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finance - Page 4

  • Au coeur de la crise financière

    Il est devenu un lieu commun que de condamner vertueusement les dérapages du système financier. Cette facilité, je me la refuse, pour une raison simple : j'estime que la posture morale consistant à dénoncer les vilains financiers ne rend pas compte de la nature profonde de la crise.

    A mon sens, ce qu'il est intéressant d'analyser, ce sont les processus d'interprétation et d'anticipation qui ont conduit à cette crise. Pourquoi, par exemple, pour les subprimes, plusieurs acteurs importants du secteur financier ont continué à titriser des créances dont ils ne pouvaient ignorer la fragilité, et comment ont-ils raisonné pour supposer qu'un titre ou un montage juridico-financier qui intégrait des superpositions aussi complexes étaient solides ? Pourquoi les agences de notation se sont-elles montré si imprudentes en validant la fiabilité de produits dont elles ignoraient le contenu intrinsèques ?

    Erreurs humaines ? Je ne suis pas expert en finance comportementale, mais il me semble qu'il y a sur ce terrain bien peu exploré des recherches à effectuer pour trouver des éléments de réponse.

    A côté de cela, il y a aussi la complexité propre des montages : on a pu se demander çà et là pourquoi les banques ne disposaient pas de cabinets d'experts pour estimer elles-mêmes les risques des produits financiers qu'elles achetaient, voire, qu'elles produisaient.

    Ce que le grand public ne se représente pas, c'est le degré d'élaboration de ces montages : on estime les risques qu'ils comportent en les "stressant" (imaginant leur comportement dans les conditions les plus extrêmes du marché), via des programmes informatiques très complexes. Sauf que : encore faut-il que les développeurs qui réalisent sur commande ces programmes sophistiqués aient la culture juridique et financière pour bien saisir les tenants et les aboutissants de ce qu'ils font. En fait, au bout d'un moment, en dehors de quelques polytechniciens particulièrement brillants, les petites mains des banques, fussent-elles haut placées, ne contrôlent plus précisément ce qu'elles font. Elles en ont une idée approximative, mais suivent, in fine, une procédure. A force d'entremêler les noeuds, il devient difficile de retrouver la manière dont ils ont procédé, et la créature finit par leur échapper.

    Il y a donc un aspect interne, pas simple, parce que lié à la nature éminemment complexe de la finance. Et d'une certaine manière, c'est là ma réponse à ce qu'écrit Alcibiade ce matin, et notamment ceci :

    « Se "couvrir" d'un risque clairement énoncé, en effet n'est pas condamnable, comme le mentionnait Olivier. Mais depuis des années, l'imbrication toujours plus complexe ne visait plus cela. Il s'agissait de "planquer ses fesses" ou plus clairement de maquiller une valeur mobilière qu'on savait pourrie dans une nouvelle entité suffisamment obscure pour qu'aucun acquéreur ne soupçonne l'embrouille.»

    Il y a donc cet aspect au coeur de la conception d'un certain nombre de produits dérivés, notamment lorsqu'il y a  mélange de créances de toutes sortes, et que le degré de risque est le fruit d'un ratio entre les plus risquées et les plus sûres, ratio calculé au prix de formules mathématiques très techniques et de simulations informatiques très pointues.

    L'autre aspect qui m'intéresse, c'est ce que l'école autrichienne, et particulièrement Kizner, Menger ou Mises, appeleraient "l'ignorance". Quel est le processus d'erreur qui produit une ignorance d'une nature telle que de très grands acteurs du système financier se trompent (on pourrait dire, notez, selon Mises et Kizner, ouvrent aussi des opportunités à d'autres...)

    L'école autrichienne a ouvert la voie en introduisant la psychologie dans l'économie, et, très probablement, la finance comportementale est un avatar de cette démarche. J'ai commencé le livre de Thierry Aimar sur les apports de l'école autrichienne en économie en janvier dernier, mais, comme parallèlement, j'ai lu d'autres ouvrages, je le lis lentement. L'inconvénient, c'est que je ne suis pas un expert en économie, et que l'ouvrage de Thierry Aimar est davantage un pensum pour étudiants déjà maîtres en leur art qu'un livre d'économie autrichienne pour les nuls. Passer d'un chapitre à l'autre suppose donc une bonne maîtrise conceptuelle du chapitre précédent.

