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Bayrou - Page 34

  • Corinne Lepage quitte le MoDem

    Corinne Lepage a annoncé sa démission du MoDem. C'était prévisible étant donné ses critiques des derniers mois. Dommage. J'espère que la séparation se fera sans trop de cassures. J'imagine que la décision ne va pas être facile à prendre du côté de Cap21, certains militants de sa formation demeurant attachée au MoDem. J'espère qu'elle continuera à siéger avec l'ADLE au Parlement Européen, évidemment.

    Elle s'apprête à rejoindre Europe-écologie, ce qui la tentait depuis un moment, on l'avait compris. En ce qui me concerne, je ne rejoindrai pas sa plate-forme écolo-démocrate, mais j'espère que nous pourrons travailler ponctuellement ensemble. De larges passages de Vivre autrement demeurent une source d'inspiration pour moi. J'ai trouvé son souhait final pour Bayrou plutôt sympa in fine . Citation extraite de son entretien au Monde :

    François Bayrou a t-il encore un avenir ?

    Je le lui souhaite sincèrement.Il a toutes les qualités de courage et de ténacité pour rebondir.Son avenir dépend avant tout de lui, de sa capacité à écouter les autres, et à leur laisser une place à ses côtés.

    Allez, bonne chance à vous,  malgré tout, Corinne !

  • Clivages

    Quand je je considère la "performance" du MoDem lors de ces élections, et, plus largement dans son ensemble la campagne, j'ai le sentiment que ce qui nous a manqué avant toutes choses, c'est un clivage fort avec le reste des autres forces politiques sur les idées. C'est ce qui se disait dans un fil dont je ne parviens plus à retrouver l'url exact sur le passionnant forum démocrate Démos (un endroit où il y a des débats de qualité, et à bâtons rompus, bref, une référence). L'usager "raimo" y évoquait notamment la nécessité de frapper des coups percutants. Entendons-nous, être percutant, ce n'est pas faire de l'agit-prop d'un jour, mais bien avoir une idée qui détone dans l'atmosphère générale.

    On accuse Bayrou, à nouveau,  de ne songer qu'à son destin présidentiel : pour le compte, c'est injuste, cette fois. Objectivement, il ne s'est pas trompé d'élection, simplement, le MoDem a pris un gros risque en présentant des candidats sans épaisseur politique, non qu'ils ne fussent courageux et déterminés, mais plutôt qu'ils ont manqué d'une notoriété certaine.

    Il faut bien comprendre que prendre ce risque ne rapporte pas une voix. Au contraire, cela en fait perdre. Ce n'est donc pas un choix politique, mais un choix éthique. Toutefois, pour engager un parti dans cette voie périlleuse, il faut soit avoir le vent en poupe, comme Europe écologie, soit bénéficier d'une étiquette sûre (PS, UMP) soit vraiment avoir quelque chose à dire de très intéressant qui vous démarque des autres. Et même ainsi, cela peut rater. A preuve le NPA qui a voulu jouer la carte du communautarisme avec sa candidate voilée et qui s'est pris ainsi un méchant retour de bâton.

    Le MoDem avait quelques idées plutôt originales, sans, toutefois, que chacune cassât une brique. On pouvait y compter la relocalisation industrielle dont Bayrou a essayé de se faire le porteur ou encore le rôle particulier de l'entreprise vis à vis de l'apprentissage. Mais globalement, ce qu'on a senti, sans grand enthousiasme pour plusieurs militants, je le suppose, c'est que le MoDem cherchait surtout (comme tout le monde) à marcher dans les traces des écologistes, tentait de ménager la gauche en vue de négocier des accords (Azouz Begag faisant l'apologie de Queyranne, Alain Dolium précisant qu'il avait voté Jospin en 2002 et attaquant principalement l'UMP), le tout sans grande conviction.

    On ne gagne jamais à copier autrui. Un sondage réalisé au cours de l'automne avait pourtant été clair : les Français souhaitaient que le MoDem développe un projet original, qui lui soit propre, et emprunte une voie autre que celle que la gauche trace. Avertissements sans frais dont il n'a été tenu nul compte. Bayrou aurait du se méfier : il ne fallait pas parler des alliances que nous ferions ou non et surtout pas annoncer exclure radicalement l'UMP même si dans les faits, ce pouvait être le cas. Mieux valait se préoccuper de ce que nous pouvions proposer de mieux et de différent. C'est personnellement ce que j'ai tenté de mettre en valeur chaque fois que je l'ai pu tout au long de cette campagne.

