Quand j'ai participé comme de nombreux militants du Modem à l'élaboration du programme politique de mon parti pour l'Europe, l'idée novatrice en politique de Biens supérieurs a été mis en avant par les commissions. Le Bien supérieur, c'est l'idée qu'il existe pour nos sociétés européennes des biens, qui ne se réduisent pas à la consommation et qu'il nous faut sauvegarder tant ils sont précieux. Le Mouvement Démocrate avait alors mis en avant l'éducation, la culture et la santé. Difficile, dans ces conditions, de ne pas s'émouvoir du sort fait à la médecine de ville. Il faut bien comprendre que les études de médecine, c'est minimum 8 années d'études. Il faut pouvoir les financer, et après, se payer de tant de temps consacré à l'apprentissage de cet art.
Partout des médecins généralistes partent à la retraite sans trouver repreneurs de leur cabinet. Un rapport de Commission des comptes de la sécurité sociale datant de 2007 est édifiant. De 1980 à 2004, les honoraires des médecins n'évoluent que de 1.4% par an en euros constants. En termes de pouvoir d'achat, si l'on tient compte des évolutions de salaire, un montant misérable.
Ne nous y trompons pas ; en ville, les frais d'installation d'un médecin et ses charges sont considérables. Il peut sembler gagner beaucoup, mais, une fois tous les frais payés, le compte n'y est pas franchement au regard de la somme d'efforts exigés.
On croit que les médecins ne disparaissent qu'en milieu rural. On se trompe ! les villes aussi sont touchées, à commencer par Paris, qui ne compte certaines années, aucune installation en dépit de ses deux millions d'habitants !
Il y a à vrai dire une quadrature du cercle hermétique : la moindre revalorisation accroît les déficits de l'assurance-maladie. Par exemple, passer simplement de 22 à 23 euros, c'est 250 millions de trou supplémentaire par an. Une solution serait que l'euro d'augmentation soit franc. C'est à dire non-remboursé par la sécurité sociale.
Il n'y a à mon avis pas 36 solutions : il faut autoriser aux généralistes ce que l'on permet aux spécialistes. Ou alors interdire aux spécialistes ce que l'on interdit aux généralistes.
D'après l'Express, un économiste aurait calculé que, transposé aux années 2000, un généraliste du début des années 70 gagnerait 50 euros par consultation aujourd'hui. Si ce calcul est juste, alors il en dit long sur la désaffection croissante qui touche ce métier. Avec un pouvoir d'achat divisé par deux, elle s'éclaire d'un jour nouveau.
Une fois encore, notre société devra s'adapter et comprendre que la consultation médicale est plus importante que l'écran plat, le téléphone portable ou le dernier i-pad...
Commentaires
Effectivement, après des études longues reprendre un cabinet coute cher, très cher dans certaines agglomérations...
Les cabinets notariés ou d'avocats sont tout aussi concernés et bien d'autres encore... Dès qu'il y a transfert de fichier clientèle...^^^
mais les cabinets de médecine libérale ne sont pas repris, faute à la démographie et la désaffection, donc aucune valeur ou cession possible: perte majorée pour ceux qui ont acheté leur clientèle à leur installation il y a 2, 3 voire 4 dizaines d'années
Permets-moi d'apporter encore une fois un témoignage, l'Hérétique. ;-)
Le problème d'une cession de cabinet médical, est que ce n'est pas une clientèle mais une "patientèle" et que l'on ne peut déontologiquement pas vendre un "fichier de personnes". Parce que le patient établit une relation de confiance avec son médecin et qu'il le choisit sur des critères qui lui sont propres, pas forcément géographiques...
Je fais par exemple le parallèle avec la GB où les médecins sont plus ou moins tous imposés, le corps médical travaillant plus dans un système de dispensaires que de cabinets.
J'ai connu ce problème de cession de clientèle lorsque j'étais infirmière libérale. Dans mon cas, j'avais démarré en partant de zéro, en créant un emplacement. Avant cela j'avais travaillé une année entière en tant que remplaçante d'un collègue, évidemment pas dans le même secteur. Au bout de trois ans à mon compte, ayant vécu des moments difficiles, entre un mari au Tchad durant de nombreux mois, puis un père mourant qu'il m'a fallu aller voir plusieurs fois à l'autre bout de la France, donc me faire remplacer (cela revient très cher), je ne me voyais pas continuer ainsi tout en essayant d'élever correctement en même temps mes enfants.