    La grande affaire de l'école autrichienne, c'est le modèle praxéologique. Or, ce modèle débouche naturellement sur la notion de catallaxie. La catallaxie, c'est la science des échanges : comment se forment et se déterminent les rapports d'échange sur les marchés. Or, sur ce point, je m'intéresse beaucoup à l'image que Hayek emploie : Il se représente l'esprit classant les phénomènes physiques selon les stimulis qu'ils provoquent, puis les met en relation. Voici ce que j'écrivais le 12 janvier dernier :

    « Or, un certain nombre de ces relations sont communes au sein d'un groupe social donné, jusqu'à être transmises inconsciemment. On peut donc parler d'une sorte d'inconscient collectif qui à des degrés divers donne à l'individu un modèle de carte, un peu comme une sorte de carte de navigation, ou même peut-être simplement de boussole. En somme, nous nous déplaçons tous sur la même carte, mais pas nécessairement par le même chemin. Ce qui n'exclut pas les goulots d'engorgement : s'il n'y a qu'un détroit pour passer d'un océan à un autre, tout le monde passera par le détroit...[...]

    Cette carte est réorganisée donc en permanence sous l'effet d'un processus d'essais et d'erreurs. L'esprit opère en permanence des suppositions, quitte à recomposer la structure de sa classification.

    La grille de classification semble partagée, similaire, mais seulement dans le sens où une partie des facteurs est commune aux individus. Il y a un communautarisme culturel qui exprime ainsi l'appartenance des acteurs à un même horizon spatio-temporel. Comme ils partagent un même environnement cognitif, une partie de leurs représentations individuelles trouve une origine sociale.

    Hayek applique ces raisonnements à la sphère économique : actions et significations similairesau sein des individus forment des idéaux-types. Des idéaux-types ne sont pas des structures objectives, pas non plus des structures subjectives, mais, des structures subjectives partagées, c'est à dire inter-subjectives. En somme, un schéma de référence, accessible à chaque individu par son héritage social, et relevant d'une grille d'interprétation commune. »

    Je manque, hélas, de connaissances suffisamment avancées et d'expérience pour tenter de m'aventurer sur ce chemin, mais ce que j'aimerais bien déterminer, c'est la manière dont la carte se reconstitue à l'heure actuelle, et pourquoi les grands acteurs du marché ont été nombreux à prendre le même chemin, au risque d'un goulot d'engorgement. Ce que j'aimerais comprendre, c'est le processus d'essais et d'erreurs qui a donné naissance à cette crise... Cela fera peut-être l'objet d'un autre billet, si je parviens à y réfléchir suffisamment. Nulle doute, en tout cas, qu'une telle étude entrerait dans le domaine de la finance comportementale (du temps où je suivais le forum d'économie de Usenet-fr, fr.soc.economie, l'auteur des pages que je mets en lien le fréquentait ; mais cela remonte à plusieurs années, et je ne sais pas s'il y est encore), pour laquelle les experts sont forts rares et les écrits peu connus.

  • Impact des produits dérivés sur la crise : warrants et trackers

    Yesss : un spécialiste de la finance vient sur mon blog. Passionnant débat entre Alcibiade et Olivier : reprenons l'objet du débat, d'abord de manière simplifiée ; il s'agit d'un lieu commun aujourd'hui en France : le discours d'Alcibiade est de démontrer que la finance, aujourd'hui, est découplée de l'éonomie réelle, et qu'elle fabrique des produits qui ne correspondent à aucune valeur réelle, tout du moins, en terme de production (ah, les avatars de la valeur travail...), et ce fait serait bien entendu à l'origine de la crise. Eh bien évidemment, haro sur les produits dérivés, qui sont souvent des droits sur les titres (par exemple les options). En la circonstance, il choisit les warrants et les trackers. Sur ce dernier produit, il note avec humour la commercialisation par une banque française, en 2007, d'un tracker Sarkozy et d'un tracker Royal (pour 2012, je conseille la fabrication du tracker Bayrou, à propos...). Au passage, Alcibiade a soulevé un vrai problème, je le cite :

    - Si la titrisation se bornait à ce que vous énoncez, la vie financière serait merveilleuse! Mais vous feignez d'ignorer ici ce que regroupe en pratique ce vocable : Il s'agit dans 80% des cas d'amalgamer dans un seul titre négociable une foultitude de valeurs (actions, obligations, options diverses, et sous-titres même). Si bien que même ceux qui créent ces instruments ne savent pas en réalité avec précision ce qu'ils représentent!