    Il ne nous reste plus qu'un tiers de cantonale et la présidentielle (et donc les législatives avec) pour tenter de créer cet indispensable clivage. D'ores et déjà, le fameux projet humaniste ne présente pas à mes yeux de lignes de fracture avec les autres partis politiques, et d'ailleurs, la presse politique l'a jugé socialo-compatible.

    Il faudra donc l'amender très fortement (je pense à la partie éducation, par exemple, digne d'un syndicaliste du SGEN). Le tiers de cantonale a lieu en 2011 : il pourrait servir de ballon d'essai, à condition de tenir la campagne à fond et d'avoir des idées fortes à mettre en valeur à ce moment-là.

  • La Machine infernale

    La Machine infernale, c'est le titre d'une pièce de Jean Cocteau. Elle reprend le thème de l'Oedipe-Roi de Sophocle, avec quelques convergences, et quelques différences. Si l'Oedipe de Sophocle paraît le jouet d'un destin injuste, celui de Cocteau a largement usurpé le trône de Thèbes : il n'est pas un véritable héros et doit à la mansuétude et à la lassitude du Sphinx sa place. Dans les deux pièces, Oedipe est sourd aux avertissements répétés de Tirésias et le croit partie prenante d'un complot destiné à l'évincer.

    Retour au présent et à une réalité tout aussi insidieuse : de même que Thèbes doit affronter une peste dévastatrice à la suite du meurtre du roi Laïos, de même la France essuie une pluie de dépenses depuis de longues années. De même que le devin Tirésias essaie de mettre en vain en garde contre la cause des maux qui s'abattent sur la cité, de même Bayrou et quelques libéraux s'obstinent à crier en vain dans le désert la menace mortelle que la dette fait peser, comme une épée de Damoclès, sur la France. Hashtable est l'un de ceux-là : dans son dernier billet, il observe que l'agence Fitch vient à son tour de placer la France sous surveillance. Il faut bien comprendre que toute augmentation de nos taux d'emprunt génèrera une pression insupportable sur notre budget et rendra toute fuite en avant supplémentaire insupportable. Si Nicolas Sarkozy doit accomplir de force ce qu'il n'a su faire de bon gré, prendre des mesures crédibles pour réduire nos déficits, il finira comme Oedipe, chassé de Thèbes, aveugle et seul. Si Bayrou est notre Tirésias, alors c'est Tirésias qu'il faut porter au pouvoir, tant il aura averti et averti de ce danger. Ne peut être crédible pour affronter un danger que celui qui en a pris de longue date la mesure.

    Mais il ne suffit pas de vouloir lutter contre les déficits : il y a aussi la manière de le faire. Il faudra arbitrer et trancher entre plusieurs priorités et entre plusieurs manières de faire. A mes yeux, la politique commence là. Le problème, c'est que nous n'en sommes pas encore là. Faut-il accroître la fiscalité, réduire drastiquement les services publics, laisser à la charge des individus et du privé une part de la protection sociale et la culture, remettre à plat toutes les niches, abandonner les projets pharaoniques ? Toutes ces questions vont se poser avec acuité. Et il va falloir y répondre. Je choisirai, pour ma part, la force politique et l'homme ou la femme que je soutiendrai, en fonction de ces réponses-là. Mais nous n'y sommes pas encore, hélas. Certaines préconisations font peur : on entend parler de Paul Jorion comme un nouveau messie dans la sphère économique. Vous allez voir à quoi il pense le messie, comme genre de solutions pour que la France puisse dépenser encore plus. Citation...

    À qui l’État verse-t-il des intérêts en France ? À des banques, à des compagnies d’assurance, à des particuliers. Si ces particuliers ont de l’argent en trop qu’ils peuvent prêter à l’État, ne serait-il pas plus simple pour l’État de percevoir cet argent sous la forme de l’impôt ? Ce serait aussi beaucoup moins onéreux pour lui, puisqu’il n’aurait pas à verser d’intérêts sur la somme.

    Paul Jorion peut toujours dénoncer les méchants spéculateurs, ces derniers ne prospèrent jamais ailleurs que sur un terreau fertile. Bien avant d'attaquer la pratique spéculative, il faudrait commencer par s'occuper du terreau... La Machine infernale est en route, il est plus que temps d'introduire un grain de sable dans son mécanisme.

