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retraite

  • Nonagénaire expulsée, la fausse info...

    C'est amusant, mais quand j'ai lu les premiers titres sur le cas de cette dame très âgée expulsée d'une maison de retraite, j'ai senti très vite qu'il y avait anguille sous roche. Une maison de retraite ne vire pas comme ça une personne âgée. Quand j'ai appris ensuite que son fils était en vacances et injoignable, j'ai commencé à sniffer le choeur de pleureuses de gauche à plein nez.

    Après, il m'a suffi de lire Hashtable pour avoir confirmation de mes soupçons. Cette histoire démontre que notre presse est toujours plus nulle. A l'affût du coup médiatique, pressée de faire sortir les mouchoirs dans les foyers, imprégnée de bonne conscience dégoûlinante, elle se garde bien de faire ce qui constitue le coeur de son métier en principe : s'informer.

    L'autre aspect, c'est l'hypocrisie qui se glisse là-dessous : la famille de la nonagénaire ne règle plus le moindre loyer de la maison de retraite de cette dernière alors qu'elle en a largement les moyens. L'hypocrisie et le cynisme, c'est de tabler sur le fait que la maison de retraite n'osera pas jeter dehors la vieille dame au nom des bons sentiments. La dictature du bon sentiment. 

    Résider dans une maison de retraite, ce n'est pas un service : c'est contractuel, qu'on se le dise bien. Si l'une des deux parties ne peut honorer le contrat, elle ne peut rester, et ce n'est pas la peine d'avoir d'états d'âme là-dessus.

    Pourtant, notre bonne presse bien-pensante va continuer de s'indigner alors que la nonnagénaire concernée vit tout de même dans une maison de retraite médicalisée à 124 euros par jours, soit près de 40 000 euros par an. Il ne s'agit pas d'une SDF. 

    Plutôt que de conspuer la maison de retraite qui a attendu tout de même près d'un an et en vain que les loyers soient honorés, il eût mieux valu mettre en cause la famille, première comptable de la vieille dame.

    Ensuite, h16 a raison de le souligner, ce fait divers met en relief le coût grandissant de la dépendance et du grand âge. Je l'ai évoqué récemment : l'espérance de vie en bonne santé stagne, voire diminue légèrement. L'allongement artificiel de la durée de vie est un leurre coûteux et douleureux s'il ne s'accompagne pas de la qualité qui va avec.

    A la vérité, nous ne savons plus quoi faire de nos vieux. La cellule familiale, avec l'urbanisation massive et l'explosion du consumérisme a volé en éclat.

    Le grand âge n'aspire plus qu'à la prise en charge, la descendance qu'à oublier le grand âge ou s'en débarasser, comptant sur les services sociaux pour prendre le relais.

    Autrefois, dans les campagnes, les ancêtres s'intégraient à peu près harmonieusement à la famille, rendant de menus services jusqu'au dernier souffle.

    Aujourd'hui des mouroirs à "projets pédagogiques" et autres "lieux de vie" du même acabit comme on dit en novlangue, ont pris le relais.

  • Une retraite progressive ?

    Mes petites lectures m'ont récemment amené à parcourir quelques lignes des propositions de Terra Nova : sur les retraites, je trouve au moins une idée vraiment intéressante ; celle de rendre la retraite progressive. A partir d'un certain âge, on pourrait travailler un jour de moins par semaine puis les deux suivantes, deux jours de moins et ainsi de suite. On irait ainsi vers une cessation progressive d'activité, comme cela existe, me semble-t-il dans la fonction publique. Comme nous savons tous que l'allongement des annuités de cotisation est inévitable, il y aurait là un moyen pas trop douleureux de reculer l'âge de la retraite. Cinq jours de travail par semaine à 67 ans, c'est vraiment dur, mais un seul jour, c'est tolérable et en plus, cela laisse une large place à d'autres activités (soigner son cancer de la prostate, participer au club de belote de la commune, se faire trucider dans une prise d'otages islamiste en  Egypte, se faire escroquer par un jeune cadre dynamique et cetera, et cetera...). Nonobstant les activités en question, la piste est fort intéressante.

  • Une politique sociale made in Bayrou

    François Bayrou tenait aujourd'hui le troisième forum de son agenda 2012-2020. Il s'agissait cette fois de définir de quelle manière l'économique et le social pouvaient se marier harmonieusement (ou non...).

    Travail et droit du travail

    François Bayrou a fait sensation en proposant de liquider toutes les formes de contrats autres que le CDI. Quid de la flexibilité pour les entreprises dont les commandes ne sont pas assurées, alors ? Bayrou suggère que des indemnités importantes et fixées à l'avance, d'un montant équivalent à ce qu'accordent les prudhommes en règle générale, figurent dans le contrat, rendant possible son interruption.

