lobbies et aux réseaux financiers est une catastrophe pour les citoyens et ses propres idéaux...

    Rien n'est plus faux. Il perdrait toute mon estime s'il obéissait à cette injonction. L'Europe lutte autrement plus sérieusement contre les dérapages de toutes sortes, à commencer par les ententes illicites et les monopoles que ne le fait n'importe quel autre état au monde. Demandez-en donc des nouvelles à Total, Microsoft ou plus récemment Google qui se sont pris dans les dents des amendes monumentales. Les exemples sont nombreux. C'est la première institution supra-nationale et la seule à essayer de protéger les citoyens justement contre les défauts de concurrence. S'il existe des lobbies au sein de l'Union européenne, ils font moins tache qu'en Amérique, et surtout, ils ne prospèrent que sur l'insuffisance des pouvoirs du Parlement européen. Voilà pourquoi le TCE voulait le renforcer, et voilà pourquoi le MoDem et Bayrou soutiennent avec vigueur le développement de ses pouvoirs.

    le mirage "fédérale-neo-libérale" est passé, l'Europe a une chance si elle se projète dans un vrai projet d'union de nations indépendantes mais soudées autour de grands projets de coopération et peut être d'un berceau social commun, une Europe indépendante des autres blocs (Chine et USA) capable d'élever la voix et de constituer une troisième force (quitte à nous rapprocher de la Russie si il le faut).

    De nations indépendantes ? Ce pourrait être un projet souverainiste, gaulliste, mais certainement pas démocrate ni centriste ni libéral. En ce qui concerne le berceau social commun, le MoDem y est favorable, et ses députés font tout ce qu'ils peuvent au Parlement européen pour tenter de le promouvoir. En ce qui concerne l'indépendance de l'Europe, mille fois oui : Marielle de Sarnez ne cesse d'y travailler, et c'est tout  fait la vision à long terme que Bayrou a de l'Europe.

    F Bayrou peut incarner cette synthèse, celle d'un vrai républicain européen mais pas "eurobéat", pétrie de valeurs humaines et inflexible, exigeant et indépendant, capable de reconnaitre les erreurs de l'Europe actuelle et de chercher une autre voie dans les pas du général de Gaulle (qui à payé cher le fait de dire non au dollars "papier" de 65 a 68... les "libéraux libertaires" à la solde - sans le savoir ou non - de l'empire neo-libéral ont tué dans l'oeuf son projet anti-dollar et ont ouvert la voie à G.Pompidou qui a reconnu le dollar papier dès 71, sans parler du 3 janvier 73 qui a changé notre destin à tous).

    Aujourd'hui, notre sauvegarde, c'est l'Euro. François Bayrou et Marielle de Sarnez l'ont bien compris. Voilà pourquoi ils le considèrent comme l'un de nos biens communs les plus précieux. Pour le protéger, il faut mutualiser nos forces, et, comme le dit Bayrou, placer les bisons les plus faibles au centre du troupeau, et les plus forts sur les côtés pour leur servir de garde-fous.

    Bref Bayrou a quelques précieux % à reprendre du coté des nonistes à condition qu'il remette de l'eau dans son vin européen, d'autant que le "clan" des ouiistes à bien du mal à convaincre et que le seuil d'accès au second tour sera bas en 2012.

    On ne peut pas convaincre quand on se renie. Bayrou est partisan de proposer un autre projet de traité, d'en rediscuter et de le passer au vote populaire, car il estime qu'on ne peut mener un peuple là où il ne veut pas aller contre son gré. Sur ce point, on peut lui faire confiance, il n'a qu'une parole et trop de respect pour les individus et les Français pour agir autrement. Mais jamais il ne se rangera aux arguments (souvent fallacieux) des nonistes, et il a bien raison.

