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stoïcisme

  • Un néo-stoïcisme pour le MoDem ?

    En ce début d'année 2016 je viens de renouveler mon adhésion au MoDem, et ce pour la neuvième fois. J'ai esquissé le 14 décembre dernier l'axe majeur d'un nouveau projet politique.

    Les philosophies antiques ont cette supériorité sur les pensées abstraites modernes qu'elles sont tournées vers des sagesses pratiques. Pythagoriciens, Platoniciens, Cyniques, Aristotéliciens, Épicuriens, Stoïciens et d'autres encore ont tous en vue l'amélioration de l'Homme par l'Homme et non par une quelconque idéologie.

    Toutes ces pensées m'intéressent, mais j'ai un attachement particulier pour le stoïcisme. Le stoïcisme n'offre pas comme perspective le changement d'autrui mais celui de se changer soi-même. Ce n'est pas pour autant un repli sur soi puisque le stoïcien considère que tout individu, d'où qu'il vienne, peu importe son pays, a vocation à être son concitoyen et compatriote. 

    Le stoïcisme m'intéresse parce qu'il propose à l'être humain d'être l'acteur de son propre changement, d'être l'acteur de son Bien. 

    Il y a une traduction politique de cette considération : nous citoyens, avons le pouvoir d'agir sur l'ordre des choses parce que nous pouvons choisir ce que nous décidons de faire.

    D'un point de vue stoïcien, il est peu utile de chercher à dévier ce sur quoi nous n'avons pas ou que peu prise. Mieux vaut se concentrer sur les choses qui sont à notre portée. 

    Au nom d'une telle morale, on pourrait verser dans l'ascèse par refus du consumérisme mais on peut aussi en faire une traduction économique en estimant que notre porte-monnaie est susceptible de devenir intelligent et orienter alors nos dépenses en vertu de ce que nous jugeons être le Bien ou non. Sur cette base, on doit pouvoir décliner une large palette de labels garantissant l'adhésion à une charte éthique, environnementale ou simplement économique. Comme dans l'ordo-libéralisme, l'État aurait comme rôle principal d'être un arbitre et un régulateur fiable en garantissant l'authenticité et la qualité des labels.

    Les lecteurs de ce billet pourraient me demander pourquoi j'ai choisi le stoïcisme pour éclairer la doctrine politique du MoDem et les idées de Bayrou. J'apprécie les Stoïciens à deux égards :

    - à aucun moment, à l'inverse de Platon ou Aristote, ils n'ont cherché, dans leurs théories, à instaurer un gouvernement de sages, de philosophes ou de tout ce que vous voudrez de tel.

    - mais ils ne tombent pas pour autant dans le travers de l'épicurisme, le repli sur l'amitié au détriment de l'investissement politique.

    Un stoïcien tend à penser que son action vertueuse a un impact sur l'ensemble de la cité, principalement parce qu'il a conscience d'un ordre supérieur qui guide sa marche vers le Bien. Denis Badré, ancien sénateur du MoDem, exprimait au fond une idée assez similaire dans un aphorisme de sa composition au cours d'une conversation que j'avais eue avec lui, il y a quelques année :

    « Pour que son sillon soit droit, le laboureur oriente sa charrue vers une étoile. »

    Pas de folie des grandeurs pour autant ; Marc-Aurèle écrit un jour en s'adressant à lui-même «Ne t'attends pas à la République de Platon, mais sois satisfait du plus petit progrès, et, ce résultat, ne le considère pas comme une petite chose.»

    C'est un idéal de modération qui devrait guider notre réflexion politique. Appliqué à l'école, par exemple, on en finirait avec les réformes imbéciles et successives qui la chamboulent en tout sens et sont maintenues malgré leur inefficacité crasse et démontrée. 

    Il y a un dernier aspect fort sympathique dans le stoïcisme : le refus de la soumission. Soyons clair : il ne s'agit pas de se révolter pour se révolter mais bien plus simplement de conserver envers et contre tout sa liberté et tout particulièrement sa liberté de représentation, notamment face aux fantasmes des passions.

    Je ne suis pas le seul à réfléchir au renouvellement de l'action politique. Cela intéresse aussi Authueil qui vient d'écrire un billet à propos du "collaboratif"en politique sur son blog.

     

  • Sisyphe heureux

    J'avoue avoir particulièrement goûté la dernière sortie de Bayrou dans Ouest-France. Il se représente en Sisyphe heureux. Sisyphe, c'est ce héros grec condamné à pousser éternellement un rocher jusqu'au sommet d'une colline, puisque le rocher en question la dévale une fois à son sommet. Dans la mythologie grecque, Sisyphe passe pour le plus astucieux des hommes et certains voient en lui le vrai père d'Ulysse.

    Sisyphe est une curiosité, à vrai dire, dans la mythologie : je n'ai jamais trouvé trace des causes exactes de sa punition dans le Tartare. Je sais qu'il s'est joué de la mort en parvenant, par un subterfuge, à tromper Hadès, si bien qu'il fallut envoyer l'artillerie lourde (Thanatos, la mort, en personne) pour lui faire réintégrer le royaume des morts. J'aime bien l'image, parce qu'on promet si souvent à Bayrou une mort politique que je trouve que le personnage de Sisyphe lui convient bien. Outre le fait de s'être payé la tête des divinités de la mort, il semble bien qu'il ait fait un sale coup à Zeus en fayottant auprès du père d'Égine, jeune fille que le dieu avait enlevée, parce qu'il avait détecté Zeus derrière la métamorphose en aigle du dieu.

    Cela dit, Bayrou pensait probablement au Sisyphe de Camus, pas au mien, car l'expression de Sisyphe heureux est celle de Camus. Ce qui compte, du point de vue de Camus, ce n'est pas la cause qui fait que l'on pousse le rocher, mais le fait de le pousser. En quelque sorte, ce n'est pas la cause de la révolte qui importe, mais de se révolter. De la part de Bayrou, je l'interprète plutôt ainsi : il aime l'adversité et n'est jamais si content que lorsqu'il y est confronté. L'adversité pour l'adversité. Un peu comme le héros absurde de Camus qui trouve dans la conscience de l'absurdité du monde et le fait de s'y confronter, sa raison d'être. Le héros absurde est, à mes yeux, un contre-point du héros stoïcien qui trouve le même bonheur à se trouver éprouvé par les méandres de l'existence.