J'ai trouvé intéressante la tribune de Guy Sitbon, chez Marianne2. Je ne suis pas certain de partager ses vues sur la disposition naturelle des peuples à déterminer tout seuls leur sort, mais, en revanche, j'acquiesce à peu près à tous les constats qu'il fait : partout où dans d'ex-régimes despotiques les démocraties ont cherché à promouvoir la démocratie comme régime politique, cela a plutôt mal tourné, voire très mal tourné. Et l'auteur de citer la première guerre civile en Côte d'Ivoire, puisque c'est le sujet du moment, mais aussi les cas de l'Irak, de l'Afghanistan, ou même du Liban, première et plus ancienne démocratie du Proche-Orient à l'exception d'Israël.
En Occident, on croit souvent qu'une démocratie, ce sont des élections libres, et qu'à leur issue, la minorité vaincue va se plier de bonne grâce à la majorité victorieuse. C'est oublier l'essence même de la démocratie, et, par là, cela révèle un vice dans la conception de la démocratie qu'ont les démocraties occidentales.
Une démocratie n'est pas le règne d'une majorité. C'est un consensus entre la majorité et la minorité, quelle qu'elle soit. Aucune démocratie ne peut exister sans ce consensus, et, partout où il n'existe pas, c'est le chaos et un lot terrible d'attentats, d'assassinats et d'exactions.
Je n'aime pas Laurent Gbagbo. C'est un vil démagogue, et un sale individu, à mes yeux. Mais près de 50% des Ivoiriens ont voté pour lui. La Côte d'Ivoire s'éveille à la démocratie lentement. Cet éveil doit composer avec une double dualité : ethnique d'abord, religieuse ensuite.
Gbagbo a peut-être perdu, mais on ne peut pas lui demander de se retirer comme cela, sans compensation, pour lui et ses partisans, compte-tenu de l'état de la Côte d'Ivoire. Le processus démocratique dans ce pays n'est pas encore assez installé, assez mûr pour que cela soit possible comme cela se passe en Europe, avec des majorités qui cèdent leur place aux oppositions et vice-versa.
Bien sûr, il ne faut pas s'interdire de faire pression sur Laurent Gbagbo, mais, l'issue de ces pressions doit être un compromis acceptable par les deux parties.
J'ai vu que Fred était intervenu en commentaires et avait réagi à l'article de Guy Sitbon : indigné, il lui rétorque que l'ONU a garanti ces élections et porte donc l'affaire sur le terrain du droit.
N'en déplaise à Fred, la démocratie n'est pas qu'une affaire de droit : c'est aussi une histoire de moeurs, ce qu'avait très bien senti Montesquieu, puisqu'il fait dans son Esprit des lois des moeurs la pierre angulaire de son régime républicain.
Ce sont les moeurs qui précèdent le droit, et non l'inverse. Qui l'ignore s'expose à de lourdes déconvenues partout où règnent des pouvoirs despotiques. Pour changer la nature de ces régimes, il faut modifier les moeurs des peuples qu'ils administrent. C'est un travail de longue haleine, subtil et difficile. C'est, me semble-t-il, l'effort de l'Europe dans sa zone d'influence. Cela a bien marché jusqu'aux marches de l'Europe, y compris en Turquie en dépit des travers de son chef d'État. Mais le Moyen-Orient, l'Afrique, c'est plus loin, et l'influence de l'Europe y est moins prégnante. Il ne suffit pas d'avoir conquis une partie des élites, il faut amadouer les peuples eux-mêmes. Vaste programme...
Je comprends les dernières résolutions de l'ADLE et de Marielle de Sarnez, notamment en ce sens, tant pour la Côte d'Ivoire que pour l'Afghanistan. Appel au dialogue dans le premier cas, et, dans le second, confirmation de la nécessité inévitable de devoir admettre des négociations avec les Talibans.
On ne peut pas vouloir le bien d'un peuple contre son gré. Mais pas davantage sans son gré, même si ce n'est pas contre.
Commentaires
"Ce sont les moeurs qui précèdent le droit, et non l'inverse."
L'oeuf et la poule... Comment faire respecter le droit si les moeurs n'évoluent pas? Comment changer durablement les moeurs si le droit n'est pas respecté?
Pour briser le cercle vicieux il faut bien commencer quelque part, faire un choix, et faire appliquer le droit reste plus simple et plus rapide que de faire évoluer les moeurs, ce qui peut prendre plusieurs générations.
Et l'exemple doit venir d'en haut, Gbagbo doit céder sa place si sa défaite est avérée. Ce serait respecter le droit. Et pour les moeurs, qu'il tende une main sereine et constructive à son adversaire au lieu de risquer les vies de milliers de ses concitoyens.
Tout à fait d'accord avec vous,et avec votre esprit; comme on dit ailleurs...........
N'est pas les termes exacts du message à faire passer chez nous aussi?
Mon commentaire sur marianne2 ne devait pas être assez clair ;)
Le droit est important, mais il y a ici plus que cela : il y a un engagement pris par la communauté internationale (l'ONU, son Conseil de sécurité) devant les différentes parties ivoiriennes, y compris le Président sortant !