    En face ? Villepin a commis une erreur, il est resté à l'UMP, il n'est donc pas indépendant, Borloo prend le même chemin, ceux là sont dans le clan des ouiistes neo-libéraux, difficile de faire croire qu'ils changeront la donne. Marine le Pen est certes de l'autre coté (noniste) mais elle ne gagnera jamais au second tour (trop clivante et sans expérience). En clair le seul candidat anti-système, affichant des valeurs républicaines et capable de gagner au second tour est..François Bayrou, l'UMP le sait depuis longtemps, le PS aussi d'ou le déluge de quolibet et de mépris qu'il reçoit des deux cotés.

    Oui, il est anti-système, c'est clair : tout simplement parce qu'il est droit et intègre et quand il dit quelque chose, il le fait, contrairement aux Socialistes et à l'UMP. Il est anti-système parce qu'il se refuse à sacrifier une certaine idée de la France, ce que font en douce Socialistes et UMP, l'air de rien. Mais contrairement aux nonistes, il juge que l'Europe peut protéger cette idée de la France et que la construction européenne et cette France-là ne sont pas antinomiques. Les Socialistes, au contraire, sont parfaitement prêts à sacrifier la France sur l'autel du progrès "européen", et l'UMP sur celui de marchés faisandés, européens ou non. Ce n'est pas une fatalité.  

    Si le béarnais est capable de fédérer quelques nonistes alors il disposera d'un réservoir lui permettant d'atteindre le seuil fatidique des 20%/22% susceptible de lui ouvrir les portes du second tour et donc la victoire (en 2007 il était parti de 6% pour atteindre les 18%, cette fois il partira de 8% a 10% !). François Bayrou doit envoyer un message au nonistes c'est l'une des conditions de sa réussite de 2012. bien à vous tous amis républicains de gauche comme de droite. Un citoyen comme les autres.

    Vous êtes bien optimiste si vous pensez que 2012 peut se jouer sur la construction européenne. Bayrou peut promettre de ne pas mentir aux Français. Le message qu'il peut faire valoir c'est qu'il ne lâchera pas la France pour des chimères, ce que les autres parti pro-européens sont prêts à faire sans concessions ni questions. Mais renoncer à l'Europe, c'est inenvisageable.

  • Bayrou, je le kiffe...

    J'ai trouvé très sympa ce témoignage, sur le bondy blog, d'une jeune policière, à propos des diverses personnalités politiques qu'elle a pu croiser. Bayrou, par exemple (citation) :

    Et François Bayrou, le président du Modem ? Bayrou, je le kiffe. Qu’il soit à la bourre ou en avance, il est toujours le même. Il va vers les gens. Limite si tu ne le tutoies pas. Il est très agréable. A l’aéroport où je travaille, tout le monde le kiffe. Les hôtesses de l’air d’Aire France, je ne t’en parle même pas… La première fois que je l’ai vu, il était à la bourre. C’était il y a huit mois je crois. Je suis allée le chercher à sa voiture, au niveau des départs. Il était avec son garde du corps armé, un grand Antillais, lui aussi adorable. Bayrou était souriant. Son « bonjour mademoiselle » est sincère. Il te pose des questions sur les conditions de ton travail, il te demande si « tout se passe bien ». Un moment donné, lorsqu’on est entré dans l’aéroport, il a entouré mon épaule de son bras. Sur le coup, je n’ai pas compris ce qu’il était en train de faire, mais ça m’a trop fait kiffer. On a traversé le hall jusqu’au PIF (poste d’installation filtrage). Ensuite je l’ai monté au salon Air France, un salon VIP. Il m’a remerciée. Il a égayé ma journée.

    J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer Bayrou une fois. Je reconnais assez le personnage, et cela correspond aussi à ce que me disent ceux qui ont eu l'occasion de le croiser. 

    Je crois que ce contact avec nous, Français ordinaires, il aime ça. Ce n'est pas un homme de salon et de clubs (je ne pense pas qu'il s'y sente à l'aise) mais vraiment de contact avec les vrais gens.