  • Sisyphe heureux

    J'avoue avoir particulièrement goûté la dernière sortie de Bayrou dans Ouest-France. Il se représente en Sisyphe heureux. Sisyphe, c'est ce héros grec condamné à pousser éternellement un rocher jusqu'au sommet d'une colline, puisque le rocher en question la dévale une fois à son sommet. Dans la mythologie grecque, Sisyphe passe pour le plus astucieux des hommes et certains voient en lui le vrai père d'Ulysse.

    Sisyphe est une curiosité, à vrai dire, dans la mythologie : je n'ai jamais trouvé trace des causes exactes de sa punition dans le Tartare. Je sais qu'il s'est joué de la mort en parvenant, par un subterfuge, à tromper Hadès, si bien qu'il fallut envoyer l'artillerie lourde (Thanatos, la mort, en personne) pour lui faire réintégrer le royaume des morts. J'aime bien l'image, parce qu'on promet si souvent à Bayrou une mort politique que je trouve que le personnage de Sisyphe lui convient bien. Outre le fait de s'être payé la tête des divinités de la mort, il semble bien qu'il ait fait un sale coup à Zeus en fayottant auprès du père d'Égine, jeune fille que le dieu avait enlevée, parce qu'il avait détecté Zeus derrière la métamorphose en aigle du dieu.

    Cela dit, Bayrou pensait probablement au Sisyphe de Camus, pas au mien, car l'expression de Sisyphe heureux est celle de Camus. Ce qui compte, du point de vue de Camus, ce n'est pas la cause qui fait que l'on pousse le rocher, mais le fait de le pousser. En quelque sorte, ce n'est pas la cause de la révolte qui importe, mais de se révolter. De la part de Bayrou, je l'interprète plutôt ainsi : il aime l'adversité et n'est jamais si content que lorsqu'il y est confronté. L'adversité pour l'adversité. Un peu comme le héros absurde de Camus qui trouve dans la conscience de l'absurdité du monde et le fait de s'y confronter, sa raison d'être. Le héros absurde est, à mes yeux, un contre-point du héros stoïcien qui trouve le même bonheur à se trouver éprouvé par les méandres de l'existence.

  • Calmos avec Corinne Lepage !

    Oulah, j'ai vu la presse et quelques militants s'emballer après les échanges aigre-doux entre Bayrou et Corinne Lepage. Calmons-nous, svp. Corinne m'agace totalement, ces derniers temps, et je pense en plus qu'elle joue contre son camp, mais cela demeure un personnage de valeur que le MoDem n'a absolument pas intérêt à perdre. De toutes façons, en dehors de l'UMP qui est complètement verrouillé, on trouve dans tous les partis des fortes têtes décidées à jouer leur propre partition. Au PS, il n'y a qu'à voir comment Collomb ou Guerini soutiennent dur comme fer Frêche, au risque de ridiculiser complètement Aubry qui lui a déclaré la guerre. Chacun se jauge et se regarde entre quatre yeux, mais il n'est pas envisageable pour le PS d'envoyer paître ses barons, y compris félons...

    Je comprends bien la très forte tentation de nos écolos de se joindre à Europe écologie, et le calcul de Corinne Lepage se disant qu'il faut qu'Europe écologie arrive en tête en Alsace pour propulser une majorité orange-verte là-bas. Sauf que je doute que Yan Wherling apprécie vraiment le procédé... ensuite, si le MoDem passe sous les 5% là-bas, il n'y aura pas de fusion, tout simplement et les militants de Cap21 en seront quitte pour un grand coup d'épée dans l'eau.  J'aurais bien aimé voir la tête de Corinne, si, pendant les Européennes, quelques militants MoDem écolo s'étaient faits le même genre de raisonnement avec l'un de ses adversaires...Là, je crois que l'occasion historique, elle serait un peu mal passée...

    In fine, dans la presse, je l'ai tout de même davantage entendue jouer contre son camp que l'inverse. Alors peut-être qu'elle soutient ailleurs les listes démocrates, mais ça ne se voit pas beaucoup...

    Il y a autre chose : évidemment, pour un mouvement comme Cap21, c'est très très tentant de rejoindre la grande famille verte, et j'ai bien senti, pendant les Européennes, que nos militants issus de Cap21 considéraient à regret le grand rassemblement d'Europe écologie. Le label ne doit toutefois pas faire illusion : ce sont bien des listes de nos verts nationaux, souvent gauchistes et sectaires (certains feraient passer le NPA pour des libéraux) et pas la troisième voie dont rêve Corinne qui mènent la danse, pas du tout la force éco-démocrate dont ils rêvent. Oui, la désillusion guette, et elle sera sévère. Ne te trompe pas de camp, Corinne, tu seras vite déçue...

