Thierry Cornillet, députée européen UDF-MoDem, a proposé, au nom de l'ADLE, la résolution suivante sur la crise alimentaire qui secoue la planète. Pour ma part, je ne peux qu'approuver la totalité de ses dispositions, notamment celle qui rappelle que l'auto-suffisance alimentaire des pays pauvres et un objectif prioritaire des aides au développement de l'UE. Pour l'Inde, en revanche, je ne suis pas au courant : de quelles matièresa-t-elle suspendu la commercialisation ? Ce pourrait être une arme efficace contre la spéculation, que de disposer d'une législation spécifique sur l'alimentation, s'appliquant en temps de crise.
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur les prix alimentaires,
– vu le Consensus européen sur l'aide humanitaire du 18 décembre 2007,
– vu les conclusions du Sommet mondial de l'alimentation (1996),
– vu les négociations en cours sur le cycle de Doha pour le développement,
– vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que la demande mondiale en denrées alimentaires augmente plus rapidement que l'offre, notamment parce que la croissance démographique tire la demande vers le haut, en particulier la demande en viande et en produits laitiers et, partant, aussi en aliments pour animaux;
B. considérant qu'une crise alimentaire mondiale de nature structurelle se profile à l'horizon, menaçant de durer plusieurs années et de plonger des millions de personnes dans l' "insécurité alimentaire";
C. considérant que les prix alimentaires ont augmenté de façon dramatique, tout comme les coûts des carburants et des transports, imposant une diminution draconienne du pouvoir d'achat de vastes catégories de la société dans les pays en développement et les agences d'aide alimentaire;
D. considérant qu'un grand nombre de pays sont menacés par des troubles sociaux graves, consécutifs à des émeutes alimentaires;
E. considérant que selon les estimations du Programme alimentaire mondial (PAM), un volume de crédits supplémentaires d'au moins 500 millions de dollars est nécessaire, au cours des semaines à venir, pour garantir que les programmes prévus pour 2008 puissent être mis en œuvre;
F. considérant que selon le Consensus européen sur l'aide humanitaire, du 18 décembre 2007, l'Union européenne "entend faire la preuve de son attachement à l'aide humanitaire en mobilisant des ressources suffisantes pour l'aide humanitaire sur la base de l'évaluation des besoins" (paragraphe 38);
G. considérant que, d'après les calculs de la Banque mondiale, la hausse des prix a retardé de sept ans la réalisation des objectifs en matière de réduction de la pauvreté;
H. considérant l'interdépendance entre le développement de l'agriculture destinée à la production d'aliments dans le sud et une réorientation de l'agriculture dans le nord;
I. considérant qu'au cours des 40 dernières années, la production alimentaire a diminué en Afrique, tandis que des pays comme la Chine sont devenus des importateurs essentiels de produits alimentaires;
J. considérant que les prix élevés du pétrole ont une incidence sur l'ensemble de la chaîne alimentaire, depuis les engrais jusqu'au prix consommateur final;
K. considérant qu'une pénurie des approvisionnements due aux conditions climatiques (telles qu'une période de sept ans de sécheresse en Afrique du sud), combinée à une forte demande de biocarburants, ont engendré des hausses de prix, sans parler de la concurrence accrue entre la production énergétique et la production alimentaire;
L. considérant que dans des pays comme les États-Unis, une politique active de promotion de la culture du maïs destinée à la fabrication de bioéthanol influe directement sur les prix des aliments pour animaux et des denrées alimentaires, et que la demande mondiale en produits alimentaires augmente plus rapidement que l'offre;
M. considérant que le volume des prêts consentis entre 1980 et 2007 par la Banque mondiale dans le secteur agricole a régressé, passant de 30% à 12%, et que l'agriculture ne bénéficie actuellement que de 4% de l'aide publique au développement, bien que dans un grand nombre de pays en développement, 60 à 80% de la population soit dépendants de ce secteur;
N. considérant que la politique adoptée ces dernières décennies par les grandes organisations internationales en matière de développement de l'agriculture a encouragé des cultures destinées à l'exportation au détriment de cultures destinées à la production alimentaire et n'a, par conséquent, pas permis aux pays pauvres d'accéder à un marché équitable;