  • La Quadrature du centre

    Les sondages convergent en direction d'une centrisation de l'électorat français : Borloo, Bayrou, Villepin, une part de l'électorat d'Éva Joly et même, finalement, une portion des intentions de vote vers DSK.

    Près de 25% des voix se portant vers des voix centristes, c'est loin d'être négligeable. La difficulté, c'est qu'il n'existe pas de centre constitué en force autonome, à l'exception du MoDem. Mais le MoDem ne peut être à lui seul le réceptacle de l'expression centriste, et d'ailleurs, sur l'échiquier politique, 15% des Français seulement se réclament du centre. Pas que les autres se reconnaissent dans la gauche ou la droite, mais plutôt qu'un bon tiers ne se retrouve pas dans les clivages traditionnels, intégrassent-ils le centre désormais.

    Je ne sais pas si Dominique de Villepin est un candidat centriste. Mais pour Borloo, s'il se présentait, cela ne ferait pas de doute qu'il évoluerait dans la sphère centriste, quand bien même s'est-il compromis, à mes yeux, avec les dérives sarkozystes.

    Je pense que DSK, s'il choisit de représenter la gauche , va devoir gérer l'abyssale contradiction qui fracture la gauche depuis plusieurs années. On a en France une gauche qui en pince encore pour la vulgate marxiste dans ses discours, tout du moins, et qui envisage en même temps de choisir le directeur du FMI pour champion.

    A droite, on croit que ce paradoxe-là pourrait être rédhibitoire pour DSK. Moi, je n'exclus pas du tout que DSK soit élu président de la France sur un quiproquo, ou, en tout cas, un malentendu.

    Bref, il ne faut pas rêver à un échec de la gauche sur la base des divisions qui la minent. 

    Pour cette raison, le centre va devoir se démarquer. Isolés, nous n'y réussirons pas. Ni Bayrou, aussi grands soient les mérites du personnage, ni Borloo, quelle que soit sa popularité, ne peuvent y arriver tous seuls. Je plussoie pleinement Jean Arthuis rêvant d'une confédération centriste portant sur les fonds baptismaux une candidature unique. Cette candidature, au demeurant, pour qu'elle soit comprise par les électorats, aurait à prendre la forme d'un ticket.

    On ne peut pas s'allier avec Éva Joly et ses décroissants, et d'ailleurs, ils ne le souhaitent pas. De toutes façons, Éva Joly n'est ni une candidate centriste ni une candidate verte, c'est une candidate de gauche, et les Verts le revendiquent clairement. 

    Je ne suis pas convaincu que Dominique de Villepin soit vraiment un centriste, mais, si le rassemblement doit être grand, et même si pour ma part je le situe à droite, il peut avoir vocation à rejoindre un axe centriste.

    J'ai confiance que l'Alliance Centriste, dont c'est la raison même d'exister, rejoindrait une grande alliance...centriste !

    Il reste le cas du Nouveau Centre. Ce n'est pas un parti centriste. C'est un parti de droite. Mais certains de ses membres peuvent se retrouver aisément dans  la grande alliance à laquelle je songe. N'excluons pas la droite modérée de notre quadrature.

    Pour ma part, je serais prêt à voter pour un ticket Bayrou-Borloo quel que soit son ordre, à condition que le programme de ce ticket s'inspire des valeurs humanistes, libérales et démocrates-chrétiennes, qu'il présente un clivage fort avec ceux de la droite et de la gauche, qu'il soit indépendant, et qu'il porte les thèmes et les idées qui me sont chers :

    - excellence de l'éducation et liberté pédagogique des communautés éducatives

    - relocalisation et réindustrialisation de la France.

    - réforme des retraites (retraites à points, comptes notionnels)

    - réforme de la fiscalité (progressivité accrue, suppression des niches, de l'ISF, du Bouclier et mise en place d'un impôt limité sur le patrimoine hors résidences principales).

    - politique culturelle forte, notamment par une relance énergique de la francophonie dans toutes les agences culturelles

    - diplomatie résolument orientée vers une européanisation de notre diplomatie, y compris en procédant par cercles concentriques des bonnes volontés, pour construire l'Europe à laquelle nous aspirons.

