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plèbe

  • Le centrisme tribunicien

    Je trouve remarquablement pertinente le commentaire de Laurent de Boissieu, journaliste politique expert et reconnu du journal La Croix à mon billet précédent "Bayrou le tribun". Je le copie donc ici, et j'y ajoute quelques commentaires :

    "Désormais, c'est à l'électorat contestataire renvoyant dos-à-dos les deux grands partis de gouvernement que s'adresse François Bayrou. Dans la préface du livre qu'il vient de publier (1), il dénonce ainsi les élites au nom du « peuple des citoyens, le tiers état d'aujourd'hui » : « C'est un peuple qu'ils croient sans importance, écrit-il. Presque un peuple de trop. Un peuple gênant. Ainsi le vivent les pouvoirs, et le considèrent les puissants. Le même mal ronge et court depuis des années, préparant à chaque élection, à chaque consultation, sa surprise, l'irruption du peuple indocile dans le concert bien ordonné de la pensée préfabriquée. Et chaque fois les puissants poussent des ah ! et des oh !, commandent des enquêtes dont ils découvrent les conclusions navrées... et retournent à leurs habitudes méprisantes. » Familier de la science politique, un parlementaire européen UDF qualifie ce discours de « centrisme tribunitien ». Il n'est du reste pas inédit en Europe : on peut citer par exemple le Parti du travail en Lituanie, membre justement du Parti démocrate européen coprésidé par François Bayrou."
    http://politique.hautetfort.com/archive/2006/11/13/centre.html

    Prémonitoire, parce ce que ce commentaire, Laurent de Boissieu l'a en fait écrit en octobre 2006 ! Il le cite donc à propos. Toutefois, il ajoute la remarque suivante :

    Pour avoir suivi de près les deux campagnes, il y avait du Chevènement-2002 (plus que du Le Pen) dans le discours de Bayrou en 2007. Appel au peuple contre les élites : c'est la définition même du populisme (je n'avais pas osé le mot dans mon article, mais l'idée y était).

    Et sur ce point, je mets un bémol : le centrisme de Bayrou est en effet tribunicien, mais pas populiste. Les solutions que François Bayrou propose (et il en propose contrairement aux discours populistes habituels) sont des solutions réalistes et concrètes. Bayrou ne fait pas de promesses hasardeuses, au contraire, il honnit ceux qui en font, dénonçant leur hypocrisie.

    Je reprenais un article de wikipedia sur la démagogie dans mon billet précédent qui concluait en distinguant démagogie et populisme :

    La démagogie, même si elle est inhérente à toute démocratie, fausse le jeu d'une conception idéalisée de la démocratie produisant bien souvent des effets contraires à l’intérêt général.

    Souvent confondue avec le terme populisme, la démagogie se différencie de celui-ci dans la mesure où elle renvoie à l'idée de "dire au peuple ce qu'il veut entendre" (d'où l'utilisation de termes simplistes), alors que le populisme renvoie à l'idée de "faire ce que le peuple souhaite".

    A cette lecture, on comprend bien que Bayrou n'est ni démagogue, ni populiste. La démagogie et le populisme sont des dérives, justement, de la fonction tribunicienne. Et à vrai dire, c'est s'engager sur un chemin étroit que d'endosser le rôle du tribun de la plèbe, tant, en effet, les dérives sont faciles. Seule la République Romaine était parvenue à encadrer politiquement cette fonction et à lui donner un éclat qu'elle ne connut plus par la suite. Rarement, en effet, par la suite, cette fonctionest revenue se placer au centre du jeu républicain.

    C'est le tour extraordinaire qu'accomplit pourtant le président du MoDem, et, tout comme les tribuns de jadis, c'estr bien en dehors des assemblées et des représentations qu'il accomplit sa tâche, puisque l'Assemblée Nationale ne peut plus être un lieu où il est audible. Mais dans le théâtre politique, il a trouvé la place qui lui permet de faire porter sa voix, en dépit de son apparent isolement. Il avait, je le crois,remarquablement théorisé cela en novembre 2007 avec la Dalle d'Epidaure.

    Centrisme tribunicien. Voilà qui me plaît et qui convient bien à l'hérétique. J'aimerais bien savoir quel est l'euro-député UDF qui a trouvé cette terminologie. A vue de nez, cela ressemble à du Bourlanges, mais je peux me tromper. En attendant, je recommande vivement le blog de Laurent de Boissieu,pour qui s'intéresse à la politique. C'est par exemple chez lui que Wikipedia récupère un certain nombre d'articles, et surtout, on trouve chez ce fin observateur de la vie politique des observations qui ne sont pas publiées ailleurs.

