Je vais encore entendre toute la gauchosphère hurler à la mort contre le néolibéralisme après le décès de Margaret Thartcher.
On la cite souvent au côté de Ronald Reagan en initiateurs d'une prétendue révolution néo-libérale.
Le problème, c'est que des Thatcher, il y en a eu deux : il y a eu la Ministre de l'Éducation pro-européenne du début des années 70 que j'agrée tout à fait dans la tradition libérale avec des réformes empreintes d'humanisme : augmentation du nombre des crèches, rénovation des écoles primaires, scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans, investissements importants dans le CERN. Que des bonnes choses.
C'est après que cela va se gâter sérieusement. Elle ne retient de ses fréquentations libérales que le libre-échange et montre un mépris profond pour les corps intermédiaires. Son rapport à l'État devient hystérique (comme je peux parfois le constater aujourd'hui chez un certain nombre de mes amis libéraux) qu'elle voit en symbole socialiste du Mal.
On peut en revanche lui savoir gré d'avoir réduit l'impôt sur le revenu dont les premières tranches avaient atteint des sommets délirants (83% ! Merci le travaillisme). Mais en dehors de la fiscalité et de la dépense publique qu'elle a plutôt bien gérés, le reste est assez désastreux. Non que les Travaillistes aient fait mieux, loin de là, puisqu'ils conduisaient déjà l'Angleterre à la catastrophe, mais plutôt qu'elle n'ait rien redressé. A l'issue de des gouvernements de Thatcher, il ne reste plus grand chose de l'industrie britannique.
Je me souviens avec émotion des petits voitures de métal que j'achetais dans les magasins de jouets sur lesquelles figuraient la mention made in England. Terminé, tout ça, après les années Thatcher. Finies les Dinky toys et les Corgi...
Elle a également laissé l'immigration exploser en Grande-Bretagne, et, ce, seulement à dessein de faire pression sur la classe ouvrière britannique.
Le pompon demeure tout de même l'instauration de la Poll Tax : un authentique retour à ce que le Moyen-âge a pu comprendre de plus injuste et obscurantiste. Un impôt par tête, défavorisant de fait les familles nombreuses les plus pauvres. J'espère ne trouver personne parmi les libéraux pour qualifier de libéral un impôt aussi débile et inique. On imagine que les effets sur la démographie anglaise auraient été durables si cet impôt avait été maintenu dans le temps.
Ajoutons à cela que la proportion de familles vivant en-dessous du seuil de pauvreté a été multiplié par trois sous son «règne». Ce n'est pas vraiment ce que j'appelle une réussite, et j'ajoute qu'on est assez loin de la théorie du ruissellement avec un tel résultat. A vrai dire, Thatcher se foutait bien du ruissellement. Elle a appliqué de manière idéologique un programme directement inspiré de l'École autrichienne d'économie et des Monétaristes. Des théories intéressantes mais à bien considérer avant d'agir.
A l'international, la Guerre des Malouines aura fait sauter la dictature en Argentine. Tant mieux et bon débarras.
Thatcher a mené certaines réformes libérales, d'autres qui n'en étaient pas. Cela ne suffit pas à en faire une libérale et seuls les libéraux-conservateurs la reconnaissent sans restriction comme l'une des leurs.
Je recommande vivement le bilan qu'en fait mon homologue hérétique britannique, fort intéressant bien que très dithyrambique. Il devrait lire Tocqueville : je le vois déplorer que la démocratie censitaire et caritative que lui semblait promouvoir Thacher se soit brisée sur l'écueil des individualismes et des égoïsmes particuliers. Ils sont pourtant consubstantiels de la démocratie libérale et nul ne saurait gouverner efficacement et justement dans un tel régime sans avoir en permanence ces écueils en vue.
Margaret Thatcher n'était pas l'hydre ultra-libérale que décrivent les gauchistes hystériques mais pas non plus la dirigeante modérée que mon hérésiarque confrère lui attribue.