    - indépendance véritable de la justice

    - réforme de notre système électoral et introduction d'une dose réelle de proportionnelle.

    Voilà quelle serait l'ébauche des grandes lignes qui devraient inspirer à mes yeux un grand programme centriste. Non un programme à mi-chemin de la droite et de la gauche, mais un programme de rupture, volontariste et novateur.

  • Hervé Morin et le boomerang des commissions légales (Karachigate)

    C'est un principe bien connu chez les Aborigènes en Australie, le boomerang quand on l'envoie, si on ne fait pas gaffe, ils vous revient dans la gueule.

    Dans nos sociétés modernes, quand tu balances un  glaviot bien vert par la fenêtre de ta portière de voiture, fais gaffe à cracher plus vite que le vent sinon tu te le prends à la tronche.

    Le minable SCUD d'Hervé Morin a entraîné un certain nombre de discussions sur ce blogue et entre autres les commentaires d'un journaliste politique expert du journal La Croix, Laurent de Boissieu, qui tient aussi un blogue personnel.

    Voici le commentaire qu'il a laissé : 

    Continuant à ajouter des précisions sur la note de mon blog, j'ai relu les travaux de la mission d'information parlementaire sur les circonstances entourant l'attentat de Karachi, et je suis tombé sur un passage qui ne manquera pas de vous intéresser:

    "M. François Léotard, ministre de la défense lors de la principale phase de négociation du contrat, a confirmé ne pas avoir eu connaissance de la négociation des FCE, compte tenu de ses multiples responsabilités. M. Léotard a indiqué savoir que des intermédiaires étaient reçus au ministère de la défense mais que: «c'étaient les membres de mon cabinet (François Lépine, directeur du cabinet, Hervé Morin, Renaud Donnedieu de Vabres, le général Mercier) qui les recevaient»".

    FCE: "frais commerciaux exceptionnels", les fameuses commissions, légales à l'époque.

    Ben voilà. Je pense qu'Hervé Morin est clairement mieux placé que François Bayrou pour donner des éléments qui permettront au grand public les tenants et les aboutissants de cette histoire de sous-marins, de commissions et de rétro-commissions.

  • Karachigate, le SCUD minable d'Hervé Morin

    Hervé Morin est un quasi-inconnu en France : il a beau avoir été Ministre de la Défense, on ignore qui il est, et quand on ne l'ignore pas, on se fiche bien qu'il ait disparu du gouvernement, il ne servait de toutes façons à rien.

    François Bayrou a demandé une levée du secret-défense à propos de l'affaire des attentats de Karachi. Il s'agit de savoir si cet attentant est des représailles déguisées à la cessation de paiement de commissions et de rétro-commission à des dignitaires pakistanais en échange de la conclusion d'achats de sous-marins.

    Il se dit que certaines de ces rétro-commissions auraient servi à financer la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995.

    Hervé Morin a sous-entendu que puisque l'UDF avait à l'époque soutenu Balladur, les membres les plus éminents de l'UDF n'ignoraient rien des fonds qui servaient à financer cette campagne et fait observer que François Bayrou était alors président du CDS, l'une des composantes de l'UDF de l'époque.

    Eh ben va-s-y mon gars : crache ton venin minable pour tenter de déconsidérer François, à l'évidence au-dessus de tout soupçon. On peut dire que l'UDF a été assainie complètement, dans les années 90, à la venue de François à la tête de l'UDF en 1997 : s'il y avait bien des pratiques qu'il ne tolérait pas, c'étaient les magouilles de toutes sortes.

    Maintenant, je le prends au mot, le Morin : apparemment il sait des choses, puisqu'il le dit lui-même. Eh bien qu'il témoigne, que les Français soient édifiés. Comme l'a dit François, il en a trop dit ou pas assez.

