Je constate que l'opinion, après avoir ignoré les compte-rendus des journées de l'Éducation organisées conjointement par le courant socialiste Espoir à gauche et le MoDem, se réveille et s'empare subitement de la question des rythmes à l'école. Le sujet est sensible et mérite une discussion de fond, et certainement pas les élucubrations d'iédologues ou d'individus qui ont une revanche à prendre envers l'école et les enseignants, généralement pour des raisons très diverses.
Il s'agit également de ne pas faire de la chronobiologie le nouvel eldorado pédagogique qui ouvrirait la voie au champ des possibles. Par-delà les rythmes de l'enfant, que l'on met aujourd'hui en exergue, la principale variable de la réussite scolaire, c'est d'abord et avant tout l'éducation que les parents donnent à leurs enfants. Ceci une fois posé et établi, on peut commencer à discuter.
Si je n'ai pas lu dans le détail les études du Professeur Montagner, j'ai néanmoins pris connaissance de ses travaux par des pages de vulgarisation scientifique. Le Professeur Montagner est le directeur de recherche à l'INSERM, spécialiste de la psychophysiologie et de la psychopathologie du développement. De la même manière, je me suis rendu directement sur le site de l'Académie de Médecine afin de prendre connaissance des termes exacts du rapport et nnon exclusivement des extraits relevés dans la presse.
Je donne ici copie des conclusions de l'étude :
Si on met l’enfant au centre de la réflexion sur le temps scolaire il faut prendre en considération l’apport des rythmes biologiques en attirant l’attention sur les éléments suivants :
- le sommeil : de sa durée et de sa qualité dépendent le comportement à l'école, le niveau de vigilance et de performances. Il serait à cet égard important de retarder l'entrée des enfants en classe en créant une période intermédiaire d’activités calmes en début de matinée, car l’enfant arrive fatigué à l’école, surtout lorsque son temps de sommeil n’est pas respecté. De plus, un coucher tardif n’est pas totalement compensé par un lever tardif.
- les variations quotidiennes de l'activité intellectuelle et de la vigilance : elles progressent du début jusqu'à la fin de la matinée, s'abaissent après le déjeuner puis progressent à nouveau au cours de l'après-midi. Deux débuts sont difficiles pour l'enfant : début de matinée et début d'après-midi. A cet égard la semaine de 4 jours(lundi, mardi, jeudi, vendredi) s'accompagne d'une désynchronisation avec diminution de la vigilance de l'enfant les lundi et mardi
- les variations annuelles de la résistance à l'environnement : les périodes difficiles pour l’enfant sont l’automne, la période de la Toussaint (dont les vacances devraient être étendues à 2 semaines), et l’hiver vers fin février ou début mars.
- le bruit :les grandes salles des cantines très bruyantes devraient être transforméesen plusieurs petites unités pour amortir le bruit.
- la vie à l’école : il faudrait tenter dediminuer le stress de l'enfant et le surmenage scolaire par des programmes adaptés et non pléthoriques ; éviter le transport de cartables lourds grâce, par exemple, à l’utilisation de casiers à l’école ; instituer une heure d’étude surveillée en fin d’enseignement.
On voit donc bien que les conclusions générales de la commission ne sont pas ce que la presse a mis en avant, à l'exception du retour de la semaine de quatre jours à quatre jours et demi ou cinq jours.
Je note également que les recommandations de l'Académie de Médecine comportaient deux points principaux : le premier pour les décideurs, le second pour les parents. Le second semble être passé à la trappe dans les médias. Le voilà :
2- Recommandations destinées aux parents
· Informer sur le rôle fondamental du sommeil pour la bonne santé de l’enfant et veiller à une quantité de sommeil suffisante et à des horaires de lever et de coucher réguliers.
· Restreindre le temps passé par les enfants devant un écran à moins de 2 heures par jour (recommandation de l'Association américaine de pédiatrie) et éviter la télévision avant le coucher.
· Supprimer télévision et consoles de jeu de la chambre de l’enfant.
· Aménager le temps périscolaire et favoriser les activités structurées sportives et culturelles.
Marielle de Sarnez s'est exprimée récemment sur l'école primaire, jugeant que, compte-tenu des moyens limités de l'État, c'est là, et particulièrement sur les deux premières années , qu'il convenait de mettre le paquet.
Il faut procéder, dans ce domaine, avec la plus grande prudence, le mieux étant souvent l'ennemi du bien. J'ai pour ma part toujours considéré comme une erreur la semaine de quatre jours, et il me semble que la première mesure à prendre serait de revenir à une semaine de quatre jours et demi. Toutefois, comme le souligne le rapport rendu par l'Académie de Médecine, ce n'est pas seulement la journée scolaire qui est en cause, mais tout ce qui suit avec. Quand bien même l'école finirait deux heures plus tôt, si les enfants poursuivent leur journée via des ateliers divers et variés, de la pratique sportive et des études, le nombre d'heures actives n'est pas diminué. Il y a à cet égard une contradiction entre la recommandation finale de l'Académie et ce qu''écrivent les deux membres de la commission, puisqu'ils engagent justement les parents à se défier du surcroît d'activités après l'école.