    Puisque le droit à la formation existe, Bayrou suggère qu'il soit activé pendant les périodes de chômage principalement. Compte-tenu du désordre général du financement de la formation continue, Bayrou propose qu'une agence nationale de la formation soit créée dont la mission soit de mettre en ordre ce secteur.

    Santé et retraites

    En ce qui concerne les retraites, Bayrou n'a pas changé d'avis et maintient le principe d'une retraite par répartition, mais avec un système à points. La pénibilité, l'action dans la sphère associative, l'éducation des enfants seront intégrées dans le calcul sous forme de bonus. A terme, chacun décidera de l'heure de son départ à la retraite.

    Pour la santé, il s'agit, tout comme pour les retraites, de parvenir à un équilibre. Pas seulement financier. Un équilibre géographique aussi. Sur ce dernier point, Bayrou propose d'élargir le numerus clausus en fléchant pour quelques années vers les déserts médicaux le parcours des entrants surnuméraires dans les professions médicales. Bayrou estime également que la rationnalisation des moyens ne doit pas mener à fermer des services médicaux de proximité majeurs tels que les maternités,  les urgences cardio-vasculaires et les soins ambulatoires. Bayrou propose l'ouverture de maisons médicales avec du personnel compétent plutôt que d'unités hospitalières pour mailler le territoire.

    L'équilibrage de la sécurité sociale est un vrai problème : sur ce point, Bayrou n'a pas proposé de solutions toutes faites, mais il observe que des complémentaires santé gérée par des syndicats et des organisations professionnelles de santé semblent donner de bons résultats en Alsace et en Moselle : il reste à voir comment cela fonctionne pour réfléchir à une généralisation à l'échelle nationale.

    Bayrou compte consacrer au handicap une réflexion particulière : il l'a donc abordé en spécifiant qu'il privilégierait l'accompagnement humain dans ce domaine, mais il a remis à un forum spécifique ce qu'il compte proposer dans ce domaine.

    Le reste de sa politique sociale fera l'objet d'un billet séparé.

  • Les retraités participeront-ils au financement de la dépendance ?

    Compte tenu de l’ampleur des dépenses actuelles – sans parler de celles à venir – et de la dégradation des comptes sociaux, compte tenu également de l’effet 'différé' de certaines réformes proposées – la mise en place d’une assurance n’aura des effets qu’à moyen terme –, des recettes nouvelles devront être affectées à la prise en charge de la perte d’autonomie.

    Cependant, la charge de cet effort ne saurait, à mon avis, peser sur les seules générations actuelles d’actifs. Au moment où la réforme des retraites a principalement fait supporter l’effort sur les actifs, il convient – j’ai déjà eu l’occasion de le dire – d’engager une réflexion sur l’augmentation de l’effort contributif des retraités aux dépenses liées au de vieillissement de la Nation.
    En effet, le niveau de vie moyen de ces derniers s’est considérablement amélioré depuis les années 1970. Si l’on prend en compte les revenus du patrimoine, les placements financiers et immobiliers et les loyers non versés par les retraités propriétaires, leur niveau de vie moyen apparaît même comme légèrement supérieur à celui des actifs.

    Dans cette perspective, certains avantages fiscaux dont ils bénéficient pourraient être aujourd’hui révisés, notamment le taux réduit de CSG sur les pensions.

    J’avais déposé un amendement en ce sens dans le cadre du projet de loi de financement pour 2011 qui préservait les 'petites pensions' : je proposais que le taux de la CSG ne soit relevé que pour les personnes imposées au taux de 6,6 pour cent. Les personnes exonérées de CSG sur leurs pensions, ou bénéficiant du taux réduit de 3,8 pour cent, n’étaient pas concernées. Cette mesure aurait conduit à un surcroît de recettes de près de 1,7 milliard d’euros.

    Cette piste ne pourra pas, je pense, être écartée, car il me semble particulièrement légitime de demander un effort à toute la population, à l’heure où le Parlement vient d’accepter non seulement d’utiliser de manière anticipée le Fonds de réserve des retraites (FRR), mais aussi de prolonger de quatre années la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale ; à l’heure où le Parlement vient donc de reporter sur les générations futures une charge qu’il souhaitait encore pleinement assumer il y a 5 ans.

    Le texte n'est pas de moi. Il est de Jean-Jacques Jégou, sénateur MoDem et spécialiste du financement de la solidarité. Mais comme je n'ai pas grand chose à ajouter au propos, j'en reprends les éléments les plus significatifs ici.

  • Crever à la tâche...