    Ce mec-là veut exister à tout prix ? Oh, eh bien il va exister, mais je ne suis pas certain qu'il soit gagnant. Parce que s'il sait des choses et qu'il l'ouvre maintenant, pas certain qu'il soit très futé de sa part de faire le vertueux... Melclalex fait le malin en réduisant la chose à une querelle de centristes, moi, j'y vois quelque chose de plus grave et de plus sale, car il s'agit bien d'une manoeuvre pour tenter d'impliquer malgré lui quelqu'un qui n'est comptable d'aucune faute. Une sorte de Clearstream à la Morin, en somme. Et c'est à ce gars-là que tu fais confiance, JP ?

  • Ah, les centristes de la majorité...

    Ouais. Les "centristes" de la majorité, comme on entend çà et là. Les centristes et la droite, quoi. Je ne veux pas être sarcastique, Dieu sait si j'en ai rêvé, moi, d'un rassemblement de centristes, mais objectivement, pourquoi tous ces gars-là cherchent à se recomposer ? Parce qu'ils n'ont pas obtenu de maroquins dans le nouveau gouvernement. C'est tout.

    Bayrou, lui, au moins, on sait que c'est sur des bases philosophiques et programmatiques, qu'il n' a pas voulu la rejoindre, cette majorité : ce n'est pas une question de pouvoir ou de nonos à ronger. 

    Comment voulez-vous que je fasse confiance à ces centristes-là dont la seule ambition semble de désirer des ministères. Des ministères ? Mais pour faire quoi, les amis, si vous vous couchez devant toutes les réformes de Nicolas Sarkozy comme vous l'avez fait depuis trois ans, même les plus iniques ? Même les plus absurdes ?

    Le MoDem a bien des travers, mais lui qu'on a accusé d'être fluctuant, a finalement, tout comme Bayrou, son président, toujours maintenu une ligne indépendante, et somme toute, claire, au niveau des idées. Qui peut en dire autant de l'autre côté de la rive ?

    Moi, je crois qu'une réunification pourrait être possible, mais si les "centristes de la majorité" déclarent d'ores et déjà qu'ils ne cherchent qu'à apporter une valeur ajoutée à la majorité actuelle, ce n'est pas la peine.

    Le but du centre, ce n'est pas de servir de faire-valoir, mais de servir de force d'attraction, comme voulait le faire Bayrou en 2007 qui rêvait de faire travailler ensemble Borloo et DSK.

    Tant que tous les centristes ne seront pas sur cette ligne-là, qui nous aime nous suive, c'est peine perdue, il n'y aura pas de force centriste digne de ce nom. Ouais, moi aussi je rêve d'un centre, mais pour l'instant, cela reste du domaine de l'onirisme...

  • MoDem, de l'incantation à l'action

    J'ai entendu avec espoir François Bayrou parler récemment d'espoir crédible pour évoquer le type d'opposition qu'il entend incarner. C'est un langage qui m'a plu. La mise en place d'un shadow cabinet il y a un mois est aussi une saine démarche qui va dans le bon sens.

    Mais il faut aller plus loin : il faut remettre à plat le fameux projet humaniste et dépasser le niveau de la déclaration d'intention et du lieu commun. Or, au MoDem, nous en sommes encore là.

    Il s'agit de faire des propositions chiffrées et réalistes et de s'engager sur des axes de réflexion majeurs.

    - la défense des libertés, à commencer par les libertés économiques, par exemple ; seulement, il s'agit d'être large. D'évoquer les rigidités que génèrent notre absence de flexibilité dans le droit du travail, particulièrement dans la fonction publique, mais de défendre dans le même temps le citoyen-consommateur trop souvent à la merci d'une entreprise dont l'état se fait d'autant plus complice qu'elle est plus grosse. Les Class Actions devraient figurer en tête de gondole dans le super-marché de nos idées au rayon libertés économiques. 

