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  • Iran : l'Europe face à l'Amérique...

    Les USA menacent toutes les entreprises qui feraient du commerce avec l'Iran d'en subir les conséquences chez eux. Évidemment, les Européens sont concernés puisque nous sommes censés être de "loyaux alliés" de l'Amérique.

    Ça m'inspire quelques réflexions.

    Pourquoi, nous, Européens, on se couche ? On pourrait penser que se priver du grand marché américain, c'est quelque chose que l'on ne peut pas se permettre économiquement parlant. Mais à ce stade, rien n'empêche de retourner la monnaie de sa pièce à l'Amérique en répliquant avec notre propre marché.

    Je pense deux choses :

    a) on voit mal l'Europe s'aliéner l'Amérique pour un État économiquement mineur et alors même que cet État ne respecte pas 90% de nos normes démocratiques tout en foutant le feu au Proche-Orient au même titre que les Américains ces vingt dernières années. On ne le fait déjà pas pour les démocraties respectables ou mouvements politiques proches de nos standards, comme les Kurdes de Syrie, alors pour les mollahs...

    b) depuis toujours, notre défense est notre point faible. Nous sommes tributaires de l'Amérique de longue date, et, tout en lui crachant régulièrement dessus, nous savons très bien, très hypocritement, que nous avons besoin de son armée. Les Américains le savent bien, et en contre-partie, ils exigent que nous les suivions, même quand leur diplomatie devient délirante. Et là, il y a une quadrature du cercle dont nous ne pouvons sortir. Si nous devions faire le même effort de dépense que les USA, ou il faudrait renoncer à notre système social, ou nous risquerions tous une sérieuse sortie de route budgétaire. Ce n'est pas suffisant d'avoir une industrie européenne d'armement. Ce n'est pas non plus suffisant d'avoir une défense européenne. Il faudrait un budget militaire comparable à celui des USA. Et un équipement en conséquence : réarmement nucléaire, marine digne de nom avec porte-avions nombreux, flotte de chasse, avion AWACS et satellites militaires ad hoc, recherche militaire, et cetera. Je ne dresse pas la liste, je n'en finirais pas.

    Bref, le calcul est vite fait : cela coûte beaucoup moins cher de dédommager le cas échéant les entreprises européennes qui venaient juste de se réinstaller en Iran que d'affronter commercialement les USA d'autant que, contrairement aux Chinois qui détiennent leur dette, nous n'avons que peu de moyens de pression sur eux.

    Tout ça pour dire qu'on l'a dans le baba et qu'il n'y a plus qu'à se coucher.

  • Ben Laden buvait du coca

    Coca-Cola.jpg
    Dans les choses qui m'ont laissé interdit quand j'ai appris ce que les Américains ont retrouvé dans la villa bunkerisée de Ben Laden, le coca joue un rôle de premier plan.

    S'il y a bien un symbole de l'Amérique triomphante, c'est bien celui-là. Il existe pourtant des marques de cola produites dans certains pays arabes ou vendues sous le label "territoires occupés". On aurait pu imaginer que Ben Laden achète une production locale de ce type. Eh bien non : c'était du coca américain bien de chez eux.

    Ben Laden qui s'y entendait à prétendre incarner la vertu n'était en réalité pas différent des autres. Il idolâtrait secrètement ce qu'il vouait aux gémonies en public...

  • Attaquer en Libye ? ça va pas la tête ?

    Ils sont amusants, les Américains. En 15 ans, ils se sont déjà englués dans trois bourbiers : Somalie, Afghanistan et Irak. En 1986, si je ne m'abuse, ils avaient déjà procédé à un bombardement de Tripoli. Ils ont l'expérience (en théorie) des guerres : ils savent qu'un bombardement fait toujours des dommages collatéraux, à la notable exception des bombes-laser (et encore !...) mais comme ces dernières ne représentent que 8 à 10% des arsenaux...

    Ayant mis en place une zone d'exclusion aérienne en Irak, du temps de Saddam, ils savent aussi que cela passe par la neutralisation des défenses aériennes de la zone visée.

    Donc, en somme, pour mettre en place la dite zone en Libye dans les environs de Tripoli, il faut canarder la ville, avec la quasi-certitude de toucher des civils. Très intelligent.