Et ceci est très inhabituel dans l'histoire de la démocratie comme dans celle des dictatures.
Ne pas tenir cet engagement serait un précédent tragique. Pour les Ivoiriens et pour tous les peuples aux prises avec des conflits d'intérêts trop lourds pour leurs seules forces.
@lheretique
Je pense que sans vous en rendre compte, vous dîtes quelque chose de très profond:
"Ce sont les moeurs qui précèdent le droit, et non l'inverse."
Je partage totalement cette analyse. Et je pense que la volonté des politiques de légiférer quasi-exclusivement dans le domaine "sociétal" (Pacs/Burqa/Identité Nationale/etc...) est la meilleure illustration de la défaite de la pensée et donc du Politique, au sens premier du terme.
Je ne sais plus de qui est cette définition, que j'ai entendue formulée par Frank Lepage dans l'un de ses sketches de "formation populaire à la politique" :
"La démocratie est le régime des sociétés qui se savent traversées par des contradictions et qui entendent les résoudre pacifiquement".
Il faut croire que le "pacifiquement" s'oppose à des mœurs qui donnent plus volontiers libre cours à la machette ou à la kalachnikov qu'à l'expression par les urnes...
D'un autre côté, où finit le droit d'ingérence et où commence le post-néocolonialisme (si je peux oser ce barbarisme) ? Et dans quelle mesure le café, le pétrole ou le gaz ivoiriens ne jouent-ils pas un certain rôle dans cette bienveillante sollicitude occidentale ? Je crois savoir que le Rwanda, par exemple, est nettement moins favorisé que la Côt-d'Ivoire sur le plan géologique ; aussi ses habitants ont-ils été autorisés à s'entr'étripailler dans le sang et la joie en toute liberté démocratique. Comme quoi, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ça tient à pas grand-chose, finalement.
@Fabrice
Comment ça "sans m'en rendre compte" !!! Je suis horriblement vexé ! C'est le coeur même de mon raisonnement. D'ailleurs, ce n'est pas le mien, mais celui de Montesquieu, dans l'Esprit des lois, ouvrage que j'ai lu intégralement et commenté sur ce blogue !
@Christian
Personnellement, je ne me poserais pas la question en termes de droit d'ingérence ni de colonialisme. Ouattara a d'ailleurs demandé une intervention armée. Je crois que l'ONU, n'en déplaise à Fred, ne peut pas faire cela, même si sa présence a été demandée pour garantir les élections.
Difficile de comparer le Rwanda et la Côte d'Ivoire : 20 années se sont écoulées, depuis. La situation n'est absolument pas comparable dans la sphère diplomatique.
@lheretique
la phrase semblait être prononcée au sein d'un ensemble plus grand.
Prends-le donc comme un compliment :-)
C'est la première fois que je lisais cette pensée aussi clairement exprimée. Mais je pense que cela mériterait une entrée à elle-seule.
En clair, les politiques ont perdu le pouvoir car ils l'ont souhaité et se sont focalisés sur ce qui était le plus médiatique, à savoir les débats sociétaux.
@lheretique
la phrase semblait être prononcée au sein d'un ensemble plus grand.
Prends-le donc comme un compliment :-)
C'est la première fois que je lisais cette pensée aussi clairement exprimée. Mais je pense que cela mériterait une entrée à elle-seule.
En clair, les politiques ont perdu le pouvoir car ils l'ont souhaité et se sont focalisés sur ce qui était le plus médiatique, à savoir les débats sociétaux.
de quelle Cote d'Ivoire parlons nous ...?
http://leparisienliberal.blogspot.com/2010/12/hegel-loeuvre-du-cote-dabidjan.html
Moi .......... je me marre ......... à vous lire .........
Cette distanciation entre le réel et l'intellectuel est si dérisoire qu'il ne reste plus que le rire pour se soustraire !
Mes jolis messieursdames, allez donc vivre et travailler en Afrique avant de porter vos jugements de petits franchouillards pantouflards !
La démocratie ..... dit avec les lèvres en cul de poule .....
Les peuples ..... avec le cul serré
La liberté .... avec un gouvernement d'indigents
Au lieu de continuer à vouloir imposer vos concepts européens à des gens qui n'en n'ont rien à foutre, vous feriez mieux de regarder ce qu'ils nous importent et ce qu'il en restera ...... la démocratie, c'est pour les snobs, c'est un mot. La réalité, c'est l'assemblée nationale qui s'auto immunise contre toute justice, c'est Sarko qui se fait construire un bel avion, pour péter plus haut qu'il n'a le cul, c'est le sénat qui végète et tous les politicards qui se remplissent les poches en prévision des mauvais jours que les financiers nous concoctent .....
Avant de regarder la paille dans l'oeil de la côte d'ivoire, il serait bon de soigner les poutres qui nous empêchent de marcher.
@Yfig
Il y a encore plus drôle : les gauchistes confortablement installé dans leur canapé made in capitalism qui adore donner des leçons de morale aux autres. Surtout pour proférer des âneries in fine...
@ Yfig : "Mes jolis messieursdames, allez donc vivre et travailler en Afrique" -> qui vous fait penser que nous avions besoin de votre conseil pour y aller ?