  • Arrêtez de renvoyer sans cesse Bayrou à la présidentielle !

    Au fur et à mesure que je lis la presse, depuis de nombreux mois, je sens la moutarde me monter progressivement au pif : pas un article sans que l'on évoque, çà et là, les ambitions de François Bayrou pour l'élection présidentielle. En fait, cela fait un moment qu'il n'en parle plus, mais la presse dans son ensemble (et Marianne s'y met aussi, maintenant !) veut à tout prix que ce soit son unique obsession. Du coup, contre l'homme et ses préoccupations, il se construit une image médiatique qui lui échappe complètement, obsédé par l'Elysée. Cela devient un tantinet exaspérant, tant je sais l'homme sincère et très préoccupé par l'état de la France et les difficultés des Français.

    P..ain, lâchez Bayrou avec la présidentielle, et parlez-lui plutôt de la situation de la France, des propositions du MoDem. Quoi qu'on fasse, on nous renvoie, nous militants MoDem, sans cesse à ce destin-là, alors que nous avons adhéré à ce parti pour construire l'avenir, avec Bayrou, on l'espère, mais aussi avec son successeur s'il faut attendre tant de temps. Ras-le-bol de nous voir comparés à une écurie présidentielle ! Typiquement, dans l'article de Tefy Andriamanana, rien n'est plus énervant que de voir la moindre réponse détournée. Démonstration par la preuve. Bayrou dit :

    « Je ne parle pas du MoDem mais des choix que la France va avoir devant elle »

    Que comprend un individu normalement constitué ? Que les problèmes internes d'un parti, cela n'intéresse pas les Français. Ce qui compte, ce sont les choix politiques, économiques sociaux, parfois sociétaux que la France va devoir faire. Des choix politiques avec les élections régionales imminentes, des choix économiques avec la lutte contre les déficits devenue inéluctable, avec une nécessaire réindustrialisation de la France, avec une préservation de notre modèle agricole par exemple...

    Qu'interprète le journaliste obnubilé son antienne ? "Finalement, son parti n'est voué qu'à être un tremplin à sa destin présidentiel.[...]ce sera Bayrou ou le chaos." Ah bon. Ah bon ? vous avez lu ça, vous ? Vous avez entendu Bayrou dire cela ? Pas moi. Moi, je l'ai entendu parler des difficultés des Français. Il paraît que Bayrou aurait vu la Vierge. J'ai entendu cela. Il y en a d'autres, apparemment, ce sont des voix, comme Jeanne d'Arc, qu'ils entendent...

    Conclusion : lâchez-nous, bordel de merde, avec la Présidentielle. Nous avons au MoDem, vraiment des propositions originales : on essaie de les faire valoir, et vous ne pensez qu'à tailler un costume de présidentiable à Bayrou, dont ce n'est vraiment pas le souci premier à l'heure actuelle. Des différences, avec nos concurrents, nous en avons, par exemple,  en île de France, sur l'apprentissage. Et je pense que les autres listes démocrates régionales ont des points de vue fort intéressants à faire valoir.

  • Aide toi toi-même, tu aideras la Grèce...

    Je n'ai pas d'objections à faire aux déclarations du Président Sarkozy à propos de la Grèce : je crois qu'il a bien compris que lâcher la maillon faible est l'assurance de briser, à terme, toute la chaîne. Les pays européens sont tous endettés, et certains sont d'autant moins crédibles qu'ils ont laissé courir leurs déficits. Même si la France est encore notée AAA par les agences sur les marchés financiers quand elle emprunte, elle sera sans doute la première cible après les pays les plus fragiles (Espagne, Irlande, Italie, Portugal). Une nouvelle fois, Bayrou a tout à fait raison de penser que demain, la France pourrait être à la place de la Grèce. Déclarer être prêts à se montrer solidaires de la Grèce, c'est bien, mais pour que cette solidarité ait une crédibilité, elle doit s'appuyer sur du solide. Autrement dit, il faut montrer que nous avons les reins solides. Et pour montrer que nous avons les reins solides, il faut prendre des mesures pour limiter nos déficits.