    Est-ce que l'opposition libyenne a demandé quelque chose ? A ma connaissance, non. Bref, Alain Juppé qui est un vieux de la vieille et auquel on ne la fait pas, a tout de suite percuté que les conséquences seraient désastreuses sur les opinions arabes des pays concernés (et d'ailleurs sur toute l'opinion arabe en général).

    Quand on est personna non grata quelque part, on évite de la ramener en roulant des mécaniques. 

    Bref, si vraiment les Libyens nous appellent à l'aide, ils nous le feront savoir. Dans l'immédiat, le mieux à faire, c'est de fournir des vivres et des médicaments aux populations sinistrées.

    Il me semblait qu'avec l'expérience des merdiers dans lesquels elle s'est fourrée, l'Amérique apprendrait. Restons optimiste : en principe, Hilary Clinton est une femme d'expérience. Ça ne coûte rien (quelques dizaines de millions de dollars mises à part) d'amener quelques porte-avions dans le Canal de Suez, mais cela coûterait très cher en revanche, et pas seulement financièrement, d'utiliser les avions qui sont dessus.

    Allons, terminons sur une petite remarque amusante et festive : ce qui pourrait bien exploser en vol, avec la chute du régime Libyen et celui de ses  potes despotes locaux, ce sont...les finances des gros clubs de football européens, à commencer par la Juventus de Turin ! Eh oui : le sport business est un fonds d'investissement idéal pour un tyran corrompu (pas seulement). Tiens, à ce sujet, il va devenir quoi, Al-Saadi Ladhafi, l'ex-joueur de la Sampdoria de Gênes si je ne m'abuse ? Il ne voulait pas investir dans un club français, il y a quelques années ? J'ai cru comprendre qu'il avait favorisé un gros gros gros investissement à la Juve, dès 2005 : sponsoring sur maillot pour plus de 300 millions de dollars à la Juve par la Tamoil, consortium pétrolier Libyen proche du futur ex-pouvoir. Vite, vite, il faut que Sarkozy fasse quelque chose pour le football. On laissera le train-train quotidien à Juppé ( position de la France, de  l'OTAN et de l'Europe à propos de la situation en Libye...). Les deux pourraient se recouper, puisque les Américains s'ils attaquaient, le feraient depuis l'Italie...

    Tiens, mon expert ès football et politique favori, faucon gaulliste du Gard,  doit bien avoir quelques idées sur le sujet, non ?

  • Google-Chine,la guerre froide a commencé

    La hache de guerre est déterrée entre Google et la Chine. Fabrice Epelboin détaille avec précision les multiples facettes du combat qui s'engage. Il faut dire que Google dispose désormais de l'appui du gouvernement américain : qualifier l'attaque contre les serveurs de Google de Pearl Harbor numérique en dit long sur la manière dont Google et les USA escompte faire passer les évènements aux yeux de l'opinion publique américaine. Derrière la rhétorique martiale de Google, il y a bien sûr d'autres réalités : Google ne parvient pas à s'implanter sur le marché chinois d'une part, d'autre part les internautes ont toujours vu d'un sale oeil ses reculs face aux desiderata des Chinois sur la censure, et enfin, stratégiquement, Google a besoin de redorer son blason, particulièrement en Amérique où la loi sur les monopoles le menace en tant qu'entité économique unique. Comme l'observe avec justesse Fbrice Epelboin, c'est le bon moment pour devenir un outil stratégique majeur aux yeux du gouvernement américain, à l'heure où les deux plus grandes puissances économiques mondiales, les USA et la Chine, commencent à se regarder dans le blanc des yeux. La lutte sera d'autant plus sans merci qu'elle n'est pas véritablement idéologique mais commerciale et économique avant toutes choses. Le communisme de la Chine n'est en effet plus qu'un fard qui recouvre un pays aux réalités politiques éclatées : il s'y conjugue un capitalisme sauvage et échevelé, un zeste de communisme dans les villes, la féodalité la plus dure dans les campagnes et une superstructure bureaucratique qui coiffe le tout, du moins, jusqu'à un certain degré.

    Google, comme toutes les entreprises qui ont tenté de s'implanter en Chine, a découvert que ce pays à ses règles, et que le droit qui y règne n'est pas le droit traditionnel des démocraties occidentales (il n'y a pas fondamentalement de grandes différences entre le droit latin et révolutionnaire de la France et le droit anglo-saxon, tout du moins, pas si la comparaison se fait avec le droit chinois).

