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syrie

  • Je suis inquiet pour les Kurdes de Syrie (et pour nous, du coup !)

    Il faut être un benêt pour croire sur parole Erdogan s'engageant à éradiquer Daech. Erdogan et ses soutiens sont copains comme cochons avec les islamistes les plus radicaux, tendance Al Qaeda.

    Non seulement on va les installer dans une large région de la Syrie si on le laisse faire, mais, en prime, ils vont recycler les djihadistes que les Kurdes tiennent prisonniers.

    La Turquie n'a jamais été de quelqu'aide que ce soit contre le terrorisme : au mieux une passoire bien pratique pour les apprentis-djihadistes et un bon terreau pour trouver du relais.

    En somme, si on ne soutient pas mordicus les Kurdes de Syrie, on peut être assurés de se trouver avec une vague d'attentats et de crimes islamistes dans toute l'Europe. Et la France ne sera pas le seul pays touché.

    Ne rien faire, c'est admettre qu'une partie du territoire syrien est zone turque, ce qui est inacceptable et un précédent dangereux. Il faut rester là-bas et s'entendre avec nos alliés britanniques et les autres pays européens.

     Je retiens de cette histoire que l'Amérique a peut-être cessé d'être une alliée fiable, du moins, autant de temps que Trump sera au pouvoir.

    Le raisonnement de Trump est simple et se tient à certains égards : en lâchant les Kurdes et quittant la Syrie, il contente les Turcs. Mais au fond, il escompte que la Syrie et Moscou reprennent le contrôle là-bas parce qu'il constate qu'avant, sous la dictature d'Assad, la Syrie n'était pas une terre d'entraînement pour les djihadistes de tout poil. Il a tenu d'ailleurs des raisonnements similaires pour la Libye et l'Irak, regrettant d'avoir renversé Kadhafi et Saddam Hussein. Le raisonnement n'est d'ailleurs pas si faux, mais c'est un autre problème.

    Trump court un risque qu'il mesure à mon avis mal : la Turquie et la Russie pourraient s'entendre même si j'ai du mal à imaginer que la Russie renonce à recouvrir tout le territoire syrien pour le compte du régime qu'elle protège. Si jamais il y a entente et qu'une zone est concédée à la Turquie, il y aura un nid à terroristes.

    Enfin, dernier point et non moins important : les Kurdes de Syrie tentent de mettre en place une organisation démocratique originale, bien qu'imparfaite. Ils ne réclament pas l'indépendance ni une quelconque forme de partition du pays. 

    Nous avons intérêt à soutenir cette expérience, y compris en agissant militairement, c'est à dire en protégeant les Kurdes et en leur fournissant des armes sophistiquées. Si nous voulons passer pour autre chose que des guignolos sur la scène mondiale, il faut un peu montrer les dents.

    Cela dit, chers lecteurs, je vous avoue mon pessimisme : à mon avis, on ne fera rien ou pas grand chose et on passera quand même pour les guignolos, ce qui est déjà plus ou moins le cas de l'ensemble des pays européens quand il y a un enjeu militaire. Et de toutes façons, l'essentiel de notre capacité d'intervention extérieure est presque toute entière engagée au Mali. Difficile d'être partout avec les moyens que nous dégageons pour notre armée. Et cela ne risque pas de s'arranger avec la situation politique intérieure de la France...

  • Quelle erreur que de laisser les Kurdes à leur sort !

    Les Kurdes de Syrie ont été des alliés fiables et sûrs face aux djihadistes et à Daech. Il n'en est rien de la Turquie d'Erdogan qui au contraire n'a cessé d'alimenter par ses troubles alliances l'emprise criminelle de ces islamistes fous.

    Nous n'avons rien à attendre d'Erdogan alors que les YPG promeuvent et installent partout où ils sont des valeurs que nous partageons avec eux.

    Nous devons commencer par retirer de la liste des organisations terroristes de l'Union européenne les YPG. J'ai appris avec stupeur qu'ils y figuraient.

    Nous devons leur donner les moyens de se défendre et les alimenter en armes lourdes. Erdogan, sous prétexte de lutter contre l'irrédentisme kurde, en profite pour envahir la Syrie.

