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  • Pour François Bayrou, aimer l'Amérique, ce n'est pas la copier

    A l'occasion de son déplacement à Lyon  jeudi 8 novembre pour rencontrer les candidats à la candidature du Mouvement Démocrate pour les municipales, ainsi que les adhérents locaux auxquels il a proposé de participer à une "consultation" pour choisir eux-même leur candidat à la mairie de Lyon, François Bayrou a réprouvé jeudi le "ralliement en bonne et due forme" de Nicolas Sarkozy au "rêve américain", qualifiant le "sarkozysme" de "projet inégalitaire assumé", qui rappelle selon lui des Etats-Unis basés sur "un modèle d'inégalité croissante".

    "Il ne faut pas confondre l'amitié avec le peuple américain avec l'adhésion au modèle de société américain, et encore moins avec l'adhésion à la politique de l'administration Bush. Pour la France, le rapprochement avec l'administration Bush, c'est perdre une part importante de la force et de l'originalité de la diplomatie française. Ce qui est frappant, c'est que le sarkozysme est en rupture avec les fondamentaux du projet républicain français, c'est-à-dire un modèle égalitaire".
    Il a défini le "sarkozysme" par "un projet inégalitaire assumé, l'alignement sur les Etats-Unis en politique étrangère, et la concentration des pouvoirs. Un jour, ce projet se trouvera en contradiction avec le pays".

  • L'Esprit des Lois : la dialectique du principe et de la nature

    Comme je l'avais dit dans ma précédente note, les commentaires d'Althusser sur l'Esprit des Lois dans Montesquieu, la politique et l'histoire, sont intéressants dès lors que l'on ne dépasse pas les trois premiers chapitres. Hélas, après, chassez le naturel, et il revient au grand galop.

    Les choses étaient pourtant bien parties au chapitre "la dialectique de l'histoire" en dépit du titre fâcheux et d'une tonalité toute marxiste : Althusser fait notamment une réflexion très fine dans les premières pages en montrant comment la pierre angulaire de l'analyse politique de Montesquieu repose sur la distinction mais aussi la dialectique entre la nature et le principe d'un gouvernement. C'est à l'aune, d'ailleurs, de ce couple, que Montesquieu étudie dans la plupart de leurs déclinaisons au fil des âges et des régions les différents types de régime. 

    Le principe d'un gouvernement n'en est pas l'effet mais bien la condition sine qua non pour que le gouvernement fonctionne selon sa nature propre. Tous les dérèglements politiques proviennent de ce qu'il y a des distorsions entre le principe et la nature du gouvernement, et, que ces distorsions deviennent trop fortes, et c'est alors la crise sinon la chute et le changement de régime. 

    Mais voilà, sous prétexte que ce couple-là serait indissociable, Althusser décrète que l'ensemble forme une totalité. Quelle horreur ! Voilà notre marxiste qui revient à ses mauvais démons. En dialectique pure, c'est parce que ces deux aspects se répondent en permanence qu'ils ne forment pas une totalité, et c'est d'ailleurs bien ce qui permet toutes les déclinaisons des trois types de régime.

    Parce ce que s'il y avait totalité, évidemment, on pourrait décréter par exemple que notre régime n'est plus une démocratie sous prétexte que Nicolas Sarkozy montre des penchants clairement bonapartistes. Les Marxistes avec leurs logique outrancière et sans nuance habituelle n'hésitent pas à franchir ce pas de mauvais goût régulièrement : c'est d'ailleurs là l'un des traits marquant de la diabolisation à laquelle ils se livrent dès lors que quelque chose ou quel'uqun les dérangent. 

    Quand je dis marxistes, j'entends par là, troskos, crypto-marxistes, alter-mondialistes et autres gauchistes du même acabit, bien sûr... 

    Mais bon, justement là, en dépit de ce calamiteux écart terminologique, pas de divergences avec Althusser, c'est bien l'analyse qu'il donne de l'Esprit des Lois.

    Il observe avec justesse le pragmatisme de Montesquieu : ainsi Montesquieu en plusieurs endroits relève qu'il n'est pas suffisant de voter des lois conformes au principe d'un type de gouvernement, et qu'elles produisent même parfois un effet inverse au but recherché. 

