J'ai été contacté, il y a peu, par l'Observatoire des retraites mis en place par la BPCE (Banque Populaire - Caisse d'Épargne). Il s'agit pour moi de participer à des entretiens avec des experts autour de questions touchant aux retraites et à leur avenir. Le premier thème, hier après-midi, interrogeait la pérénité de la toute récente réforme des retraites. Il y avait là Librement vôtre, blogue libéral assez connu dans la sphère du même nom, méridianes, un blogue économique dont je découvrais l'auteur pour l'occasion, et la charmante Agnès Verdier, présidente de l'IFRAP. Nous étions réunis là par les bons offices du cabinet de conseil Image et stratégie.
En admettant que les estimations de croissance, de chômage et de démographie soient correctes, il apparaît que l'actuelle réforme garantit un équilibre en 2020, mais, après, c'est l'obscurité la plus totale. J'ai cru comprendre que ce qui permettait d'assurer le financement définitif des retraites, dans le plan de Fillon et Sarkozy, c'est le Fond de réserve des retraites mis en place par...Jospin ! Le problème, c'est qu'en 2020, il sera complètement épuisé ; si le système n'a pas trouvé son équilibre à ce moment-là, ce qui est plus que probable, les retraites entreront dans une zone de très importantes turbulences. Je vous laisse imaginer l'image si je vous dis que des turbulences importantes peuvent provoquer un crash aérien...
Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce que nous nous soyons penchés sur les diverses perspectives qui s'ouvraient à notre système de retraites. Ce qui paraît en fait patent, c'est que les retraites ne peuvent être traitées efficacement seules : elles participent d'un projet global, quel qu'il soit, qui touche des segments différents de notre société, mais qui ont la particularité de tous être liés entre eux.
Nous avons choisi lors de cette réunion une perspective finale toutefois unique : celle de travailler davantage. C'est donc autour de cette hypothèse que chacun a essayé de donner sa propre vision des choses. Il est apparu assez vite que nous ne pouvions envisager un allongement de la durée de travail sans évoquer d'une part la mobilité de l'emploi, d'autre part le rapport que les Français entretiennent avec leur travail. Difficile de demander aux Français de travailler davantage s'il n'y a pas un aménagement des fins de carrière, c'est à dire des conditions de travail, et tout autant s'il n'y a pas un plaisir, une réalisation dans le travail. De la même manière, seule une véritable mobilité de l'emploi permet d'envisager plusieurs carrières dans la vie d'un travailleur, y compris quand il parvient à l'âge de la retraite actuelle.
L'inconvénient, c'est que l'incroyable multiplicité des régimes de retraites est un frein puissant à cette même mobilité : comment envisager sereinement de changer de vie professionnelle s'il faut reprendre le décompte des cotisations à zéro et que l'on ne s'y retrouve pas ?
La solution la plus évidente, c'est un système universel. A ma connaissance, seules les formations centristes ou proches du centre (MoDem, Alliance Centriste, Nouveau Centre) y sont favorables. C'est le principe de la retraite par points, ou encore des comptes notionnels, en vigueur en Suède. Agnès Verdier de l'IFRAP m'a semblé quant à elle, partisane d'un alignement pur et simple des retraites, indépendamment de toutes considérations de points ou non.
Toute réforme dans le domaine des retraites a un impact psychologogique si important que nous n'avons pas esquivé cette dimension essentielle. Notamment, Alain Tourdjman, Directeur des Études, de la Veille et de la Prospection à la BPCE faisait remarquer que les angoisses sur les retraites étaient telles qu'il ne paraît pas pensable de proposer quelque réforme que ce soit dans donner une garantie de sécurité aux Français. Je tends à penser, pour ma part, et je l'ai dit, qu'il faut même leur donner un espoir.
Yann Benoist-Lucy et Loïc Le Bivant, respectivement Directeur-adjoint et Responsable Veille de l'Observatoire donnaient alors des précisions sur les représentations des Français en ce qui concerne leur retraite ; les Français se représentent leur retraite en trois phases :
- la retraite heureuse : c'est l'âge des possibles. Dégagé des contingences de la vie professionnelle, et sans doute aussi de la vie familiale, le Français peut se livrer aux activités qu'il a toujours voulu pratiquer sans pouvoir le faire faute de temps et d'état d'esprit disponibles.
- la santé précaire : passé le cap des dix premières années, les premières alertes importantes en termes de santé apparaissent. Cet âge-là se replie sur le domicile et sur des problématiques spécifiques à la gérontologie et à la gériatrie.