    Plutôt que de parler de règles, je devrais évoquer plutôt des micro-règles, pour la Chine. Comme au temps de sa plendeur, la Chine fascine et le mirage chinois est omni-présent dans la sémantique occidentale. Les yeux des entrepreneurs s'agrandissent au furt et à mesure qu'ils considèrent la taille de l'estomac consumériste chinois. La Chine est la première puissance économique d'envergure à être parvenue à un développement véritable, tout en maintenant l'existence de ces micro-règles qui en principe devraient entraver l'établissement d'un marché. Ne me demandez pas comment elles le font, je ne le sais pas.

    Je crois que c'est la principale difficulté des entreprises étrangères : elles ne parviennent pas à intégrer le fonctionnement mental et civilisationnel chinois dans leurs paramètres, y compris quand elles tentent de s'allier avec une entreprise locale. J'observe, d'ailleurs, des difficultés similaires avec le Japon (une culture pourtant différente et dont le droit actuel est assez largement inspiré du droit occidental).

    Il n'en reste pas moins que c'est une lutte sans merci qui se prépare, dans laquelle conflits commerciaux et conflits de valeurs se superposent les uns aux autres. En particulier, le respect de la vie privée et des libertés individuelles est, d'un point de vue commercial, largement lié à l'existence d'un droit de la consommation et des consommateurs. Sans respect de l'individu, ce droit, qui est bien une extension de la sphère commerciale, ne peut exister. En attaquant des comptes gmail, la Chine, aux yeux de Google et de l'Amérique, n'a pas seulement commis une faute morale, mais une faute commerciale. Il y a donc là les ferments d'une guerre durable où les rebondissements seront nombreux.

     

  • Subprimes, les Américains n'ont pas retenu la leçon...

    Bon, heureusement, les trois bills, avec leurs gueules veillent : ils n'ont pas raté un discret article du Devoir, quotidien québecois plutôt libéral, observant que les Américains relancent les fameux prêts hypothécaires qui ont flingué la finance mondiale. Amusant de constater, d'ailleurs, qu'il s'agit d'une dépêche de l'AFP : la presse française n'a pas réagi de son côté (à part le Figaro et deux ou trois sites spécialisés ) sans pour autant que la nouvelle fasse le tour des médias. A vrai dire, cette fois, ce sera des fonds publics qui donneront leur garantie aux emprunts des ménages les plus endettés. La spectre d'une nouvelle titrisation sauvage s'éloigne donc, mais enfin, tout ceci aura tout de même un coût : ce n'est déjà pas fameux que les organismes de crédit fassent les c... mais que les États s'y mettent, c'est le bouquet.

  • Et si les USA se désagrégeaient ?

    C'est cette note surprenante dans les Carnets de Clarisse qui m'a mis la puce à l'oreille : le Texas menace de faire sécession en raison des hausses d'impôt. Là où ça, craint, c'est qu'il n'est pas seul : 21 autres états ont en fait déjà autant et réclament le retour à leur souveraineté ! Eh oui, on l'oublie, mais les USA sont un état fédéral ! En dépit de la Guerre de Sécession, ils se sont construits par consentements mutuels...Comme notre actuelle Europe, au demeurant. Daboliou avait été élu grâce aux voix des fameux hillbillies, vous avez, ces américains des campagnes, sortes de ploucs réactionnaires moyens qui peuplent les grandes étendues vertes ou rocailleuses de l'Amérique et se satisferaient tout à fait d'un retour au Far West. Et il y en a justement une sacrée tripotée au Texas. Le Texas rejoindrait volontiers les États pétroliers, c'est à dire les États sans industrie et dont les habitants ne seront plus rien quand les ressources pétrolifères seront épuisées. Le problème, avec les collines, chez les Hillbilies, c'est qu'on a courte vue...Ironie du sort ? Clarisse souligne qu'un ancien des services secrets russes, Igor Panarin, a élaboré une théorie selon laquelle les USA devaient se disloquer en 2010. Je cite texto le passage :

    Selon lui, les tensions économiques, financières et démographiques provoqueront une crise politique et sociale, menant certains États à faire sécession, puis une guerre civile, avec comme conséquence l’éclatement du pays en 5 blocs homogènes, chacun entrant dans la sphère d’influence d’une grande puissance (Chine, Canada, Union européenne, Mexique, Russie).