    Florent vient, dans son dernier billet, de pointer l'un des aspects majeurs de l'allongement possible (probable, en fait) de la durée de travail : sa concomittance ou non, non pas avec l'espérance de vie, mais avec l'espérance de vie en bonne santé.

    Les tableaux disponibles sur le site d'eurostat, émanation de la Commission européenne qui produit des statistisques pour toute l'Union européenne, viennent éclairer d'un jour sombre notre futur.

    On entend dire partout que l'espérance de vie croît. On s'en fout. Elle croît, mais dans quel état achevons-nous notre existence ? Par exemple, observons de près l'espérance de vie en bonne santé de 1995 à 2008 en Europe pour les hommes. Ah, ils sont beaux les centenaires dont on nous rebat les oreilles : il n'y a dans aucun pays d'Europe de progression linéaire. Il y a même souvent, d'une année sur l'autre, des régressions, et parfois importantes. En France, nous stagnons depuis 15 ans entre 60 et 63 ans, certaines années, plus proche de 60 ans, d'autres, davantage de 63 ans. En Autriche, les chiffres de dégradent depuis 6 ans. Les Autrichiens pouvaient, jusqu'à l'année 2003 espérer une bonne santé jusqu'à 64-66 ans, mais depuis, ils stagnent à 58 ans ! 6-8 années en moins ! Le Portugal oscille entre 59 et 60 ans depuis 15 ans.

    Que l'on ne s'y trompe pas : les exemples que je choisis ne sont pas des occurences particulières qui serviraient à illustrer spécifiquement mon propos. Non, au contraire, ce ne sont que des exemples parmi tant d'autres dans les données que j'utilise.

    J'observe tout de même dans beaucoup de pays une dégradation, parfois très nette, depuis 2003. L'Alllemagne autrefois entre 63 et 65 ans, n'est même plus à 56 ans pour l'année 2008.

    Ces chiffres lèvent les derniers doutes sur l'enjeu prioritaire qui attend notre société : il est de plus en plus difficile de travailler en raison de la pression continuelle qui s'exerce sur les salariés de toute obédience et de tout niveau. Pour pouvoir travailler plus, il faut être en bonne santé. Améliorer la santé à partir du troisième âge est désormais un enjeu social et économique prioritaire.

    Je ne crois pas aux fariboles gauchistes qui consistent à expliquer que le capital paiera. Oh, certes, on pourra le faire payer un peu, mais il n'y aura pas de taxation efficace qui permettrait de financer l'intégralité de nos recettes. Ce ne peut être que le travail en premier lieu qui peut financer les futures retraites. Mais pour que cela soit possible, il faut que le corps social soit en état de travailler, faute de quoi, nous irons vers une dégradation considérable de nos conditions d'existence.

    Je m'étais intéressé à la DHEA, il y a quelques années, cette hormone capable de redonner tonus et énergie aux hommes et aux femmes dès 45 ans. L'inconvénient, c'est qu'elle est aussi fortement soupçonnée de favoriser le cancer...D'où, par ricochet, la nécessité d'agir contre ce fléau. Nous avons fortement progressé en médecine curative, dans de domaine, mais encore bien peu en médecine préventive, parce que nous peinons toujours à en comprendre les mécanismes et surtout la source. Qu'est-ce qui fait qu'une cellule dégénère ? On ne le sait toujours pas clairement.

    D'une certaine manière, je me dis qu'il y a deux voies pour aborder notre vieillissement : soit tenter de faire face par la science en tentant de dominer notre propre amenuisement, soit se détacher des choses terrestres et du corps, chemin, finalement de la philosophie et de plusieurs religions.

    Le MoDem faisait de la santé l'un de ses biens premiers, dans son programme européen. A ce stade, ce n'est même plus un bien premier, mais une nécessité économique prioritaire...

  • 2020, Odyssée des retraites...

    J'ai été contacté, il y a peu, par l'Observatoire des retraites mis en place par la BPCE (Banque Populaire - Caisse d'Épargne). Il s'agit pour moi de participer à des entretiens avec des experts autour de questions touchant aux retraites et à leur avenir. Le premier thème, hier après-midi, interrogeait la pérénité de la toute récente réforme des retraites.  Il y avait là Librement vôtre, blogue libéral assez connu dans la sphère du même nom,  méridianes, un blogue économique dont je découvrais l'auteur pour l'occasion, et la charmante Agnès Verdier, présidente de l'IFRAP. Nous étions réunis là par les bons offices du cabinet de conseil Image et stratégie.