- l'âge de la dépendance : c'est le dernier âge, il devient difficile de vivre seul. Le sujet préoccupe les politiques; Nicolas Sarkozy l'a longuement évoquée dans son allocution, la mairie de Paris, quant à elle, envisage un plan de grande ampleur pour y faire face.
Si les Français ont l'impression de devoir passer directement de la vie professionnelle à la phase 2 (voire 3 !!!) de leur retraite, toute réforme sera très mal engagée, personne n'ayant le désir de renoncer au bonheur espéré.
Cela pose évidemment la question de notre intégrité physique et mentale à des âges avancés : l'espérance de vie a considérablement progressé, mais il en va tout autrement de notre espérance de bonne santé et de bonne condition physique. Or, ces dernières sont des conditions sine qua non de la retraite heureuse...
Puisque nous devisions du financement des retraites, je me suis empressé d'enfoncer la porte qui n'était pas ouverte : ce que peuvent proposer des banques aux particuliers terrorisés que nous sommes...Le choix de la BPCE est de garantir une neutralité totale à son observatoire. A cette fin, il a donc été choisi de ne pas étudier cette question dans le cadre de l'observatoire. Elle est pourtant intéressante à mes yeux. Le sort des retraites fait l'objet d'un important déficit de confiance, tous les sondages le montrent. Les complémentaires retraite qui existent à l'heure actuelle ne séduisent guère les Français : peu lisibles, elles donnent l'impression d'absorber des revenus sans garantie claire pour le futur. Sur ce point, Alain Tourdjman faisait même observer qu'il lui paraissait difficile de proposer un produit d'épargne-retraite sans une garantie de l'État.
Je pense que la vraie question, c'est celle du financement pérenne. Les Français se défient des fonds de pension : soit ils se comportent en hyper-prédateurs extrêmement agressifs sur les marchés financiers, soit, au contraire, en colosses aux pieds d'argile entraînant dans leur chute des milliers si ce n'est des millions d'individus. On l'a encore vu avec les turbulences de la finance ces dernières années. Les libéraux qui rêvent d'une retraite par capitalisation ont donc peu de chances de voir leurs vues triompher avec de telles options.
Il me semble, pour ma part, qu'une banque qui parviendrait à proposer une épargne-retraite durable, avec un capital émergé et récupérable, capable de rassurer les Français, aurait une carte à jouer. Une très grosse carte à jouer, même. Seulement, voilà, quand je parle de placements pérennes, je ne parle pas de placements à 10 ou 20 ans. Je parle de structures financières qui traversent une, deux, voire trois générations. C'est ainsi qu'il faut penser la retraite.
Il n'existe rien de tel en France, les placements les plus lointains finissant à 12 ans, au mieux. Il ne faut donc plus penser en termes de placements, mais en termes de structures financières.
Des structures financières pérennes existent en droit anglo-saxon : des fondations, des trusts, par exemple, peuvent quasiment traverser un siècle. Pensées pour assurer l'avenir de plusieurs générations successives, ces structures s'adaptent particulièrement bien à nos problématiques de retraites. Si l'on quitte le champ du contournement fiscal et les a priori moraux convenus, il y a là une piste, je le pense, vraiment intéressante à explorer. Sans répliquer exactement ce que font les Anglo-Saxons, on pourrait penser que les banques mettent au point des structures financières destinées à assurer l'avenir et dont la fiscalité serait particulière. Cela suppose évidemment une réflexion et une collaboration au plus haut niveau de l'État sur ce sujet. Une piste, en tout cas, dont j'ai proposé l'exploration lors de ces entretiens.
Il restait à envisager la retraite sous son aspect philosophique. Il se trouve que je l'ai déjà traité dans un billet précédent, quand j'ai découvert cet observatoire et ses experts. Ce qui a été dit lors de la réunion a globalement repris les observations de Pierre-Henri Tavoillot sur le site de l'Observatoire. Je ne m'étends donc pas dessus.
J'ai essayé d'être exhaustif, mais, fatalement, parce que la mémoire sélectionne, à tort ou à raison, j'ai certainement omis bien des moments de ces discussions très riches. Je n'exclus donc pas d'y revenir à l'avenir, d'autant que ces conversations ne sont sans doute pas les dernières.
Commentaires
un réunion de libéraux en somme.
@melclalex
ça manquait de gauchistes pour proposer le Grand soir comme solution au problème de retraites, ou encore de taxer les banques, les riches, les flux financiers, les entreprises, les patrons, les koulaks, la droite, les propriétaires, et cetera : les exploiteurs du peuple, quoi...