1. invite instamment l'Union européenne à honorer ses engagements en matière d'aide alimentaire et invite à adopter d'urgence un "plan d'action mondial" destiné à approvisionner les pays qui se trouvent dans le besoin;
2. invite le Conseil à intensifier d'urgence ses engagements relatifs à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), en réaffirmant ses engagements en matière de financement et en adoptant, à l'occasion du Conseil européen de juin, un programme d'action de l'UE pour la réalisation des OMD afin d'éviter un échec; ce programme d'action devrait identifier des étapes et des actions spécifiques, assorties de délais précis, dans des domaines clés comme l'éducation, la santé, l'eau, l'agriculture, la croissance et les infrastructures, qui contribueront à la réalisation des OMD à l'horizon 2015, avec l'objectif, notamment, d'éradiquer la faim d'ici 2015;
3. invite la Commission et le Conseil à examiner le renforcement du budget consacré à l'aide alimentaire en 2008 et 2009 et à collaborer avec le Parlement dans ce domaine; souligne le fait que ce renforcement ne doit pas se faire au détriment des budgets consacrés à l'aide humanitaire et à l'aide au développement;
4. met en évidence le fait que la coopération mondiale doit fournir le cadre macroéconomique et les incitations nécessaires à la résolution du problème;
5. estime que la communauté internationale doit être unie afin de faire face à cette situation et qu'elle doit coordonner ses efforts pour s'attaquer aux causes structurelles de cette crise;
6. invite la Commission, dans la perspective du bilan de santé de la PAC, à procéder à une analyse approfondie des tendances du marché mondial, y compris de l'augmentation de la demande en denrées alimentaires dans les pays en développement;
7. rappelle que la priorité des programmes de développement doit être l'autonomie et l'autosuffisance alimentaires des pays pauvres, et considère la coopération régionale comme étant une priorité en ce qui concerne les stocks, la régulation des marchés, l'accès aux semences et à l'eau;
8. estime que l'agriculture, de même que l'aquaculture, doivent constituer les pierres angulaires de stratégies de développement, et que tous les pays doivent procéder à des réformes agricoles afin d'accroître l'efficacité de leur production alimentaire;
9. considère que la solution de fond ne réside pas dans une action humanitaire continue, mais qu'une mobilisation de tous les acteurs (UE, Banque mondiale, FMI), et surtout des États membres concernés, est nécessaire afin de mettre l'agriculture au cœur du développement;
10. se félicite de l'initiative de la Commission visant à mettre en place un mécanisme destiné à donner aux États touchés par la crise les moyens de subventionner les produits alimentaires, évitant ainsi une dépendance à l'égard de l'aide à long terme;
11. invite la Commission et les États membres à s'attacher davantage à promouvoir l'utilisation et la production de bioénergie de seconde génération, laquelle suppose la transformation de fumier et de résidus agricoles et forestiers, et non de produits agricoles primaires;
12. invite les États-Unis, principal producteur d'éthanol à partir de maïs, à tenir compte des répercussions de cette politique au niveau mondial;
13. invite à conclure de toute urgence le Cycle de Doha pour le développement, de sorte à établir un équilibre au niveau du commerce international de produits agricoles;
14. souligne le lien existant entre la crise financière et la crise alimentaire et condamne la spéculation internationale; met en évidence la décision de l'Inde de suspendre le commerce de certaines matières premières afin d'éviter une spéculation excessive;
15. insiste sur l'importance d'investissements appropriés dans le secteur de la recherche, permettant d'optimiser les moissons dans toutes les régions du monde;
16. invite notamment à suivre de près tout développement concernant les OGM, ainsi que le débat public sur cette question;
17. invite la Commission à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir une agriculture durable, en mesure de contribuer à la réduction notable des émissions de gaz à effet de serre;
18. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux États membres, à la Banque mondiale, au G-8 ainsi qu'à l'Assemblée générale des Nations unies.