J'entends et je lis dans la presse spécialisée et informée qu'Israël songe à attaquer les installations nucléaires de l'Iran si Européens et Américains n'obtiennent rien de cette nation d'ici la fin de l'année 2010.
Israël ne pourrait pas commettre une erreur plus grave que celle-là. Tous les Iraniens se retrouveraient soudés derrière le bouffon Ahmadinejad au moment même où la contestation ne désarme pas en Iran. Cela hypothèquerait durablement toute perspective de libéralisation de ce régime pour longtemps.
Ensuite, il ne faut pas imaginer que l'Iran ne réagisse pas. Il y aurait au minimum un échange de missiles, et cette attaque convaincrait définitivement le régime iranien de l'absolue nécessité de se doter de l'arme atomique.
Les pays Arabes avoisinant voient d'un très mauvais oeil l'ennemi héréditaire perse posséder la bombe et pas eux. Nul doute que plusieurs d'entre eux sont très tentés de franchir le pas. Il pourrait y avoir alors une course à l'armement nucléaire, dans la zone la plus explosive de la planète.
Une guerre des six jours n'est plus possible : les temps ont changé, le monde n'est plus bipolaire. Il n'y a plus deux blocs pour pouvoir retenir de part et d'autre les impulsions guerrières. La donne stratégique a changé, Israël doit revoir sa politique de défense et de sécurité. Il existe désormais d'autres grands, et l'un d'entre eux, au moins, ne s'assume pas comme grand et encore moins comme gendarme du monde : la Chine. Elle dissémine à tout va la technologie nucléaire, et peu importe si la bombe éclot aux quatre coins de la planète.
La seule option qui peut faire plier l'Iran, ce ne sont ni les menaces, ni l'agitation médiatique, ni une attaque éclair, mais les sanctions économiques, bien plus efficaces. Les Persans sont des commerçants, sur le fond, et même de bons commerçants : le Bazar verrait d'un très mauvais oeil tous les marchés se fermer et les affaires péricliter à cause du jusqu'au-boutisme de quelques énervés.
En réalité, la vraie difficulté, aujourd'hui, c'est de convaincre la Russie et la Chine de rejoindre l'Europe et l'Amérique dans une politique de sanctions économiques. Il faut donner des gages à la Russie, ce qu'Obama a commencé à faire avec l'abandon du bouclier anti-missiles de Bush, et pour la Chine, il n'y a rien à espérer sans contreparties : les Chinois ne donnent rien pour rien.
Ce sont ces voies qu'il faut explorer. Si l'actuel gouvernement fait la sottise de s'enferrer dans le plus néfaste et pernicieux des scenarii, ce pourrait bien être tout le peuple israélien qui en paie à court terme la facture.
Israël doit sortir sa politique étrangère de la mythologie dans laquelle elle baigne depuis la création de l'État en 1948 pour rentrer dans l'ère du réalisme et du pragmatisme. Se défendre, c'est une chose, mener une attaque préventive contre un état, qui, après tout, ne l'a jamais attaqué, en dépit des discours bellicistes tenus, c'est une autre histoire.
Un dernier détail : l'Iran finance le Herzbollah et le Hamas se tiennent relativement tranquilles depuis quelques temps. Il est évident qu'en cas d'attaque de l'Iran, ils s'empresseraient de déclencher à nouveau les hostilités, notamment à partir du Liban.
Cela ferait beaucoup en même temps pour Israël. Son armée est une armée puissante en entraînée, mais ses effectifs sont limités et elle n'est pas invulnérable, comme l'ont montré ses échecs relatifs face au Hezbollah (et le Hezbollah, aussi organisé soit-il, n'est qu'une guérilla !!!).
In fine, même si l'Iran se dotait de l'arme nucléaire, cela ne changerait pas fondamentalement la donne stratégique dans la région : il s'y substituerait simplement un équilibre de la terreur bien inquiétant qu'Européens et Américains, (mais aussi Russes et Chinois !!!) ont tout intérêt à éviter.