    Aymeric Pontier, sur son blogue, rend compte de l'évolution des effectifs de la fonction publique depuis 1980 : alors que la population croissait d'un peu plus de 18%, dans le même temps, ces effectifs augmentaient d'un peu plus de 36% ! le double ! Si la fonction publique d'État suit une pente qui correspond à l'accroissement du solde démographique, en revanche, la fonction publique territoriale explose ; on pourrait rétorquer que c'est lié aux différents transferts de compétences et à la décentralisation ; si c'est le cas, c'est inquiétant et grave. Cela signifie que la décentralisation est complètement ratée, puisque non seulement les transferts ne s'accompagnent pas de baisses d'effectifs dans la fonction nationale, mais de surcroît, il faut plus de fonctionnaires dans la territoriale pour faire le même boulot.

    Il faut être pragmatique : si on en est là en France, je crois qu'il vaut mieux, à ce compte-là, recentraliser à grande vitesse... Je ne comprends pas comment on en arrive à de tels gaspillages. De ce que j'ai cru comprendre de la troisième partie du rapport, le recours massif à des opérateurs externes pèse pour beaucoup dans l'explosion de ces chiffres. A lire les conclusions du rapport, j'ai parfois le sentiment que la décentralisation est le lieu privilégié des querelles entre les différents pouvoirs désormais disséminés çà et là. L'analyse du MoDem sur les rapports Régions-État n'en prend que plus de pertinence : bien loin d'une coopération harmonieuse, c'est une cohabitation acrimonieuse qui dessert le pays qui caractérise leurs rapports.

    Il est donc bien long, et fort tortueux,  le chemin qui mène à Athènes : pas de crédibilité sans assainissement de nos comptes publics. Et pas d'assainissement sans une réflexion approfondie sur les causes de nos dérapages. J'ai parfois le sentiment que Nicolas Sarkozy s'imagine qu'il suffit de réduire les effectifs dans tel ou tel secteur de la fonction publique pour réduire nos frais. Je crains hélas que les logiques ubuesques qui sont à l'oeuvre soient autrement plus complexes qu'il ne l'imagine. La France est un pays traditionnellement fortement centralisateur. Elle s'est construite, depuis les Capétiens ainsi. Le mouvement vers la décentralisation est engagé depuis 30 ans environ, à peine. Comment effacer plus de 1000 ans d'histoire en si peu de temps ?

  • Ne lâche rien, François !

    François Bayrou était l'invité de Michel Grossiord sur Europe 1, ce vendredi 5 mars. 

    Pour les élections régionales, il a rappelé que "les électeurs sont là pour remettre les sondages à leur place" et se multiplient les gestes de soutien : "depuis quelques jours, c'est très étrange, le contrôleur du train, la jeune femme qui pousse un bébé dans une poussette dans la rue, des gens qui sont au travail, ils me disent tous la même chose, c'est en trois mots : ne lâchez rien".


    Michel Grossiord : Le MoDem évitera-t-il la catastrophe aux élections régionales ?

    François Bayrou : Pour tout vous dire, je ne sais pas de quoi vous parlez exactement. J’imagine que vous parlez des sondages. 

    Et de votre campagne, vous êtes très présent sur le terrain.

    Je vais vous dire, c’est très étrange. Depuis quelques jours – je vous racontais ça tout à l’heure avant qu’on entre – dans la rue, le contrôleur du train, la jeune femme qui pousse un bébé dans une poussette, des gens qui sont au travail me disent tous la même chose et c’est en trois mots : « ne lâchez rien ». 
    C’est très étrange, parce que c’est un mot d’ordre que personne n’a lancé, qui vient comme ça, qui se récupère, les mêmes trois petits mots : « ne lâchez rien ». Ce qu’ils veulent dire, c’est que dans notre volonté d’indépendance, qui n’est pas souvent comprise par le monde politique qui voudrait qu’on soit affilié à l’un des deux blocs, ou à l’un des deux camps, et puis qu’on n’en bouge plus comme ça le monde est facile à lire. Dans cette volonté d’indépendance et de liberté, dans cette modeste résistance, il y a une petite partie de leur volonté d’indépendance et de leur volonté de résistance à eux. 

    Pourquoi cela ne se traduit pas dans les sondages ?

    Parce que les électeurs sont là pour remettre les sondages à leur place. Ce que les sondages mesurent – il y a très longtemps que le dis ça et même que le vis cela – et régulièrement il arrive que les résultats, dans un sens ou dans l’autre, ne soient pas ce que les sondages annonçaient. Dans les sondages on pose des questions qui ne ressemblent peut-être pas à celles que les électeurs se posent. 

