Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Economie - Page 51

  • Le joli coup de la BNP

    La BNP est une banque décidément étonnante : même en situation de crise, elle parvient à flairer les bons coups et à saisir les opportunités. La BNP a récupéré 100% des activités bancaires de Fortis en Belgique et les 2/3 au Luxembourg. Elle récupère également les 3/4 de l'activité assurance de Fortis en Belgique.

    Pour ce faire, la BNP offre 11,7% de sob capital à l'Etat Belge et 1.1% au Luxembourg. C'est teès bien joué ! La BNP ne dépense pas de liquidités pour acquérir Fortis, elle profite du renflouement de ce groupe par les états néerlandais et belges, et elle en prend le contrôle au moment où le cours de l'action est à son plus bas. Mais, bien mieux encore, elle se trouve deux actionnaires extrêmement fiables et stables ! Ces états ne se comportent nullement comme des fonds spéculatifs mouvant. Avec 12% de son capital entre les mains de deux états très fiables, la BNP s'offre une garantie de stabilité pour une bonne part de ses actions.

    De plus, l'opération de rachat bénéficie du total soutien des deux états. On n'est absolument pas dans un contexte de lutte féroce pour la primauté, mais au contraire de coopération maximale avec les acteurs. Mieux encore : les actifs à risque (un peu plus de 10 milliards d'euros) sont transférés dans une holding détenue essentiellement par le Luxembourg et la Belgique ; la BNP ne détient elle-même que 10% de la holding. Bref, elle rechète sans coup férir, et quasiment sans actifs pourris un bon gros groupe à prix cassé et avec de sérieuses garanties...

    Elle devient enfin la première banque européenne par le montant des dépôts, et son crédit de confiance a de bonnes chances de rassurer les déposants. Oui, vraiment, bien vu. Chapeau bas.

    NDLR : je n'ai pas d'actions dans la BNP, je n'y travaille pas non plus, je suis simplement semi-fasciné, semi-amusé par sa stratégie souvent gagnante, quelles que soient les circonstances. Bon, cela dit, elle subit comme toutes les autres banques un effet sectoriel, si bien que son cours a baissé, même s'il avait grimpé fort haut la semaine dernière. On va voir comment les acteurs du marché réagiront au rachat de Fortis...

  • Crise financière : la solution existe !

    Il est curieux que la plupart  des médias évoquent LA crise  financière dans le monde, alors  que le phénomène n'est pas le  même d'un continent à l'autre. S'il est vrai qu'il s'agit  d'une crise du crédit, elle est  multiforme :
    En Amérique, près de 7% des foyers américains ne peuvent rembourser leur crédit, si bien que les banques se trouvent en difficulté.
    En Europe, à cause de la titrisation des crédits pourris américains, les banques ne se font plus confiance les unes aux autres et ne veulent plus
    se prêter d'argent, par peur de ne pas être remboursées ou d'une faillite ensuite.
    La solution se dégage donc d'elle-même, au moins en Europe, en tout cas : nationaliser est une mauvaise option, car cela fausse la concurrence. Le mieux est que les Etats garantissent les dettes des banques, et si possible, pour éviter une concurrence sauvage entre Etats, qu'ils se mettent d'accord pour établir un fonds européen de garantie des dettes des banques européennes. Très logiquement, il faudrait que cela soit la BCE qui gère ce fonds et qui donne cette garantie. En ce sens, François Bayrou avait raison de prôner une sortie européenne à la crise, et, à cet égard on ne peut qu'être déçu de la platitude du mini-sommet européen organisé par Nicolas Sarkozy qui n'a débouché sur rien de concret.

    J'en profite pour saluer l'intérêt qu'a manifesté la blogosphère MoDem à la question de la crise financière. Alcibiade a relevé quelques billets, mais il y en a d'autres, chez KaG, par exemple (EDIT : ou encore du côté de la Voix de Grenoble.)