    Si l'Europe, la France, les USA, ont la bêtise de faire preuve de faiblesse, les Kurdes vont se tourner vers Asssad et ses protecteurs. On sait d'Assad et de son parti que ce sont des monstres qui exécutent des crimes affreux et atroces. 

    Au demeurant, Erdogan négocie aussi directement avec Poutine. 

    N'ayons pas peur de contrarier la Turquie, elle n'a cessé de s'associer aux islamistes de tout poil : quand ce n'était pas Daech, c'était Al-Nosra, c'est à dire Al-Qaeda. L'ASL est un mirage, nous ne l'avons compris que bien trop tard en Europe.

    Il faut donc soutenir les Kurdes et les aider à tenir le secteur d'Afrine. De toutes façons, comme Erdogan n'a pas de limites, cette histoire va mal finir : il y a des conseillers militaires américains à proximité immédiate et ils vonjt finir par prendre des obus cas dans lequel j'espère bien que les USA réagiront (il ne faut pas compter sur l'Europe, comme d'habitude forte en palabres mais ridicule pour agir...).

  • Juger les djihadistes en France ou pas ?

    Je me suis posé la même question que Juan (Sarkofrance) avec des réponses un peu différentes. Difficile de trancher : faut-il laisser les djihadistes être jugés en Syrie ou Irak ou chez nous ? Il y a un point que Juan n'aborde pas, c'est le point de vue syrien et irakien. Ces deux pays ont eu des centaines de milliers de morts. En Syrie, certes, le régime en est comptable pour plus de la moitié, mais le reste incombe aux Djihadistes. Au nom de quoi dans ces conditions jugerions-nous d'abord ces djihadistes en priorité sur l'Irak et la Syrie ? 

    Il y a un autre point : les hommes commettent toujours plus d'atrocités que les femmes. Je suis enclin à être plus clément avec les femmes qu'avec les hommes. On pourra me dire que c'est une discrimination, évidemment.

    Finalement, la réponse de Macron et de son gouvernement sont compréhensibles. Difficile d'éviter le cas par cas. Je pense que cela dépend aussi des interlocuteurs que l'on a en face de nous. Le régime de Bachar-el-Assad est une horreur absolue. Il a commis des atrocités bien pires que celles de Daesh. Daesh met en scène ses crimes et Bachar les cache, mais la vérité, c'est que dans l'horreur et le sadisme, il les a surpassés largement.

    En revanche, du côté des Kurdes YPG et des FDS, j'ai plutôt confiance, même si on ne doit pas se leurrer : il y a forcément une atmosphère de règlements de comptes en Syrie actuellement.

  • Soutenir les Kurdes à tout prix.

    Barzani en Irak a choisi à mon avis un mauvais timing : alors que la lutte contre Daech n'est pas finie, ce n'était pas une bonne stratégie que de proclamer unilatéralement l'indépendance du Kurdistan irakien. Un Kurdistan indépendant est un épouvantail qui fait peur aux cinq nations de la région sur le territoire desquels se trouvent des Kurdes. Il faut donc procéder avec précautions. Le fédéralisme ou le confédéralisme semblent une bonne option. C'est celle que privilégient l'UPK en Irak et les YPG en Syrie. Les YPG ont même un idéal de société démocratique, socialiste, autogestionnaire et multi-cultuelle. Le reportage Rojava, une utopie au coeur du chaos syrien restitue de manière étoffée le projet politique et philosophique des YPG. Il est clair que nous ne devons en aucun cas lâcher les YPG au profit de la Turquie. Les YPG sont des associés cruciaux dans cette région du monde, les seuls à être fiables, à disposer de relais, et ceux qui partagent le plus de valeurs avec nous bien qu'ils aspirent à ériger une démocratie socialiste plutôt que libérale.

    L'Europe doit donc faire comprendre à la Turquie qu'attaquer les YPG est une ligne rouge. Il faut aider leur alliance avec les tribus arabes locales, les Yézidis et les Chrétiens d'Orient en leur assurant un ravitaillement en armes de pointe pour contenir les assauts de leurs adversaires et éradiquer Daech, mais il faut également leur fournir les moyens de construire le pays auquel tous aspirent. J'ai entendu dans le reportage que je cite, par exemple, que les YPG voudraient mettre en place des centrales solaires pour alimenter le pays en électricité et édifier des raffineries modernes pour exploiter ce qu'il reste de pétrole. Les raffineries artisanales sont une véritable catastrophe écologique et un danger mortel pour la santé de tous les habitants locaux. 