    Vous dites que les électeurs soutiennent votre démarche, mais on vous accuse d’être trop individualiste et vos prétendus amis en interne n’attendent plus pour aiguiser leurs arguments. Votre vice-présidente Corinne Lepage va participer lundi à Strasbourg à un meeting avec Daniel Cohn-Bendit pour soutenir le candidat des Verts, alors que vous avez votre candidat Modem dans la région.

    Et il s’appelle Yann Wehrling, c’est quelqu’un de très bien, c’est l’ancien jeune premier responsable des mouvements écologistes en France. C’est dire qu’il y a des gestes qui ne sont pas loyaux. Mais je ne commenterai pas davantage ce point. 

    Vous allez peut-être inciter Corinne Lepage dans les heures qui viennent à faire le bon choix ?

    Je ne dirai pas un mot de plus. 

    Si votre mauvais score se confirme, est-ce que vous pensez garder une chance pour 2012 ?

    Monsieur Grossiord, excusez-moi, mais je ne sais pas de quel mauvais score vous parlez. De quel score parlez-vous ? 

    De celui que les sondages annoncent. Les sondages annoncent 5 pour cent, tous les instituts.

    Je ne crois pas aux sondages. Je pense au contraire que beaucoup de Français ont envie de manifester autre chose que ce qu’on leur indique. 

    Je lis dans Paris Match que Franck Louvrier, le conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, dit à votre sujet : « on n’a pas besoin de s’occuper de lui pour qu’il disparaisse de l’échiquier politique, il le fait très bien tout seul. »

    C’est en effet ce que l’UMP souhaite, c’est tout à fait clair et normal, et honnêtement à leur place je souhaiterais la même chose. 

    Une atmosphère de défaite plane aussi sur l’UMP. Du coup Nicolas Sarkozy devrait s’impliquer davantage dans la campagne. On l’annonce en Franche-Comté dans quelques jours pour parler emploi, le Figaro Magazine devrait publier son interview la veille du premier tour. Est-ce que vous le croyez capable de mobiliser l’électorat de droite ?

    Je ne répondrai pas à cette question mais je répondrai à une autre, qui est plus importante, si vous le voulez bien. J’ai une différence fondamentale sur ce point avec Nicolas Sarkozy et depuis longtemps. Je ne crois pas que le président de la République en France devrait être un chef de parti. Je pense exactement le contraire. Le président de la République en France devrait être au dessus des partis. Il ne devrait pas être l’interprète de son camp, de son mouvement politique ; il devrait être l’interprète de toutes les sensibilités démocratiques du pays. 

    Vous lui demandez de ne plus sortir de l’Elysée jusqu’au premier tour et de ne pas donner d’interview ?

    Je ne demande rien. Je vous dis que la conception qui est la mienne, et celle de beaucoup de Français, de la fonction présidentielle, c’est que le président soit une voix pour toutes les sensibilités, qu’il essaie de comprendre, d’entendre, la diversité des sensibilités françaises, ceux qui sont ses inconditionnels et les autres. Si le président n’est pas un rassembleur, c’est la fonction présidentielle qui souffre. 

    Vous avez affirmé récemment que ce qui se passe en Grèce sur le plan financier pourrait arriver très rapidement en France. Est-ce que c’est responsable de dire cela ?

    C’est même la seule responsabilité que de dire à l’avance : soyons plus prudents que nous ne le sommes, car il peut nous arriver des choses graves. Vous avez vu le plan qui est mis en place en Grèce ? 

    Vous appelez à un plan similaire en France ?

    Je vais vous dire les chiffres pour que vous compreniez bien. On parle de ça à la légère, naturellement. Lorsque j’ai fait une grande partie de ma campagne présidentielle en 2007 sur le déficit et sur la dette, le déficit était déjà astronomique : 38 milliards d’euros par an. Cette année, il sera de 150 milliards. On a multiplié en 3 ans le déficit par 350 pour cent. Est-ce que c’est responsable ? Je vous retourne la question que vous me posez. 

    François Fillon, qui fait des meetings tous les soirs, parle des déficits et de la réforme de l’Etat. Est-ce que vous voulez qu’il aille plus loin ?

