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Impact des produits dérivés sur la crise : warrants et trackers

Yesss : un spécialiste de la finance vient sur mon blog. Passionnant débat entre Alcibiade et Olivier : reprenons l'objet du débat, d'abord de manière simplifiée ; il s'agit d'un lieu commun aujourd'hui en France : le discours d'Alcibiade est de démontrer que la finance, aujourd'hui, est découplée de l'éonomie réelle, et qu'elle fabrique des produits qui ne correspondent à aucune valeur réelle, tout du moins, en terme de production (ah, les avatars de la valeur travail...), et ce fait serait bien entendu à l'origine de la crise. Eh bien évidemment, haro sur les produits dérivés, qui sont souvent des droits sur les titres (par exemple les options). En la circonstance, il choisit les warrants et les trackers. Sur ce dernier produit, il note avec humour la commercialisation par une banque française, en 2007, d'un tracker Sarkozy et d'un tracker Royal (pour 2012, je conseille la fabrication du tracker Bayrou, à propos...). Au passage, Alcibiade a soulevé un vrai problème, je le cite :

- Si la titrisation se bornait à ce que vous énoncez, la vie financière serait merveilleuse! Mais vous feignez d'ignorer ici ce que regroupe en pratique ce vocable : Il s'agit dans 80% des cas d'amalgamer dans un seul titre négociable une foultitude de valeurs (actions, obligations, options diverses, et sous-titres même). Si bien que même ceux qui créent ces instruments ne savent pas en réalité avec précision ce qu'ils représentent!

Quand je dis un vrai problème, c'est dans ma perspective : l'un des aspects de la crise financière, c'est la confiance. La crise financière est d'abord une crise de confiance. Mais c'est une crise de confiance qui est éminemment reliée à l'ignorance des acteurs des marchés financiers. Ignorance que relève à juste titre (sans jeu de mots) Alcibiade.

Olivier, expert du domaine (son métier est de structurer des financements pour des entreprises et pour le secteur public), réagit :

Pour revenir rapidement sur la réalité du sous-jacent des produits dérivés, je rappelerai entre autres que les warrants sont des dérivés sur un sous-jacent comme des actions (donc liés à la valeur de l'action, il y a donc d'un côté une action réelle, de l'autre un acteur avec de la liquidité -réelle- qui veut avoir l'option d'acheter ou de vendre à terme à un prix donné et entre les deux une banque qui parie sur la différence et supporte le gain ou la perte -réelle-, là encore ni création ni destruction de valeur réelle. Quant aux trakers, il s'agit ni plus ni moins que de réplication d'indices; en pratique, c'est très simple, avec l'argent des investisseurs, la banque achète un panier d'actions au prorata de leur poids dans l'indice. Encore une fois on est fortement lié au réel... Enfin, comparer un volume d'instruments financiers à un PIB (qui est une création de richesses, mesurant la valeur ajoutée créée par une économie) est une absurdité sans nom que je vois pourtant très souvent. Ca revient à peu près à comparer la taille de bilan d'une société à son résultat net. Enfin, pour les trakers droite et gauche (qui sont plus une curiosité qu'autre chose), c'est effectivement un peu risible, c'est l'équivalent d'un betfair (site de paris en ligne), et même si ça n'a aucun sens économique, ça ne créé pas et ne détruit pas de valeur virtuelle; c'est juste un gadget un peu magouilleux pour particuliers, le vrai monde de la finance (et notamment les fonds qui gèrent vos économies) ne s'y intéresse pas.

Je n'ai pas le temps de faire une réponse plus étoffée maintenant (il faut que j'aille travailler), mais je rappelle effectivement que ma conclusion vise à souligner avant tout qu'il faut éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain et de critiquer à tout va, et d'un bloc, le monde de la finance (pour autant, je ne nie pas un certain nombre de dérives réelles). Ca revient à peu près au même que de vilipender les entreprises sur la base de l'exploitation de gamins asiatiques par Nike ou la gauche pour les dérives du communisme... La politique ne sortira pas grandie de déclarations à l'emporte-pièces...