    Aidons-les. 

    Les États européens, bien sûr, mais les citoyens aussi. Pourquoi pas avec des campagnes participatives sur des plate-forme de type Ulule afin d'aider à financer des achats de panneaux solaires, par exemple.

    Nous avons tous intérêt à ce que l'expérience sociale et démocratique des YPG soit une réussite. Et nous devrons certainement tôt ou tard revoir nos relations avec le PKK et son leader, Ocalan, pour l'instant classés dans la sphère du terrorisme, de même que ce leader et son parti devront reconsidérer leurs modalités d'action en Turquie. Ocalän est l'inspirateur de l'expérience autogestionnaire et démocratique qui se déroule sur cette région de la Syrie, bien loin des modèles religieux environnants ou du nationalisme arabe des années 70 et ce qu'il en reste. On ne peut pas l'ignorer.

  • Intervenir en Syrie ? Et après ?

    Je suis abasourdi par les déclarations tonitruantes tant du chef de l'État que de l'opposition de droite. C'est à qui rivalise d'accents guerriers pour inviter la France à entrer en guerre en Syrie. Un débat parlementaire a toutefois eu lieu et j'ai pu en consulter le compte-rendu. Seul François de Rugy me paraît avoir soulevé des questions de fond en interrogeant la stratégie politique de la France en Syrie. Toutefois, il ne suffit pas de donner des garanties aux minorités et d'associer toutes les parties à la négociation. Il faut donner des garanties à toutes les forces en présence. On peut intervenir et laminer Daech, mais on ne parviendra à rien de durable si on ne propose pas de solution de rechange aux Sunnites. Le problème est d'ailleurs le même en Irak.

    Les Européens s'imaginent tout le temps que leur modèle, celui d'une union après des guerres meurtrières, est transposable au monde entier. En France comme dans le reste de l'Europe il n'y a aucune pensée réaliste sur les phénomènes ethniques. Le goût pour le multiculturalisme, le vivre-ensemble remplacent la réflexion stratégique.

    Il viendra un jour peut-être où Sunnites et Chiites parviendront à vivre ensemble sans se massacrer, mais il faudra qu'ils l'aient choisi.

    A l'heure actuelle, les Alaouites, les Chrétiens, les Kurdes, les Yézidis et quelques autres minorités doivent probablement pouvoir s'accorder ensemble, mais pas avec les Sunnites. Il y a trop de sang versé et de crimes atroces commis entre Chiites/Alaouites et Sunnites.

    Il n'y a donc pas d'autre option qu'une partition raisonnée du pays sauf à parvenir à convaincre une majorité de Sunnites de participer à une grande coalition (je n'y crois absolument pas).

    S'il existe d'autres issues, je n'ai vu personne* les esquisser dans la classe politique française, partagée entre béni-oui-oui, va-t-en-guerre et cinquième colonne de Moscou et/ou du tiers-mondisme (ou du moins de son avatar moderne).

    *Je recommande en revanche l'excellent décryptage d'Atlantico sur le sujet.

  • Une partition de la Syrie et de l'Irak est inévitable.

    A la tournure que prennent les événements, je me suis résolu à penser qu'une partition de la Syrie et ne pouvait plus être évitée.

    Dans chacun de ces pays, il faut trouver des compromis pour réserver une terre pour les Sunnites, pour les Chiites, pour les Alaouites et pour les Kurdes. Les Chrétiens, les Druzes, les Yézidis et les autres minorités ont toujours vécu en bonne intelligence avec les Kurdes et les Alaouites. C'est donc du côté de ces deux communautés qu'il faut chercher une association.

    Je rejoins François Bayrou pour penser que c'est une erreur, désormais, de chercher à faire tomber Bachar el Assad, malgré les horribles et nombreux crimes de son régime. Mieux vaut préparer la partition devenue inévitable du pays. Les Alaouites jugeront si oui ou non, ils souhaitent conserver ce dirigeant.

    Sauvons de la Syrie ce qui peut l'être et reprenons d'urgence Palmyre aux Djihadistes. 