    Il relève entre autres un point essentiel soulevé par Montesquieu. Montesquieu parlant des débuts de la République Romaine observe que ce sont les moeurs, simples et pures, qui ont d'abord tenu lieu de loi, ce qui revient à dire que les moeurs entrent en fait dans le principe pour le fortifier, voire le précèdent. C'est un concept, remarque Althusser, que Montesquieu peine à définir, et Althusser y voit là une contradiction car il y voit mal le passage.

    Si je devais donner un exemple bien plus moderne, je l'illustrerai avec le problème de l'établissement de la démocratie dans moult région du monde : cet établissement ne devient possible que si les moeurs le permettent, c'est à dire, finalement, l'esprit de la démocratie.

    C'est bien là où le bât blesse dans des pays où le droit de vote aboutit à la venue au pouvoir de forces réactionnaires et anti-démocratiques. Dèslors que l'on présuppose des essences, quelles que soient leur nature (elles peuvent aussi être religieuses, à la manière de la droite conservatrice et réactionnaire américaine !) on pèche, c'est le cas de le dire, par un grave travers : c'est que la démocratie n'est pas une essence, mais bien un aller-retour entre son essence propre et les moeurs d'une population donnée en un temps donnée. C'est bien pour cela , d'ailleurs, que Montesquieu étudie avant tout des formes imparfaites, c'est à dire historiques. C'est la différence fondementale qu'Althusser soulignait justement dans son premier chapitre avec les philosophes du contrat social, par exemple.

    Bien évidemment,  tel n'est pas l'avis d'Althusser, et c'est bien là où l'on voit ressortir les gros sabots marxistes : pour lui, Montesquieu étant un homme de son temps, il ne pouvait chercher une unité plus profonde qui supposerait l'économie politique. Et voilà...Althusser évidemment, ne peut s'empêcher de ramener aux thèses marxistes les conditions profondes de chaque régime, faisant de l'économie le prédicat de tout régime politique.

    Eh bien heureusement que Montesquieu n'a pas eu cette "prescience" !!!

    Et vient l'accusation du marxiste : Montesquieu avait besoin de "l'éminence des formes sur leur principe, pour y faire son choix".

    Fin de l'analyse, début de l'idéologie. Je montrerai cela dans un billet supplémentaire, et pour le fondement économique marxiste de la science politique, nous aurons l'occasion de l'écorner sérieusement avec Schumpeter quand nous traiterons ici de Marx l'économiste...

  • Méphistotélès répond à Jean-Louis Bourlanges

    J'ai cru entendre que Jean-Louis Bourlanges avait récemment comparé François Bayrou à Méphistotélès. Pauvre Bayrou ! Alors il m'est revenu en mémoire une petite chanson du dit Méphistotélès dans le Faust de Goethe, que celui-ci chantonne dans la cave d'Auerbach à Leipzig...

    Tableaux et paroles magiques, 

    Par vos puissants enchantements,

    Troublez leurs esprits et leurs sens !

    Méphistotélès venait de montrer l'envers du décor à Siebel, Frosch, Altmayer et Brandel en transformant le vin qu'ils boivent à volonté en feu du purgatoire, brûlant ainsi Siebel et Altmeyer , aussi s'empresse-t-il de leur faire oublier cet épisode. Mais, il n'en reste pas là, et il continue sa chansonnette...

    Maintenant, partons : c'est assez !

    Source de vin, riche de vendange,

    Illusions, disparaissez !...

    C'est ainsi que l'enfer se venge. 

    J'ai tout de même l'impression que Jean-Louis Bourlanges (pour lequel j'ai par ailleurs beaucoup d'affection) a la mémoire courte : Méphistotélès, c'est surtout et avant tout un illusionniste, et en matière d'illusionnisme, il y a un professionnel de la politique que je ne nommerai pas dont Jean-Louis Bourlanges semble avoir oublié l'existence. Vous confondez, cher Jean-Louis Bourlanges, nihilisme et réalisme : François Bayrou a le mérite non de nier tout mais plutôt de lever le voile d'apparences qui recouvre les réalités, et la victime de Méphistotélès, c'est vous, pas lui.