    Quand je dis un vrai problème, c'est dans ma perspective : l'un des aspects de la crise financière, c'est la confiance. La crise financière est d'abord une crise de confiance. Mais c'est une crise de confiance qui est éminemment reliée à l'ignorance des acteurs des marchés financiers. Ignorance que relève à juste titre (sans jeu de mots) Alcibiade.

    Olivier, expert du domaine (son métier est de structurer des financements pour des entreprises et pour le secteur public), réagit :

    Pour revenir rapidement sur la réalité du sous-jacent des produits dérivés, je rappelerai entre autres que les warrants sont des dérivés sur un sous-jacent comme des actions (donc liés à la valeur de l'action, il y a donc d'un côté une action réelle, de l'autre un acteur avec de la liquidité -réelle- qui veut avoir l'option d'acheter ou de vendre à terme à un prix donné et entre les deux une banque qui parie sur la différence et supporte le gain ou la perte -réelle-, là encore ni création ni destruction de valeur réelle. Quant aux trakers, il s'agit ni plus ni moins que de réplication d'indices; en pratique, c'est très simple, avec l'argent des investisseurs, la banque achète un panier d'actions au prorata de leur poids dans l'indice. Encore une fois on est fortement lié au réel... Enfin, comparer un volume d'instruments financiers à un PIB (qui est une création de richesses, mesurant la valeur ajoutée créée par une économie) est une absurdité sans nom que je vois pourtant très souvent. Ca revient à peu près à comparer la taille de bilan d'une société à son résultat net. Enfin, pour les trakers droite et gauche (qui sont plus une curiosité qu'autre chose), c'est effectivement un peu risible, c'est l'équivalent d'un betfair (site de paris en ligne), et même si ça n'a aucun sens économique, ça ne créé pas et ne détruit pas de valeur virtuelle; c'est juste un gadget un peu magouilleux pour particuliers, le vrai monde de la finance (et notamment les fonds qui gèrent vos économies) ne s'y intéresse pas.

    Je n'ai pas le temps de faire une réponse plus étoffée maintenant (il faut que j'aille travailler), mais je rappelle effectivement que ma conclusion vise à souligner avant tout qu'il faut éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain et de critiquer à tout va, et d'un bloc, le monde de la finance (pour autant, je ne nie pas un certain nombre de dérives réelles). Ca revient à peu près au même que de vilipender les entreprises sur la base de l'exploitation de gamins asiatiques par Nike ou la gauche pour les dérives du communisme... La politique ne sortira pas grandie de déclarations à l'emporte-pièces...

    Voili-voilou, et je fais bien sûr mienne la conclusion d'Olivier...Bon, j'avais une note sur la crise actuelle, mais je vais la reporter à demain, je pense, tant j'ai de matériau aujourd'hui !

  • L'histoire de Fannie Mae et de Freddie Mac

    Le bonheur, pour un bloggueur, c'est d'avoir des commentateurs de qualité : voici le commentaire de buidfreedom à propos de l'origine de la crise financière, suite au billet d'olivier, la méchante finance. Alcibiade a répliqué avec sa propre analyse, que je ne partage pas (du moins pas entièrement) mais dont je recommande très vivement la lecture afin de disposer d'un point de vue contradictoire argumenté.

    Le voici :

    Le libéralisme a une fois de plus bon dos, car il n'existe pas de marché plus perverti par les interventions de l'État fédéral que celui du crédit hypothécaire aux États-Unis.