    Même si cela nous fait mal au coeur, il faut coopérer avec Bachar el Assad pour chasser et détuire l'ennemi commun. Ni les dirigeants syriens ni les dirigeants iraniens ne cherchent à déclencher une guerre mondiale ou à propager un islam si intolérant, rigide et cruel qu'il n'a jamais existé quoi que ce soit de tel dans son histoire.

    Il ne faut pas se tromper : les djihadistes ne renvoient pas l'Islam à une époque rêvée de son histoire mais à une horrifiante dystopie capable de donner à un régime aussi inquiétant que celui de la Corée du Nord, l'aspect d'un Eden accueillant.

    Le maître mot doit être de détruire Daech. Mais pour cela, il est essentiel de ne pas donner de raisons aux Sunnites de voir en ce dernier leur protecteur. Ce n'est pas gagné en Irak où le régime joue avec le feu avec ses milices chiites...

  • On ne peut absolument pas s'allier avec Bachar El-Assad.

    Comme le fait justement observer mon confrère du blog le Centrisme, bien que les crimes de Daech et sa barbarie soient odieux, on ne peut pas s'allier avec le régime syrien actuel. Daech impressionne par sa stratégie médiatique et horrifie l'Occident, mais la réalité, c'est que 90% des atrocités les plus épouvantables sont le fait des milices du parti Baas. La position du gouvernement français, depuis de le début de ce conflit me semble la bonne en espérant parvenir à armer et promouvoir une opposition syrienne rebelle modérée et si possible démocratique. Bien sûr, nous le savons tous, c'est une voie difficile, avec vraiment peu de chances de réussite mais on ne peut pas cautionner les horreurs d'Assad (puisse-t-il étouffer sous la honte !).

    L'ASL est marginalisée, désormais, et active essentiellement dans la région de Dera. On pourrait en tirer la conclusion que tout est fichu et qu'il n'y a plus d'interlocuteurs en Syrie. Je crois qu'il faut prendre son parti de la situation militaire et partir de l'existant, c'est à dire de Dera.

    On sait que le Qatar joue double-jeu en Syrie, en aidant les Salafistes, mais on lui mêle souvent à tort l'Arabie Saoudite qui a changé son fusil d'épaule depuis un moment, et préfère, de concert avec la Jordanie l'opposition laïque, modérée ou non.

    Je n'oublie pas les Kurdes, bien sûr, dont les combats héroïques à Kobané ont soulevé l'admiration du monde entier.

    Ce sont avec ces forces qu'il faut discuter, en faisant un très gros effort de renseignement : les officines qui s'en réclament à l'étranger sont rarement crédibles. Il faut alors essayer d'identifier les chefs rebelles sur place et négocier directement avec eux, en prenant garde à ne pas livrer d'armements sophistiqués au front al-Nosra au passage par mégarde.

    Les seuls qui ne sont pas gênés plus que cela par les tortures épouvantables qu'Assad et ses sbires administrent aux femmes et aux enfants, ce sont le FN et ses affidés. D'ailleurs, l'un de leurs principaux responsables, Frédéric Châtillon, est un grand ami du régime syrien.

    Un dernier mot : Slate relate la création d'une armée rebelle chrétienne. Elle ne reçoit aucun subside. Alliée avec les Kurdes du PYG elle a pourtant accompli de beaux exploits. L'Europe, et la France au premier chef, devrait sans tarder armer et financer le Conseil Militaire Syriaque. Les Chrétiens ont tout intérêt à disposer d'une force armée dans une région où la poudre parle avant tout autre argument diplomatique...

  • Guerres impossibles ?

    Quelle est l'efficacité des armes et engins de guerre aujourd'hui dans les conflits ? On peut légitimement se poser la question en constatant les effets des frappes aériennes des forces qui luttent contre Daech en Syrie et en Irak.

    Un avion de chasse coûte des dizaines de millions de dollars et chaque obus ou bombe des centaines de milliers de dollars. Or, quand l'on considère le bilan des frappes contre les terroristes on obtient quelques dizaines de cibles atteintes. Il faudrait ajouter aux coûts évoqués la logistique et le carburant nécessaire pour opérer les sorties. 

    Ce n'est plus un gouffre, c'est un trou noir financier. Et j'ai l'impression que le bilan serait inférieur encore sans l'efficience très forte des technologies les plus avancées.