    En admettant que les estimations de croissance, de chômage et de démographie soient correctes, il apparaît que l'actuelle réforme garantit un équilibre en 2020, mais, après, c'est l'obscurité la plus totale. J'ai cru comprendre que ce qui permettait d'assurer le financement définitif des retraites, dans le plan de Fillon et Sarkozy, c'est le Fond de réserve des retraites mis en place par...Jospin ! Le problème, c'est qu'en 2020, il sera complètement épuisé ; si le système n'a pas trouvé son équilibre à ce moment-là, ce qui est plus que  probable, les retraites entreront dans une zone de très importantes turbulences. Je vous laisse imaginer l'image si je vous dis que des turbulences importantes peuvent provoquer un crash aérien...

    Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que nous nous soyons penchés sur les diverses perspectives qui s'ouvraient à notre système de retraites. Ce qui paraît en fait patent, c'est que les retraites ne peuvent être traitées efficacement seules : elles participent d'un projet global, quel qu'il soit, qui touche des segments différents de notre société, mais qui ont la particularité de tous être liés entre eux.

    Nous avons choisi lors de cette réunion une perspective finale toutefois unique : celle de travailler davantage. C'est donc autour de cette hypothèse que chacun a essayé de donner sa propre vision des choses. Il est apparu assez vite que nous ne pouvions envisager un allongement de la durée de travail sans évoquer d'une part la mobilité de l'emploi, d'autre part le rapport que les Français entretiennent avec leur travail. Difficile de demander aux Français de travailler davantage s'il n'y a pas un aménagement des fins de carrière, c'est à dire des conditions de travail, et tout autant s'il n'y a pas un plaisir, une réalisation dans le travail. De la même manière, seule une véritable mobilité de l'emploi permet d'envisager plusieurs carrières dans la vie d'un travailleur, y compris quand il parvient à l'âge de la retraite actuelle. 

    L'inconvénient, c'est que l'incroyable multiplicité des régimes de retraites est un frein puissant à cette même mobilité : comment envisager sereinement de changer de vie professionnelle s'il faut reprendre le décompte des cotisations à zéro et que l'on ne s'y retrouve pas ?

    La solution la plus évidente, c'est un système universel. A ma connaissance, seules les formations centristes ou proches du centre (MoDem, Alliance Centriste, Nouveau Centre) y sont favorables. C'est le principe de la retraite par points, ou encore des comptes notionnels, en vigueur en Suède. Agnès Verdier de l'IFRAP m'a semblé quant à elle, partisane d'un alignement pur et simple des retraites, indépendamment de toutes considérations de points ou non.

    Toute réforme dans le domaine des retraites a un impact psychologogique si important que nous n'avons pas esquivé cette dimension essentielle. Notamment, Alain Tourdjman, Directeur des Études, de la Veille et de la Prospection à la BPCE faisait remarquer que les angoisses sur les retraites étaient telles qu'il ne paraît pas pensable de proposer quelque réforme que ce soit dans donner une garantie de sécurité aux Français. Je tends à penser, pour ma part, et je l'ai dit, qu'il faut même leur donner un espoir.

    Yann Benoist-Lucy et Loïc Le Bivant, respectivement Directeur-adjoint et Responsable Veille de l'Observatoire donnaient alors des précisions sur les représentations des Français en ce qui concerne leur retraite ; les Français se représentent leur retraite en trois phases :

    - la retraite heureuse : c'est l'âge des possibles. Dégagé des contingences de la vie professionnelle, et sans doute aussi de la vie familiale, le Français peut se livrer aux activités qu'il a toujours voulu pratiquer sans pouvoir le faire faute de temps et d'état d'esprit disponibles.

    - la santé précaire : passé le cap des dix premières années, les premières alertes importantes en  termes de santé apparaissent. Cet âge-là se replie sur le domicile et sur des problématiques spécifiques à la gérontologie et à la gériatrie.

    - l'âge de la dépendance : c'est le dernier âge, il devient difficile de vivre seul. Le sujet préoccupe les politiques; Nicolas Sarkozy l'a longuement évoquée dans son allocution, la mairie de Paris, quant à elle, envisage un plan de grande ampleur pour y faire face.

    Si les Français ont l'impression de devoir passer directement de la vie professionnelle à la phase 2 (voire 3 !!!) de leur retraite, toute réforme sera très mal engagée, personne n'ayant le désir de renoncer au bonheur espéré.

    Cela pose évidemment la question de notre intégrité physique et mentale à des âges avancés : l'espérance de vie a considérablement progressé, mais il en va tout autrement de notre espérance de bonne santé et de bonne condition physique. Or, ces dernières sont des conditions sine qua non de la retraite heureuse...

