J'ai pris connaissance de la prise de position de Jean Lassalle à propos de François Bayrou et de l'élection présidentielle de 2017. Je ne suis pas d'accord avec lui, ou du moins, que très partiellement.
Comme Jean Lassalle, j'aurais souhaité que François Bayrou se présente, même si Alain Juppé est candidat.
Je sais que François Bayrou se dit qu'Alain Juppé est un homme qui peut rassembler et que c'est un modéré. Sans doute. Mais en termes d'idées, cet homme-là ne me convainc pas, bien loin de là. Je ne lui pardonne toujours pas son quasi-satisfecit donné à la gauche pour les réformes menées à l'Éducation Nationale et son absence d'engagement à défaire tout ce que la gauche a fait. Et il n'y a pas que ça. Sa promesse de réaliser 100 milliards d'euros d'économie est ridicule. Il n'y parviendra évidemment pas. Ce qu'avait proposé Bayrou en 2007 et 2012, de stabiliser en dépense publique en euro courant, est clairement la seule solution viable. Les entreprises privées, elles-mêmes, ne parviennent jamais à réduire leurs dépenses. Elles les limitent, et, quand vraiment elles réduisent la voilure, c'est qu'elles vont mal parce qu'elles commencent à vendre leur patrimoine...
Dans le cas où François Hollande et Nicolas Sarkozy représenteraient la droite et à la gauche, il faut absolument que Bayrou soit là. Je ne sais pas s'il a une chance d'être élu, mais il faudra tout faire pour que cela soit le cas, parce que la France, dans cette hypothèse, courra un danger mortel si Hollande ou Sarkozy sont au second tour. Ils sont tellement détestés que Marine Le pen aurait alors une véritable fenêtre de tir pour l'emporter. Et même si ce n'est pas le cas, qu'Hollande ou Sarkozy parviennent à la battre de justesse, comment pourront-ils gouverner, avec près des 3/4 des Français qui ne leur reconnaîtront aucune légitimité ? Le seul espoir, ce sera Bayrou.
Dans tous les cas de figure, les modérés doivent trouver une expression politique, il n'y a pas que la seule question de la modération ; il y aussi les idées qui sont véhiculées.
Personne d'autre que Bayrou ne porte les idées qu'il propose pour la France. Je peux en reprendre les lignes directrices ici :
1. Le développement de la fabrication française et plus largement la relance de l'industrie en France. Pour ce faire, quelques axes : a) la consommation citoyenne b) l'accroissement des marges par réduction des charges c) le développement de services associés aux produits. Sur ce troisième axe, Bayrou a d'autant plus raison qu'un jour la robotisation pourrait mettre d'accord toutes les mains d'oeuvre ouvrières par obsolescence (de la main d'oeuvre, pas des robots !).
2.Corollairement, le développement de circuits courts et propres, les uns allant souvent avec les autres. L'agriculture biologique est évidemment au premier rang pour intégrer cette nouvelle organisation économique, d'autant qu'elle favorise et respecte l'exploitation familiale et l'agriculture raisonnée.
3. Un État facilitateur. A l'origine, c'est une idée de Marielle de Sarnez, son bras droit. Il s'agit de ne plus penser l'État comme un obstacle mais au contraire comme une institution qui aplanit les angles et facilite tant la vie quotidienne des citoyens que celle des entreprises. Cela suppose une simplification des strates administratives mais aussi juridiques.
4.Une Éducation qui assure l'accès à l'excellence sur tout le territoire et ne verse dans aucune forme d'idéologie. Les idées intéressantes doivent remonter du terrain, pas descendre du ministère. Tout l'inverse de ce qu'ont fait Luc Châtel, Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, les trois derniers ministres de cette institution. Cela suppose entre autres de rétablir la situation de l'allemand, du latin et du grec ancien.
5.Le principe de subsidiarité : il consiste à réserver à l’échelon supérieur uniquement ce que l’échelon inférieur ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. La déclinaison nationale, c'est une décentralisation digne de ce nom (elle n'a jamais été faite) et sa version européenne, c'est un vrai fédéralisme. Le traité de Lisbonne, comme celui de Maastricht avaient consacré ce principe, mais avec une limitation trop importante puisqu'il ne valait que pour les compétences partagées. Je pense qu'il faudrait élargir le concept et revoir les compétences de l'Union européenne et des échelons inférieurs, la première donnant la fâcheuse impression de chercher à donner des ordres aux seconds...
6.En parlant d'Europe, sa démocratisation est une revendication de Bayrou et Marielle de Sarnez. Pas d'Europe qui tienne sans l'assentiment des peuples, pas d'assentiment des peuples sans expression démocratique. Le Parlement européen doit devenir l'organe souverain de l'Europe et être élu au suffrage universel direct à la proportionnelle. Et l'Europe doit également élire au suffrage universel direct un Président.
7.Il y a sous toutes ces lignes une pensée sous-jacente forte : l'existence d'une intelligence collective (celle des citoyens) spontanément capable de s'organiser, en corps intermédiaires façon Montesquieu, ou en réseaux libres, et, ce, sans l'État ou autorité coordinatrice. Les associations de consommateurs, wikipedia, les SCOP, certains labels (Max Haavelar en sont les témoins. De ce point de vue, il y a une certaine forme de convergence entre les Bayrou et les libéraux (pas tous). On trouve bien la pensée qu'il y a une primauté de l'individu sur l'État, mais cette primauté n'aboutit pas nécessairement à l'individualisme ou à l'égoïsme. Et l'intelligence collective est possible parce que chaque individu répond de ses actes. Elle est également possible parce que dans l'optique de Bayrou, le spirituel commande au politique et pas l'inverse. Ce n'est pas un hasard s'il considère la culture comme l'arc-boutant de son édifice politique. Tous ceux qui ont quelques notions de ce qu'est le personnalisme ne manqueront pas de constater une parenté entre la pensée de Bayrou et les fondamentaux de cette doctrine politico-philosophique.