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centrisme

  • Chaban, un centriste face à Giscard

    Hervé Morin, président du Nouveau Centre, est déterminé à porter une candidature centriste en 2012 à l'élection présidentielle. Il fait notamment savoir que sa tendance politique a déjà porté un candidat centriste au pouvoir, et il cite Giscard.

    J'ai toujours eu du mal avec Giscard : jamais je n'ai considéré que ce type-là était centriste. C'était un homme de droite, et pas de la meilleure droite, de surcroît. Son tour de force, c'est d'être parvenu à se faire passer pour un candidat centriste avec des propos et des mesures cosmétiques.

    Mais le comble, c'est que le vrai candidat centriste de 1974, ce n'était pas Giscard mais Chaban Delmas, censé incarner le gaullisme. La proximité entre son projet de Nouvelle Société et celui du MoDem est très forte, nonobtstant, évidemment, les années qui ont passé et la donne politique de notre époque.

    Mitterrand aurait confié un jour à Chaban que la gauche ne serait pas parvenue au pouvoir si lui-même avait réussi son pari.

    S'il fallait rétablir la vérité centriste, voilà quels ont été les candidats centristes depuis les débuts de la Vème république :

    1965 : Jean Lecanuet.

    1969 : Alain Poher

    1974 : Jacques Chaban-Delmas

    1981 : Pas de candidat centriste, mais Rocard eût fait l'affaire s'il avait remporté le leadership du PS contre Miterrand.

    1988 : Raymond Barre

    1995 : pas de candidat centriste. Balladur était une sorte de Giscard bis, c 'est à dire un homme de droite qui se faisait passer pour un centriste. A noter que la France semblait prête à porter Jacques Delors au pouvoir, mais que ce dernier renonça craignant de ne pas avoir de majorité pour gouverner. Delors eût été naturellement un candidat centriste, bien que de centre-gauche, comme Rocard en 1981.

    2002 : François Bayrou

    2007 : François Bayrou.

    Le MoDem, en dépit de ses échecs, est un authentique parti centriste, même si, quoi qu'en disent ses militants, il tend à pencher sur sa gauche plus souvent que sur sa droite.

    Hélas pour le Nouveau Centre, il n'est pas classable parce qu'il n'est rien. Aucune force ne l'anime si ce n'est l'alliance avec l'UMP. Le Nouveau Centre a renié absolument tout ce qui pouvait faire encore de lui un parti centriste. Je ne dirais pas non plus qu'il est un parti de droite, parce que c'est une coquille vide qui ne survivra pas à la défaite de son puissant allié.

    Le MoDem est sans doute faible, mais il existe tout seul. C'est là son principal mérite.

    Les présomptueux, de grands coups du sort leur font payer cher leur jactance, et leur enseignent, mais trop tard, la sagesse (Antigone de Sophocle)

  • Et le code génétique centriste ?

    Comme beaucoup d'internautes attirés par la théorie politique, j'ai pris connaissance de la passe d'armes qui a opposé Jean-François Kahn et François Bayrou quant à la définition d'un centre. Je pense que pour compléter le panorama, il faudrait aussi lire le billet de Laurent de Boissieu, journaliste à La Croix et expert ès centre et théories du centre. D'ailleurs, dès qu'il y a un grand rassemblement centriste, il couvre généralement l'évènement.

    En fait, je crois que je ne suis d'accord avec aucun des trois. Kahn voit le centre comme un milieu, un mi-chemin entre deux extrémités. Il appelle à inventer un ailleurs qui soit une alternative à la politique et au monde tels qu'on les connaît aujourd'hui. Bayrou lui réplique que l'ailleurs existe et qu'il rentre dans la définition du centre telle qu'il la propose. Les deux se retrouvent pour rejeter le "centrisme". Laurent de Boissieu, quant à lui, ne voit dans le centre qu'une localisation politique. Il est, paradoxalement, assez proche de Kahn sur ce point.

    Eh bien pour ma part, et je plussoie Jean Arthuis, je pense qu'il existe un code génétique du centre au même titre que ceux de droite et de gauche qu'évoque François Bayrou. Soyons plus précis : il existe un code génétique centriste. Centriste, et pas spécifiquement démocrate. Tout l'effort de Bayrou, est, je le crois, de tenter de fondre en une grande force centrisme et courant démocrate, sachant que les sociaux-démocrates couvrent en partie le spectre de ce dernier.