    Puisque nous devisions du financement des retraites, je me suis empressé d'enfoncer la porte qui n'était pas ouverte : ce que peuvent proposer des banques aux particuliers terrorisés que nous sommes...Le choix de la BPCE est de garantir une neutralité totale à son observatoire. A cette fin, il a donc été choisi de ne pas étudier cette question dans le cadre de l'observatoire. Elle est pourtant intéressante à mes yeux. Le sort des retraites fait l'objet d'un important déficit de confiance, tous les sondages le montrent. Les complémentaires retraite qui existent à l'heure actuelle ne séduisent guère les Français : peu lisibles, elles donnent l'impression d'absorber des revenus sans garantie claire pour le futur. Sur ce point, Alain Tourdjman faisait même observer qu'il lui paraissait difficile de proposer un produit d'épargne-retraite sans une garantie de l'État.

    Je pense que la vraie question, c'est celle du financement pérenne. Les Français se défient des fonds de pension : soit ils se comportent en hyper-prédateurs extrêmement agressifs sur les marchés financiers, soit, au contraire, en colosses aux pieds d'argile entraînant dans leur chute des milliers si ce n'est des millions d'individus. On l'a encore vu avec les turbulences de la finance ces dernières années. Les libéraux qui rêvent d'une retraite par capitalisation ont donc peu de chances de voir leurs vues triompher avec de telles options.

    Il me semble, pour ma part, qu'une banque qui parviendrait à proposer une épargne-retraite durable, avec un capital émergé et récupérable, capable de rassurer les Français, aurait une carte à jouer. Une très grosse carte à jouer, même. Seulement, voilà, quand je parle de placements pérennes, je ne parle pas de placements à 10 ou 20 ans. Je parle de structures financières qui traversent une, deux, voire trois générations. C'est ainsi qu'il faut penser la retraite. 

    Il n'existe rien de tel en France, les placements les plus lointains finissant à 12 ans, au mieux. Il ne faut donc plus penser en termes de placements, mais en termes de structures financières.

    Des structures financières pérennes existent en droit anglo-saxon : des fondations, des trusts, par exemple, peuvent quasiment traverser un siècle. Pensées pour assurer l'avenir de plusieurs générations successives, ces structures s'adaptent particulièrement bien à nos problématiques de retraites. Si l'on quitte le champ du contournement fiscal et les a priori moraux convenus, il y a là une piste, je le pense, vraiment intéressante à explorer. Sans répliquer exactement ce que font les Anglo-Saxons, on pourrait penser que les banques mettent au point des structures financières destinées à assurer l'avenir et dont la fiscalité serait particulière. Cela suppose évidemment une réflexion et une collaboration au plus haut niveau de l'État sur ce sujet. Une piste, en tout cas, dont j'ai proposé l'exploration lors de ces entretiens.

    Il restait à envisager la retraite sous son aspect philosophique. Il se trouve que je l'ai déjà traité dans un billet précédent, quand j'ai découvert cet observatoire et ses experts. Ce qui a été dit lors de la réunion a globalement repris les observations de Pierre-Henri Tavoillot sur le site de l'Observatoire. Je ne m'étends donc pas dessus.

    J'ai essayé d'être exhaustif, mais, fatalement, parce que la mémoire sélectionne, à tort ou à raison, j'ai certainement omis bien des moments de ces discussions très riches. Je n'exclus donc pas d'y revenir à l'avenir, d'autant que ces conversations ne sont sans doute pas les dernières.

  • On n'a pas fini de parler de la retraite

    La BPCE (ex Caisse d'Épargne et Banque Populaire) vient d'ouvrir un observatoire des retraites. Très intéressant. Bien sûr, cette banque d'abord un oeil financier sur l'allongement de la durée de vie et le financement des retraites. S'il lui semble établi que la retraite par répartition restera le modèle dominant en France, ses experts ont calculé qu'au fil du temps, il y aurait un décrochage entre le revenu des actifs et celui des retraités. Actuellement, un retraité dispose d'un peu plus de 85% du revenu d'un actif. Mais à l'horizon 2050, ce taux devrait être inférieur à 50%, compte-tenu de notre probable évolution démographique.

    Cette banque se positionne donc avec l'espoir de proposer des produits financiers attractifs aux futurs retraités. Toutefois, lucide, elles est consciente que les futures générations de retraités chercheront d'abord à sécuriser leurs revenus. Les soubresauts de la finance internationale ont engendré une grande méfiance envers ses produits. Si elle note que les Français ne craignent pas de placer des sommes assez considérables en épargne et en assurance-vie, elle n'a pas franchi le pas pour les compléments retraites. 

    Bien souvent, c'est la pierre, qui tend à fluctuer assez peu si ce n'est à la hausse, qui paraît aux Français la garantie la plus durable et la plus fiable. On achète donc de quoi se loger avant toutes choses quand on veut sécuriser ses vieilles années.