    Je finirai en vous citant cette petite fable que la Sorcière déclame dans sa cuisine :

     Ami, crois à mon système,

    Avec un, dix tu feras ;

    Avec deux et trois de mêm,

    Ainsi tu t'enrichiras.

    Passe le quatrième,

    Le cinquième et le sixième,

    La sorcière l'a dit :

    Le septième et le huitième

    Réussiront de même...

    C'est là que finit

    L'oeuvre de la sorcière :

    Si neuf est un,

    Dix n'est aucun.

    Voilà tout le mystère ! 

    Alors que pensez-vous de ce mystère, cher Jean-Louis Bourlanges ? Et croyez-vous au système de la Sorcière? Moi, j'ai mon idée là-dessus, mais je pense que vous aurez sans doute aussi la vôtre...

  • Marielle de Sarnez versus Delanoë (transports)

    Ah! Enfin un blog de candidat qui tient compte des réactions des bloggueurs, qui les commente et qui les synthétise ! Alors là, je dis chapeau, et ce n'est pas par solidarité partisane.Merci Marielle de Sarnez ! Voilà qui me change de l'auto-congratulation permanente qui caractérise le blog de Bertand Delanoë. Il faut dire que la certitude d'être réélue rend l'équipe socialiste plus arrogante que jamais.

    Sur le site de Françoise de Panafieu, c'est encore pire, on ne peut même pas dialoguer : tout juste laisser une suggestion dont rien ne dit qu'elle ne se perdra pas dans les méandres électroniques de la Toile. 

    Dans ces conditions, la première synthèse des 125 réactions du blog de Marielle de Sarnez, qui n'a oublié personne est raffraîchissante, d'autant qu'elle a pris la peine de les classer par thèmes. 

    Il y a notamment, pour les transports, des pistes intéressantes pour soulager la fameuse ligne 13 de sinistre mémoire : prolonger le RER E entre Montparnasse et Saint-Lazarre, mais aussi relier la Gare Montparnasse à la ligne 14

    La plupart des interlocuteurs s'accordent à penser que la surface doit être réservée aux piétons et cyclistes, mais ils sont quelques uns à penser que cela ne se fera pas sans la création de parkings souterrrains pour l'automobile.

    J'ajouterai un point supplémentaire sur le bilan de la mairie de Paris en matière de pollution de l'air : je ne vois pas comment je peux polluer moins dans mon quartier en tournant trois fois plus longtemps avec mon véhicule qu'il y a 5 ans.

    En revanche, il est vrai que celui que j'ai, dispose désormais d'un moteur bien plus performant (consommation bien moindre, meilleur filtrage) que les premiers.
    Alors je tends à penser que la communication de l'équipe Delanoë est de l'intoxication. Par ailleurs, en 5 ans, aucune avancée sur le métrophérique alors que manifestement ce sont les automobiles venues de la banlieue qui engorgent Paris.
    J'ajoute que je suis d'accord pour ne pas circuler dans certaines zones du centre de Paris, à condition de pouvoir garer mon véhicule.

    Les traquenards tendus par la Mairie de Paris afin de me contraindre à l'amende m'ont amené, pour ma part, en 5 ans, à grever mon budget de plus de 1500 euros de dépenses supplémentaires.

    Merci Bertrand Delnaoë, d'autant que je suis pas un cacique vert ou socialiste qui dispose de ses entrées, moi...

    Puisse Paris porter à sa tête une équipe modérée (UDF/MoDem) assistée d'écologistes intelligents (Cap21, verts modérés) et pas d'ayatollah locaux fous furieux férus uniquement d'idéologie.

  • Ouverture, l'exemple de Quitterie Delmas

    Je réfléchissais tout récemment au rôle que la blogosphère MoDem pouvait jouer sur la Toile politique. Bien sûr, il ne faut pas s'illusionner : dans le domaine politique, la Toile permet au mieux de tenir des positions, pas d'en conquérir de nouvelles.

    Ces derniers temps, je tends à penser que la blogosphère MoDem se ramasse trop sur elle-même, se préoccupant essentiellement de ses problèmes internes.