    Le centrisme a donc un code génétique, et c'est ce code qui se rebelle tant contre François Bayrou. Si le MoDem et Bayrou retrouvent largement la source démocrate-chrétienne quant au caractère programmatique de leur propos, les effluves mystico-révolutionnaire qui fleurent bon l'appareil militant du MoDem, et pendant les trois dernières années les interventions de François Bayrou, ne sont absolument pas dans son ADN.

    Le centrisme, ce sont ces cercles de la raison, cette pondération, ce goût pour les corps intermédiaires, cette soif de liberté, cette confiance en l'individu et ses initiatives, ce refus de l'autorité absolue tant de l'État que d'un seul individu, le choix de la rationalité et de l'effort vertueux et nécessaire. Le centrisme, c'est typiquement absolument une idée de la cité dont l'asymptote est clairement la république vertueuse et raisonnable de Montesquieu. Or, depuis Aristote et Platon, mysticisme et raison s'opposent, s'affrontent, même, radicalement. Rien de plus étranger à la tradition centriste, donc, que le culte du chef, la bayroumania, l'idéalisme absolu et  l'exaltation des masses militantes du MoDem.

    Kahn n'est pas un centriste, et c'est bien pour cela qu'il a très vite inventé le concept de centrisme révolutionnaire. C'est un mystique. Mystiques et idéalistes aussi, tous ces militants du MoDem qui ont rêvé d'une constitution idéale, leur constitution, comme on établit les lois d'une cité, à la création du MoDem avec tous leurs arguties sur les statuts du Paris.

    En Grèce, dans l'Antiquité, les citoyens des cités en création faisaient appel à des sages, des philosophes, des législateurs reconnus pour concevoir et fixer leurs lois. Voilà qui sied bien au centrisme, pas au mysticisme révolutionnaire, se parât-il de couleurs démocrates.

    Si le centrisme admet donc dans son ADN une fonction tribunicienne qu'incarna Jean Lecanuet en son temps, puis, aujourd'hui, François Bayrou, il ne saurait rêver de grand soir quelle que soit la couleur du ciel ce jour-là.

    En ce sens, Bayrou est à la croisée des chemins, parce qu'il marie ces deux tendances, pourtant étrangères l'une à l'autre. Et c'est en ce sens aussi qu'il sème tant de trouble : c'est une mutant. Un mutant qui est le fruit d'une mutation improbable. Pas grand chose de commun entre la ferveur presque religieuse des premiers militants démocrates et le réalisme pragmatique de l'UDF. Voilà pourquoi le mariage s'est si mal fait, bien que le ver fût déjà dans le fruit UDF bien avant le MoDem.

    Le MoDem n'est donc pas l'héritier de l'UDF. Le Nouveau Centre non plus, d'ailleurs, car à s'accommoder de toutes les lubies sarkozystes, il a fini par altérer également son ADN dans une sorte de blougui-blouga méconnaissable.

    S'il fallait être honnête jusqu'au bout, force serait de reconnaître que la vraie héritière de l'UDF et du centrisme, c'est effectivement l'Alliance centriste telle qu'elle existe. Au demeurant, attention, à vouloir recruter des déçus du MoDem, elle pourrait avoir quelques mauvaises surprises : les mystiques déçus font encore moins bon ménage avec la raison que les mystiques encore emplis d'espoir...

    Les centristes sont des hommes de dossier, de compromis, de raison et de modération et en même temps indépendants et forts en caractère. Des Delors, des Bourlanges, des Rocard, des Arthuis, et, in fine, qu'il le veuille ou non, le têtu Béarnais qu'est François Bayrou, quand bien même serait-il désormais une sorte d'alien...

  • Bayrou + Villepin = un second tour en 2012

    Il y a une réflexion que je me fais, et je m'étonne que personne ne se la soit faite : si Bayrou est à 14% et que Villepin est à 8% dans les prévisions de sondages pour 2012, ces deux-là, à eux deux, représentent 22%. Or, 22%, c'est au-dessus du meilleur score socialiste.

    Il resterait, évidemment, à s'entendre sur un programme commun, mais on pourrait très bien envisager un accord entre les deux hommes. Un tel accord, j'en suis presque certain, viendrait à bout de Nicolas Sarkozy en 2012.