  • Bayrou le tribun

     EDIT : compte-tenu des premiers commentaires, je fais un EDIT : il ne s'agit en AUCUN CAS dans ce billet de comparer Bayrou à Le pen et a fortiori d'en faire un Le pen ligth. Ce qui m'intéresse, c'est d'analyser la fonction tribunicienne et de voir comment deux personnalités politiques, l'une en dehors du champs républicain (Le pen) l'autre, au contraire, dans la sphère démocratique et républicaine (Bayrou) incarnent cette fonction. J'ajoute qu'il existait en Grèce un nom pour désigner les individus qui flattaient le peuple : cela s'appelait un démagogue. Peut-être aurais-je du intituler ce billet autrement : Tribun versus démagogues, Bayrou vs Le pen.

    Je lisais tout récemment un sondage sur la popularité des hommes et femmes politiques et constatais avec étonnement que François Bayrou, parmi les politiques en activité (je ne compte donc ni Chirac ni Giscard) est l'homme le plus populaire auprès de l'électorat du FN.

    C'est très étonnant tant le centre est ce qu'il y a de plus opposé aux extrémismes. Mais, bien réfléchi, cela ne l'est pas tant que cela. 

    Il existait dans la Rome antique une magistrature particulière, qui ne faisait pas partie du cursus honorum : le tribuniciat. 

    La fonction tribunicienne avait pour objet de défendre les intérêts du peuple; Ils pouvaient paralyser l'action légale d'un magistrat (c'était le bon temps...).

    Les tribuns de la plèbe ont progressivement disparu, mais, dans la sphère politique, à différentes époques, on trouve des individus pour incarner cette fonction.

    Le malheur de la France, ces trente dernières années, c'est que la fonction a été exercée par un individu clairement placé en dehors du champ républicain, Jean-Marie Le Pen. Or, le tribun de la plèbe n'a de raison d'être que dans le champ républicain.

    Or, c'est François Bayrou, en France, qui incarne désormais cette fonction, ce qui est un renversement sans précédent. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si J-F Khan a parlé un jour d'extrême-centre.

    Un langage de vérité peut donc porter auprès de l'électorat du FN, qui n'a cure, lui aussi, du clivage droite-gauche. Sur le fond, cet électorat est un électorat qui n'aspire qu'à revenir dans la sphère républicaine, mais qui veut simplement que l'on s'occupe de lui et qu'on le défende contre les injustices.

    EDIT : j'ajoute cette ébauche de wikipedia sur la démagogie, qui n'a évidemment rien à voir avec le rôle du tribun de la plèbe :

    La démagogie (du grec demos « le peuple » et ago : « conduire ») est une notion politique et rhétorique désignant l'art de mener le peuple en s'attirant ses faveurs, notamment en utilisant un discours simpliste, occultant les nuances, utilisant son charisme et dénaturant la vérité.

    Le discours du démagogue sort généralement du champ du rationnel pour s'adresser aux passions, aux frustrations de l'électeur. Il recourt en outre à la satisfaction des souhaits ou des attentes du public ciblé, sans recherche de l'intérêt général mais dans le but unique de s'attirer la sympathie et de gagner le soutien. L'argumentation démagogique est délibérément simple afin de pouvoir être comprise et reprise par le public auquel elle est adressée. Elle fait fréquemment appel à la facilité voire la paresse intellectuelle en proposant des analyses et des solutions qui semblent évidentes et immédiates.

    Le terme « démagogie » aujourd'hui est largement perçu avec une connotation péjorative. En effet, l’étymologie du mot grec traduit plutôt le terme « démagogue » comme celui qui éduque, qui conduit le peuple.

    La démagogie, même si elle est inhérente à toute démocratie, fausse le jeu d'une conception idéalisée de la démocratie produisant bien souvent des effets contraires à l’intérêt général.

    Souvent confondue avec le terme populisme, la démagogie se différencie de celui-ci dans la mesure où elle renvoie à l'idée de "dire au peuple ce qu'il veut entendre" (d'où l'utilisation de termes simplistes), alors que le populisme renvoie à l'idée de "faire ce que le peuple souhaite".