Le classement des démocraties de The Economist (une sorte de wikio des démocraties, en somme) commence à faire couler drôlement d'encre sur la blogosphère. J'avais lancé un défi aux Kiwis et aux LHC il y a quelques jours sur le sujet, et le défi a été relevé. Torédaor a répondu et Hashtable aussi. Bien que disposant da la double-casquette LHC-Kiwis, ce dernier me semble avoir réagi également au nom des Kiwis. Fred LN de Démocraties sans frontières, à ma demande a donné également son avis et je lui ai répondu dans un second billet.
A la lueur de ces échanges, quatre positions se dégagent : la mienne, tout d'abord, qui se satisfait globalement de ce classement, celle de Fred, qui estime qu'il y manque une dimension éthique, celle de Toréador qui juge que ce classement est fait pour mettre en exergue la démocratie à l'anglo-saxonne et enfin celle d'Hashtable qui juge que ce classement ne sert à rien et estime que la démocratie est une affaire de circonstances davantage que de philosophie.
J'ai déjà répondu à Fred, mais pas encore à Toréador et Hashtable. Je m'étonne de ce que Toréador associe dans un même groupe pays nordiques et pays anglo-saxons alors que leurs systèmes démocratiques sont diamétralement opposés à l'exception de la liberté d'expression. Les premiers représentent le Welfare state, alors que les seconds sont les apôtres du "aide-toi toi-même le ciel t'aidera". Donc, je ne vois pas ce qu'il y a d'idéologique là-dedans. On connaît, bien sûr, l'obédience libérale de The Economist, mais justement, pour le compte, elle me semble avoir été mise clairement de côté. La preuve, en page 3, on trouve affirmé ceci :
The "near-perfect democracy" is Sweden, the country with the highest score. The other Nordic countries also have high ranks. By contrast, the US and UK are near the bottom of the full democracy category.
Pas vraiment l'apologie de la démocratie anglo-saxonne, ça, non ?
Ensuite, the Economist dit que l'assemblée doit avoir le plus de pouvoirs dans un régime démocratique, pas que ces pouvoirs-là doivent être exclusifs, comme c'était le cas sous la IVème République. Quant à la Convention de Robespierre, c'est de la blague ou quoi ? Voyons, camarade Toréador, imagines-tu un seul instant qu'une loi comme celle du 22 prairial est envisageable en démocratie ? Je t'en rappelle les quatre points :
1. Seul le Tribunal révolutionnaire de Paris aura en charge de punir les ennemis du peuple dans les délais les plus courts. 2. La peine portée contre tous les délits dépendant dudit tribunal sera la mort. 3. S'il existait des preuves soit matérielles soit morales il ne sera pas entendu de témoins. 4. La loi donnera pour défenseur aux patriotes calomniés des jurés patriotes; elle n'en accordera point aux conspirateurs.
Soyons sérieux, c'est une tartufferie. La Convention de Robespierre aurait été évidemment classée dans les régimes autoritaires. Le document de The Economist précise justement que la forme apparente de la démocratie, la présence de certains attributs démocratiques ne suffit nullement à établir la démocratie.
La Quatrième République, aurait certainement perdu des points en "functionning of governement" mais pas en "electoral process et pluralism". Je ne vais pas refaire l'histoire, mais comme je l'ai dit, c'est l'absence d'un exécutif fort qui a plombé la quatrième république, régime qui a toutefois voté toutes nos lois sociales, lancé sous Guy Mollet notre programme nucléaire (après Suez) et démarré la CEE.
Ensuite, il ne faut pas tordre l'intention du texte. Le référendum n'est pas une procédure servant à rendre des comptes. The economist écrit très exactement : 19. Are sufficient mechanisms and institutions in place for assuring government accountability to the electorate in between elections ? On parle de la responsabilité du gouvernement, pas d'un référendum, là. Ensuite, il ne s'agit pas de votes mais d'institutions et de mécanismes de contrôle.