    Il y a entre le Centrisme tribunicien de François Bayrou et le Gaullisme de Dominique de Villepin, bien plus de convergences qu'entre Gaullistes et Sarkozystes, notamment, une certaine idée de la France, et la volonté de construire une force au-delà des partis.

    Demain pourrait être un nouveau jour qui assemblerait deux anciennes forces de la Résistance : MRP et Gaullistes, ceux-là mêmes qui reconstruisirent notre pays, en compagnie des Socialistes et des Communistes, il est vrai.

    De plus, je pense que Bayrou a certainement une marge de progression. Je crois vraiment qu'il faut creuser de ce côté-là et discuter de très près avec nos amis villepinistes.

     

  • Le centrisme tribunicien

    Je trouve remarquablement pertinente le commentaire de Laurent de Boissieu, journaliste politique expert et reconnu du journal La Croix à mon billet précédent "Bayrou le tribun". Je le copie donc ici, et j'y ajoute quelques commentaires :

    "Désormais, c'est à l'électorat contestataire renvoyant dos-à-dos les deux grands partis de gouvernement que s'adresse François Bayrou. Dans la préface du livre qu'il vient de publier (1), il dénonce ainsi les élites au nom du « peuple des citoyens, le tiers état d'aujourd'hui » : « C'est un peuple qu'ils croient sans importance, écrit-il. Presque un peuple de trop. Un peuple gênant. Ainsi le vivent les pouvoirs, et le considèrent les puissants. Le même mal ronge et court depuis des années, préparant à chaque élection, à chaque consultation, sa surprise, l'irruption du peuple indocile dans le concert bien ordonné de la pensée préfabriquée. Et chaque fois les puissants poussent des ah ! et des oh !, commandent des enquêtes dont ils découvrent les conclusions navrées... et retournent à leurs habitudes méprisantes. » Familier de la science politique, un parlementaire européen UDF qualifie ce discours de « centrisme tribunitien ». Il n'est du reste pas inédit en Europe : on peut citer par exemple le Parti du travail en Lituanie, membre justement du Parti démocrate européen coprésidé par François Bayrou."
    http://politique.hautetfort.com/archive/2006/11/13/centre.html

    Prémonitoire, parce ce que ce commentaire, Laurent de Boissieu l'a en fait écrit en octobre 2006 ! Il le cite donc à propos. Toutefois, il ajoute la remarque suivante :

    Pour avoir suivi de près les deux campagnes, il y avait du Chevènement-2002 (plus que du Le Pen) dans le discours de Bayrou en 2007. Appel au peuple contre les élites : c'est la définition même du populisme (je n'avais pas osé le mot dans mon article, mais l'idée y était).

    Et sur ce point, je mets un bémol : le centrisme de Bayrou est en effet tribunicien, mais pas populiste. Les solutions que François Bayrou propose (et il en propose contrairement aux discours populistes habituels) sont des solutions réalistes et concrètes. Bayrou ne fait pas de promesses hasardeuses, au contraire, il honnit ceux qui en font, dénonçant leur hypocrisie.

    Je reprenais un article de wikipedia sur la démagogie dans mon billet précédent qui concluait en distinguant démagogie et populisme :

    La démagogie, même si elle est inhérente à toute démocratie, fausse le jeu d'une conception idéalisée de la démocratie produisant bien souvent des effets contraires à l’intérêt général.

    Souvent confondue avec le terme populisme, la démagogie se différencie de celui-ci dans la mesure où elle renvoie à l'idée de "dire au peuple ce qu'il veut entendre" (d'où l'utilisation de termes simplistes), alors que le populisme renvoie à l'idée de "faire ce que le peuple souhaite".

    A cette lecture, on comprend bien que Bayrou n'est ni démagogue, ni populiste. La démagogie et le populisme sont des dérives, justement, de la fonction tribunicienne. Et à vrai dire, c'est s'engager sur un chemin étroit que d'endosser le rôle du tribun de la plèbe, tant, en effet, les dérives sont faciles. Seule la République Romaine était parvenue à encadrer politiquement cette fonction et à lui donner un éclat qu'elle ne connut plus par la suite. Rarement, en effet, par la suite, cette fonctionest revenue se placer au centre du jeu républicain.