La lecture de ce rapport met aussi le doigt sur un problème qui va être difficilement soluble : la fatigue et les rythmes des enfants à l'école primaire et au collège ne suivent pas les mêmes sinuosités. Au sein même du collège, l'enfant de 6ème et l'adolescent de 3ème ne sont pas comparables non plus. Réorganiser l'école autour de la chronobiologie des enfants suppose donc un bouleversement général difficile à mettre en place : des heures et des périodes de vacances différentes selon les âges, des débuts de cours également différents, et, des aménagements au sein même des établissements scolaires. Ainsi, ce n'est pas parce que l''école ou le collège feront débuter des cours à 9h00 ou 9h30 que les enfants pourront se lever plus tard : généralement, les parents accompagnent les enfants à l'école au moment où ils se rendent vers leur lieu de travail, et il faudra donc bien un endroit pour accueillir ces enfants, sauf à les laisser patienter dehors...Même s'ils sont accueillis, les permanences bondées et très bruyantes des collèges augureront certainement mal de la suite de la journée en termes de fatigue.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que des préconisations ne sont que des préconisations ; le yaka faukon, et les lois ad hoc, cela fait un moment qu'on le pratique, en France, et je n'ai pas le sentiment que les choses soient allées ainsi en s'améliorant. Il s'agit donc de réformer non en considérant de vaseux idéaux mais bien le champ du possible, et même plus, celui du faisable. Cette manière de considérer l'action politique m'avait attiré spécifiquement vers l'UDF, dont c'était la marque de fabrique.
Le MoDem formule ainsi dans son livret orange, au chapitre 2.1, qui concerne l'éducation, les remarques suivantes :
La société française doit résoudre le problème des rythmes scolaire. L'année scolaire en France n'est plus que de 144 jours alors que la moyenne européenne est de 185 jours. La journée des écoliers français est la plus longue du monde, mais nos écoles sont fermées la moitié de l’année. Il faut alléger la journée de travail scolaire par un réaménagement de la semaine et de la durée des congés.
On s'en fout de la moyenne européenne. On s'en fout du nombre de jours de fermeture de l'école. On s'en fout aussi que la journée des écoliers français soit la plus longue du monde et que les écoles soient fermées la moitié de l'année. Et on s'en fout enfin d'alléger la journée de travail scolaire. Ce qui compte, à mes yeux, c'est que nos enfants sont fatigués, qu'il y a une diversité de rythmes liés tant à la génétique qu'à l'âge ou à l'environnement. Ce qui compte, c'est de considérer comment l'école peut gagner en efficience de manière à permettre aux enfants un développement et un vigilance les plus optimaux possible. La formulation du MoDem ne prononce même pas le mot "enfant". Non, on comprend que le souci principal, c'est d'ouvrir plus les écoles. C'est tout ce que l'on retient du paragraphe concerné. Or, ouvrir plus les écoles, ce n'est pas un but en soi. Il eût mieux valu poser clairement le problème de la fatigue pour les enfants et envisager alors des solutions faisables à court-terme. Quitte à engager une réflexion sur le reste ensuite. D'autant que le MoDem dans son programme s'est bien gardé de poser la question qui fâche (Mais Marielle a mis les deux pieds dans le plat plus tard chez Peillon) qui est celle du temps de travail des enseignants. On trouve évidemment de nombreux esprits chagrins et maladifs pour proposer de faire une réforme contre les enseignants. Léser les seconds pour aider les premiers est évidemment à rebours-même de la manière dont il convient de procéder. C'est pourtant d'autant plus stupide d'agir ainsi, que contrairement à une idée reçue, les syndicats enseignants ne sont nullement hostiles à une recomposition du temps d'étude des élèves sur l'année (Position du SNES, du SGEN).
On va me dire que je suis dur avec mon parti, mais le fait est qu'il m'énerve pas mal depuis un moment, et que je n'aime pas trop le virage qu'il a pris depuis quelque temps au niveau des idées. J'aimerais qu'on en revienne aux fondamentaux et que l'on mette en avant dialogue et pragmatisme. Heureusement, comme l'a indiqué Robert Rochefort, le programme actuel du MoDem est une ébauche, et les contributions pour l'améliorer sont les bienvenues. In fine, j'apprécie que le MoDem ou Marielle de Sarnez se soient penchés sur la question des rythmes scolaires, en avance, d'ailleurs, sur l'opinion médiatique, mais j'attends, dans la démarche, une autre méthode.