Soyons clair : en soi, je ne trouve pas que le projet apparent du gouvernement casse trois pattes à un canard, et, si j'avais la certitude qu'il ne recelait aucune malhonnêteté à venir, je ne verrais aucun inconvénient à ce que les salariés de la Poste puisse détenir une part du capital de leur entreprise. Au contraire, je trouve cela bien.
Je n'aime d'ailleurs pas que certains journaux nous fassent croire que ce serait une directive européenne qui imposerait à la France ce changement de cap. L'Europe a simplement prévenu qu'en 2011, les services postaux seraient ouverts à la concurrence. Elle n'a pas interdit aux états de conserver une entreprise publique de services postaux. De plus, le traité de Lisbonne prévoit toute une série d'exceptions à la directive. Bref, que l'on ne casse pas encore du sucre sur le dos de l'Europe svp.
En revanche, j'ai souvenir d'un certain ministre Sarkozy qui s'était laissé aller à quelques promesses concernant GDF. Or, les mots ont un sens, ce n'est pas à Gaël que je vais l'apprendre : puisque les images valent mieux que les mots...
On comprend donc la méfiance des actuels acteurs de la Poste. Le gouvernement ferait mieux de jouer carte sur table, ce serait bien plus sain pour tout le monde. Évidemment, les deux millions de personnes qui sont venues voter étaient motivées : le résultat final n'a pas force de loi, mais il donne tout de même une tendance. Clairement, pourquoi les Français souhaiteraient que la Poste soit privatisée alors qu'ils sont globalement contents du service qu'elle offre ?
Il faut toutefois ne pas occulter une vraie question : la Poste est endettée jusqu'à la moëlle, et si Nicolas Sarkozy n'a décidé de l'ouvrir qu'aux capitaux publics, c'est peut-être bien faute de trouver des investisseurs privés... Compte-tenu de l'état des comptes de la Poste, j'ai du mal à croire que l'État ne cherchera pas, au moment crucial, dans l'urgence, à attirer des capitaux privés pour financer son développement.
La Poste, jusqu'à 2006, réduisait régulièrement son endettement, grâce à ses bénéfices (un bon exemple à suivre pour l'État). Mais l'État a opéré alors une sévère ponction sur cette entreprise pour financer des retraites et a de ce fait doublé son endettement (près de 6 milliards d'euros). En dépit de ce lourd handicap, la Poste a recommencé à réduire son endettement.
Pour finir, la Poste, en France, c'est une institution. Dans les villages de France, il y avait autrefois les instituteurs, les curés et les postiers. Les curés ont disparu, on ferme des écoles, j'aimerais bien que l'on conserve au moins les postiers...
Je dois ajouter que je suis très sceptique sur la qualité des services postaux privés : j'en ai eu un avant-goût avec la libéralisation des colis express, et à vrai dire, je ne peux pas dire que cela m'enthousiasme.
Plus généralement, la libéralisation n'a de valeur que si elle s'accompagne d'une protection grandissante des consommateurs. Or, bien loin d'être le cas, c'est exactement l'inverse qui s'est produit en France...