Enfin, sur la présence de media électronique, encore une entorse à l'esprit de questionnaire : ce qui préoccupe the economist, c'est la volonté de contrôler ou non Internet. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la question. La question n'est pas de savoir s'il y a internet, mais, s'il est libre ! 44. Is there a free electronic media ? Donc Toréador, par un astucieux sophisme transforme une question qui porte sur la liberté en une question qui porte sur la possession ou non d'internet. D'ailleurs, la question qui suit est exactement de même nature, mais sur la presse écrite. J'ajoute que je plussoie d'une certaine manière Toréador qui écrit : si le pays n’est pas doté d’une presse électronique libre, il est moins démocratique que s’il en a un. Voilà qui handicape dès le premier critère les pays pauvres. Pas moins démocratique, mais, assurément, internet est un facteur de libertés supplémentaire, surtout pour l'information, et on le voit bien en France... Je crois que j'en ai fini avec lui...
Reste Hashtable. Il me semble qu'Hashtable a conçu sa réponse sans considérer l'essence de la Démocratie, avec tout ce que cela comporte d'implications, y compris dans le domaine commercial. Je serais bien tenté de le renvoyer à Montesquieu, sur ce point, qui distingue très clairement les régimes despotiques des régimes républicains dans le domaine commercial. Hastable pense que Tax Misery Forbes est plus précieux pour un entrepreneur que l'indice démocratique d'un pays. Ah oui ? Mais comment se fait-il que l'écrasante majorité du commerce mondial se fait dans les démocraties, alors ? Et surtout, Hashtable pense-t-il qu'un régime autoritaire garantit mieux le droit qu'un régime démocratique ? En réalité, la nature tyrannique et despotique du régime autoritaire n'en fait pas un partenaire fiable, parce que ses décisions de justice, y compris dans le domaine commercial, ne sont pas ou peu fondées sur le droit.
Finalement Hastable ne parvient pas à s'extirper d'une certaine forme de dialectique marxiste de l'histoire et de la démocratie. Il écrit ainsi :
Ce qui provoque les changements drastiques dans les sociétés, ce n'est jamais la soif de démocratie : c'est avant tout le besoin d'avoir du pain dans le ventre, c'est d'abord l'envie de liberté pour exercer une activité qui remplira ce ventre. La belle histoire qui consiste à croire que les peuples se révoltent parce qu'ils sont sous un joug totalitaire n'est que ça : une belle histoire. On motive bien mieux les gens à mourir lorsqu'ils n'ont plus rien à perdre que lorsqu'ils ne leur manque guère que le droit de vote. Cette constatation peut bien être triste, elle est maintes fois étayée par les faits et l'Histoire...
A l'ère contemporaine, je ne suis pas certain que ce raisonnement demeure valide, mais, ce n'est pas le fond de mon argumentation. Effectivement, les révolutions ne sont pas favorables à l'établissement des démocraties et encore moins la misère. Mais pas davantage l'envie de liberté (je vous vois venir, espèce de sophiste) pour exercer une activité. Je vous ai vu venir avec vos gros sabots. Ce n'était pas la peine d'ajouter "qui remplira le ventre". On a bien compris que vous pensiez à la liberté d'entreprendre...Dites, vous ne faites pas mieux que les Marxistes, là, dans votre genèse de la démocratie. Ce qui fait la démocratie, c'est la nécessité d'établir le droit, et le droit, comme je l'ai dit, garantit l'échange et l'initiative sous tous ses aspects, y compris commerciaux. J'ajoute que les Athéniens, en leur temps, sont passés à la démocratie non parce qu'ils avaient faim, mais parce qu'ils ne supportaient plus les injustices d'un seul. Et Tarquin le Superbe a été viré du pouvoir à Rome parce que les Romains avaient du mal à supporter l'arbitraire. Donc, sur ce point, il n'y a de lois générales ni dans un sens ni dans l'autre.
Pour conclure, puisqu'on parle du droit, j'en profite pour relayer l'appel d'Amnesty International qui souhaite que les candidats à l'euro-députation prennent quelques engagements, justement, c'es tà dire, 1- Des actes conformes aux engagements 2- Des actions concrètes en faveur du respect des droits humains dans la politique extérieure de l’Union 3- Des ressources à la hauteur des engagements ...