    Est-ce que, à ce stade-là, ce ne serait pas bien plus rentable d'engager des tueurs à gage et de promettre un million de dollars par têtes de djihadistes identifiées ? Bien que cette proposition soit moralement affreuse, elle a le mérite de ne pas faire plus de victimes civiles que nos frappes chirurgicales et d'être financièrement abordable. Il reste à savoir s'il existe qui que ce soit dans le monde capable d'accomplir une mission aussi dangereuse...

    Si la progression contre Daech semble très lente, il y a malgré tout un point dont il faut se féliciter absolument : les frappes alliées sont si calibrées et précises qu'elles ne semblent avoir guère fait de victimes civiles (il n'y en a pas eu d'échos, en tout cas). Ce bilan-là est impressionnant.

    A l'exception de la France au Mali qui semble à peu près contenir son ennemi, toutes les autres interventions occidentales se sont soldées sinon par des échecs du moins par des retraits sans que les buts annoncés soient atteints.

    On peut mettre en exergue l'absence de finalité politique commune dans ces interventions, comme le fait Jean-Marc Lafon sur le blog Theatrum Belli, bien sûr, mais cela n'explique pas les difficultés militaires. 

    Les guérillas, je le sais, ont toujours été difficiles à réduire. La volonté occidentale de ne pas faire de victimes dans ses propres rangs ajoute une contrainte, et, celle de ne pas blesser de civils dans les opérations militaires rend très délicates toutes les opérations. Cela suffit-il à expliquer pour autant la disproportion entre les moyens engagés et les résultats obtenus ? Je ne le sais pas.

     Je note que des progrès sont enregistrés quand les forces occidentales disposent d'un appui terrestre assuré par des alliés très engagés et impliqués.

    Les YPG kurdes à Kobané, les forces tchadiennes au Mali en sont des bons exemples. En Afghanistan, tant que les Américains ont pu compter sur des tribus sunnites alliées et sur l'Alliance du Nord, la grande force militaire de feu le commandant Massoud, ils ont progressé. Mais après, les choses se sont délitées, les Talibans regagnant petit à petit du terrain.

    Peut-être est-ce aussi une question de temps. Daech s'est préparé de longue date à la guerre. Il faudra du temps pour que les alliés kurdes soient opérationnels avec du matériel moderne, et, sans doute est-ce à l'usure, paradoxalement, que les djihadistes tomberont. En Afghanistan, l'issue semble bien plus compromise faute d'alliés fiables et motivés.

  • Aider l'ASL en Syrie : la difficulté est là.

    Il est très difficile de démêler l'écheveau syrien vu d'Europe. Au fil des actualités, j'ai cru comprendre qu'on pouvait discerner trois à quatre "camps".

    Il y a d'abord celui du parti au pouvoir, le parti Baas et son chef Bachar el Assad. En simplifiant, on peut dire qu'il représente principalement les Alaouites et les minorités (Chrétiens et Druzes surtout). Il est soutenu par la Russie et l'Iran.

    En face, il y a l'ASL, l'Armée Syrienne Libre. On ne peut pas dire qu'elle soit vraiment soutenue par quelqu'un, mais, elle a les faveurs de l'Europe et de l'Amérique, disposant au moins de représentations diplomatiques auprès de ces derniers.

    Ensuite, il y a les djihadistes. Ils sont en règle générale dans la mouvance d'Al Qaeda. Personne ne sait exactement qui les finance, mais on soupçonne les pétro-monarchies, Qatar en tête de les aider en sous-main, de manière indirecte. L'Arabie Saoudite semble toutefois avoir revu ses positions et tend désormais à aider l'ASL plutôt que les groupes islamiques. Au sein des groupes djihadistes, certains souhaitent épargner les populations civiles et acceptent des alliances de circonstance avec les autres factions, comme le Front al nosra, et d'autres règnent par la terreur, y compris sur les villages conquis, et je pense que c'est la stratégie de l'EIIL. 

    Pour illustrer mon propos, Al Nosra et plusieurs groupes insurgés (mais font-ils partie de l'ASL ?) se sont alliés pour chasser EIIL des champs pétrolifères. EIIL est plus ou moins censée avoir fait scission avec Al Qaeda, mais c'est difficile à établir clairement.