  • Quand Sarkozy aimait les subprimes

    Trouvée, cette perle sur Carnets de nuit (merci à José Ferré) ; il s'agit du candidat Sarkozy s'exprimant sur le crédit et le logement lors de la campagne présidentielle de 2007 :

    “Les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d’Europe. Or, une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. C’est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages et que l’Étal intervienne pour garantir l’accès au crédit des personnes malades.

    “Je propose que ceux qui ont des rémunérations modestes puissent garantir leur emprunt par la valeur de leur logement.

    “Il faut réformer le crédit hypothécaire. Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. Ceci profiterait alors directement à tous ceux dont les revenus fluctuent, comme les intérimaires et de nombreux indépendants.

    Remarquable, non ? Je n'arrive même pas à commenter...

  • Au coeur de la crise financière

    Il est devenu un lieu commun que de condamner vertueusement les dérapages du système financier. Cette facilité, je me la refuse, pour une raison simple : j'estime que la posture morale consistant à dénoncer les vilains financiers ne rend pas compte de la nature profonde de la crise.

    A mon sens, ce qu'il est intéressant d'analyser, ce sont les processus d'interprétation et d'anticipation qui ont conduit à cette crise. Pourquoi, par exemple, pour les subprimes, plusieurs acteurs importants du secteur financier ont continué à titriser des créances dont ils ne pouvaient ignorer la fragilité, et comment ont-ils raisonné pour supposer qu'un titre ou un montage juridico-financier qui intégrait des superpositions aussi complexes étaient solides ? Pourquoi les agences de notation se sont-elles montré si imprudentes en validant la fiabilité de produits dont elles ignoraient le contenu intrinsèques ?

    Erreurs humaines ? Je ne suis pas expert en finance comportementale, mais il me semble qu'il y a sur ce terrain bien peu exploré des recherches à effectuer pour trouver des éléments de réponse.

    A côté de cela, il y a aussi la complexité propre des montages : on a pu se demander çà et là pourquoi les banques ne disposaient pas de cabinets d'experts pour estimer elles-mêmes les risques des produits financiers qu'elles achetaient, voire, qu'elles produisaient.

    Ce que le grand public ne se représente pas, c'est le degré d'élaboration de ces montages : on estime les risques qu'ils comportent en les "stressant" (imaginant leur comportement dans les conditions les plus extrêmes du marché), via des programmes informatiques très complexes. Sauf que : encore faut-il que les développeurs qui réalisent sur commande ces programmes sophistiqués aient la culture juridique et financière pour bien saisir les tenants et les aboutissants de ce qu'ils font. En fait, au bout d'un moment, en dehors de quelques polytechniciens particulièrement brillants, les petites mains des banques, fussent-elles haut placées, ne contrôlent plus précisément ce qu'elles font. Elles en ont une idée approximative, mais suivent, in fine, une procédure. A force d'entremêler les noeuds, il devient difficile de retrouver la manière dont ils ont procédé, et la créature finit par leur échapper.

    Il y a donc un aspect interne, pas simple, parce que lié à la nature éminemment complexe de la finance. Et d'une certaine manière, c'est là ma réponse à ce qu'écrit Alcibiade ce matin, et notamment ceci :

    « Se "couvrir" d'un risque clairement énoncé, en effet n'est pas condamnable, comme le mentionnait Olivier. Mais depuis des années, l'imbrication toujours plus complexe ne visait plus cela. Il s'agissait de "planquer ses fesses" ou plus clairement de maquiller une valeur mobilière qu'on savait pourrie dans une nouvelle entité suffisamment obscure pour qu'aucun acquéreur ne soupçonne l'embrouille.»

    Il y a donc cet aspect au coeur de la conception d'un certain nombre de produits dérivés, notamment lorsqu'il y a  mélange de créances de toutes sortes, et que le degré de risque est le fruit d'un ratio entre les plus risquées et les plus sûres, ratio calculé au prix de formules mathématiques très techniques et de simulations informatiques très pointues.