    Les deux institutions joliment surnommées Fannie Mae (FNMA) et Freddie Mac (FHLMC) portent une lourde responsabilité dans les dérives financières du système bancaire américain. La première d'entre elles fut tout d'abord une agence gouvernementale, créée en 1938 par l'Administration Roosevelt, pour émettre des obligations à bas taux du fait de leur garantie fédérale, lesquelles alimentaient de liquidités un marché de prêts immobiliers à taux réduits accessibles aux familles les moins aisées.

    En 1968, l'Administration Johnson, s'avisant que les engagements de Fannie Mae garantis par l'État prenaient de l'ampleur et obéraient la capacité d'emprunt d'un Trésor empêtré dans le financement de la guerre du Vietnam, organisa sa privatisation, puis le gouvernement Nixon créa en 1970 Freddie Mac, afin d'organiser un semblant de concurrence sur ce marché du refinancement du crédit hypothécaire.

    Cette histoire a donné à Fannie Mae et Freddie Mac un statut hybride de Governement Sponsored Enterprise (GSE), privées, mais légalement tenues de s'occuper exclusivement de refinancement de prêts immobiliers sous contrôle de l'État fédéral, en contrepartie d'avantages fiscaux. Pis même, bien qu'étant officiellement privés, les deux établissements ont toujours été considérés, du fait de leur tutelle publique et de leur rôle social, comme bénéficiant d'une garantie implicite du Trésor américain !

    Bénéfices privatisés, pertes collectivisées : Un tel cocktail risquait de pousser les dirigeants des GSE à prendre des risques excessifs, si la tutelle de l'État se montrait défaillante. C'est exactement ce qui allait se passer dans les années 1990. Voilà qui rappelle un célèbre scandale bancaire hexagonal…

    La tutelle de ces deux entreprises fut transférée au Département américain du logement (HUD) en 1992, car celui-ci voulait agir sur les prêts financés par les GSE pour satisfaire un objectif majeur de tout politicien qui se respecte outre-Atlantique : l'augmentation du taux de propriétaires de logement parmi les populations à faible revenu, et notamment les minorités.

    Aussi le HUD a-t-il obligé Fannie Mae et Freddie Mac à augmenter tant le volume que la proportion de crédits subprime (jusqu'à 56 %, en 2004) refinancés. Pire, un des patrons du HUD, craignant que l'affichage des risques pris par les deux GSE pour se conformer à ces règles conduise les marchés à leur retirer leur confiance, résolut le problème en les exemptant en toute légalité de dévoiler trop en détail leurs expositions.

    Aussi Fannie Mae et Freddie Mac ont refinancé, à l'aide de produits obligataires de plus en plus complexes, plus de 5 000 milliards de dollars de crédits, soit 40 % des prêts immobiliers américains, dont plus de la moitié de crédits subprime, alors qu'elles ne disposaient pas de fonds propres permettant de s'engager sur de tels montants. Résultat, les banques émettrices de ces crédits ont pu ne pas se montrer trop regardantes sur les prêts qu'elles consentaient, puisqu'il y avait deux refinanceurs à la bourse grande ouverte derrière. La banque Countrywide, dont la politique de prêts aux familles modestes est aujourd'hui vilipendée, était encore il y a trois ans encensée par les dirigeants de Fannie Mae, pour son audace en matière d'octroi de crédits subprime.

    Mais le retournement de conjoncture économique a multiplié les défaillances d'emprunteurs, les deux GSE sont donc menacées de ne plus pouvoir servir les intérêts de leurs obligations, ce qui, par contagion, pourrait affecter tous les investisseurs institutionnels. Du coup, l'État organise dans l'urgence leur sauvetage, lequel devrait coûter plusieurs centaines de milliards de dollars aux contribuables.

    Une seconde intervention publique a amplifié les excès bancaires dans l'octroi de crédits à des familles insolvables. Dans les années 1990, des études révélèrent que les refus de prêts aux membres des communautés noires et hispaniques étaient un peu plus nombreux que vis-à-vis des Blancs ou des Asiatiques, quand bien même ces refus ne concernaient qu'une demande de prêt sur quatre. Certains lobbies y virent non le reflet logique de la moindre richesse de ces communautés, mais la preuve d'un prétendu racisme du monde financier.