    C'est le tour extraordinaire qu'accomplit pourtant le président du MoDem, et, tout comme les tribuns de jadis, c'estr bien en dehors des assemblées et des représentations qu'il accomplit sa tâche, puisque l'Assemblée Nationale ne peut plus être un lieu où il est audible. Mais dans le théâtre politique, il a trouvé la place qui lui permet de faire porter sa voix, en dépit de son apparent isolement. Il avait, je le crois,remarquablement théorisé cela en novembre 2007 avec la Dalle d'Epidaure.

    Centrisme tribunicien. Voilà qui me plaît et qui convient bien à l'hérétique. J'aimerais bien savoir quel est l'euro-député UDF qui a trouvé cette terminologie. A vue de nez, cela ressemble à du Bourlanges, mais je peux me tromper. En attendant, je recommande vivement le blog de Laurent de Boissieu,pour qui s'intéresse à la politique. C'est par exemple chez lui que Wikipedia récupère un certain nombre d'articles, et surtout, on trouve chez ce fin observateur de la vie politique des observations qui ne sont pas publiées ailleurs.

  • Montesquieu était un centriste !

    Montesquieu était un centriste. Une bonne preuve dans le chapitre VI (Sur la constitution d'Angleterre) du Livre XI :

     

    « Je ne prétends point par là ravaler les autres gouvernements, ni dire que cette liberté politique extrême doive mortifier ceux qui n'en ont qu'une modérée. Comment dirais-je cela, moi qui crois que l'excès même de la raison n'est pas toujours désirable, et que les hommes s'accommodent presque toujours mieux des milieux que des extré­mités

     

     Voilà une remarque qui me comble d'aise et dans laquelle François Bayrou, l'UDF et le MoDem se retrouvent certainement très aisément. Il faut dire que ce chapitre, est ce passage fameux où Montesquieu définit les trois pouvoirs et invite à ne surtout pas les mélanger.

    « Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puis­san­ce exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécu­trice de celles qui dépendent du droit civil. »

     J'adore tout particulièrement cette mise en garde : 

     

    Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puis­sance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyran­niques pour les exécuter tyranniquement.

     Voilà quelque chose qui me paraît particulièrement bien énoncé. C'est ce que François Bayrou dénonçait, je crois, à propos des présidents d'Université dans l'actuelle réforme, mais aussi, je pense que c'est ce qu'il tend à reprocher à Nicolas Sarkozy.

    J'aime enfin beaucoup sa justification du système démocratique par représentation :

    « Comme, dans un État libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative. Mais comme cela est impossible dans les grands États, et est sujet à beaucoup d'inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse par ses représentants tout ce qu'il ne peut faire par lui-même.

    L'on connaît beaucoup mieux les besoins de sa ville que ceux des autres villes; et on juge mieux de la capacité de ses voisins que de celle de ses autres compatriotes. Il ne faut donc pas que les membres du corps législatif soient tirés en général du corps de la nation; mais il convient que, dans chaque lieu principal, les habitants se choisissent un représentant.

    Le grand avantage des représentants, c'est qu'ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n'y est point du tout propre; ce qui forme un des grands inconvé­nients de la démocratie.»

     Le second paragraphe serait à relire aux parachutés, je pense, car le parachutage est une tradition tenace, tant aux législatives que surtout aux municipales. Quant au dernier, point, on peut en discuter, mais je crois en effet que la direction des affaires de l'état requiert une spécialisation. Cela ne signifie pas que le peuple n'a pas vocation à y prendre part, mais simplement que les grandes décisions ne peuvent être prises sous le coup des émotions immédiates. Peu après ce passage, MMontesquieu note d'ailleurs que cela a été le travers des anciennes républiques, et quand on voit le destin d'Athènes, on ne peut lui donner tort.

     

    Autre point qui me convient tout à fait, toujours dans ce même précieux chapitre :

     

     « Mais si, dans un État libre, la puissance législative ne doit pas avoir le droit d'arrê­ter la puissance exécutrice, elle a droit, et doit avoir la faculté d'examiner de quelle manière les lois qu'elle a faites ont été exécutées

     Très justement dit. C'est le contrôle du parlement, et justement, je trouve que notre parlement tend pour le compte à être essentiellement une chambre d'enregistrement. Là encore, je retrouve les positions développées par François Bayrou et l'UDF puis le MoDem ces derniers mois. C'est dans cet esprit que me semble agir nos députés, et j'espère qu'ils poursuivront dans cette voie.