Quand je je considère la "performance" du MoDem lors de ces élections, et, plus largement dans son ensemble la campagne, j'ai le sentiment que ce qui nous a manqué avant toutes choses, c'est un clivage fort avec le reste des autres forces politiques sur les idées. C'est ce qui se disait dans un fil dont je ne parviens plus à retrouver l'url exact sur le passionnant forum démocrate Démos (un endroit où il y a des débats de qualité, et à bâtons rompus, bref, une référence). L'usager "raimo" y évoquait notamment la nécessité de frapper des coups percutants. Entendons-nous, être percutant, ce n'est pas faire de l'agit-prop d'un jour, mais bien avoir une idée qui détone dans l'atmosphère générale.
On accuse Bayrou, à nouveau, de ne songer qu'à son destin présidentiel : pour le compte, c'est injuste, cette fois. Objectivement, il ne s'est pas trompé d'élection, simplement, le MoDem a pris un gros risque en présentant des candidats sans épaisseur politique, non qu'ils ne fussent courageux et déterminés, mais plutôt qu'ils ont manqué d'une notoriété certaine.
Il faut bien comprendre que prendre ce risque ne rapporte pas une voix. Au contraire, cela en fait perdre. Ce n'est donc pas un choix politique, mais un choix éthique. Toutefois, pour engager un parti dans cette voie périlleuse, il faut soit avoir le vent en poupe, comme Europe écologie, soit bénéficier d'une étiquette sûre (PS, UMP) soit vraiment avoir quelque chose à dire de très intéressant qui vous démarque des autres. Et même ainsi, cela peut rater. A preuve le NPA qui a voulu jouer la carte du communautarisme avec sa candidate voilée et qui s'est pris ainsi un méchant retour de bâton.
Le MoDem avait quelques idées plutôt originales, sans, toutefois, que chacune cassât une brique. On pouvait y compter la relocalisation industrielle dont Bayrou a essayé de se faire le porteur ou encore le rôle particulier de l'entreprise vis à vis de l'apprentissage. Mais globalement, ce qu'on a senti, sans grand enthousiasme pour plusieurs militants, je le suppose, c'est que le MoDem cherchait surtout (comme tout le monde) à marcher dans les traces des écologistes, tentait de ménager la gauche en vue de négocier des accords (Azouz Begag faisant l'apologie de Queyranne, Alain Dolium précisant qu'il avait voté Jospin en 2002 et attaquant principalement l'UMP), le tout sans grande conviction.
On ne gagne jamais à copier autrui. Un sondage réalisé au cours de l'automne avait pourtant été clair : les Français souhaitaient que le MoDem développe un projet original, qui lui soit propre, et emprunte une voie autre que celle que la gauche trace. Avertissements sans frais dont il n'a été tenu nul compte. Bayrou aurait du se méfier : il ne fallait pas parler des alliances que nous ferions ou non et surtout pas annoncer exclure radicalement l'UMP même si dans les faits, ce pouvait être le cas. Mieux valait se préoccuper de ce que nous pouvions proposer de mieux et de différent. C'est personnellement ce que j'ai tenté de mettre en valeur chaque fois que je l'ai pu tout au long de cette campagne.
Il ne nous reste plus qu'un tiers de cantonale et la présidentielle (et donc les législatives avec) pour tenter de créer cet indispensable clivage. D'ores et déjà, le fameux projet humaniste ne présente pas à mes yeux de lignes de fracture avec les autres partis politiques, et d'ailleurs, la presse politique l'a jugé socialo-compatible.
Il faudra donc l'amender très fortement (je pense à la partie éducation, par exemple, digne d'un syndicaliste du SGEN). Le tiers de cantonale a lieu en 2011 : il pourrait servir de ballon d'essai, à condition de tenir la campagne à fond et d'avoir des idées fortes à mettre en valeur à ce moment-là.