    L'autre aspect qui m'intéresse, c'est ce que l'école autrichienne, et particulièrement Kizner, Menger ou Mises, appeleraient "l'ignorance". Quel est le processus d'erreur qui produit une ignorance d'une nature telle que de très grands acteurs du système financier se trompent (on pourrait dire, notez, selon Mises et Kizner, ouvrent aussi des opportunités à d'autres...)

    L'école autrichienne a ouvert la voie en introduisant la psychologie dans l'économie, et, très probablement, la finance comportementale est un avatar de cette démarche. J'ai commencé le livre de Thierry Aimar sur les apports de l'école autrichienne en économie en janvier dernier, mais, comme parallèlement, j'ai lu d'autres ouvrages, je le lis lentement. L'inconvénient, c'est que je ne suis pas un expert en économie, et que l'ouvrage de Thierry Aimar est davantage un pensum pour étudiants déjà maîtres en leur art qu'un livre d'économie autrichienne pour les nuls. Passer d'un chapitre à l'autre suppose donc une bonne maîtrise conceptuelle du chapitre précédent.

    La grande affaire de l'école autrichienne, c'est le modèle praxéologique. Or, ce modèle débouche naturellement sur la notion de catallaxie. La catallaxie, c'est la science des échanges : comment se forment et se déterminent les rapports d'échange sur les marchés. Or, sur ce point, je m'intéresse beaucoup à l'image que Hayek emploie : Il se représente l'esprit classant les phénomènes physiques selon les stimulis qu'ils provoquent, puis les met en relation. Voici ce que j'écrivais le 12 janvier dernier :

    « Or, un certain nombre de ces relations sont communes au sein d'un groupe social donné, jusqu'à être transmises inconsciemment. On peut donc parler d'une sorte d'inconscient collectif qui à des degrés divers donne à l'individu un modèle de carte, un peu comme une sorte de carte de navigation, ou même peut-être simplement de boussole. En somme, nous nous déplaçons tous sur la même carte, mais pas nécessairement par le même chemin. Ce qui n'exclut pas les goulots d'engorgement : s'il n'y a qu'un détroit pour passer d'un océan à un autre, tout le monde passera par le détroit...[...]

    Cette carte est réorganisée donc en permanence sous l'effet d'un processus d'essais et d'erreurs. L'esprit opère en permanence des suppositions, quitte à recomposer la structure de sa classification.

    La grille de classification semble partagée, similaire, mais seulement dans le sens où une partie des facteurs est commune aux individus. Il y a un communautarisme culturel qui exprime ainsi l'appartenance des acteurs à un même horizon spatio-temporel. Comme ils partagent un même environnement cognitif, une partie de leurs représentations individuelles trouve une origine sociale.

    Hayek applique ces raisonnements à la sphère économique : actions et significations similairesau sein des individus forment des idéaux-types. Des idéaux-types ne sont pas des structures objectives, pas non plus des structures subjectives, mais, des structures subjectives partagées, c'est à dire inter-subjectives. En somme, un schéma de référence, accessible à chaque individu par son héritage social, et relevant d'une grille d'interprétation commune. »

    Je manque, hélas, de connaissances suffisamment avancées et d'expérience pour tenter de m'aventurer sur ce chemin, mais ce que j'aimerais bien déterminer, c'est la manière dont la carte se reconstitue à l'heure actuelle, et pourquoi les grands acteurs du marché ont été nombreux à prendre le même chemin, au risque d'un goulot d'engorgement. Ce que j'aimerais comprendre, c'est le processus d'essais et d'erreurs qui a donné naissance à cette crise... Cela fera peut-être l'objet d'un autre billet, si je parviens à y réfléchir suffisamment. Nulle doute, en tout cas, qu'une telle étude entrerait dans le domaine de la finance comportementale (du temps où je suivais le forum d'économie de Usenet-fr, fr.soc.economie, l'auteur des pages que je mets en lien le fréquentait ; mais cela remonte à plusieurs années, et je ne sais pas s'il y est encore), pour laquelle les experts sont forts rares et les écrits peu connus.