    Une loi antidiscriminatoire de 1977, le Community Reinvestment Act (CRA), fut donc renforcée en 1995 pour rendre plus ardu le refus de crédit aux minorités par les banques, sous peine de sanctions renforcées. Celles-ci durent donc abandonner partiellement le rôle prudentiel qu'elles jouent habituellement lorsqu'elles refusent un prêt à une personne objectivement peu solvable. Pas si grave : Fannie Mae et Freddie Mac étaient là pour refinancer ces prêts délicats !

    Aujourd'hui, nombre d'experts estiment que sans le CRA, sans les GSE, l'accès à la propriété des minorités se serait tout de même développé, moins rapidement mais plus sainement. En voulant accélérer artificiellement ce que l'économie libre accomplissait à son rythme, c'est l'État, tantôt régulateur, tantôt législateur, qui a poussé à l'irresponsabilité les acteurs de la chaîne du crédit, provoqué une crise financière grave, et acculé à la faillite nombre de familles qu'il prétendait aider.

  • A propos de la méchante finance

    Mille mercis à Olivier dont le commentaire trouvé sur le blog d'Hervé en réponse à l'article l'illusion d'une illusion m'épargne l'effort d'écrire un billet en substance similaire.

    Je fais donc un simple copier-coller :

    Ah, ça me fait bien rire, toutes ces élucubrations sur la méchante finance. Elle démontre surtout l'ignorance crasse des gens. Il est clair qu'UNE PARTIE de la finance est sérieusement vérolée, et appelera des mesures sérieuses de régulation, mais jeter le bébé avec l'eau du bain, c'est faire preuve d'une méconnaissance impressionnante...

    Alors, quelques petits rappels (ou informations) en vrac:
    - Non, la finance n'est pas déconnectée de l'économie réelle, en fait mis-à-part la fantastique connerie du mark-to-market (l'enregistrement comptable à la "valeur de marché"), la finance ne créé par de richesse à partir de rien (à une exception près, qui est la création par les banques centrales, qui prêtent aux banques de l'argent -qui n'existe pas, donc qu'elle créé- qu'elles réinjectent dans l'économie, mais rappelons que ces prêts ne se font pas n'importe comment, sinon, on aurait une inflation délirante de la masse monétaire mondiale). Une banque utilise les dépôts des clients, les financements interbancaires, sa dette de marché et les fonds propres amenés par les actionnaires, pour prêter de l'argent. Cet argent ne vient pas de nulle part, il vient de l'économie réelle et repart dans l'économie réelle. Une partie de cet argent est placé (notamment sur les marchés financiers) pour le compte de tiers (dont l'argent vient de quelque part... L'économie réelle) ou pour compte propre. Et même dans ce cas, sur un marché financier, il y a toujours échange, ce qui veut dire qu'il y a d'un côté un actif qui existe, de l'autre de l'argent qui vient de quelque part.
    - Qui sont les coupables dans cette crise? Les prêteurs subprime (souvent des petites banques spécialisées), certaines équipes de titrisation et les agences de notation (il y a assez de littérature sur le sujet depuis un an pour que vous connaissiez ces métiers...). Les premiers ont fait faillite, ce qui d'ailleurs est mérité (mais soit dit en passant, ça montre aussi qu'ils avaient gardé une partie du risque, contrairement à une croyance répandue). Les seconds sont virés (vous allez me dire, ils gagnaient des bonus mirobolants... En fait, non, ils gagnaient bien leur vie, certes, comme des cadres supérieurs, mais on est très loin des bonus des traders...). Les troisièmes se portent bien alors qu'ils portent la plus grosse responsabilité, ça c'est scandaleux en revanche! Maintenant il faut bien comprendre deux choses: (i) la titrisation en soi n'est pas absurde (à partir du moment où on vend les actifs au juste prix), c'est même un astucieux moyen de rencontre entre ceux qui ont besoin d'argent (ou ceux qui veulent libérer des fonds propres pour continuer à exercer leur activité, quitte à abandonner une partie de leurs profits -c'est le cas des banques et des compagnies d'assurances) et ceux qui en ont et veulent diversifier leurs classes d'actifs (d'ailleurs, beaucoup de banques, d'assureurs et de fonds, sont beaucoup plus victimes que coupables dans cette histoire: elles avaient besoin d'avoir des actifs peu risqués, on leur vend des actifs AAA, elles croient en toute bonne foi que ce sont des actifs de qualité, assez sûrs, qui équilibrera bien leur portefeuille en complément d'actifs plus risqués comme des actions ou des options, et hop, parce que des incompétentes -ou malhonnêtes- agences de notation se sont complètement plantées pour faire plaisir à leurs clients -les équipes de titrisation, ou plutôt je le répète CERTAINES équipes-, elles se retrouvent avec des bousins radioactifs qui font des gros trous dans leur belle comptabilité IFRS / US GAAP gorgée de valeur de marché virtuelle).
    - Le plan Paulson, 700 milliards aux frais des contribuables? Bien sûr que non, déjà il y a des garanties, et de plus ces actifs n'ont pas non plus une valeur nulle et sont déjà vendus à la casse. D'ailleurs, un de mes collègues pense (et ce n'est pas le seul) qu'en fonction des prix de rachat de ces actifs (suivant la méthode de valorisation), il se pourrait que le contribuable américain s'en mette plein les poches! En effet, il y a une telle psychose sur tout ce qui s'appelle RMBS, CDO, etc... (des produits de titrisation, pas tous nécessairement pourris d'ailleurs), que leurs prix de marché sont parfois bien en-dessous de leur réelle valeur économique, ce qui est d'ailleurs le cas de la quasi-totalité des actifs financiers actuellement (soit dit en passant, c'est l'avis également d'un certain nombre de hedge funds, qui achèteraient massivement ces actifs bradés, s'ils n'avaient pas peur d'être bloqués par un problème d'illiquidité de ces marchés, i.e. personne ne voudrait en racheter au moment où ils voudraient -ou devraient, pour cause de retrait de fonds- vendre! Parce que même pour un actif pourri vendu 100 mais valant réellement 50, si vous l'achetez à 30, vous faites quand même une bonne affaire).