    De même, trop de discussions se déroulent entre nous, or, je crois au contraire que nous devrions aller vers les autres, et pas seulement sur les blogs politiques, d'ailleurs.

    A cet égard, le blog de Quitterie Delmas et sa démarche dans ce domaine me semblent des exemples à suivre. Sans renier aucune de ses convictions (et j'ai eu souvent l'occasion d'être pourtant en désaccord avec certaines d'entre elles) voilà quelqu'un qui a su nouer des contacts sur un large éventail politique et sociétal, puisqu'elle est connue (et appréciée !) sur un grand nombre d'espaces politiques en dehors du MoDem.

    Voilà, me semble-t-il le véritable sens de l'ouverture au sens où l'entendait François Bayrou, et non de simples cooptations comme peut le pratiquer Nicolas Sarkozy au grand dam de ses propres amis politiques parfois, par ailleurs. 

    Je pense qu'au MoDem, nous devons aller désormais discuter sur d'autres blogs que les blogs MoDem, ou alors, faire venir d'autres personnes que les seuls sympathisants ou adhérents du MoDem, afin d'échanger des vues et de faire valoir nos propositions. 

    Entre trois lectures (celle d'Althusser, celle de Spinoza, et celle de Schumpeter anéantissant la doctrine de Marx) je me suis fait ces réflexions.

    Aussi, outre les visiteurs UDF-MoDem qui viennent ici, c'est par exemple pour moi un plaisir d'échanger avec Gérard du Nouveau Centre, ou encore Laurent du MRG quand il prennent le temps de venir commenter l'actualité de mon propre blog.

    J'espère donc que nous autres Démocrates, nous tournerons de plus en plus vers d'autres voix politiques, ce qui ne nous empêche pas, bien entendu, d'avoir nos propres débats, d'autant plus s'ils sont nécessaires à la qualité de notre expression démocratique. 

  • Capitalisme, Socialisme et Démocratie (1) : Marx et ses ouailles

    Depuis le temps que je me réclame de Joseph Aloïs Schumpeter, je me suis dit qu'il était grand temps que je rende compte ici de son ouvrage majeur. A vrai dire, je dois admettre honteusement que moi-même, je ne connaissais Schumpeter que de manière bien trop fragmentaire. Ce travers va donc être réparé, puisqu'en parallèle de mes lectures sur Montesquieu, j'ai ouvert les pages de Capitalisme, Socialisme et Démocratie.

    Et je dois dire que je n'ai pas été déçu : Schumpeter est doté d'un esprit acéré et corrosif et ses arguments sont toujours aussi pertinents que puissants. Pour ne rien gâcher, il écrit extrêmement bien et fait preuve d'un grand sens de l'humour. 

     J'ai notamment adoré le premier chapitre, Marx le Prophète. Tout en reconnaissant le génie du théoricien, Schumpeter n'est pas dupe du marxisme.

    Le champ lexical de la foi et de la religion occupe une large part de ce premier chapitre. On rit à gorge déployée dès la première page, avec des petites notes féroces de bas de page de ce genre :

    La qualité religieuse du marxisme explique également une attitude caractéristique da marxiste orthodoxe à l'égard de ses contradicteurs. A ses yeux, tout comme aux yeux de tout croyant en une foi, l'opposant ne commet pas seulement une erreur, mais aussi un péché. Toute dissidence est condamnée, non seulement du point de vue intellectuel, mais encore du point de vue moral. Aucune excuse ne saurait être invoquée en sa faveur à partir du moment où le Message a été révélé

    Et, plus avant, pour expliquer l'avènement du marxisme :

    Or, à des millions de cœurs humains le message marxiste du paradis terrestre du socialisme apportait un nouveau rayon de lumière en donnant un nouveau sens à la vie. L'on peut traiter, si l'on veut, la religion marxiste de contrefaçon ou de caricature de la foi - il y aurait beaucoup à dire en faveur de cette thèse -, mais l'on ne saurait contester la grandeur d'un tel achèvement, ni lui marchander son admiration. 

    Et ce premier chapitre regorge de moments savoureux de ce type : un authentique régal, à lire pour commencer la journée de bonne humeur. 