    Il y a peut-être un gros coup de bluff derrière tout cela, mais, à mon avis, Obama marche sur des oeufs...J'en profite pour refaire un coup de pub pour l'Alliance géostratégique, c'est une source d'informations tout à fait unique sur l'International. Mieux que ce que font la plupart de nos quotidiens. Mieux, même que Courrier International ou le très tiers-mondiste Monde Diplomatique, pourtant des références. A lire à à relire sans modération !

  • Otan en emporte le vent et...le Bayrou !

    Bon, j'ai la flemme d'écrire longuement, alors je vais être succinct. La position de Bayrou n'est pas comprise, je le vois. Bayrou ne s'oppose pas à réintégration de la France l'OTAN parce qu'il serait devenu subitement gaullien au lieu d'être atlantiste, mais parce que cette réintégration se fait sans contrepartie et à l'avantage ni de l'Europe ni de la France.

    Ce que dit Bayrou, et je le répète, c'est que l'OTAN doit tenir sur deux jambes : 1ère jambe l'Amérique, 2nde jambe, l'Europe. Ce n'est pas facile à faire valoir parce que pas mal d'Européens rechignent à financer leur propre défense et d'autres font historiquement confiance quasi exclusivement aux USA.

    DONC : ce n'est pas un retour à la grandeur éternelle de la France, comme le voulait de Gaulle, qu'en appelle Bayrou, mais à celle de l'Europe, ce qu'il faudrait que ses détracteurs comprennent une bonne fois pour toutes.

    Ensuite, l'enjeu primordial que ferait bien de comprendre tous ceux qui sautent comme des cabris en clamant "OTAN, l'OTAN", c'est qu'actuellement, le but de l'Amérique, c'est d'élargir la sphère d'intervention de l'OTAN. L'OTAN avait été conçue pour protéger l'Europe, principalement contre une attaque soviétique.

    L'Amérique voudrait en faire le bras armé de SES intérêts au Moyen-Orient ou ailleurs. Z'avez envie d'aller vous battre en Irak ? en Afghanistan ? en Somalie ? Et sous commandement américain à chaque fois, avec des buts politiques, militaires, économiques et stratégiques exclusivement américains ? Très peu pour moi, non merci.

    L'Alliance Atlantique est une Alliance DÉFENSIVE, j'aimerais le rappeler une bonne fois pour toutes. Pas OFFENSIVE. ET de toutes façons, même dans le premier cas, il s'agit de mettre en place un dispositif équilibré et pas une machine destinée à étouffer dans l'oeuf toute tentative de mise en place d'une défense européenne. Car, évidemment, on s'en doute, une défense européenne et une défense américaine peuvent passer une alliance...atlantique, mais, chacune aura ses buts propres . Et l'Europe n'a pas vocation à servir de tiroir-caisse pour l'Amérique dans ses opérations de maintien de l'ordre. Oh, bien sûr l'Amérique aimerait bien être assistée d'un fidèle lieutenant...cela la soulagerait et la Grande-Bretagne n'y suffit plus...

    Mais moi, je fais partie de ceux qui espèrent que l'Europe puisse bâtir SA propre doctrine en matière de défense. Et la réintégration dans l'OTAN n'en prend absolument pas le chemin. Au mieux peut-on espérer peser un peu plus sur les décisions opérationelles. Merci, mais les miettes du repas, très peu pour moi.

    Bayrou est dans cette logique-là : il veut une Europe forte. Il est donc très éloigné de toute forme de souverainisme.

    Ah, et j'ajoute une dernière précision : ne confondons pas l'OTAN et l'Alliance Atlantique que personne n'a jamais remise en cause (même pas de Gaulle) en France, et a fortiori pas Bayrou.

    PS à Fred et Disparitus : je n'oublie pas vos billets, mais je n'ai pas encore eu le temps d'écrire ma réponse au tag et un avis sur l'évaluation des profs. ça vient bientôt :-)

  • J'ai sauvé l'économie américaine !