@Melclalex
Tu sais que j'ai du faire mon socialiste avec Agnès Verdier en défendant le SMIG ?
Qui l'eût cru ? Moi en gauchiste de service...
Preuve en image qu'elle est tout à fait charmante...
http://www.ifrap.org/_Agnes-Verdier-Molinie,0002_.html
Par contre, question positions sociales et économiques, ce sont des furieux à l'IFRAP : des adeptes du Grand soir ultra-libéral. Mon Dieu, ma sensibilité tempérée de centriste en a été toute remuée...
"Les Français se défient des fonds de pension : soit ils se comportent en hyper-prédateurs extrêmement agressifs sur les marchés financiers, soit, au contraire, en colosses aux pieds d'argile entraînant dans leur chute des milliers si ce n'est des millions d'individus. On l'a encore vu avec les turbulences de la finance ces dernières années." C'est vrai que le système français, en quasi-faillite, ne survivant que grâce à l'endettement croissant du pays, est un parfait exemple à suivre. Prendre la richesse pour la distribuer sans prendre la peine d'en créer est une impasse.
S'il n'y a pas de solution parfaite, il y a des solutions moins mauvaises que d'autres comme les fonds de pension (à ne pas confondre avec la retraite par capitalisation): http://www.jpchevallier.com/article-12463854.html.
Et puis, n'oublions pas que l'état n'est qu'une grande fiction auprès de laquelle chacun s'efforce de vivre aux dépends des autres. En France, on est champion, on appelle ça la solidarité.
Article très intéressant. L'EVBS est un paramètre clef dans cette affaire, à ce titre la valeur de dix ans évoquée pour la première phase de retraite est loin de concerner tout le monde...
Précisons que la retraite est effectivement loin d'être une période d'inactivité, et pas seulement du fait des loisirs : les bénévoles associatifs qui oeuvrent dans le pays sont très souvent des retraités, dont l'apport est considérable...
Qu'entendez-vous par aménagement de fin de carrière ? Une sortie progressive du monde du travail avec des temps partiels, des reconversions (formation/tutorat, etc) ?
Ce serait bien les placements pérennes/durables, mais l'argent, comme l'électricité, ne se stocke pas (ou alors au prix de telles contraintes que c'est impossible à grande échelle). Par conséquent, tout système financier a vocation à utiliser les sommes affectées, au minimum pour compenser l'inflation, souvent pour accroître le montant initial... et ça dérape vite, on voit ce que ça donne avec les fonds de pension :-( Dans ce cadre, même un système public (théoriquement plus raisonnable) reste bien trop vulnérable pour être souhaitable. C'est pour pour ça que le principal intérêt du système par répartition (bien avant ses caractéristiques redistributives) réside dans le fait que tout se joue dans le présent et qu'il n'y a pas de risque autre que la contraction de l'emploi (que l'on peut contrer par un élargissement complémentaire de l'assiette de financement...).
De fait, je comprends pas comment les structures anglo-saxonnes évoquées peuvent fonctionner, il n'y a pas 36 solutions... soit le capital est "réservé" (mais doit être utilisé pour ne pas fondre avec l'inflation), soit il correspond à des flux entrants et sortants et c'est une sorte de système par répartition privé... Sinon merci de nous expliquer de quoi il retourne ^^'
@H
l'url est invalide. Le billet est un constat sur la réputation des fonds de pension. La situation est en effet désastreuse à l'heure actuelle. C'est bien pour cela que cet observatoire fait des recherches...
Désolé. Je le remets à tout hasard (pour moi celui-ci fonctionne: http://www.jpchevallier.com/article-12463854.html). Sinon, il est accessible via le blog de JP Chevallier (http://www.jpchevallier.com/). Dans l'avant dernier, publié hier, il y est expliqué dans quelle m... ce pays se trouve à cause des choix imbéciles faits depuis plus de trente ans en matière économique: le pire est à venir. En tapant "fonds de pension" dans le moteur de recherche, on accède à tous les posts relatifs à ce sujet.
Je viens de vérifier les liens. Effectivement, aucun des deux ne fonctionnent. J'en ignore la raison. En tapant JP Chevallier sur Google, on tombe tout de suite sur son blog.
Vous me pardonnerez H, mais suis allée jeter un oeil...Je ne comprends strictement rien à ses tableaux sismographiques ou électroencéphalographiques.
C'est qui? Ce businessman,qui ressemble à un roi de l'esbrouffe?
http://www.jpchevallier.com/
http://workforall.net/Retraites_Francaises_Fonds_de_pension_ou_repartition.html
Il ne faut rajouter ni points ni parenthèses à un lien je crois... ;-)
Decidement l'heretique je te trouve toujours plus a droite d'un pst sur l'autre. A quand l'activisme extreme droite?