  • La Chine est-elle un partenaire commercial fiable ?

    Je m'interroge sérieusement sur la capacité de la Chine à effectuer des échanges commerciaux conformes avec des pays de droit. La Chine a en effet masqué la contamination de sa production de lait par la mélanine. Elle n'a pu le faire que parce que c'est un régime autoritaire, et, par suite, pas un état de droit ni une démocratie. Or, le commerce, pour prospérer, a besoin d'un droit clair, net et fixe. Si le droit n'évolue pas en Chine, et que ce pays peut ainsi tromper le monde entier sur sa production, au point que des aliments s'avèrent mortels pour les bébés, il faudra envisager de sévères restrictions commerciales, ou alors, pour les Chinois, d'évoluer sur leur système de droit, et in fine, sur la démocratie, régime le plus fiable en matière commerciale...

  • Impact des produits dérivés sur la crise : warrants et trackers

    Yesss : un spécialiste de la finance vient sur mon blog. Passionnant débat entre Alcibiade et Olivier : reprenons l'objet du débat, d'abord de manière simplifiée ; il s'agit d'un lieu commun aujourd'hui en France : le discours d'Alcibiade est de démontrer que la finance, aujourd'hui, est découplée de l'éonomie réelle, et qu'elle fabrique des produits qui ne correspondent à aucune valeur réelle, tout du moins, en terme de production (ah, les avatars de la valeur travail...), et ce fait serait bien entendu à l'origine de la crise. Eh bien évidemment, haro sur les produits dérivés, qui sont souvent des droits sur les titres (par exemple les options). En la circonstance, il choisit les warrants et les trackers. Sur ce dernier produit, il note avec humour la commercialisation par une banque française, en 2007, d'un tracker Sarkozy et d'un tracker Royal (pour 2012, je conseille la fabrication du tracker Bayrou, à propos...). Au passage, Alcibiade a soulevé un vrai problème, je le cite :

    - Si la titrisation se bornait à ce que vous énoncez, la vie financière serait merveilleuse! Mais vous feignez d'ignorer ici ce que regroupe en pratique ce vocable : Il s'agit dans 80% des cas d'amalgamer dans un seul titre négociable une foultitude de valeurs (actions, obligations, options diverses, et sous-titres même). Si bien que même ceux qui créent ces instruments ne savent pas en réalité avec précision ce qu'ils représentent!

    Quand je dis un vrai problème, c'est dans ma perspective : l'un des aspects de la crise financière, c'est la confiance. La crise financière est d'abord une crise de confiance. Mais c'est une crise de confiance qui est éminemment reliée à l'ignorance des acteurs des marchés financiers. Ignorance que relève à juste titre (sans jeu de mots) Alcibiade.

    Olivier, expert du domaine (son métier est de structurer des financements pour des entreprises et pour le secteur public), réagit :

    Pour revenir rapidement sur la réalité du sous-jacent des produits dérivés, je rappelerai entre autres que les warrants sont des dérivés sur un sous-jacent comme des actions (donc liés à la valeur de l'action, il y a donc d'un côté une action réelle, de l'autre un acteur avec de la liquidité -réelle- qui veut avoir l'option d'acheter ou de vendre à terme à un prix donné et entre les deux une banque qui parie sur la différence et supporte le gain ou la perte -réelle-, là encore ni création ni destruction de valeur réelle. Quant aux trakers, il s'agit ni plus ni moins que de réplication d'indices; en pratique, c'est très simple, avec l'argent des investisseurs, la banque achète un panier d'actions au prorata de leur poids dans l'indice. Encore une fois on est fortement lié au réel... Enfin, comparer un volume d'instruments financiers à un PIB (qui est une création de richesses, mesurant la valeur ajoutée créée par une économie) est une absurdité sans nom que je vois pourtant très souvent. Ca revient à peu près à comparer la taille de bilan d'une société à son résultat net. Enfin, pour les trakers droite et gauche (qui sont plus une curiosité qu'autre chose), c'est effectivement un peu risible, c'est l'équivalent d'un betfair (site de paris en ligne), et même si ça n'a aucun sens économique, ça ne créé pas et ne détruit pas de valeur virtuelle; c'est juste un gadget un peu magouilleux pour particuliers, le vrai monde de la finance (et notamment les fonds qui gèrent vos économies) ne s'y intéresse pas.

