Il a suffi d'un sondage rappelant le goût des Français pour une union nationale afin de sortir de la crise pour que fleurissent les hypothèses les plus extravagantes.
On parle de Bayrou premier ministre. Cela me semble invraisemblable pour plusieurs raisons.
a) l'intéressé le dit lui-même, hors de question de gouverner sans ligne claire, et surtout, sans ligne avec laquelle il soit d'accord. Ce que j'entends et vois des Socialistes me fait penser que ce n'est pas demain la veille qu'une telle condition soit remplie.
b) les Socialistes sont majoritaires à l'assemblée : comment pourraient-ils accepter que ce ne soit pas l'un des leurs qui dirige le pays ? Sur quelle majorité pourrait d'ailleurs s'appuyer François Bayrou ? Certainement pas sur les Hamon, Montebourg, Bartolone et compagnie.
c) Pour que cela tienne, il faudrait au moins le soutien de l'UDI pour compenser la probable désintégration du PS avec le départ de sa gauche. Je sais que le PS vit dans un grand écart continuel mais je n'imagine pas non plus ce parti se tirer une balle dans la tête alors qu'il contrôle tous les leviers du pays.
d) Bayrou ne dispose d'aucune force politique qui pourrait faire de lui un renfort politique de choix. Il y a certes sa stature morale, sa prescience, mais, en politique, il faut plus que cela pour peser.
e) Envisager un changement de gouvernement moins d'un an après son entrée en fonction, c'est ridicule.
Il peut y avoir une recomposition, mais elle ne viendra pas avant que les municipales et les européennes soient passées. Sans un score conséquent du MoDem, je vois mal comment le centre pourrait peser.
En revanche, ce que je vois se profiler, c'est une explosion du FN. Seul le programme et les idées de Bayrou pourraient contrer en partie les propositions de ce parti, mais elles doivent être affinées, précisées et approfondies. Cela suppose pour cela un parti capable de creuser et de penser. Le MoDem s'est réorganisé, mais, au niveau des idées et de son appareil militant, c'est pour l'instant une coquille vide. J'écoute et je lis avec beaucoup d'attention ce que disent les militants du MoDem ou même ses cadres : ils sont sympathiques, certes, honnêtes, mais rien d'original ni de percutant n'émane d'eux pour l'instant.
Bayrou fait pourtant des observations intéressantes :
1. Il juge avec beaucoup de justesse que la priorité des priorités c'est la création de richesses sur notre sol.
2. Il estime que baisser les salaires pour faire face à la main d'oeuvre à bas coût est une piste fallacieuse.
Voilà des propos qui devraient plaire aux Français et certainement les rassurer. J'attendrais du MoDem qu'il se lance à corps perdu et de toutes ses forces sur ces deux thèmes qui sont fondateurs car ils sont constitutifs du redressement de notre pays. Au lieu de cela, quelques propos vaseux sur la moralisation de la vie publique, des postures, encore des postures et toujours des postures.
Il y a un problème avec ce parti : il n'a jamais produit ne serait-ce que le dixième des idées que l'UDF apportait à la politique française sauf en 2009 avec son programme européen atypique. C'est pour cela qu'il perd toutes ses élections, parce qu'à chaque fois, il n'a rien à proposer. Fier d'être démocrate, c'est un slogan en interne, pas un mantra mobilisateur pour le pays...
Bref, ce qu'il faudrait à Bayrou, c'est un think tank (notamment pour réfléchir sur ses propositions économiques) en plus de son parti, et, pour l'instant, rien de tel.
Conclusion du billet, aucune des conditions nécessaires n'est réunie pour que Bayrou puisse aspirer au poste de Premier Ministre (et de toutes façons, il n'y ira pas en l'état).