    Ce n’est pas aller plus loin. Si nous continuons à déséquilibrer la France, nous sommes en train de plonger dans le désespoir et la précarité des millions de jeunes qui ne savent même pas qu’on prend ces décisions en leur nom. Votre boulot, Michel Grossiord, pardon de vous le dire, devrait être de le dire autant que moi. 

    D’accord, on le dit, on le dit.

    Non, ce n’est pas cela. C’est chose grave pour l’avenir du pays, et ces choses graves là ne peuvent être entendues des Français que si vous les attestez. 

    Est-ce que vous voyez vous aussi François Fillon entrer dans le club des présidentiables, voir en meilleur candidat pour la droite ?

    D’abord c’est quelqu’un qui n’est pas antipathique, disons-le. Ajoutons une chose : ce n’est plus de la politique, c’est « tournez manèges » ! Cette semaine c’est Fillon, la semaine dernière c’était Villepin, la semaine d’avant c’était Jean-François Copé… Disons que ces manèges là continueront à tourner, et que ce n’est pas très grave. Si Nicolas Sarkozy assume sa fonction, dans le camp du président il n’y a pas de place pour quelqu’un d’autre que le président. Si l’on veut se présenter contre le président, alors il faut avoir le courage de poser des actes de rupture. 

    Daniel Cohn-Bendit est d’accord pour que les Verts participent à des primaires ouvertes à gauche, est-ce que vous pourriez y venir ?

    Et bien non, parce que je n’appartiens pas à la gauche, je suis un homme du centre. Je pense qu’on a besoin en France d’une droite républicaine, d’une gauche responsable et d’un centre qui fasse son travail.

  • Financement de l'industrie ? Merci la CGT !

    Je viens d'entendre que Sarkozy s'intéresse à l'industrie. Bayrou a approuvé. Pas trop tôt, cela ne fait jamais qu'il dit, avec le MoDem, que l'industrie est une urgence. Quant au livret épargne industrie proposé par Sarkozy, je suis allé me renseigner auprès des véritables promoteurs de l'idée : la CGT ! Et leur idée n'est pas idiote, car elle part du constat que l'industrie ne supporte plus des rendements exigés à deux chiffres :

    Cinquième priorité : le financement. L’Industrie est incompatible avec les taux de rentabilité à deux chiffres exigés ces dernières années. La CGT considère qu’un pôle public de financement du développement industriel est possible dès maintenant en utilisant un livret d’épargne industrie et emploi. Les bases de ce pôle existent avec la Caisse des Dépôts et OSEO, qui finance l’innovation des PME et la Banque postale. Les Banques doivent consacrer l’essentiel de leur activité au service de l’emploi, des projets industriels.

    Oui, pas mal trouvé du tout. Maintenant, il faudrait aussi que Sarkozy aille au bout de l'idée en étendant considérablement le montant maximal de dépôts autorisés sur le LDD futur LDDI. 6000 euros maxi, c'est trois fois rien. Il faudrait au moins monter jusqu'à 10-15 000 euros. Si la chose se fait, j'en ouvre un. Par ailleurs, 1.25%, ce n'est pas fameux, comme rétribution. Mieux vaudrait distinguer le Livret de Développement Durable, et un livret pour l'industrie à 2-3% de taux d'intérêt.

  • Mélenchon attaque le MoDem

    Tiens, le Front de Gauche, et notamment sa composante principale, le Front de Gauche, qui monte en puissance, attaque de front, c'est le cas de le dire, le MoDem. L'un des derniers carnets de campagne de Jean-Luc Mélenchon aborde la question. J'ai du respect pour Mélenchon. C'est un type honnête, et il a eu le courage de ses opinions en quittant le PS au moment du TCE et en poursuivant coûte que coûte la construction d'un parti autonome. Il n'a pas eu peur d'y aller seul. Chapeau. Je m'agace parfois de ses attaques contre l'école privée, mais je ne trouve, en revanche, pas grand chose à redire sur l'idée qu'il se fait de l'école. J'aime bien que le Parti de Gauche nous attaque, nous le MoDem, sur nos idées. Ça, au moins, c'est de la politique au sens noble, c'est du débat, du vrai. Je crois au choc et à la confrontation des idées. Au demeurant, Mélenchon a raison au moins sur un point : oui, le MoDem n'est pas un parti de gauche, et oui encore, forcément, si le PS cherchait à s'allier avec le MoDem, en effet, il glisserait certainement plus vers sa droite que vers sa gauche.