    Je n'ai pas le temps de faire une réponse plus étoffée maintenant (il faut que j'aille travailler), mais je rappelle effectivement que ma conclusion vise à souligner avant tout qu'il faut éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain et de critiquer à tout va, et d'un bloc, le monde de la finance (pour autant, je ne nie pas un certain nombre de dérives réelles). Ca revient à peu près au même que de vilipender les entreprises sur la base de l'exploitation de gamins asiatiques par Nike ou la gauche pour les dérives du communisme... La politique ne sortira pas grandie de déclarations à l'emporte-pièces...

    Voili-voilou, et je fais bien sûr mienne la conclusion d'Olivier...Bon, j'avais une note sur la crise actuelle, mais je vais la reporter à demain, je pense, tant j'ai de matériau aujourd'hui !

  • L'histoire de Fannie Mae et de Freddie Mac

    Le bonheur, pour un bloggueur, c'est d'avoir des commentateurs de qualité : voici le commentaire de buidfreedom à propos de l'origine de la crise financière, suite au billet d'olivier, la méchante finance. Alcibiade a répliqué avec sa propre analyse, que je ne partage pas (du moins pas entièrement) mais dont je recommande très vivement la lecture afin de disposer d'un point de vue contradictoire argumenté.

    Le voici :

    Le libéralisme a une fois de plus bon dos, car il n'existe pas de marché plus perverti par les interventions de l'État fédéral que celui du crédit hypothécaire aux États-Unis.

    Les deux institutions joliment surnommées Fannie Mae (FNMA) et Freddie Mac (FHLMC) portent une lourde responsabilité dans les dérives financières du système bancaire américain. La première d'entre elles fut tout d'abord une agence gouvernementale, créée en 1938 par l'Administration Roosevelt, pour émettre des obligations à bas taux du fait de leur garantie fédérale, lesquelles alimentaient de liquidités un marché de prêts immobiliers à taux réduits accessibles aux familles les moins aisées.

    En 1968, l'Administration Johnson, s'avisant que les engagements de Fannie Mae garantis par l'État prenaient de l'ampleur et obéraient la capacité d'emprunt d'un Trésor empêtré dans le financement de la guerre du Vietnam, organisa sa privatisation, puis le gouvernement Nixon créa en 1970 Freddie Mac, afin d'organiser un semblant de concurrence sur ce marché du refinancement du crédit hypothécaire.

    Cette histoire a donné à Fannie Mae et Freddie Mac un statut hybride de Governement Sponsored Enterprise (GSE), privées, mais légalement tenues de s'occuper exclusivement de refinancement de prêts immobiliers sous contrôle de l'État fédéral, en contrepartie d'avantages fiscaux. Pis même, bien qu'étant officiellement privés, les deux établissements ont toujours été considérés, du fait de leur tutelle publique et de leur rôle social, comme bénéficiant d'une garantie implicite du Trésor américain !

    Bénéfices privatisés, pertes collectivisées : Un tel cocktail risquait de pousser les dirigeants des GSE à prendre des risques excessifs, si la tutelle de l'État se montrait défaillante. C'est exactement ce qui allait se passer dans les années 1990. Voilà qui rappelle un célèbre scandale bancaire hexagonal…

    La tutelle de ces deux entreprises fut transférée au Département américain du logement (HUD) en 1992, car celui-ci voulait agir sur les prêts financés par les GSE pour satisfaire un objectif majeur de tout politicien qui se respecte outre-Atlantique : l'augmentation du taux de propriétaires de logement parmi les populations à faible revenu, et notamment les minorités.