La lecture de cet article me fait gerber.
A propos du fond de Reserve...
France seizes €36bn of pension assets
George Coats
29 Nov 2010
Asset managers will have the chance to get billions of euros in mandates in the next few months for the €36bn Fonds de Réserve pour les Retraites (FRR), the French reserve pension fund, after the French parliament last week passed a law to use its assets to pay off the debts of France’s welfare system.
The assets have been transferred into the state’s social debt sinking fund Cades. The FRR will continue to control the assets, but as a third-party manager on behalf of Cades.
The change is included in the annual social security law that was adopted last week and will be published by the end of December after anticipated approval by the constitutional court.
The move reflects a willingness by governments to use long-term assets to fill short-term deficits, including Ireland’s announcement last week that it would use the country’s €24bn National Pensions Reserve Fund “to support the exchequer’s funding programme” and Hungary’s bid to claw $15bn of private pension funds back to the state system.
The decision has prompted a radical restructuring of the FRR’s investments. The new strategic investment plan, which will be released in the new year, will see a rapid reduction in its 40% allocation to equities and a shift to cash and short-term government bonds, according to a source close to the situation.
There will be a focus on liability-driven investment, where asset managers are told to minimise risk by matching assets closely to liabilities.
The transfer of the FRR’s assets to Cades is controversial. Force Ouvrière, a trade union confederation, accused the government of “provoking the clinical death” of the FRR.
The decision was taken within the context of this year’s pension reform, which provoked riots with its decision to raise the retirement age. The state old-age pension system, the Cnav, is in deficit, and responsibility for financing the deficit rests with Cades.
The government is requiring the FRR to pay €2.1bn a year to Cades to meet this obligation.
The government claims that the rise in retirement age will return Cnav to balance by 2018, so the FRR is expected to pay this sum for the next eight years. The FRR will then be wound down. It is expected to cease operations by 2024.
The schedule of payments will account for about two-thirds of the FRR’s assets. A source close to the situation said: “That means it will keep about one-third of the total without any liability constraint, and will have the opportunity to manage that part of the fund in a normal active and long-term way.”
Another source said: “In most years, the FRR accounts for more than 50% of asset management mandates in France.”
He said the FRR had been an innovative force in the relatively conservative French asset management world. It had pioneered a shift in the style of managing money in France, from balanced mandates, where a single fund manager invested its client’s money in many different asset classes, to specialist mandates, involving many fund managers focusing on particular areas of expertise.
The FRR promoted socially responsible investment, increased the use of investment consultants and encouraged objectivity in assessing performance.
The source added that without the FRR, “the risk is that the market will slip back into its old habits and slower pace”.
An asset manager said: “Clearly, the move creates new opportunities, because the French asset management market will be reshuffled because of the changes.
But it is also a step back because there are very few French capitalised pension schemes, and the experience around the FRR, the richness of the asset management and the opportunities it created will disappear in a few years.”
http://www.efinancialnews.com/story/2010-11-29/france-seizes-euro-36bn-of-pension-assets
comme d'hab,quoi...
@domingo
http://forum.doctissimo.fr/medicaments/medicaments-libre/domperidone-anti-vomitif-sujet_147393_1.htm
@l'hérétique : merci pour le link, j'ai répondu ;)
http://www.librementvotre.net/2011/02/15/la-reforme-des-retraites-na-pas-eu-lieu-helas/
@Françoise Boulanger : Merci pour le lien, la page comporte une multitude d'articles passionnants !
N'est-ce pas! ;)
Les fonds de pension et autre système de placement à long termes sont la SEULE solution viable pour les retraites. Car c'est par l'accumulation de capital que l'on créer de la richesse et uniquement de cette manière. Le problème, comme toujours ce situe au niveau de l'état qui pille systématiquement ce capital pour le dilapider, créer artificiélement de l'inflation qui détruit les gains de productivité destiné à accumuler ce capitale, joue au apprentis sorcier avec les taux d’intérêt ce qui entraîne de mauvais investissements la encore destructeur de capital. Le problème des retraites sera résolu lorsque l'état arrêtera de fourrer ses doigts sales et malhabile de l'économie.
@Laurent
Le fonds de pension, c'est quasiment la solution la pire que l'on puisse imaginer. Quand un fonds se sera écroulé en laissant des grabataires à la rue, vous leur direz quoi, aux grabataires ?