    Je suis donc allé lire avec curiosité la brochure que Mélenchon réserve à Bayrou. Par exemple, Jean-Luc Mélenchon nous reproche de vouloir interdire constitutionnellement tout déficit budgétaire, sauf investissements exceptionnels. J'en déduis donc qu'il est partisan de le laisser filer. Mélenchon a-t-il bien considéré ce qui arrive aux pays qui font preuve d'un laxisme effréné dans ce domaine ? L'exemple de la Grèce n'est-il pas édifiant ? Nous filons à grand train vers les 100% du PIB de déficit, et nous risquons à tout moment de payer encore plus cher l'argent que nous empruntons quotidiennement. Comment le Parti de Gauche trouvera-t-il de l'argent, si nous ne trouvons plus de prêteurs ? En taxant les entreprises ? Mais elles produisent une bonne part de nos richesses ! Que se passera-t-il le jour où elles ne pourront plus payer ? La Révolution, alors, le Grand Soir ? L'Étatisation complète de l'économie ? Même en admettant que notre pays demeure une démocratie avec un tel système, l'exemple de l'Inde a montré à quel point l'omniprésence de l'État peut gangrener et paralyser complètement une économie. Il n'y a pas d'espoir ni de progrès sans liberté d'entreprendre, sans libération de la créativité.

    Il faudra tôt ou tard rembourser nos dettes. Tout le monde devra payer. Non seulement il faudra en finir avec la plupart des niches fiscales, sauf celles qui profitent clairement et directement aux finances publiques, mais en plus, chaque citoyen devra payer, parce que cela ne sera toujours pas suffisant pour rembourser notre monstrueuse dette. On peut toujours faire miroiter au bon peuple une juteuse et inespérée chasse aux koulaks, il faut bien comprendre que cela ne marchera pas, que c'est un miroir aux alouettes, et que tous les pays qui s'y sont risqués en sont revenus.

    Deux emplois sans charge, coûteux pour les finances publiques ? Toujours moins que les indemnités de chômage ! Que l'on fasse le calcul, et les 8 milliards de dépense calculés par Mélenchon sont absorbés par l'argent économisé en assurance-chômage.

    Mélenchon nous accuse également de vouloir rétablir l'équilibre de la Sécurité Sociale : ben oui. Soit nous payons, soit elle implose, ce n'est pas plus compliqué que cela. Donc, en effet, on n'échappera pas à la question de savoir ce qui est dévolu à la complémentaire, et ce qui revient à la Sécu. Et moi, je préfère qu'on le dise ouvertement, plutôt qu'un jour, je me retrouve lourdement endetté pour des frais médicaux parce que le système public a volé en éclats sous le poids de ses déséquilibres. Que propose le Parti de Gauche, au fait, sur ce sujet ?

    En ce qui concerne les retraites, le MoDem n'est pas favorable à une inscription dans le marbre d'un recul du droit à la retraite à 60 ans. Mais il ne voit pas pourquoi il interdirait à ceux qui veulent travailler plus, avec des aménagements ou non, de le faire. Sauver les retraites est une mission sacrée pour le MoDem. La question ne souffre pas la moindre démagogie : l'argent n'apparaît pas par l'opération du Saint-Esprit. La France vieillit, l'espérance de vie s'allonge...Nous avons le mérite d'appeler un chat un chat, et de dire que la retraite ne peut être que fonction du temps de cotisation.

    Sur l'Éducation, je dois dire que je partage une partie des critiques de Mélenchon, et que je serais tenté d'en ajouter d'autres...Cela dit, à propos de la souplesse que le MoDem veut introduire, que Mélenchon comprenne bien que dans toute institution, entreprise ou administration, chaque espace de rigidité voit se produire  un espace de flexibilité accru en regard. Ce n'est pas l'autonomie des établissements qui est le coeur de la politique actuelle, mais bien le souci de réduire les dépenses d'éducation. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Concernant l'allongement du temps de travail des enseignants, c'est un mensonge éhonté de dire que l'idée est partagée par la droite. Non, Jean-Luc Mélenchon, c'est au contraire une idée agitée depuis un bon moment par vos amis socialistes, Peillon, Royal, Strauss-Kahn, Jospin et bien d'autres encore, notamment dans les commissions éducation du PS. Je n'ai jamais rien vu de tel figurer dans le programme de l'UDF en 2007, bien au contraire, et pas davantage dans celui de l'UMP...

    Il faudra un second billet pour aborder la seconde partie du document de Jean-Luc Mélenchon. A très bientôt, donc.