    Aussi le HUD a-t-il obligé Fannie Mae et Freddie Mac à augmenter tant le volume que la proportion de crédits subprime (jusqu'à 56 %, en 2004) refinancés. Pire, un des patrons du HUD, craignant que l'affichage des risques pris par les deux GSE pour se conformer à ces règles conduise les marchés à leur retirer leur confiance, résolut le problème en les exemptant en toute légalité de dévoiler trop en détail leurs expositions.

    Aussi Fannie Mae et Freddie Mac ont refinancé, à l'aide de produits obligataires de plus en plus complexes, plus de 5 000 milliards de dollars de crédits, soit 40 % des prêts immobiliers américains, dont plus de la moitié de crédits subprime, alors qu'elles ne disposaient pas de fonds propres permettant de s'engager sur de tels montants. Résultat, les banques émettrices de ces crédits ont pu ne pas se montrer trop regardantes sur les prêts qu'elles consentaient, puisqu'il y avait deux refinanceurs à la bourse grande ouverte derrière. La banque Countrywide, dont la politique de prêts aux familles modestes est aujourd'hui vilipendée, était encore il y a trois ans encensée par les dirigeants de Fannie Mae, pour son audace en matière d'octroi de crédits subprime.

    Mais le retournement de conjoncture économique a multiplié les défaillances d'emprunteurs, les deux GSE sont donc menacées de ne plus pouvoir servir les intérêts de leurs obligations, ce qui, par contagion, pourrait affecter tous les investisseurs institutionnels. Du coup, l'État organise dans l'urgence leur sauvetage, lequel devrait coûter plusieurs centaines de milliards de dollars aux contribuables.

    Une seconde intervention publique a amplifié les excès bancaires dans l'octroi de crédits à des familles insolvables. Dans les années 1990, des études révélèrent que les refus de prêts aux membres des communautés noires et hispaniques étaient un peu plus nombreux que vis-à-vis des Blancs ou des Asiatiques, quand bien même ces refus ne concernaient qu'une demande de prêt sur quatre. Certains lobbies y virent non le reflet logique de la moindre richesse de ces communautés, mais la preuve d'un prétendu racisme du monde financier.

    Une loi antidiscriminatoire de 1977, le Community Reinvestment Act (CRA), fut donc renforcée en 1995 pour rendre plus ardu le refus de crédit aux minorités par les banques, sous peine de sanctions renforcées. Celles-ci durent donc abandonner partiellement le rôle prudentiel qu'elles jouent habituellement lorsqu'elles refusent un prêt à une personne objectivement peu solvable. Pas si grave : Fannie Mae et Freddie Mac étaient là pour refinancer ces prêts délicats !

    Aujourd'hui, nombre d'experts estiment que sans le CRA, sans les GSE, l'accès à la propriété des minorités se serait tout de même développé, moins rapidement mais plus sainement. En voulant accélérer artificiellement ce que l'économie libre accomplissait à son rythme, c'est l'État, tantôt régulateur, tantôt législateur, qui a poussé à l'irresponsabilité les acteurs de la chaîne du crédit, provoqué une crise financière grave, et acculé à la faillite nombre de familles qu'il prétendait aider.

  • A propos de la méchante finance

    Mille mercis à Olivier dont le commentaire trouvé sur le blog d'Hervé en réponse à l'article l'illusion d'une illusion m'épargne l'effort d'écrire un billet en substance similaire.

    Je fais donc un simple copier-coller :

    Ah, ça me fait bien rire, toutes ces élucubrations sur la méchante finance. Elle démontre surtout l'ignorance crasse des gens. Il est clair qu'UNE PARTIE de la finance est sérieusement vérolée, et appelera des mesures sérieuses de régulation, mais jeter le bébé avec l'eau du bain, c'est faire preuve d'une méconnaissance impressionnante...