    - la relocalisation de nos industries. Commencer par ne pas transférer massivement nos technologies à la Chine serait un premier pas. Après, c'est toute une organisation du travail et une réflexion sur l'urbanisation et les moyens de communication qui est à mener. A cela peut s'ajouter l'arme fiscale qui aplanit le profit de chaque entreprise dans la part du coût d'un produit.

    - une réflexion globale sur l'écologie en prenant garde de ne pas glisser dans l'ornière grossière des apparences. Sans rentrer dans les outrances d'Intox2007, force est de constater qu'il pose des questions pertinentes sur la fameuse croissance verte. Il devrait d'ailleurs en parler à ses futurs alliés verts ou du Parti de Gauche... Une fiscalité blanche comme l'entend Yann Werhling dans une tribune récente me paraît une bonne piste, puisqu'elle permet de ne pas ajouter de nouveaux impôts, mais de les répartir simplement différemment.

    - lutter contre les discriminations. Je ne parle pas de la discrimination positive ni de toutes les imbécillités similaires, mais ce qui fait que, dans ce pays, quand on naît de rien, on n'aboutit à rien. Pourquoi ne se produit-il pas, comme en Amérique ou en Angleterre, qu'une personnalité issu d'un milieu modeste ou moyen puisse faire fortune ? En France, le pouvoir et la richesse ne se transmettent que de puissant à puissant. A nous de trouver la parade sans tomber dans l'égalitarisme débilitant dont la gauche ne parvient pas à se défaire. En île de France, François Bayrou avait choisi, aux Régionales, de faire d'un chef d'entreprise issu de la banlieue la tête de liste du MoDem. A des personnalités comme Alain Dolium, nous devrions dérouler des tapis rouges. Ce sont ces individus-là qui nous intéressent, partis de pas grand chose, mais ayant gravi les échelons.

    - et puisque la France attache tellement d'importance à ses diplômes nous devrions porter d'autant plus d'attention à l'école ; non en s'alignant bassement sur les positions exprimées au PS et à l'UMP, à la remorque des effets de mode (les rythmes scolaires) mais en écoutant des spécialistes qui tirent la sonnette d'alarme depuis fort longtemps. Est-ce que le MoDem est encore capable d'audace ? Est-ce que le MoDem est capable de prier Natacha Polony de devenir sa conseillère spéciale sur les questions d'éducation et de reprendre une partie de ses propositions ? Collège unique, collège inique, scandait François Bayrou en 1993 : alors François, qu'est-ce que tu attends ? Commence par rayer le programme du MoDem, et écris, avec l'avis de gens impliqués un programme de rupture sur l'éducation, ce qui suppose évidemment de ne pas s'appuyer que sur des individus issus du sérail.

    - sur la dette, faisons comme nos amis lib-dems : disons ce que nous prévoyons de faire avec un programme chiffré et précis. 

    - les retraites, nous avons été clairs, mais mal entendus : nous défendons l'idée d'un système à points, voire de comptes notionnels. Allons jusqu'au bout et établissons un document technique qui définit les points que nous pouvons gagner pour chaque profession. Expliquons comment nous allons parvenir à mettre d'accord entre elles toutes les caisses de retraites pour adhérer à un tel système, car ce serait aussi un gros enjeu d'une telle réforme.

    Bref, j'ai défendu le Projet Humaniste, mais toujours à contre-coeur. Ce n'est pas un programme. C'est un catalogue d'intentions, et, de surcroît, certaines d'ente elles me déplaisent carrément. Remettons-le complètement à plat et dessinons un programme politique digne de ce nom, c'est à dire un programme de gouvernement. Je ne fais ici que tracer les débuts d'une feuille de route, mais je crois ne pas me tromper en montrant du doigt cette voie.

    Je rappelle, pour ma part, que j'avais entamé une réflexion avec le groupe Fondation sur googlegroups ; je transfère les premières propositions petit à petit sur e-democrate sous le nom de César Borgia. Il s'agit de reprendre le Projet Humaniste section par section et de l'amender.

    Allez François, il nous faut des espoirs crédibles, désormais !