    Les publicitaires, les économistes et les financiers ont du pain sur la planche. Pour être franc, moi-même qui ai une relative confiance dans les vertus du libéralisme et du capitalisme, je fais partie de ceux qui se défient des caisses complémentaires et des placements de ce type. La rapacité des fonds de pension outre-Atlantique, justement constitués de ce genre de portefeuilles, les faillites traumatisantes qui s'y produisent avec son cortège de malheureux qui se retrouvent sans rien et contraints de reprendre une activité salariée à parfois plus de 70 ans, ne m'inspirent guère confiance.

    Je veux bien être convaincu, mais il va falloir me présenter des arguments (et des contre-arguments à mes objections !) très solides.

    Le projet de cette banque n'en est pas moins très riche et large, car son observatoire a pour objet d'étudier la retraite sous tous ses aspects. Il donne donc aussi la parole à des sociologues, à des économistes, à des philosophes.

    Parmi ces derniers, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention de Pierre Henri-Tavoillot, que j'ai eu l'occasion de rencontrer il y près de dix ans (mais qui ne s'en rappelle probablement pas). J'ai trouvé ses pistes de réflexion très pertinentes.

    Il renvoie notamment à ce que nos Anciens disaient du vieil âge ; il associe particulièrement Cicéron et Saint-Augustin parce que leurs opinions sont diamétralement opposées. Saint-Augustin voit dans le dernier âge l'occasion de se consacrer aux choses essentielles, tandis que Cicéron estime que l'homme âgé doit demeurer le plus actif possible, au sens latin du mot.

    Il se trouve que je connais le De senectute de Cicéron. Je l'ai lu. Il s'agit d'un traité sous forme de dialogue entre les générations. Deux jeunes adultes, Scipion (le général romain victorieux d'Hannibal le Carthaginois) et Laelius, conversent avec Caton l'Ancien, grande figure morale et austère de la Rome républicaine. Cicéron se représente une vieillesse heureuse. Il existe une excellente analyse du texte à laquelle je renvoie, afin de ne pas alourdir ma note. D'une certaine manière, dans la vision de Cicéron des troisième et quatrième âges, il n'y pas de retraite mais une extinction progressive, qui, si l'on demeure actif, nous évite bien des angoisses.

    Toutefois, la vieillesse de Cicéron s'inscrit dans une éthique qui heurte frontalement les valeurs de notre société, toute entière tournée vers le confort, l'amusement, les loisirs et la satisfaction des passions. Il faut avoir pris l'habitude dès le jeune âge de tacher de les maîtriser pour pouvoir en faire son deuil, à l'orée des derniers âges.

    Bien sûr la pensée de Cicéron se heurte à une limite dont il est d'ailleurs conscient : au fil du temps, vivre, c'est éprouver toujours plus l'imminence d'une mort tôt ou tard inévitable. Sénèque recommandait de la chérir, cette mort, Cicéron, lui suggère d'en rire et même de la défier.

    Pierre-Henri Tavoillot observe qu'en 1900, l'espérance de vie était de 40 ans; un siècle plus tard elle atteint 80 ans... Nous avons donc gagné 40 ans, et, du coup, notre philosophe pose une question cruciale : que faire de ce temps de vie en plus ?

    Cicéron faisait valoir que tant que l'intellect demeurait intact chez le vieillard, alors il pouvait défier la mort. Ce constat vient se fracasser frontalement sur l'évolution de notre médecine. Le docteur Beaulieu, célèbre pour ses travaux sur la pilule abortive mais aussi la DHEA, la fameuse hormone de jeunesse, met en garde : dès 85 ans, la moitié du quatrième âge devient sénile, que cela soit en raison d’Alzheimer ou pour une autre cause. Or, le nombre de centenaires va exploser dans un futur proche. La prolongation indéfinie de l'existence biologique a-t-elle un sens sans vie de l'esprit ?

    Le professeur Beaulieu recommande la poursuite d'une activité à la retraite, qui ne doit plus être un retrait du monde, comme elle avait conçue à l'origine. Sans plus de précautions oratoires, il suggère de supprimer purement et simplement toute référence à un âge légal de la retraite, mais, met le doigt sur ce qui est à mes yeux le problème essentiel : il faut que les gens puissent continuer à mener une activité, mais une activité qui leur plaise...