    Je ne résiste pas à la tentation, et j'en cite deux autres :

    le socialisme marxiste appartient au groupe des religions qui promettent le paradis sur la terre 

    Excellent, non ? Et dites-moi si vous ne reconnaissez pasle militant marxiste ou crypto-marxiste dans cette nouvelle saillie schumpeterienne :

    Certes, une partie, d'ailleurs très minime, du succès de Marx peut être attribuée au stock, qu'il met à la disposition de ses ouailles, de phrases incandescentes, d'accusa­tions passionnées et d'attitudes vengeresses, prêtes à être utilisées sur n'importe quelle tribune 

     Trop fort:-D

    Cela dit, Schumpeter annonce la couleur dès ce premier chapitre : s'il admire Marx pour la rigueur de ses constructions logiques, et pour une culture certaine du personnage, doublée au demeurant d'honnêteté, il escompte bien mettre à jour ses falsifications.

    Et la première est d'ordre psychologique, je fais la citation ad hoc :

    En procédant de la sorte et en attribuant - d'une manière tout à fait injustifiée - aux masses son propre mot d'ordre de la « conscience de classe », Marx a, sans aucun doute, falsifié la véritable psychologie de l'ouvrier (centrée sur le désir de devenir un petit bourgeois et d'être aidé par la puissance politique à accéder à cette position), mais, dans la mesure où son enseignement a été suivi d'effet, il a élargi et ennobli cette mentalité.

    J'ai tout de même le fort sentiment que Schumpeter tape juste : il n'y a qu'à voir comment se sont reconstitués les privilèges au sein de classe ouvrière jusque dans les ex-pays soviétiques. Attribuer une conscience morale a priori à un groupe d'individus est un mensonge : sur ce point, Spinoza, dans son Traité politique, cherche à démontrer comment  les valeurs morales découlent de l'association des humains en une entité politique. Je suis fort sceptique sur ce point. Spinoza reconnaît d'ailleurs que ce sont nos appétits qui nous guident avant tout, et cela, quand bien même nous sommes constitués en entité politique.

     La seconde, d'ordre sociologique est bien plus percutante encore : Marx a tenté de plaquer de force sa théorie des classes sociales à ce qui avait précédé le monde bougerois, c'est à dire la féodalité. Il y a donc pour lui une continuité dans la possession des moyens de prdocution et du capital. or, historiquement, rien n'est plus faux.

    Schumpeter écrit justement dans le second chapitre, Marx le Sociologue :

    Comme la plupart des méthodes d'accumulation initiale valent également pour l'accumulation ultérieure - l'accumulation primitive, en tant que telle, se poursuivant à travers toute l'ère capitaliste - il n'est pas possible de soutenir que la théorie marxiste des classes sociales soit satisfaisante, sinon pour expliquer les difficultés relatives aux processus d'un passé lointain. 

    [...] 

    la réussite dans les affaires ne constitue évidemment pas en tous lieux la seule voie d'accès à l'éminence sociale ; or, une telle condition serait nécessaire pour que la propriété des moyens de production détermine causalement la position d'un groupe dans la structure sociale. Cependant, même s'il en était ainsi, définir cette position par la propriété serait aussi peu rationnel que de définir un soldat comme un homme ayant, par chance, un fusil. La notion d'une cloison étanche entre les gens qui (avec leurs descendants) seraient une fois pour toutes des capitalistes et les autres qui (avec leurs descendants) seraient des prolétaires une fois pour toutes n'est pas seulement, comme on l'a souvent signalé, entièrement dépourvue de réalisme, mais encore elle ignore le phénomène le plus frappant relatif aux classes sociales - à savoir l'ascension et la décadence continues des familles individuelles, accédant aux couches supérieures ou en étant exclues. Les faits auxquels je fais allusion sont tous évidents et incontestables. La raison pour laquelle ils n'apparaissent pas dans la fresque marxiste ne peut tenir qu'à leurs implications non-marxistes. 

    Ce qui est frappant, c'est de voir comme nos alter-mondialistes et autres avatars crypto-marxistes modernes répliquent exactement les mêmes divagations. A certains égards, dans le domaine scolaire, le bourdieusisme avec les fameux "héritiers" poursuit la même logique.

