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produits dérivés

  • L'Or des fous

    On reconnaît souvent les périodes de crise au rôle de l'or au plus fort d'entre elles. Domenico, un contributeur du Cercle des Échos, a tenté, dès le mois de juin, de mettre en garde contre la spéculation de folie qui touche les produits dérivés adossés à l'or. La pratique la plus courante, c'est d'acheter un tracker or ; un tracker est un titre bancaire censé refléter fidèlement un indice boursier. Il est en principe adossé à des réserves physiques de matières premières s'il s'appuie sur un indice ad hoc. Le problème, c'est que la demande est tellement monstrueuse que la hausse des cours de ces trackers est devenue vertigineuse. Il n'y a vraisemblablement donc plus de rapport réel entre les réserves en or et les titres vendus. En un an, depuis septembre dernier, l'once d'or s'est appréciée de 25%.

    Ce qui inquiète l'auteur de l'article, c'est que plusieurs États commencent à liquider des positions exprimées en dollars pour acheter à la place des titres adossés à l'or. Or, nombre de ces titres n'ont pas de contrepartie. Le marché financier a donc produit ce que l'auteur appelle des junk-securities, c'est à dire des placements censés être sûrs qui ne valent rien : si jamais le marché s'affole et réalise qu'il n'existe pas les stocks d'or suffisants pour couvrir la demande en produits dérivés, il risque de revendre des titres qui ne vaudront plus rien, au risque d'une catastrophe financière. La valeur papier serait 200 fois supérieure à la valeur matérielle ! Tiens tiens...cela ne vous rappelle rien, vous ? Un truc genre subprimes, quoi...

    Les cours de l'or, in fine, ne risquent pas de s'effondrer, loin de là, et mieux vaut en acheter en dur, à l'heure actuelle, quitte à en acheter, mais l'or de papier, lui, pourrait bien connaître le sort des assignats d'un certain Law, quelques années avant une révolution qui changea le sort d'une partie non-négligeable de l'humanité...

    Certains ne s'y sont pas trompés, et les sociétés qui rachètent des bijoux en or à des particuliers se multiplient, comme en faisait état Le Figaro le 30 août dernier. Mieux, en grande surface, à Carrefour ou à Auchan, par exemple, on échange des bons d'achat contre de l'or.

    Dans le jeu de rôle Donjons et Dragons, il existait, dans la seconde édition des règles, un sortilège de magicien, basé sur la magie d'illusion, qui répondait au nom évocateur d'Or des fous :

    Grâce à ce sort, des pièces de cuivre ou des objets en alliage de cuivre peuvent être changés en or, pour un temps limité. La zone d’effet est de 150 centimètres cubiques par niveau, soit un volume de 5 x 5 x 6 cm ou l’équivalent, ce qui représente environ 150 pièces d’or. Toute créature voyant "l'or" bénéficie d'un jet de sauvegarde contre la Magie, pouvant être ajusté par sa Sagesse ; pour chaque niveau du magicien, la victime doit retirer 1 à son jet de dé. Il est donc peu probable que l’Or des Fous soit détecté s’il est créé par un magicien de haut niveau. Si "l’or" est frappé durement par un objet de fer pur, il existe une petite chance pour qu’il retrouve aussitôt son état naturel, en fonction de l’élément matériel utilisé pour le créer.

    Les concepteurs des produits dérivés sont à n'en pas douter des magiciens d'un niveau incommensurable...

     

  • Impact des produits dérivés sur la crise : warrants et trackers

    Yesss : un spécialiste de la finance vient sur mon blog. Passionnant débat entre Alcibiade et Olivier : reprenons l'objet du débat, d'abord de manière simplifiée ; il s'agit d'un lieu commun aujourd'hui en France : le discours d'Alcibiade est de démontrer que la finance, aujourd'hui, est découplée de l'éonomie réelle, et qu'elle fabrique des produits qui ne correspondent à aucune valeur réelle, tout du moins, en terme de production (ah, les avatars de la valeur travail...), et ce fait serait bien entendu à l'origine de la crise. Eh bien évidemment, haro sur les produits dérivés, qui sont souvent des droits sur les titres (par exemple les options). En la circonstance, il choisit les warrants et les trackers. Sur ce dernier produit, il note avec humour la commercialisation par une banque française, en 2007, d'un tracker Sarkozy et d'un tracker Royal (pour 2012, je conseille la fabrication du tracker Bayrou, à propos...). Au passage, Alcibiade a soulevé un vrai problème, je le cite :

    - Si la titrisation se bornait à ce que vous énoncez, la vie financière serait merveilleuse! Mais vous feignez d'ignorer ici ce que regroupe en pratique ce vocable : Il s'agit dans 80% des cas d'amalgamer dans un seul titre négociable une foultitude de valeurs (actions, obligations, options diverses, et sous-titres même). Si bien que même ceux qui créent ces instruments ne savent pas en réalité avec précision ce qu'ils représentent!

    Quand je dis un vrai problème, c'est dans ma perspective : l'un des aspects de la crise financière, c'est la confiance. La crise financière est d'abord une crise de confiance. Mais c'est une crise de confiance qui est éminemment reliée à l'ignorance des acteurs des marchés financiers. Ignorance que relève à juste titre (sans jeu de mots) Alcibiade.

    Olivier, expert du domaine (son métier est de structurer des financements pour des entreprises et pour le secteur public), réagit :

    Pour revenir rapidement sur la réalité du sous-jacent des produits dérivés, je rappelerai entre autres que les warrants sont des dérivés sur un sous-jacent comme des actions (donc liés à la valeur de l'action, il y a donc d'un côté une action réelle, de l'autre un acteur avec de la liquidité -réelle- qui veut avoir l'option d'acheter ou de vendre à terme à un prix donné et entre les deux une banque qui parie sur la différence et supporte le gain ou la perte -réelle-, là encore ni création ni destruction de valeur réelle. Quant aux trakers, il s'agit ni plus ni moins que de réplication d'indices; en pratique, c'est très simple, avec l'argent des investisseurs, la banque achète un panier d'actions au prorata de leur poids dans l'indice. Encore une fois on est fortement lié au réel... Enfin, comparer un volume d'instruments financiers à un PIB (qui est une création de richesses, mesurant la valeur ajoutée créée par une économie) est une absurdité sans nom que je vois pourtant très souvent. Ca revient à peu près à comparer la taille de bilan d'une société à son résultat net. Enfin, pour les trakers droite et gauche (qui sont plus une curiosité qu'autre chose), c'est effectivement un peu risible, c'est l'équivalent d'un betfair (site de paris en ligne), et même si ça n'a aucun sens économique, ça ne créé pas et ne détruit pas de valeur virtuelle; c'est juste un gadget un peu magouilleux pour particuliers, le vrai monde de la finance (et notamment les fonds qui gèrent vos économies) ne s'y intéresse pas.

    Je n'ai pas le temps de faire une réponse plus étoffée maintenant (il faut que j'aille travailler), mais je rappelle effectivement que ma conclusion vise à souligner avant tout qu'il faut éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain et de critiquer à tout va, et d'un bloc, le monde de la finance (pour autant, je ne nie pas un certain nombre de dérives réelles). Ca revient à peu près au même que de vilipender les entreprises sur la base de l'exploitation de gamins asiatiques par Nike ou la gauche pour les dérives du communisme... La politique ne sortira pas grandie de déclarations à l'emporte-pièces...

    Voili-voilou, et je fais bien sûr mienne la conclusion d'Olivier...Bon, j'avais une note sur la crise actuelle, mais je vais la reporter à demain, je pense, tant j'ai de matériau aujourd'hui !