    En ce sens, nous aboutissons ainsi à une question que j'agite souvent ici, qui est celle des conditions de travail. Les Français, selon l'étude de l'Observatoire, se représentent la première retraite comme un âge d'or, non pas celui du repos, mais au contraire l'opportunité d'avoir un surcroît d'activité et d'accomplir ce qu'ils n'ont pu faire jusqu'ici. En somme, les Français ne refusent pas d'être actifs après la retraite, mais refusent de poursuivre leur travail tel que sont ses conditions dans notre société moderne.

    Voilà qui laisse songeur et ouvre la porte à une réflexion globale sur le travail et la retraite.

  • Quelle grève inutile !!!

    La Toile de gauche se déchaîne, aujourd'hui : invitation générale à la grève. On y relaie les propositions délirantes du Front de Gauche, on se fait le porte-parole des Socialistes, on rappelle à Sarkozy ses engagements (sur ce point, on n'a pas tort, d'ailleurs), on évente les possibles calculs de l'actuelle majorité, on dénonce un complot capitaliste destiné à privatiser les retraites et à faire disparaître le service public, on refuse d'admettre que l'espérance de vie s'accroissant, il faudra bien trouver un remède à nos retraites agonisantes ; il n'est pas jusqu'aux écolo-démocrates de Cap21 chez lesquels on ne s'échine à voir dans l'âge de départ une vile tromperie.

    Et pourtant, quelle erreur ! Quel manque de perspicacité. D'aucuns croient voir dans le report de l'âge légal de la retraite un enjeu. Mais non voyons ; tenez, prenons mon cas. Comme beaucoup d'étudiants de ma génération qui ont suivi des formations plus ou moins longues après le bac et ont fait leur service national, j'ai commencé, en dépit de petits boulots, à travailler sur le tard, aux alentours de 26 ans. J'ai déjà calculé qu'il me faudrait cotiser au moins 42 annuités pour avoir ma pension à taux plein. Cela signifie qu'il me faut tabler travailler jusqu'à 68 ans. Alors franchement, que l'on recule l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, je m'en tape. Peuvent être concernés ceux qui ont commencé à bosser très tôt. Ce sont souvent les ouvriers, pour lesquels justement la pénibilité du travail va être reconnue.

    Les syndicats ont tout faux. A 100%. Ce n'est pas sur l'âge de départ à la retraite qu'il faut se battre, mais sur l'aménagement des fins de carrière, et, plus généralement, dans un univers professionnel de plus en plus stressant et éprouvant, sur les conditions de travail. Je crois que c'est là l'un des principaux enjeux, et surtout l'un des seuls leviers sur lesquels une politique volontariste puisse agir. C'est bien pour cela que le MoDem en a fait l'un des huit axes de ses propositions.

    La question centrale, au fond, aujourd'hui, et la classe politique bute dessus sans parvenir à s'en dépêtrer, c'est celle de l'emploi et du travail. Théodore Zeldin déclarait dans le livre d'entretiens de Karim-Émile Bitar, Regards sur la France, que le véritable défi de la France et de nos sociétés modernes, c'était de modifier notre rapport au travail. C'est d'ailleurs l'objet de sa fondation, Oxford Muse. Sa fondation précise ainsi :

    « If people are soon likely to spend more years in retirement than at work, what will happen? Who will pay their pensions? »... eh oui...Il faut donc leur trouver des motivations pour poursuivre leur activité professionnelle. Ceci ne peut s'envisager que dans un environnement de travail adouci et apaisé.

  • Retraites et cotisations, un conseil au gouvernement

    J'ai entendu ce matin que le gouvernement escomptait aligner les cotisations des retraites de la fonction publique sur celle du secteur privé. C'est sans doute légitime, mais ce serait une grave erreur de baisser le salaire net des fonctionnaires ainsi. Il faut la jouer subtil pour que cela passe : ce qui serait pertinent, ce serait de réaliser cette ponction au moment du passage d'un échelon à un autre pour le fonctionnaire, car son salaire augmentant à ce moment-là, in fine, l'augmentation serait simplement moindre. Il suffit de donner cette consigne dans toutes les administrations publiques, et le tour est joué.

    Par ailleurs, pour que ce tour de vis ait la moindre chance d'être accepté par l'opinion, il faut en finir avec toutes les exonérations qui touchent les retraites. Bouclier fiscal, heures supplémentaires, allègements fiscaux, tout doit passer à la trappe. Tous les revenus doivent contribuer, y compris les revenus financiers qui pouvaient ne pas avoir été touchés par cet impôt spécifique.

    Il faut dans le même temps diminuer la dépense publique : mauvaise méthode que de donner ordre à tous les ministères de donner un tour d'écrou. Il vaudrait mieux engager un débat pour redéfinir les missions de l'État et, le cas échéant, repousser aux calendes grecques (c'est le cas de le dire) tout grand projet pharaonique qui n'aurait pas une claire raison d'être.

