Un article de Démocratix a attiré mon attention : il évoque le stress des blogueurs. Il renvoie en fait à un autre article, paru, lui, chez Rue89. J'y lis aussi bien dans l'un que dans l'autre beaucoup de choses intéressantes, certaines que j'ai rencontrées, d'autres qui m'étonnent. Mourir une souris à la main. Bon. Pourquoi pas, après tout : il faut bien mourir de quelque chose...
C'est vrai, parfois, que je peux stresser pour quelques uns des motifs évoqués par Démocratix ou par Rue89, mais je pense que ce n'est pas spécifique aux blogs, et d'ailleurs, Démocratix inclut à raison les forums. Je pense que c'est plutôt le propre de la relation humaine. En réalité, un blogueur, jusqu'à un certain point, s'expose publiquement, fût-il dissimulé derrière un pseudonyme, et, à cet égard, est amené à devoir gérer une très grande multiplicité de relations humaines dans toute leur diversité. Tout dépend évidemment de l'influence, des enjeux et de la fréquentation du blog, ainsi que de l'attitude du blogueur face aux commentateurs.
Le terme de stress recoupe certainement une large amplitude sémantique et avec, toute la palette des émotions de rejet. Est-ce un hasard si le plus fameux des blogueurs français a décidé, il y a un an, de cesser de publier sur son blog. L'ambiguïté, c'est que le blog, c'est à la fois un stress et une addiction. Il a tenu jusqu'à mars 2009, puis il a finalement ouvert un autre blog. Je crois qu'il en avait assez des histoires d'influence, de la concurrence, des jugements de valeur. Il aspirait simplement à discuter tranquillement avec son public, comme un britannique à l'heure du thé, c'est à dire dans la sérénité et en tournant un certain nombre de fois la cuillère dans sa tasse de thé. Sa synthèse, six années après, est d'ailleurs édifiante. Comme je ne veux pas troubler sa tranquilité retrouvée, je ne prononce pas son nom. Resquiescat in pace. Pas de pot, toutefois, wikio a fini par retrouver sa trace et a référencé son nouveau blog...
Un autre blogueur fameux, contemporain du précédent, a trouvé à son tour la paix de l'âme en demandant son exclusion du classement wikio. Il va mieux maintenant. Tant mieux.
Certains disparaissent apparemment corps et âmes pour ressusciter quelques mois plus tard. Sous un autre nom. Lassitude ? Fatigue ? Coup de pompe ? Déprime ? Allez savoir.
Comme je suis respectueux de ceux dont les voix chères se sont tues, comme dirait Verlaine ( qu'est-ce que j'aime ce rêve familier), je ne dirai rien de ceux qui reposent à jamais dans le cimetière des blogs.
Et moi alors ? Eh oui, puisque le Moi, c'est l'axe de rotation du Blog, ce petit monde autour duquel tout tourne. Comme Harpagon : je contemple mon graphe de visites, faisant retentir chacune d'entre elles comme autant de piécettes sonnantes et trébuchantes. Je surveille anxieusement mon wikio labs backlink, vérifiant à chaque heure l'éventuelle venue d'un nouveau lien. Et le 05 de chaque mois, j'attends le coeur battant le nouveau classement wikio.
Non, sérieusement, vous le croyez ? En fait, ce qui me stresse, actuellement, c'est que je me suis juré de parvenir à écrire une mise à jour du programme du MoDem avant le Congrès programmatique de l'automne qu'a annoncé Marielle de Sarnez ; et j'ai la trouille parce que c'est un boulot de synthèse et de relecture phénoménal et que je sens bien que je n'y arriverai pas tout seul...
Cela dit, quand je veux redescendre les pieds sur terre, c'est assez simple : je pense à tous ces pauvres gars et toutes ces pauvres nanas qui perdent tous les jours leur boulot alors qu'ils ont encore les traites de leur maison à payer et plusieurs enfants à élever. Et là, je me dis que je suis vraiment un privilégié de pouvoir stresser pour aussi peu. Et quand d'un regard, j'embrasse le vaste monde, je pense à tous ces enfants en Afrique, que de sinistres ordures transforment en machines à tuer et à torturer. Et d'autres qui sont enlevés et soumis aux facéties salaces de la lie de l'humanité. Et je me figure aussi l'angoisse de ces villageois qui savent qu'ils vont périr dans d'atroces souffrances parce que la haine ordinaire s'est infiltrée dans le coeur de tout un peuple. Je pense aussi à ces malheureuses femmes en Afghanistan et au Pakistan dont l'existence n'est plus qu'un long calvaire, à la merci des sautes d'humeur d'un taré fanatisé. Et là, je me dis à moi-même : ta gueule, pauvre con : si tu veux être anxieux, aie des angoisses pour quelque chose qui en vaille la peine.