    En plein système capitaliste, la transformation sociale a bien existé, et le cas le plus probant en est la terre-mère du capitalisme, l'Amérique : jusqu'au début des années 70, les plus gros patrons d'entreprise viennent à plus de 90%  de classes sociales très modestes.

    Plus récemment, Bill Gates vient de la classe moyenne. Et l'une des milliardaires les plus fameuses, J.K Rowling,  a vécu dans la misère, à moins de 400 euros par mois.

    Alors, messieurs les gauchistes, cessez, s'il vous plaît avec vos falsifications mahonnêtes. Est-ce à dire que les privilèges n'existent pas ? Gare au discours inversement réducteur, bien évidemment, mais privilèges est-il le mot adapté, et à supposer qu'ils existent, ces privilèges sont-ils nécessairement indus ? et quand bien même sembleraient-ils héréditaires, cela signifie-t-il que cet état de fait est une fatalité ?

    La réforme, d'essence démocratique, est nécessaire quand une catégorie d'individus verrouille les leviers du pouvoir, mais cela n'a pas forcément de rapport direct avec une lutte des classes, et, en tout les cas, s'il s'agit de castes, leur catégories logiques ne traversent nullement l'histoire, et l'expliquent encore moins. 

  • Montesquieu, la politique et l'histoire : une révolution dans la méthode

    Je viens de lire au cours du week-end dernier, Montesquieu, la politique et l'histoire de Louis Althusser. Le premier chapitre, "une révolution dans la méthode", est très intéressant, et m'a permis de mieux comprendre ce que j'aime chez Montesquieu, et qui ce qui me met mal à l'aise chez d'autres philosophes politiques (comme Spinoza, par exemple, dont je lis actuellement le Traité politique).

    En fait, toute la force du travail de Montesquieu, c'est de ne jamais établir a priori une théorie, puis de chercher dans les faits des éléments pour étayer la théorie, quitte à les plaquer, mais, tout au contraire, à essayer de tirer des faits eux-mêmes des lois. 

    Althusser  observe ainsi cette réponse de Montesquieu dans la 2ème partie de la Défense de l'Esprit des lois, Idée générale :

    cet ouvrage a pour objet les lois, les coutumes et les divers usages de tous les peuples de la terre. On peut dire que le sujet en est immense, puisqu'il embrasse toutes les institutions qui sont reçues parmi les hommes 

    Or, remarque-t-il, c'est bien là toute la différence avec des théoriciens comme Hobbes ou Spinoza, qui proposent plutôt une idée de la science qu'ils ne la font. Ce n'est pas sur des faits concrets qu'ils réfléchissent, mais sur la société en général et théorisent, finalement, non l'histoire réelle, mais l'essence de la société.

    Si Montesquieu a en commun avec ces philosophes de vouloir établir une science politique, il n'a en revanche ni le même objet et corollairement ni la même méthode. Ce ne sont pas les essences qu'il cherche à découvrir, mais les lois. 

    Dans la logique de sa méthode, Montesquieu range religion et morale dans les faits de l'histoire et les soumet donc à sa recherche de lois. C'est bien en ce sens qu'il a été accusé par les théologiens (pas si bêtas qu'ils en avaient l'air, car ils avaient bien compris l'enjeu) d'athéisme. Mais sur ce point, il ne diffère pas d'un Hobbes ou d'un Spinoza.

    Sur le droit naturel, il ne marche pas dans les pas des théoriciens du droit naturel : en effet, quelles que soient les hypothèses de départ de ces derniers, leurs théories aboutissent toutes à nier l'existence d'une société naturelle, or, c'est précisément ce sur quoi repose la féodalité, notamment avec ses "inégalités" naturelles.

    Pour Montesquieu, dès lors qu'un père se trouve avec son fils, il y a naturellement société, et s'il fallait se poser une question, c'est s'il s'était trouvé que les hommes ne vécussent pas en un endroit en société. Mais comme c'est partout le cas, la question ne se pose pas. Pour Montesquieu, il existe un instinct de sociabilité dans l'espèce humaine. Exit donc, toute forme de contrat social, puisqu'ainsi, il n'a plus d'objet.