    Bon, il y aurait probablement des dizaines d'autres idées reçues à dézinguer, mais bon, mon commentaire deviendrait interminable...

  • L'hérétique recommande la BNP

    J'ai vu que Quitterie venait de publier un billet sur les classifications opérées par l'organisation les Amis de la Terre : il s'agit d'établir un classement des banques dont l'activité a l'impact le moins néfaste sur l'environnement social et écologique. Dans le tas, il y a en tête la Caisse d'Epargne, une banque très exposée actuellement (jetez donc un oeil sur le Canard Enchaîné d'aujourd'hui).

    Je me suis dit, du coup, que moi aussi j'allais faire mes recommandations :-) Or, en parcourant les divers titres de la presse économique, spécialisée ou non depuis une année, je constate que la BNP n'est jamais citée dans les établissements financiers à risque. Elle est réputée également pour sa gestion prudente. Ses propositions de rachat de Fortis montrent qu'elle dispose de bonnes réserves et également qu'elle n'achète pas n'importe quoi à n'importe quel prix. Je ne dis pas qu'une action BNP est un bon placement financier, mais que le BNP est une banque fiable. Ce b'est d'ailleurs pas nouveau, c'était l'une des réussites au milieu de pas mal de privatisations mi-figue, mi-raisin, sous le gouvernement Balladur en 1993. Si elle subit des soubresauts sectoriels, comme pas mal d'établissements bancaires, le cours de ses actions varie nettement moins que les cours des autres banques. Elle publie des résultats en progression depuis plusieurs années, avec des bénéfices importants. Bref, pas de risque qu'elle s'écroule. Sur 12 mois, son cours est en progression de 12% alors que les autres grandes banques perdent, mais surtout, dans un marché d'anticipations comme le nôtre, elle a un énorme atout : elle inspire confiance ! Elle est notée AA sur les marchés financiers, et ses pairs la considèrent comme une référence, au point que son intérêt pour Fortis a contribué à calmer le jeu ces jours derniers : les marchés se sont dits que si la BNP s'intéressait encore à Fortis, c'est que tout ne devait pas être complètement pourri dans cette société.