    Connaissez-vous le jeu Trillion Dollar Bailout ? Le principe en est simple. Vous disposez de 1000 milliards de dollars et il vous faut sauver l'économie américaine. Eh bien moi, je l'ai sauvée. Mieux qu'Obama. Sarkozy peut m'engager ! En appliquant un principe assez simple : envoyer ch... les gros patrons, les banques, les entreprises, l'industrie, et cetera...  Ça marche ! Il suffit de cliquer sur tout ce qu'il y a en haut.


    Play Games at AddictingGames

    La courbe devient verte si dès le début vous ne cliquez que sur les entreprises et les banques (en les envoyant paître, évidemment). Mieux, pour être vraiment en croissance constante, filez du flouze au peuple et envoyez ch... les gros patrons. Bon, pas la peine de se demander qui a fait le jeu. Encore un technotron informatoïde qui se prend pour un liberal comme on dit en Amérique (c'est à dire un authentique gauchiste chez nous). Ça me fait doucement rigoler parce que le secteur économique du jeu fonctionne à fond sur le modèle capitaliste et ce, dans un environnement concurrentiel particulièrement sauvage. Alors quand je vois une société comme Addicting Games faire la vertueuse et se montrer aux côtés du bon peuple, on a bien compris où se trouve la démagogie la plus dénuée de tous principes moraux et intellectuels.

    Parce que ce qu'Addicting Games se garde bien de préciser, c'est qu'elle est une division de MTV Networks, une filiale du conglomérat américain ViaCom Inc... Très liberal comme société commerciale, non ? De l'art se se faire du sucre à peu de frais...

  • Les Révolutions de l'Intelligence

    J'en suis arrivé au chapitre XXI de la troisième partie du Tome II de l'ouvrage de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, et je suis tombé sur ce passage magnifique. Je trouve qu'il illustre bien ce que sont nos démocraties marchandes, et enfonce tout espoir de Grand Soir pour nos révolutionnaires en herbe...

    «Je ne sache rien d'ailleurs de plus opposé aux mœurs révolutionnaires que les mœurs commerciales. Le commerce est naturellement ennemi de toutes les passions violentes. Il aime les tempéraments, se plaît dans les compromis, fuit avec grand soin la colère. Il est patient, souple, insinuant, et il n'a recours aux moyens extrêmes que quand la plus absolue nécessité l'y oblige. Le commerce rend les hommes indépen­dants les uns des autres; il leur donne une haute idée de leur valeur individuelle; il les porte à vouloir faire leurs propres affaires, et leur apprend à y réussir; il les dispose donc à la liberté, mais il les éloigne des révolutions»

    Et sur les Révolutions, Tocqueville ajoute en note, montrant ainsi quelles sont celles qui ont sa préférence :

    «Si je recherche quel est l'état de société le plus favorable aux grandes révolutions de l'intelligence, je trouve qu'il se rencontre quelque part entre l'égalité complète de tous les citoyens et la sépa­ration absolue des classes. Sous le régime des castes, les générations se succèdent sans que les hommes changent de place; les uns n'attendent rien de plus, et les autres n'espèrent rien de mieux. L'imagination s'endort au milieu de ce silence et de cette immobilité universelle, et l'idée même du mouvement ne s'offre plus à l'esprit humain. Quand les classes ont été abolies et que les conditions sont devenues presque égales, tous les hommes s'agitent sans cesse, mais chacun d'eux est isolé, indépendant et faible. Ce dernier état diffère prodigieusement du premier; cependant, il-lui est analogue en un point. Les grandes révolutions de J'esprit humain y sont fort rares. Mais, entre ces deux extrémités de l'histoire des peuples, se rencontre un âge intermédiaire, époque glorieuse et troublée, où les conditions ne sont pas assez fixes pour que l'intelligence som­meille, et où elles sont assez inégales pour que les hommes exercent un très grand pouvoir sur l'esprit les uns des autres, et que quelques-uns puissent modifier les croyances de tous. C'est alors que les puissant, réformateurs s'élèvent, et que de nouvelles idées changent tout à coup la face du monde.»

    Peut-être vivons-nous une période de ce type à l'heure actuelle...

  • L'Amour du commerce en Amérique

    J'en ai presque fini, désormais, avec le livre fameux de Tocqueville, de la Démocratie en Amérique. J'ai achevé le chapitre XVIII de la 3ème partie du Tome II. Tocqueville entreprend une comparaison entre les sociétés aristocratique et démocratique. A la première un goût immodéré pour l'honneur, à la seconde pour la richesse.

