J'ai trouvé cet extrait de théâtre remanié, inspiré de Molière sur une liste de professeur lettres. Comme j'ai décidé de prendre quelques vacances, je ne pourrai réagir aux commentaires, mais je programme tout de même la publication de ce pastiche qui m'a franchement bien fait rigoler...
Grand Corps Malade Enseignant
Le Médecin – Monsieur, je suis un médecin qui demande à vous voir.
Le Malade – Quel médecin ?
Le Médecin – Un médecin de la médecine.
Le Malade – De la vraie médecine des vrais médecins ?
Le Médecin – Assurément.
Le Malade –Approchez. Un malade est toujours bien aise de rencontrer des médecins.
Le Médecin – Monsieur, agréez que je vienne vous rendre visite et vous offrir mes petits services pour toutes les maladies que vous pouvez avoir. Votre réputation de Grand Corps Malade Enseignant est venue jusqu’à moi, et a aiguisé ma curiosité. Car « enseignant », cela peut s’écrire en un mot, « enseignant » (il trace dans l’air un trait continu), ou en deux mots : « en saignant » (il prononce les deux mots distinctement et trace dans l’air deux traits discontinus)
Le Malade – Je suis fort honoré de cet intérêt.
Le Médecin – C’est que, Monsieur, je suis à la recherche de malades dignes de m’occuper, qui présentent de fréquents accès de dépression ou d’exaspération, de bonnes fièvres avec inflammation des méninges, de splendides transports au cerveau, et j’ai ouï dire que le corps enseignant était atteint magnifiquement de tous ces symptômes.
Le Malade – Je vous suis obligé, Monsieur, des bontés que vous avez pour moi.
Le Médecin – Cela n’est rien. Qui est à présent votre médecin ?
Le Malade – Monsieur Sarkozy.
Le Médecin – Cet homme-là n’est point écrit dans mes tablettes parmi les grands médecins. Quels médecins voyiez-vous avant lui ?
Le Malade – J’ai consulté Monsieur de Villepin, Monsieur Raffarin et Monsieur Jospin
Le Médecin – Tous ces « ins, ins » ne me disent rien qui vaille. Y avait-il avec eux des apothicaires ?
Le Malade – Monsieur Jospin avait un apothicaire nommé Monsieur Allègre. Ce joyeux drille me traitait de mammouth et avait fabriqué une potion amaigrissante, qui ne m’a point réussi, pas plus qu’à lui-même, d’ailleurs. Il était accompagné d’une assistante nommée Dame Royal, qui voulait à toute force que j’écrive sur des bulletins que tout allait bien, quand tout allait mal.
Le Médecin – Par ma foi, je ne connais point ces gens-là. De quoi disent-ils que vous êtes malade ?
Le Malade – Monsieur Sarkozy dit que c’est de ne pas assez travailler, et d’autres disent que c’est de ne point faire de séquences.
Le Médecin, après avoir pris le pouls du malade - Ce sont tous des ignorants. C’est du collège que vous êtes malade.
Le Malade – Du collège ?
Le Médecin – Oui. Que sentez-vous ?
Le Malade – Je sens très souvent des douleurs de tête.
Le Médecin – Le collège.
Le Malade – J’ai quelquefois des maux de cœur.
Le Médecin – Le collège.
Le Malade – Il me prend parfois des démangeaisons dans les mains, comme si j’avais envie de frapper quelqu’un.
Le Médecin – Le collège.
Le Malade – Et à d’autres moments, j’ai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps.
Le Médecin – Le collège, le collège, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre traitement ?
Le Malade – Il m’ordonne de bien ancrer mon discours dans la situation d’énonciation.
Le Médecin – Ignorant.
Le Malade – De me placer dans un cadre spatio-temporel et d’adopter le point de vue interne, autrement appelé la focalisation.
Le Médecin – Ignorant.
Le Malade – De repérer sans faute les phrases jussives, inchoatives et dialogiques.
Le Médecin –Ignorant.
Le Malade – Aussi, de choisir bien soigneusement les déictiques, selon la valeur aspectuelle de l’énoncé.
Le Médecin - Ignorant .
Le Malade – De manier avec une précision machinique les outils de la langue.
Le Médecin – Ignorant.
Le Malade – De bien discerner quels sont les actants, les adjuvants, les opposants, tant chez le destinataire que chez le destinateur.
Le Médecin –Ignorant.
Le Malade – Et surtout, de ne pas confondre les modes, les modalisateurs, et la modélisation, en tenant fort grand compte du lexique évaluatif.
Le Médecin – Ignorantus, ignoranta, ignorantum. Il vous faut revenir à la littérature ; et, pour vous remonter le cœur qui est un peu bas, il vous faut déguster de la poésie bien succulente, des pièces de théâtre bien savoureuses, des romans d’une moelle bien substantifique, des essais légers au pourchas et hardis à la rencontre, de bons gros films, de bonnes opérettes bien grasses, et des opéras délicieusement nourrissants.
Le Malade – Ce traitement-là me convient fort bien. Mais quel remède me proposez-vous, si je suis malade du collège, comme vous dites ?
Le Médecin – Le remède à cela ? Rien n’est plus simple : il faut prendre votre retraite, et aller goûter au dehors la littérature et les arts.
Le Malade – Ah ! que voilà en effet un remède des plus ingénieux ! Viens, ô Médecin, que je t’embrasse pour ce mot. Et que les Sarkozy, Villepin, Raffarin et Jospin ne prétendent plus nous guérir, pas plus que leurs apothicaires !