    Cela dit, une telle confiance est à double-tranchant : c'est parce que la BNP Paribas avait fermé trois fonds que la crise des subprimes s'est déclenchée, même si elle serait vraisemblablement survenue de toute façon.

    C'est l'une des banques dont la dépréciation d'actif est l'une des moins forte (1.3 milliards d'euros à comparer avec les 4.5 milliards d'euros de la Deutsche Bank, par exemple).

    Bref, fiable, par les temps qui courent.

  • Plan Paulson : papy Hervé vient d'écrire une grosse connerie !

    Je reviens de faire un tour sur le blog d'Hervé et j'ai bien failli avoir une attaque ! Dans sa dernière note, il propose tranquillou-billou de laisser s'effondrer le système financier... Il a des économies au fait ? Qu'est-ce qu'il dirait le père Hervé s'il retrouvait demain son compte à zéro pour cause de faillite de sa banque ? Lui que je sais historien ne devrait pas ignorer que l'ascension des totalitarismes a commencé par la ruine des classes moyennes, justement sur fond de crise financière. Il aurait viré alter-mondialiste, Hervé, j'aurais encore compris le raisonnement à la c... (c'est consubstantiel à l'alter-mondialisme) mais là...se réjouir de l'échec du plan Paulson...?! Je considère Daboliou depuis le début de son mandat comme un abruti fini, mais, sur la crise financière, j'avoue qu'il m'a heureusement surpris en faisant preuve d'un pragmatisme et d'un réalisme que je ne lui connaissais pas. Si certes il ne faut pas accepter n'importe quel plan, il en faut un tout de même. En revanche, il serait légitime que quelques parlementaires démocrates là-bas suggèrent que Wall Street mette la main à la pâte en imposant (faiblement, mais tout de même, il faut le faire) toutes les transactions de titres pour quelque temps au moins. Que les incendiaires (surtout ceux qui ont consenti des crédits sans se soucier de la solvabilité des emprunteurs d'abord, mais aussi ceux qui ont titrisé les risques, c'est à dire les banques) contribuent financièrement à limiter la casse, cela serait bien le moins.

    Cela dit, n'importe quel plan de relance, même injuste, vaut mieux que pas de plan du tout et un effondrement avec le cortège de ruines que cela entraînerait. Généralement, il dit des choses pertinentes, papy Hervé, mais là, il a du avoir une crise d'Alzheimer précoce...

    Au passage, je salue la déclaration très intelligente de François Bayrou, qui appelle à la convocation d'un sommet européen afin que ceux qui partagent une monnaie commune aient une réaction commune à la crise financière. Franchement, on se demande ce que fout l'actuelle présidence de l'Union Européenne, elle aurait du commencer par là...

  • Fortis, le syndrôme systémique

    Boudiou : ça chauffe sérieusement pour la finance européenne. Je viens d'apprendre que la Hollande, la Belgique et le Luxembourg s'apprêtait à nationaliser purement et simplement la banque Fortis (parmi les 10 plus gros assureurs et les 20 plus grosses banques en Europe) pour éviter son effondrement définitif : 11.2 milliards d'euros injectés. Pas fous à la BNP : ils ont proposé un prix pour Fortis, mais assez bas, et avec des garanties de l'Etat belge. J'ai toujours noté que cette banque était très prudente (c'est pour cela qu'elle est épargnée par les crises). Mais l'Etat Belge n'a pas voulu donner les garanties demandées. Sachant que les Britanniques ont nationalisé Northen Rock pour la sauver la faillite, j'imagine déjà les cris d'orfraie des néo-libéraux. Intervention massive des Etats dans les économies, ils doivent être en syncope, à l'heure actuelle. Pour ma part, je trouve que ces états ont réagi avec bon sens et en concertation. Quand il y a une urgence, comme dirait Deng Xiao Ping, peu importe que le chat soit noir ou gris pourvu qu'il attrape les souris. On en est là, je le crois vraiment.