    Ce serait risqué de consulter les Français sur les déficits, comme le veut François Bayrou, mais cela aurait du panache, et cela me semble le seul moyen de pouvoir agir, car sans l'adhésion de son peuple, un dirigeant politique n'est rien.

    Très astucieux, en revanche, de prévoir que plus aucune dérogation fiscale ne puisse être votée sans passer par la loi de finances : actuellement, on peut voter un addendum fiscal à l'occasion de n'importe quelle mise au vote d'une loi. Après cette réforme, il faudra attendre la loi de finances, et elle n'a lieu qu'une fois par an. Donc fini les cadeaux à l'emporte-pièces au jour le jour, en fonction de l'actualité du moment. J'ai du mal à imaginer que ce soit Sarkozy qui ait eu cette idée, mais je peux me tromper. Cela ressemble davantage à du Fillon, ça. Si c'est Sarko, cela signifierait qu'il serait devenu continent ?!!! Quelle révolution !

  • Une retraite par points ?

    Un système de retraite à points est la solution privilégiée par Bayrou puis le MoDem dans son programme.

    «Pour nous, la pérennité de notre système passe par la constitution d’un système par points. Chaque citoyen aura acquis au cours de sa vie un certain nombre de droits, différents selon les cas, selon la durée, la pénibilité du travail... A partir de ces droits, chacun décidera lui-même de l’âge de départ à la retraite et donc du montant de cette retraite. La gestion des emplois pénibles mérite une attention particulière. Nous ne pouvons, en tant que démocrates, nous satisfaire de départs prématurés à la retraite pour ceux qui exercent des métiers aboutissant à la réduction de leur espérance de vie. C’est en amont que l’on doit réformer les choses. Bien sûr, la priorité absolue est de réduire la pénibilité professionnelle. »

    Je me suis penché sur la question et j'ai tâché d'interroger les avantages et inconvénients de ce choix. Dans un système à points, les salariés achètent des points tout au long de leur carrière par leurs cotisations. La pension, à la retraite, correspond au nombre total de points accumulés multiplié par la valeur du point au jour de la retraite. A l'heure actuelle, la système de retraites est opaque et peu lisible, et les citoyens ne savent pas facilement où ils en sont ; avec un système par points, les choses auraient l'avantage d'être claires, et chaque citoyen pourrait à tout moment facilement savoir où il en est. C'est ce que fait valoir régulièrement François Bayrou, et je suppose qu'il va le redire à Éric Woerth, puisqu'il est le premier consulté sur la question. Il est également clair qu'un passage à la retraite par points entraînerait nécessairement une refonte complète du système et donc la fin de tous les régimes spéciaux. Là où le bât blesse, c'est que cela suppose fatalement d'aligner retraites du privé et du public et de mettre fin aux régimes spéciaux. Pour que les salariés du public s'y retrouvent, l'État sera contraint d'augmenter significativement le montant des cotisations, au moins pour le financement des retraites qui correspondent à ceux qui se sont engagés dans la fonction publique avec le mode de retraite qui est actuellement en vigueur. Dans le cas contraire, la baisse des pensions sera automatique. Dans tous les cas de figure, ce sera évidemment plus équitable pour les salariés du privé dont la pension est calculée sur les 25 meilleures années et non les six derniers mois.

    J'imagine que le coût du point variera selon les aléas de la conjoncture économique. Il me semble que pour que valeur de la pension ne dépende pas uniquement des cotisations, il faut que certains points soient attribués gratuitement en fonction de situations spécifiques personnelles : congés maternité, chômage de longue durée, longue maladie, réversion, épouses d'agriculteurs ou de commerçants, et cetera... Il resterait, bien sûr, à en fixer les pro rata, sachant que pour les congés maternités, il me semblerait logique que les femmes récupèrent 100% de leur points. Le reste doit être examiné au cas par cas.

    L'incertitude qui demeure, in fine, c'est la valeur finale du point : si elle sert à ajuster d'éventuels déséquilibres, elle pourrait avoir un fort impact sur le montant des pensions.

    Bayrou a ouvert la voie à une réforme des retraites, mais le MoDem demeure trop imprécis : il ne s'agit pas de se contenter de relayer l'adhésion du parti à ces propositions, mais de dire clairement quelle serait la politique suivie sur les retraites en cas d'accès au pouvoir. Or, pour l'instant, la manière dont ces points seraient attribués et dont la jonction se ferait avec ce qui est en vigueur actuellement n'est pas précisée par le programme du MoDem. Je rassure mes amis démocrates : chez les autres, c'est pire, on ne dit rien, on ment, ou l'on rase gratis...