    Alors, quelques petits rappels (ou informations) en vrac:
    - Non, la finance n'est pas déconnectée de l'économie réelle, en fait mis-à-part la fantastique connerie du mark-to-market (l'enregistrement comptable à la "valeur de marché"), la finance ne créé par de richesse à partir de rien (à une exception près, qui est la création par les banques centrales, qui prêtent aux banques de l'argent -qui n'existe pas, donc qu'elle créé- qu'elles réinjectent dans l'économie, mais rappelons que ces prêts ne se font pas n'importe comment, sinon, on aurait une inflation délirante de la masse monétaire mondiale). Une banque utilise les dépôts des clients, les financements interbancaires, sa dette de marché et les fonds propres amenés par les actionnaires, pour prêter de l'argent. Cet argent ne vient pas de nulle part, il vient de l'économie réelle et repart dans l'économie réelle. Une partie de cet argent est placé (notamment sur les marchés financiers) pour le compte de tiers (dont l'argent vient de quelque part... L'économie réelle) ou pour compte propre. Et même dans ce cas, sur un marché financier, il y a toujours échange, ce qui veut dire qu'il y a d'un côté un actif qui existe, de l'autre de l'argent qui vient de quelque part.
    - Qui sont les coupables dans cette crise? Les prêteurs subprime (souvent des petites banques spécialisées), certaines équipes de titrisation et les agences de notation (il y a assez de littérature sur le sujet depuis un an pour que vous connaissiez ces métiers...). Les premiers ont fait faillite, ce qui d'ailleurs est mérité (mais soit dit en passant, ça montre aussi qu'ils avaient gardé une partie du risque, contrairement à une croyance répandue). Les seconds sont virés (vous allez me dire, ils gagnaient des bonus mirobolants... En fait, non, ils gagnaient bien leur vie, certes, comme des cadres supérieurs, mais on est très loin des bonus des traders...). Les troisièmes se portent bien alors qu'ils portent la plus grosse responsabilité, ça c'est scandaleux en revanche! Maintenant il faut bien comprendre deux choses: (i) la titrisation en soi n'est pas absurde (à partir du moment où on vend les actifs au juste prix), c'est même un astucieux moyen de rencontre entre ceux qui ont besoin d'argent (ou ceux qui veulent libérer des fonds propres pour continuer à exercer leur activité, quitte à abandonner une partie de leurs profits -c'est le cas des banques et des compagnies d'assurances) et ceux qui en ont et veulent diversifier leurs classes d'actifs (d'ailleurs, beaucoup de banques, d'assureurs et de fonds, sont beaucoup plus victimes que coupables dans cette histoire: elles avaient besoin d'avoir des actifs peu risqués, on leur vend des actifs AAA, elles croient en toute bonne foi que ce sont des actifs de qualité, assez sûrs, qui équilibrera bien leur portefeuille en complément d'actifs plus risqués comme des actions ou des options, et hop, parce que des incompétentes -ou malhonnêtes- agences de notation se sont complètement plantées pour faire plaisir à leurs clients -les équipes de titrisation, ou plutôt je le répète CERTAINES équipes-, elles se retrouvent avec des bousins radioactifs qui font des gros trous dans leur belle comptabilité IFRS / US GAAP gorgée de valeur de marché virtuelle).
    - Le plan Paulson, 700 milliards aux frais des contribuables? Bien sûr que non, déjà il y a des garanties, et de plus ces actifs n'ont pas non plus une valeur nulle et sont déjà vendus à la casse. D'ailleurs, un de mes collègues pense (et ce n'est pas le seul) qu'en fonction des prix de rachat de ces actifs (suivant la méthode de valorisation), il se pourrait que le contribuable américain s'en mette plein les poches! En effet, il y a une telle psychose sur tout ce qui s'appelle RMBS, CDO, etc... (des produits de titrisation, pas tous nécessairement pourris d'ailleurs), que leurs prix de marché sont parfois bien en-dessous de leur réelle valeur économique, ce qui est d'ailleurs le cas de la quasi-totalité des actifs financiers actuellement (soit dit en passant, c'est l'avis également d'un certain nombre de hedge funds, qui achèteraient massivement ces actifs bradés, s'ils n'avaient pas peur d'être bloqués par un problème d'illiquidité de ces marchés, i.e. personne ne voudrait en racheter au moment où ils voudraient -ou devraient, pour cause de retrait de fonds- vendre! Parce que même pour un actif pourri vendu 100 mais valant réellement 50, si vous l'achetez à 30, vous faites quand même une bonne affaire).