    Tout autant que la morale et la religion, Montesquieu rejette l'idée qu'un idéal politique puisse tenir lieu d'histoire. 

    Après deux ou trois chapitres, j'aurais l'occasion d'en parler sur le blog, il faut hélas déchanter, mais, pour les premiers chapitres de son ouvrage critique, il faut reconnaître qu'Althusser est tout à fait lumineux. 

    J'escompte dans les prochains jours publier la suite de mon compte-rendu de lecture. En tout cas, puisque l'on parle de charte éthique actuellement au MoDem, j'espère que l'on s'y rappellera que ce n'est pas l'idéal qui doit façonner la réalité, mais qu'au contraire, il doit s'adapter au réel, non compris dans l'instant, mais compris comme la somme des faits passés et présents. 

     

  • L'Esprit des Lois (10) : Défense de l'Esprit des Lois

    J'ai achevé la lecture des deux tomes de l'Esprit des Lois, et je dois le dire : quelle Somme impressionnante ! l'édition Garnier Flammarion se conclut par la Défense de l'Esprit des Lois, de toute beauté aussi.

    Manifestement, Montesquieu a eu comme premiers critiques surtout des théologiens ou se disant tels : leur souci essentiel est donc de vérifier si l'ouvrage n'attaque pas le dogme d'une manière ou d'une autre.

    Là-dessus, l'argument principal de Montesquieu est de faire valoir que son ouvrage n'est pas un traité de théologie, et, également, que dire qu'un état des choses est supérieur à un autre ne signifie pas pour autant que l'on approuve le premier. Car l'essentiel des quiproquos se font là. 

    Il semble que le crime suprême, à cette époque, c'est d'être "spinosiste". Spinoza est manifestement l'hérétique du coin, et plus que tout, les théologiens locaux craignent l'apologie de la "religion naturelle". 

    De fait, l'accusation de spinosisme est le premier souci de Montesquieu, puisque c'est ce qu'il cite en premier dans sa Défense, et à considérer son indignation anaphorique, il n'est pas du tout content de l'accusation :

    Jugez donc sur pièces, je cite le début :

     

    Cependant, dans deux feuilles périodiques qui ont paru coup sur coup  , on lui a fait les plus affreuses imputations. Il ne s'agit pas moins que de savoir s'il est spinosiste et déiste; et, quoique ces deux accusations soient par elles-mêmes contradictoires, on le mène sans cesse de l'une à l'autre. Toutes les deux étant incompatibles ne peuvent pas le rendre plus coupable qu'une seule; mais toutes les deux peuvent le rendre plus odieux.

    Il est donc spinosiste, lui qui, dès le premier article de son livre, a distingué le monde matériel d'avec les intelligences spirituelles.

    Il est donc spinosiste, lui qui, dans le second article, a attaqué l'athéisme: « Ceux qui ont dit qu'une fatalité aveugle a produit tous les effets que nous voyons dans le monde, ont dit une grande absurdité: car, quelle plus grande absurdité qu'une fatalité aveugle qui a produit des êtres intelligents ? »

    Il est donc spinosiste, lui qui a continué par ces paroles: « Dieu a du rapport à l'univers comme créateur et comme conservateur   ; les lois selon lesquelles il a créé, sont celles selon lesquelles il conserve; il agit selon ces règles, parce qu'il les connaît; il les connaît, parce qu'il les a faites; il les a faites, parce qu'elles ont du rapport avec sa sagesse et sa puissance. »

    Il est donc spinosiste, lui qui a ajouté: « Comme nous voyons que le monde formé par le mouvement de la matière et privé d'intelligence subsiste toujours, etc. »

    Il est donc spinosiste, lui qui a démontré contre Hobbes et Spinosa, « que les rapports de justice et d'équité étaient antérieurs à toutes les lois positives   ».

    Il est donc spinosiste, lui qui a dit au commencement du chapitre second: « Cette loi qui en imprimant dans nous-mêmes l'idée d'un créateur nous porte vers lui, est la première des lois naturelles par son importance. »

    Il est donc spinosiste, lui qui a combattu de toutes ses forces le paradoxe de Bayle, qu'il vaut mieux être athée qu'idolâtre? paradoxe dont les athées tireraient les plus dangereuses conséquences
    .