  • Du centre au tiers-état

    Un débat s'est engagé chez Thierry Crouzet, à l'issue de la publication de son ouvrage : la tune dans le caniveau. J'ai attaqué assez rudement les thèses (encore à l'état d'ébauche) qui figurent dans l'ouvrage, mais elles méritent un véritable débat. Je recommande d'ailleurs vivement la lecture de cette nouvelle d'anticipation.Comme je l'ai déjà dit, j'aime bien le papier quand je lis, et même si j'ai lu sur Internet le livre, je viens de procéder à l'instant même à l'achat du livre papier chez la cOOp.org. Indépendamment des thèses évoquées, le livre est d'abord un récit fort bien écrit qui ne manquera pas de faire rire certains lecteurs, bien qu'il n'ait pas pour objet premier d'être comique. La vision des gauchistes en furie scandant "riche ! Riche ! Riche" n'est pas sans rappeler les rassemblements de révolutionnaires dans l'Éducation sentimentale de Gustave Flaubert. Sans doute les préoccupations d'Extase ne sont-elles pas les mêmes que celles de Frédéric, mais c'est bien un Paris en proie au désordre et à l'agitation que les deux héros traversent. Réminiscence ? Peut-être. Seul Thierry Crouzet le sait. Dans le livre de Flaubert, les révolutionnaires applaudissent dans une grande salle un discours prononcé entièrement en espagnol, auquel ils ne comprennent goutte. Les gauchistes grévistes de Crouzet m'ont quelque peu fait penser à ces républicains en herbe...

    L'idée qu'il y a un ailleurs dans la sphère sociale et politique est un idée qui a émergé depuis quelques années. Les premiers à s'en saisir ont sans doute été les associatifs, mais le plus puissant vecteur, en France, de cette idée nouvelle, a été, à n'en pas douter, en 2007, François Bayrou. 

    L'idée de François Bayrou, en 2007, était de considérer qu'il existait toute une frange de la population qui ne se reconnaissait pas dans le clivage droite-gauche, à l'instar du Tiers-État avec la noblesse et le clergé peut avant la Révolution française. Celle de Thierry Crouzet, un peu plus complexe, est d'estimer qu'il existe une catégorie de citoyens pas identifiables ni insérables dans les structures de pouvoir de la société humaine.

    Thierry Crouzet juge que ces inclassables sont le moteur de l'évolution future de l'humanité : non qu'ils soient majoritaires dans la société, mais parce qu'ils exercent un pouvoir d'attraction. Il observe que l'évolution du monde (au moins occidental, du moins) dans lequel nous vivons, pousse vers toujours plus d'individuation. Or, ces inclassables sont ce qu'ils sont en raison de leur réfraction à toute tentative d'intégration dans un modèle. Ces inclassables, parfois des oubliés, ce sont ceux dont Bayrou a voulu se faire le porte-parole en 2012 avec l'idée non pas qu'ils étaient le Centre en tant qu'entité politique à mi-chemin de la droite et de la gauche, mais le centre de la sphère politique, avec un raisonnement assez proche de celui de Thierry Crouzet.

    Toutefois, cette individuation croissante s'accommode mal de l'élection présidentielle, centrée sur un seul homme. Tout l'effort du MoDem à sa création a justement été de tenter d'appliquer les thèses que Thierry Crouzet développe : intelligence collective, action politique sur le mode coopérative.

    C'est cette idée que je veux battre en brèche, parce qu'elle conduit droit à l'impasse. Depuis les débuts du MoDem, je l'ai combattue, parfois férocement, toujours avec constance.

    Si je concède à Thierry Crouzet très volontiers l'individuation croissante de la société, j'y vois d'abord, et en premier lieu, un effet direct du modèle que constituent nos démocraties marchandes. Comme l'avait supposé Tocqueville dans sa Démocratie en Amérique, la société démocratique se morcelle toujours plus au fil du temps, ses citoyens se repliant au fil du temps dans la sphère privée.