    Bon, il y aurait probablement des dizaines d'autres idées reçues à dézinguer, mais bon, mon commentaire deviendrait interminable...

  • L'hérétique recommande la BNP

    J'ai vu que Quitterie venait de publier un billet sur les classifications opérées par l'organisation les Amis de la Terre : il s'agit d'établir un classement des banques dont l'activité a l'impact le moins néfaste sur l'environnement social et écologique. Dans le tas, il y a en tête la Caisse d'Epargne, une banque très exposée actuellement (jetez donc un oeil sur le Canard Enchaîné d'aujourd'hui).

    Je me suis dit, du coup, que moi aussi j'allais faire mes recommandations :-) Or, en parcourant les divers titres de la presse économique, spécialisée ou non depuis une année, je constate que la BNP n'est jamais citée dans les établissements financiers à risque. Elle est réputée également pour sa gestion prudente. Ses propositions de rachat de Fortis montrent qu'elle dispose de bonnes réserves et également qu'elle n'achète pas n'importe quoi à n'importe quel prix. Je ne dis pas qu'une action BNP est un bon placement financier, mais que le BNP est une banque fiable. Ce b'est d'ailleurs pas nouveau, c'était l'une des réussites au milieu de pas mal de privatisations mi-figue, mi-raisin, sous le gouvernement Balladur en 1993. Si elle subit des soubresauts sectoriels, comme pas mal d'établissements bancaires, le cours de ses actions varie nettement moins que les cours des autres banques. Elle publie des résultats en progression depuis plusieurs années, avec des bénéfices importants. Bref, pas de risque qu'elle s'écroule. Sur 12 mois, son cours est en progression de 12% alors que les autres grandes banques perdent, mais surtout, dans un marché d'anticipations comme le nôtre, elle a un énorme atout : elle inspire confiance ! Elle est notée AA sur les marchés financiers, et ses pairs la considèrent comme une référence, au point que son intérêt pour Fortis a contribué à calmer le jeu ces jours derniers : les marchés se sont dits que si la BNP s'intéressait encore à Fortis, c'est que tout ne devait pas être complètement pourri dans cette société.

    Cela dit, une telle confiance est à double-tranchant : c'est parce que la BNP Paribas avait fermé trois fonds que la crise des subprimes s'est déclenchée, même si elle serait vraisemblablement survenue de toute façon.

    C'est l'une des banques dont la dépréciation d'actif est l'une des moins forte (1.3 milliards d'euros à comparer avec les 4.5 milliards d'euros de la Deutsche Bank, par exemple).

    Bref, fiable, par les temps qui courent.

  • Les salauds de pauvres et les gentilles subprimes

    Je ne résite pas au plaisir de signaler à mes lecteurs la très belle histoire du Père Castor que j'ai trouvée sur J'aime pas les blogs. Une occasion de se retrouver paisiblement au coin du feu avec sa petite famille, en lisant cette très belle histoire, en particulier s'il neige dehors et qu'il fait très froid, et que vous venez de faire l'aumône à un salaud de pauvre. C'est vraiment un très beau conte sur les salauds de pauvres et les gentilles subprimes !