    J'aime assez d'ailleurs, les remarques générales de Tocqueville sur l'honneur :

    Le genre humain éprouve des besoins permanents et généraux, qui ont fait naître des lois morales à l'inobservation desquelles tous les hommes ont naturellement atta­ché, en tous lieux et en tous temps, l'idée du blâme et de la honte. Ils ont appelé faire mal s'y soustraire, faire bien s'y soumettre.

    L'honneur n'est autre chose que cette règle particulière fondée sur un état particu­lier, à l'aide de laquelle un peuple ou une classe distribue le blâme ou la louange.

    Pas mal vu, je trouve.


    Il y a certains penchants condamnables aux yeux de la raison générale et de la conscience universelle du genre humain, qui se trouvent être d'accord avec les besoins particuliers et momentanés de l'association américaine; et elle ne les réprouve que faiblement, quelquefois elle les loue; je citerai particulièrement l'amour des richesses et les penchants secondaires qui s'y rattachent. Pour défricher, féconder, transformer ce vaste continent inhabité qui est son domaine, il faut à l'Américain l'appui journalier d'une passion énergique; cette passion ne saurait être que l'amour des richesses; la passion des richesses n'est donc point flétrie en Amérique, et, pourvu qu'elle ne dépasse pas les limites que l'ordre public lui assigne, on l'honore. L'Américain appelle noble et estimable ambition ce que nos pères du Moyen Âge nommaient cupidité ser­vile; de même qu'il donne le nom de fureur aveugle et barbare à l'ardeur con­quérante et à l'humeur guerrière qui les jetaient chaque jour dans de nouveaux combats.

    C'est marrant, parce que ça, c'est un trait tout à fait américain. La France a hérité de son long passé cette espèce de morale médiévale qui consiste à voir dans le riche et la richesse la quintessence de la déliquescence.

    Aux États-Unis, les fortunes se détruisent et se relèvent sans peine. Le pays est sans bornes et plein de ressources inépuisables. Le peuple a tous les besoins et tous les appétits d'un être qui croît, et, quelques efforts qu'il fasse, il est toujours environné de plus de biens qu'il n'en peut saisir. Ce qui est à craindre chez un pareil peuple, ce n'est pas la ruine de quelques individus, bientôt réparée, c’est l'inactivité et la mollesse de tous. L'audace dans les entreprises industrielles est la première cause de ses progrès rapides, de sa force, de sa grandeur. L'industrie est pour lui comme une vaste loterie où un petit nombre d'hommes perdent chaque jour, mais où l'État gagne sans cesse; un semblable peuple doit donc voir avec faveur et honorer l'audace en matière d'industrie. Or, toute entreprise audacieuse compromet la fortune de celui qui s'y livre et la fortune de tous ceux qui se fient à lui. Les Américains, qui font de la témérité commerciale une sorte de vertu, ne sauraient, en aucun cas, flétrir les téméraires.

    On devrait en prendre de la graine en France. Le téméraire, en France, est vu au contraire comme un intriguant qui espère devenir calife à la place du calife. Le premier souci du "supérieur hiérachique" est de le tenir à l'écart dans le meilleur des cas, de l'éliminer dans le pire. S'il n'est pas vu comme un intriguant, il est alors considéré comme un doux rêveur, un utopiste ou un fantaisiste...

    Ces choses ne sont pas aussi incohérentes qu'on le suppose. L'opinion publique, aux États-Unis, ne réprime que mollement l'amour des richesses, qui sert à la gran­deur industrielle et à la prospérité de la nation; et elle condamne particulièrement les mauvaises mœurs, qui distraient l'esprit humain de la recherche du bien-être et troublent l'ordre intérieur de la famille, si nécessaire au succès des affaires.

    C'est clairement un trait libéral assumé que de penser ainsi. La somme des bien-êtres individuels sert le bien-être collectif. En France, on tend généralement à penser le contraire, et quand on ne le pense pas, on confond bien-être individuel et égoïsme forcené...

    L'une des deux éditions (10 18) dans lequel je lis l'oeuvre de Tocqueville a donné son propre titre à ce passage. Je vous le donne dans le mille, c'est intitulé le culte de l'argent...Incorrigibles, ces Français...