Voili-voilou, et je fais bien sûr mienne la conclusion d'Olivier...Bon, j'avais une note sur la crise actuelle, mais je vais la reporter à demain, je pense, tant j'ai de matériau aujourd'hui !

Commentaires

  • "on est fortement lié au réel"

    Je triche en coupant un bout de phrase et en le sortant de son contexte.
    Mais si l'essentiel de la finance de jadis était directement liée au réel (le capitalisme à papa), c'est de moins en moins le cas.
    On joue sur du virtuel et on tente de créer des liquidités à partir de valeurs virtuels.
    Tant que le réel suit le virtuel ça passe.
    Le jour où la réalité rattrape la fiction, t'es mort...

  • 2 observations :

    - Comme l'explique Olivier, les produits dérivés sont, à la base, liés au réel mais là où commence la virtualité c'est quand on utilise ces dérivés non pas pour leur raison d'être principale (couverture de risque...) mais comme des produits "réels" bénéficiant pour certains d'entre eux d'une forte possibilité de gain par rapport aux sommes engagées. Ceci étant dit, je n'ai pas lu qu'un tel phénomène aurait eu une part importante dans la crise actuelle.

    - Olivier met une grande partie des responsabilités sur le dos des agences de notation. En allant plus loin, je crois que c'est plutôt à mettre sur le dos des impossibilités d'information (à ce niveau là, on ne peut même plus parler d'asymétrie).
    En toute logique, quelqu'un qui épargne ou qui emprunte (puisque toutes les opérations financières se résument à ces 2 actions là) devrait avoir les moyens d'évaluer le risque qu'il prend. Et s'il y a bien un problème, c'est qu'il semblerait que, désormais, la plupart des intervenants en sont bien incapables au vu du nombre d'abstractions et d'indirections empilées les unes sur les autres.
    Pour les particuliers, on le savait déjà : placer son argent ou emprunter pour acheter un bien relève plus de la loterie qu'autre chose. La nouveauté c'est que nombre de "professionnels" en soient réduit au même niveau.
    Mettre cela sur le dos des agences de notation ne me parait pas fair-play : à chacun de prendre ses responsabilités.

  • C'est très intéressant d'avoir l'avis
    de spécialiste.

    Moi ce qui ne me va pas c'est que les états
    (l'Europe aussi) n'ont pas été en mesure
    d'anticiper et subissent beaucoup trop.

    Et le citoyen encore plus et nous en France
    particulièrement puisque parait-t-il les
    choses sont décidées par une personne
    entourée de 5 ou 6 conseillers "spéciaux".

    Et je me pose la question des institutions
    (sur laquelle des esprits très forts ont
    cogité pendant des mois).

    Telles qu'elles sont, une personne peut
    concentrer tous les pouvoirs pendant (au
    moins) 5 ans et quand il y a forte crise de tout ordre, si on a pas confiance il n' y
    a plus qu'à prier le Bon Dieu...

    ou à être instruit sur les mécanismes de la finance et faire des pronostics sur l'avenir Economique,
    ce dont je ne me plains pas !!

  • Merci l'hérétique de rebondir encore sur ce débat avec ce billet.

    Nous pourrions, nous aussi faire notre la conclusion d'Olivier ( "éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain et de critiquer à tout va, et d'un bloc, le monde de la finance". Encore faudrait-il que le monde financier dominant cesse de se comporter comme une élite d'habiles (tant que personne n'est pris) prestidigitateurs.

    Comme le relève Kag, aujourd'hui, beaucoup se rendent compte que sous le terme "se couvrir" on avait en fait planqué un fatras de données que personne ne maîtrisait.Personne donc n'est capable d'expliquer le "truc" du prestidigitateur mais les faits (le réel) est têtu et les 3600 milliards de $ partis en fumée en une semaine sur les marchés attestent que la réalité a rattrapé la fiction.