    La difficulté pour l'Europe, c'est de parvenir à aider l'ASL sans pour autant armer les salafistes et les djihadistes, devenus les factions militaires rebelles les plus puissantes en Syrie. On ne sait jamais trop ce que deviennent les armes qui sont livrées, et, de temps à autre, des brigades insurgées font défection et passent du côté des islamistes. Mais, dans le même temps, moins l'ASL dispose de moyens pour remporter des victoires militaires, plus elle s'affaiblit et laisse le champ libre aux autres formations.

    Aujourd'hui, l'ASL semble marginalisée et on se demande si elle peut encore représenter quelque chose en Syrie à l'exception de quelques particularités locales.

    L'ASL a longtemps fonctionné comme une sorte de franchise en Syrie, une grande auberge espagnole au sein de laquelle on trouvait toute sorte d'obédiences. C'est ainsi que des cargaisons entières d'armements ont pu passer aux mains de l'opposition armée islamiste.

    Aujourd'hui, l'ASL ne correspond plus vraiment à une faction structurée ; on peut dire que sa dénomination permet de distinguer les laïcs et les religieux, et encore : certaines formations islamiques continuent de s'en réclamer.

    L'Amérique semble avoir renoncé à intervenir : la prise d'importants armements par des djihadistes peut l'avoir convaincue que le remède à venir (une Syrie djihadisée) était pire que le mal actuel (une Syrie sous influence alaouite favorable à la Russie et à l'Iran).

    Il me semble, dans ces conditions que l'Europe pourrait jouer sa partition bien qu'elle ne soit vraiment pas aisée à interpréter. Un très gros travail de renseignement serait nécessaire pour trouver des interlocuteurs laïcs dans le camp de l'opposition. La difficulté, c'est qu'il existe bien des liens et des réseaux entre Européens et Syriens, particulièrement en France, mais avec des soutiens du pouvoir actuel seulement.

    Si toutefois aucune opposition modérée n'émerge des décombres de la Syrie, il faudra se préparer à de déchirantes révisions stratégiques. On peut discuter avec Bachar el Assad, en dépit des crimes de son régime. On ne le peut pas avec les djihadistes made in Al Qaeda. Il suffit de lire sur le blog de Talisma Nasreen (ou ailleurs au demeurant) ce que les pires d'entre eux font à une malheureuse jeune fille simplement parce qu'elle a un compte facebook : ils la lapident à mort. Une adolescente de 15 ans. Atroce.

  • On ferait peut-être mieux d'aider Bachar, finalement...

    Je sais que le titre de mon billet est provoquant, et je m'en excuse. Bachar el Assad appartient à la catégorie des tyrans et son régime n'a rien d'une démocratie. Tout cela, je le concède. 

    Mais en face, il est grand temps de comprendre qui l'on a. Il y a un gros problème géopolitique dans notre diplomatie, particulièrement depuis qu'on s'aligne sur les USA. Au Proche et au Moyen-Orient, il y a des pouvoirs qui ont longtemps été proches de l'Union Soviétique puis de la Russie ces soixante dernières années. L'Amérique les a donc toujours considérés comme ses ennemis et s'est appuyée sur les fondamentalistes pour les combattre.

    Le problème, c'est qu'en luttant contre les laïcs, les alaouites, ou même les chiites, nous jouons contre notre camp depuis un bon moment. La violence, le terrorisme ne viennent pas de ces minorités-là. Souvent, bien au contraire, elles tolèrent le christianisme et se montrent plus progressistes avec les femmes. Même l'Iran, à certains égards, en dépit de son obscurantisme religieux, donne aux femmes des droits qu'elles n'ont absolument pas dans les pays du Golfe.

    Il est grand temps que l'Europe comprenne que les masses sunnites la haïssent. Elles détestent les Occidentaux en général. Les témoignages de prisonniers de groupes islamistes en Syrie sont édifiants. Non seulement les groupes fondamentalistes n'éprouvent que de la haine pour nous, mais les Sunnites en Syrie nourrissent des sentiments tout à fait similaires envers nous. En Égypte, on l'a vu avec les viols répétés d'occidentales, il en va de même. Je me rappelle m'y être rendu en 1998 et avoir senti de manière palpable alors qu'ellle était pourtant contenue l'animosité de la population envers moi ou mon groupe de touristes.

    Si j'admets qu'il serait imprudent de prendre officiellement position dans le conflit syrien, nous devrions à défaut nous garder de prendre quelque parti que ce soit là-bas.