    Cela dit, une fois la crise passée, et elle est tout de même largement systémique, il faudra faire les comptes, et les régler. DSK a proposé que le FMI mette en place de nouvelles règles de bonne gouvernance pour les banques et devienne le gendarme de cette bonne gouvernance (notamment sur le crédit). Je lui souhaite bien du plaisir pour réussir à mettre tout cela en place (va falloir convaincre pas mal de pays) mais c'est clairement nécessaire.

    Ah, dernier point : du coup, je me pose la même question que Carignano. Sarkozy a assuré dans son discours, vendredi, que l'Etat garantirait la continuité et la sécurité du système bancaire et financier français, en injectant de l'argent si nécessaire.

    Cela veut-il dire qu'une banque française va tomber et qu'il le sait déjà ?

    Si oui, laquelle ? Pas la BNP, à mon avis, impossible, probablement pas non plus la Société Générale, alors qui ?

  • L'erreur fatale de McCain

    Je crois que Mac Cain et Sarah Pallin viennent de faire une erreur aussi énorme qu'inattendue. Alors que des millions d'Américains vivaient dans l'angoisse à l'idée que le géant de l'assurance AIG pouvait s'écrouler avant-hier, ils ont commencé par déclarer être fondamentalement hostiles à toute intervention de la Fed. Devant la panique générale, Mac Cain s'est finalement repris, mais pas Sarah Pallin hostile à l'idée de faire payer le "contribuable", comme elle le dit elle-même.

    Et voilà notre Mac Cain entonnant une chanson quasi-altermondialiste à dénoncer la cupidité de Wall Street, alors qu'il est un chaud partisan de la dérégulation sous toutes ses formes. Il y a peu, je croyais la partie gagnée pour Mc Cain, en raison de l'arrivée à brûle-pourpoint de Sarah Pallin dans la dernière ligne droite, mais là, ces deux-là viennent de commettre l'erreur à ne pas commettre. Incohérents, sans vision économique, ils auront inquiété à la fois les Américains modestes et généralement plutôt à gauche, et à la fois l'électorat centriste.

    Voilà Obama remis en selle. Je ne sais pas si Mac Cain se remettra de cette erreur d'appréciation. J'ajoute que ses déclarations sont très inquiétantes tant elles dénotent une totale absence de vision économique...

  • Hachis parmentier bancaire

    Tiens, j'ai trouvé une excellente image dans 20 minutes à propos du secteur bancaire, venant de l'économiste Nicolas Bouzou : je parlais récemment des effets sectoriels, dans une note sur la BNP, et je déplorais le fait que des banques saines subissent le contre-coup d'un effet de secteur.

    Nicolas Bouzou illustre très bien ce phénomène avec l'image suivante : il compare la finance à un hachis-parmentier, et observe que lorqu'on mange un plat de ce type, si 10% du plat est périmé, on jette tout le plat généralement, on ne conserve pas les 90% sains...Tout amateur de hachis-parmentier comprendra aisément la métaphore...

     

  • Finance islamique au Sénat

    Tiens, ça, c'est intéressant : je relaie l'information. 

    Sénat : La commission des finances organise le mercredi 14 mai 2008, une table ronde sur la finance islamique

    Au regard du vif intérêt que suscite le développement de la finance islamique, et dans la continuité de son rapport d’information sur « Le nouvel « âge d’or » des fonds souverains au Moyen-Orient », la commission des finances du Sénat, présidée par M. Jean Arthuis (UC-UDF, Mayenne), organise, le mercredi 14 mai 2008, deux tables rondes sur la finance islamique, ouvertes à l’ensemble des sénateurs, à la presse et au public.

    Ces tables rondes, qui réuniront des personnalités d’horizons divers, permettront notamment d’apprécier l’opportunité et les modalités pour la France de s’insérer sur ce marché en plein essor.

    Consultez le programme et les informations pratiques :
    http://www.senat.fr/commission/fin/table_ronde_fin_islamiq.pdf

    Si vous souhaitez assister aux tables rondes qui se dérouleront salle Médicis, prière de vous présenter à l’entrée du Sénat, située au 15 rue de Vaugirard, 75006 Paris, muni de votre pièce d’identité (admission dans la limite des places disponibles).

    Le compte rendu sera consultable en ligne dès le samedi : http://www.senat.fr/commission/fin/travaux.html