    à OAZ, si si, l'origine actuelle de la crise est précisément dans la multiplication des strates de titrisation pour "couvrir" au fur et à mesure les risques de ceux qui s'appercevaient au fil des mois que leurs positions sur des titres contaminés par la part qu'ils renfermaient de crédits octroyés à la husarde à des emprunteurs insolvables.

    Se "couvrir" d'un risque clairement ennoncé, en effet n'est pas condamnable, comme le mentionnait Olivier. Mais depuis des années, l'imbrication toujours plus complexe ne visait plus cela. Il s'agissait de "planquer ses fesses" ou plus clairement de maquiller une valeur mobilière qu'on savait pourrie dans une nouvelle entité suffisamment obscure pour qu'aucun acquéreur ne soupçonne l'embrouille. Le résultat c'est aussi qu'on a ainsi contaminé des valeurs parfaitement saines (celles qui se retrouvent parfaitement sous-évaluées aujourd'hui).

    Oui la finance est utile!

    Oui c'est une activité indispensable pour le développement d'autres activités humaines!

    Puisqu'Olivier exerce le métier de structurer des financements pour des entreprises et pour le secteur public, il aura sans doute à coeur de démonter comme nous les mécanismes (dominants) de ce secteurs qui ont conduit à mettre tous les financiers, banquiers, assureurs dans le même sac que les prestidigitateurs "audacieux" qu'on nous présentait encore il y a peu comme les génies de la modernité, les nouvelles stars du XXIème siècle décompléxé du tabou de l'argent...

  • Oups, nous allions oublié un point, Olivier :

    Non, comparer un volume d'instruments financiers à un PIB (qui est une création de richesses, mesurant la valeur ajoutée créée par une économie) N'EST PAS une absurdité sans nom!

    Tant que le ratio (et oui, vous ne nous démentirez pas lorsque nous évoquons les ratios qui existent entre des éléments du bilan et les résultats nets des sociétés. C'est même ce qui souvent est la base de notations...) est appréhendable, raisonné, cela peut se comprendre. Mais si le facteur passe en dix ans de 5 à plus de 25 aujourd'hui, comment l'interpréter sinon pas une débordante (qui aura fini par débordé d'ailleurs tout le monde) frénésie instrumentale plus destinée à planquer la réalité et la refiler ainsi au suivant qu'à imaginer des schémas compréhensibles pour simplement "couvrir" les risques.

    Au fait, bien qu'ayant, pour quelques uns d'entre nous suivi des études assez poussées en économie ou finance, aucun d'entre les Alcibiade n'exerce de profession dans le secteur bancaire, boursier ou même dans un des pans du secteur public chargé de contrôler (wouarf!) le secteur financier. Cela ne nous rend pas plus objectifs ou crédibles... mais pas moins!

    Post Scriptum : Nous allons bien être obligé de faire un point sur tout ceci sur notre propre blog...

  • @alcibiade,
    On dit la même chose en fait (même si je m'exprime surement mal) : les instruments dérivés ont été utilisé a "bon escient".
    Ce n'est pas leur usage qui est en cause mais l'opacité d'information que leur utilisation génère.

  • @ Oaz

    Ce qui est intéressant à déterminer, c'est l'origine de cette opacité. Elle n'est à mon avis pas volontaire. Je tente d'écrire une note à ce sujet.

  • Au vu du nombre de personnes impliquées, l'opacité n'est probablement pas volontaire.
    Mais, bien plus que son origine, il importe de savoir comment chaque individu, à son niveau, peut lutter contre elle (car je ne crois pas que la puissance publique y puisse grand chose).

  • @ Oaz

    Ben déjà, si tu évites d'emprunter quand tu es déjà endetté à 50% tu luttes contre le système :-) On part tout de même de cela, en Amérique...

  • Votre style de comportement est bien intéressant, en m’occupant de mes études économiques je puise une portion de votre hérésie en tâchant de créer mon propre point de vue sur la crise et ses conséquences possibles. En attendant votre reportage.

  • Une entretien titanique s’y passe au moins les résultats promettent être à l’emporte-pièce. Allez les deux côtés, allez à la vitesse critique !

  • zut alors, y'a des spams qui parviennent à passer...

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