Une journée d'infirmière libérale c'est un peu comme un médecin : horaires impossibles (6h-21h avec accalmies hélas au moment où les enfants sont à l'école, entre 14h et 16h, disponibilité requise jour et nuit (il m'est arrivé d'être appelée en pleine nuit par certaines vieilles personnes), samedi-dimanche y compris. Beaucoup de papiers à remplir. Tâches quelquefois pénibles (plusieurs toilettes par matinée ne ménagent pas le dos...). Stress permanent tant la course au temps est incessante. PV multiples pour mauvais stationnements en ville, malgré le caducée... Pour que ce soit viable, il faut travailler au moins à deux ou trois, ce qui n'était pas mon cas.
Pourtant les relations avec mes patients étaient extrêmement gratifiantes, je peux vous l'assurer. Souvent je me disais que l'on me confiait beaucoup trop de secrets, un peu comme si j'étais la fille de le maison... Certains ne voyaient parfois pas d'autres personnes que moi de la journée.
J'ai donc "revendu" très modiquement ma clientèle à ma remplaçante, qui elle avait un mari médecin dans le coin. En réalité je n'ai passé mon fichier de patients qu'à titre informatif ; les personnes habituelles ayant pu faire connaissance avec cette infirmière, je savais bien qu'elle était très appréciée.
Le contrat signé entre nous concernait uniquement en réalité la vente de tout mon matériel (équipement, mobilier et instruments...) et la reprise du bail de mon cabinet.
Puisque des personnes ne se "vendent pas" !!! ;-)
Voici un lien qui explique bien je trouve la problématique de la vente de "clientèle" :
http://www.droit.univ-paris5.fr/cddm/modules.php?name=News&file=article&sid=28
Bonjour Françoise
Merci pour ton témoignage, très intéressant.
Il y avait il y a plusieurs décennies un secteur appelé le secteur 2 qu'on a supprimé, il s'agissait pour les médecins d'être conventionné sur la base de la sécu et de pouvoir pratiquer des dépassements ( pris en charge par les mutuelles) ... ce qui leur permettait effectivement de payer les loyers déjà exorbitants, taxe professionnelle et autres caisses de sécu et retraite, en prenant le temps d'une vraie consultation sans expédier le client. Ce secteur supprimé, les médecins du secteur 1 ( conventionné) n'ont plus le choix : il faut aller très vite ... ou se déconventionner ... et là on retrouve la médecine uniquement pour les riches ! donc rétablissons le secteur 2 ! qui ne coûtait rien à la sécu et dont la dispartion était simplement vexatoire pour les médecins qui s'étaient enfilés plus de 7 ans d'études pour être payé ce qu'on sait de l'heure ...
@ Françoise : petite précision, on ne vend effectivement pas sa patientèle, on vend un droit de présentation ( en plus de l'installation) c'est d'ailleurs l'objet de conflits lorsque le nouvel arrivant perd les patients : il dit souvent qu'il n'a pas été "présenté" convenablement.
Tu as tout à fait raison, Mirabelle, c'est pourquoi j'ai mis le lien qui explique la différence.
J'ai juste voulu apporter un témoignage de ce que j'ai vécu parce que tout le monde disait "vendre sa clientèle" même pour une infirmière. Or une infirmière ne peut pas présenter véritablement son successeur à ses patients puisque c'est fluctant. J'avais quelques patients quotidiens comme plusieurs diabétiques avec leur injection matin et soir, à heures fixes, ou certaines personnes handicapées dont j'assurais les soins de nursing tous les matins (toilette). Ceux-là bien sûr on peut les "présenter". J'avais aussi un contrat (moral car rien de signé) avec une maison de retraite où j'assurais la préparation des médicaments et certains soins. Mais ça aussi, même présenté, le successeur n'est pas certain de pouvoir le "récupérer".
Je crois donc que le meilleur moyen pour un infirmier ou un médecin libéral est de se faire remplacer bien avant le départ prévu et de laisser progressivement son cabinet à la personne la plus appréciée.
Sinon, je suis entièrement d'accord pour la réappartion de ce secteur 2, que je n'ai pas vraiment pratiqué pour ma part je le reconnais et que je ne savais même pas supprimé ! Ton idée est excellente et devrait être proposée à François Bayrou. :-)