Quand je pense à la médecine en France, c'est bizarre, mais je songe à l'Argentine ! Pendant longtemps, là-bas, les universités de médecine ont été florissantes, et les congrès organisés à Buenos Aires attiraient la fine fleur de la médecine mondiale. Et puis sont venus les premières crises économiques en Argentine, et la médecine a été le premier secteur balayé.
En France, de lourdes menaces pèsent sur de nombreuses spécialisations : la pédiatrie est en voie d'extinction avancée, et l'on va bientôt pouvoir classer les pédiatres dans la liste des 1 000 mammifères condamnés à disparaître dans la prochaine décennie si rien n'est fait.
Le sort de la chirurgie, à l'exception de la chirurgie plastique, n'est guère plus enviable. Les premiers procès faits aux chirurgiens pour erreurs médicales (qu'elles fussent fondées ou non) ont eu un effet pervers imprévu : les primes d'assurance que les chirurgiens payaient pour se garantir contre ce type de risques ont triplé, parfois quadruplé, jusqu'à décuplé même.
Ainsi, ces frais incompressibles pour exercer ont-ils mangé une part très importante du bénéfice des chirurgiens. Il faut savoir que, selon les critères de la Sécurité Sociale, pour rembourser des frais médicaux, il existe deux secteurs : secteur 1, les tarifs sont fixes, secteurs 2, les tarifs sont libres et les praticiens peuvent pratiquer des dépassements d'honoraires.
Or, Roselyne Bachelot, l'actuelle ministre de la santé veut créer un nouveau secteur "optionnel" intermédiaire entre secteur 1 et secteur 2. Dans ce secteur, le praticien s'engagerait à respecter des tarifs pour certains actes, les autres permettant un dépassement d'honoraires. L'objectif est bien sûr de comprimer la dépense publique.
Or, ce que craignent les chirurgiens, c'est que non seulement ceux qui exercent dans le secteur 1 ne puissent pas bénéficier du secteur optionnel, mais qu'en plus, ceux du secteur 2 se voient rétrogradés de force dans ce même secteur.
La chirurugie a longtemps été l'une des disciplines médicales les plus attractives, parce que les rénumérations et le prestige qui s'y attachaient payaient les chirurgiens des longues années d'étude et des contraintes qui étaient les leurs.
La source commence à se tarir, et nombre d'internes arrivés en tête des classements choisissent d'autres champs d'exercice. De plus, le numerus clausus au concours de sortie s'est considérablement resserré.
Dans le même temps, les pouvoirs publics n'hésitent pas à faire venir des universitaires étrangers dans à peu près toutes les disciplines médicales en les sous-payant sous prétexte que leurs diplômes ne valent pas les diplômes français. Bien entendu, les assurances, elles, coûtent le même prix, quels que soient les diplômes...
La médecine est une discipline de pointe en France, et a fortiori la chirurgie par laquelle la France s'est rendue plusieurs fois célèbre.
C'est l'avenir que l'on brade, en France, ainsi, depuis plusieurs années.
Je conçois très bien que notre protection sociale demande à être financée, ce qui comprend bien sûr l'Assurance-Maladie. Mais, dans ce cas, je préfère que l'on me prélève plus d'impôts pour lui permettre d'exister, quitte à perdre en pouvoir d'achat, plutôt que l'on fasse disparaître nos meilleures spécialités pour faire des économies.
Quel politique aura enfin le courage de poser cette équation simple aux Français ? En dehors des Bayrou, des Peyrelevade, des Christian Blanc ou des Charles de Courson, ils sont bien peu, en France, à avoir ce courage-là...