    Je ne sais pas encore ce qu'a bien pu faire et dire de mal Spinoza, mais j'escompte bien lire prochainement son Traité politique et dire ici à mes lecteurs ce que j'en pense. En fait, je l'ai même déjà commencé, et il faut reconnaître que c'est une philosophie bien plus pessimiste.

    Sa réponse à la neuvième objection est un morceau d'anthologie et illustre tout à fait mon propos : je la cite intégralement.

    Le critique a déjà reproché à l'auteur de n'avoir point parlé du péché originel; il le prend encore sur le fait: il n'a point parlé de la grâce. C'est une chose triste d'avoir affaire à un homme qui censure tous les articles d'un livre, et n'a qu'une idée dominante. C'est le conte de ce curé de village, à qui des astronomes montraient la lune dans un télescope, et qui n'y voyait que son clocher.

    L'auteur de l'Esprit des Lois a cru qu'il devait commencer par donner quelque idée des lois générales, et du droit de la nature et des gens. Ce sujet était immense, et il l'a traité dans deux chapitres; il a été obligé d'omettre quantité de choses qui appartenaient à son sujet: à plus forte raison a-t-il omis celles qui n'y avaient point de rapport.

    Enfin, j'ai adoré toutes les remarques suivantes, dont je fais une compilation qui pourraient valoir pour les critiques à l'esprit chagrin :

    Lorsqu’un auteur s’explique par ses paroles ou par ses écrits, qui en sont l’image, il est contre la raison de quitter les signes extérieurs de ses pensées, pour chercher ses pensées ; parce qu’il n’y a que lui qui sache ses pensées. C’est bien pis, lorsque ses pensées sont bonnes, et qu’on lui en attribue de mauvaises.

    [...] 

    Quand on écrit contre un auteur et qu’on s’irrite contre lui, il faut prouver les qualifications par les choses, et non pas les choses par les qualifications.

    [...] 

    Cet art de trouver dans une chose qui naturellement a un bon sens, tous les mauvais sens qu’un esprit qui ne raisonne pas juste peut lui donner, n’est point utile aux hommes : ceux qui le pratiquent ressemblent aux corbeaux, qui fuient les corps vivants et volent de tous côtés pour chercher des cadavres

    [...] 

    On peut avoir remarqué, dans les disputes et les conversations, ce qui arrive aux gens dont l’esprit est dur et difficile : comme ils ne combattent pas pour s’aider les uns les autres, mais pour se jeter à terre, ils s’éloignent de la vérité, non pas à proportion de la grandeur ou de la petitesse de leur esprit, mais de la bizarrerie ou de l’inflexibilité plus ou moins grande de leur caractère. Le contraire arrive à ceux à qui la nature ou l’éducation ont donné de la douceur : comme leurs disputes sont des secours mutuels, qu’ils concourent au même objet, qu’ils ne pensent différemment que pour parvenir à penser de même, ils trouvent la vérité à proportion de leurs lumières : c’est la récompense d’un bon naturel.

    J'aime chez Montesquieu, cette douceur, cette humanité, cette tempérance et cette modération, qui en font, à mon avis, l'un des philosophes humanistes les plus accomplis. J'ai commencé à m'intéresser à l'étude d'Althusser Montesquieu, politique et histoire, et j'en rendrai compte prochainement sur ce blog.

    Je n'en resterai sans doute pas là, à propos de l'Esprit des Lois, et commenterai au fil du temps les chapitres dont j'ai moins ou pas parlé jusqu'ici, mais qui ont leur intérêt, notamment l'histoire du commerce, ainsi que le sort des différents droits et coutumes à l'époque des Francs. 

    Je forme aussi le voeu, et j'essaierai d'en être parti prenante, que les écrits de Montesquieu soient fondateurs dans le corpus idéologique du MoDem, parce que, ce que j'ai aimé chez Montesquieu, c'est souvent ce que j'ai l'impression de trouver au sein du MoDem et parmi nombre de ses cadres, à commencer par François Bayrou lui-même. Bien sûr, Montesquieu n'appartient à personne, et s'il peut inspirer d'autres mouvements politiques, j'en serai le premier réjoui.