    Je ne vois en aucun cas comment des intérêts divergents (parfois opposés) pourraient se regrouper pour faire émerger une troisième force. Thierry Crouzet brandit l'intelligence collective comme une force immanente comme si elle pouvait se constituer comme à la fois une et multiple ; la Tune dans le Caniveau est pourtant exemplaire à cet égard : Noam peine à convaincre, et les excités qui se dressent face à lui finissent par lâcher des rafales de pistolet-mitrailleur dans sa direction.

    Extase fulmine contre Noam quand elle réalise qu'elle a été trompée et que ce dernier est devenu un doppelgänger.

    Dans le folklore, le doppelgänger n'a pas d'ombre et son image n'est pas reflétée par un miroir ou l'eau. Il est supposé donner des conseils à la personne qu'il imite, mais ces conseils peuvent induire en erreur et être malintentionnés. Ils peuvent aussi en de rares occasions semer la confusion en apparaissant devant les amis et proches de leur victime ou en induisant des idées dans l'esprit de leur victime (Source, Wikipedia).

    Oui, l'individuation augmente, mais chaque individu ne peut se faire porteur à lui seul d'une parole ou d'actions qui se voudraient collectives. En réalité, l'individuation est à la fois une chance et une menace pour nos démocraties. Une chance parce qu'elle est une possibilité de renouvellement (mais pas auto-induite !), un danger parce qu'elle contribue à la désintégration du corps social.

    Toute la difficulté est de trouver les structures qui permettront de canaliser cette force protéiforme. Si le Centre, comme entité politique, a paru le réceptacle naturel de ce mouvement, c'est d'abord parce qu'il recèle une longue tradition de défense de l'individu et de mise en avant de la liberté. Ce n'est donc pas tout à fait un hasard qu'il refasse surface en même temps que cette tendance de fond. Ceci ne fait pas pour autant de tous les inclassables des centristes, ni des libéraux. Mais ils ont en commun la défense de leur identité. On peut comparer à cela le programme politique du MoDem dont l'introduction suggère de libérer toutes les initiatives, quelles qu'elles soient (entrepreneurs, artistes, associatifs, chercheurs, et cetera...).

    Je n'ai pas de solution-miracle, mais je crois qu'il y a dans le projet de Crouzet une contradiction profonde : d'un côté, la volonté de libérer les identités, et c'est tout le sens de l'appel de Noam, mais de l'autre, un détour vers une certaine forme de basisme ; maladie infantile du communisme, observaient avec acuité les Soviétiques à la fin des années 60. L'intelligence collective de Thierry Crouzet me fait penser au Noûs (νοῦς) d'Anaxagore, le philosophe et aux critiques que lui adressa alors Socrate qui cessa d'être son disciple  dans le Phédon (97d sqq) : tout enthousiaste à la suite d'une lecture publique des théories d'Anaxagore, Socrate pensa avoir trouvé enfin LE livre qui lui permettrait de découvrir la finalité des choses. Il dut déchanter. L' Intelligence d'Anaxagore, pas plus que celle de Thierry Crouzet, n'a 'intention, de projet ou de programme; elle ne vise rien. En somme c'est une Intelligence aveugle.

    Pour ne pas demeurer sur une note excessivement négative (car à mes yeux, Thierry Crouzet a fait une moitié du chemin, l'autre demeurant encore à découvrir), j'ai choisi le passage que j'ai jugé le plus délicieux ; paroles d'Extase qui inscrivent Crouzet dans l'idéal de modération et de mesure longtemps porté par les sagesses pratiques antiques (Stoïciens, Épicuriens, Cyniques, Aristotéliciens), et certainement traduites dans le domaine politique par la mouvance centriste (UDF, MoDem, Alliance Centriste, parfois Nouveau Centre) :

    Extase savait que le bonheur était aussi contagieux que la haine. Seule une société d’andouilles pouvait être franchement heureuse ou malheureuse.