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Marx

  • Capitalisme, Socialisme et Démocratie (2) : Théorie de la Valeur

    Schumpeter aborde au chapitre III de la première partie de Capitalisme, Socialisme et démocratie, intitulé "Marx l'économiste" une question essentielle, car son retentissement se fait entendre à nos oreilles jusqu'à nos jours, non en raison de sa pertinence économique, mais bien d'attentes éthiques qui la jouxtent.

    Marx, comme Ricardo, a bâti une théorie de la Valeur basée sur le travail. L'un comme l'autre énoncent que la valeur de chaque marchandise (dans l'hypothèse de la concurrence parfaite et de l'équilibre parfait, chez Ricardo)  est proportionnelle à la quantité de travail incorporée dans cette marchandise, pourvu que ce travail ait été effectué conformément aux normes existantes de l'efficacité productive (en somme que nul n'ait sciemment feignassé, si je puis me permettre l'expression, ou encore qu'un incompétent fini n'ait dirigé la fabrication, accroissant ainsi le temps "socialement nécessaire".

     Or, Ricardo et Marx, en ramenant la valeur à la quantité d'heures de travail, négligent bien des aspects :

    - la situation de monopole, ou à défaut d'oligopole.

    - la question de savoir si le travail est une source ou la cause de la valeur économique

    Outre que cette théorie n'est utilisable qu'en cas de concurrence parfaite, elle nécessité aussi que le travail soit totalement homogène, faute de quoi, il devient nécessaire d'introduire des hypothèses supplémentaires.

    Il faut ajouter un autre élément qui est la nécessaire rentabilité du capital investi.

    Or, pour contourner cette difficulté (qui ne faisait pas sourciller Ricardo !) Marx a introduit entre le capital constant et le capital variable.

     Marx a raisonné sur ce point en pur économiste : il a considéré le travail comme une marchandise comme une autre, et non comme un phénomène distinct, et à ce titre, a estimé qu'on pouvait lui appliquer une théorie de la valeur. De là, il estime que le nombre d'heures ouvrées entrant dans la production du stock de travail emmagasiné sous forme du corps d'un travailleur correspond à la quantité d'heures ouvrées nécessaires pour le vêti, le loger, le nourrir et cetera... 

    Or, dit Mzrx, une fois que les Capitalistes ont acquis ce "stock" ils sont en mesure de le faire travailler davantage que ce qu'il a coûté en temps de "fabrication".

    En s'appropriant cette plus-value, les Capitalistes, selon Marx, "exploitent" le travailleur. Et voilà comment Marx applique sa théorie de la valeur au travail humain.

     Seulement, pour que cette théorie tienne ne serait-ce qu'un tout petit peu, il faudrait que

    1. La situation soit celle d'une concurrence pure et parfaite

    2. La situation économique soit complètement statique, ce qui est contradictoireavec l'essence même du capitalisme.

    La seule chose que l'on pourrait admettre , c'est que ces plus-values se recréent incessament parce que le système capitaliste peine à demeurer durablement en équilibre.

    Enfin, encore faut-il admettre que la marchandise-travail ait une valeur équvalente à la quantité d'heures ouvrées appliquées à sa production, or, une telle affirmation n'a évidemment rien d'une évidence, et ce n'est pas peu dire... 

    Enfin, dernier aspect, si la plus-value repose  uniquement sur la valeur de l'énergie laborieuse, cela revient aussi à dire que le capital constant (c'est à dire celui que l'on n'affecte pas aux salaires) ne produit aucune valeur.

    Donc, si l'on suit la logique marxiste, pour réaliser un maximum de profit, il faudrait que la composition organique des capitaux des entreprises soient dirigées vers le travail de l'ouvrier, ce qui est économiquement complètement idiot. 

    Marx ajoute que les Capitalistes convertissent en moyens de production les plus-values réalisées sur le dos des ouvriers ; on peut traduire cette affirmation par l'équation "épargne=investissement". Mais, en réalité, l'investissement est nécessaire non pour accumuler les moyens de production, mais surotut pour pouvoir se transformer , tant l'essence du Capitalisme est d'être une lutte incessante entre entrepreneurs. et le fléchissement des profits ne vient pas des contradictions du capitalisme, mais de ce que se prépare une nouvelle vague dans le processus capitaliste : l'économie capitaliste ne saurait être stationnaire, elle doit être révolutionnée de l'intérieur en permanence, par des initiatives nouvelles, des marchandises nouvelles, de nouvelles mthodes de production, ou de nouvelles possibilités commerciales.

    Les vagues de plus-value permettent de préparer cette évolution. Car toute entreprise est contrainte de procéder à des investissements pour survivre.La concentration des capitaux s'inscrit évidemment dans cette logique, et non dans celle d'accroître les profits sur le dos des travailleurs.

     

  • L'Esprit des Lois : la dialectique du principe et de la nature

    Comme je l'avais dit dans ma précédente note, les commentaires d'Althusser sur l'Esprit des Lois dans Montesquieu, la politique et l'histoire, sont intéressants dès lors que l'on ne dépasse pas les trois premiers chapitres. Hélas, après, chassez le naturel, et il revient au grand galop.

    Les choses étaient pourtant bien parties au chapitre "la dialectique de l'histoire" en dépit du titre fâcheux et d'une tonalité toute marxiste : Althusser fait notamment une réflexion très fine dans les premières pages en montrant comment la pierre angulaire de l'analyse politique de Montesquieu repose sur la distinction mais aussi la dialectique entre la nature et le principe d'un gouvernement. C'est à l'aune, d'ailleurs, de ce couple, que Montesquieu étudie dans la plupart de leurs déclinaisons au fil des âges et des régions les différents types de régime. 

    Le principe d'un gouvernement n'en est pas l'effet mais bien la condition sine qua non pour que le gouvernement fonctionne selon sa nature propre. Tous les dérèglements politiques proviennent de ce qu'il y a des distorsions entre le principe et la nature du gouvernement, et, que ces distorsions deviennent trop fortes, et c'est alors la crise sinon la chute et le changement de régime. 

    Mais voilà, sous prétexte que ce couple-là serait indissociable, Althusser décrète que l'ensemble forme une totalité. Quelle horreur ! Voilà notre marxiste qui revient à ses mauvais démons. En dialectique pure, c'est parce que ces deux aspects se répondent en permanence qu'ils ne forment pas une totalité, et c'est d'ailleurs bien ce qui permet toutes les déclinaisons des trois types de régime.

    Parce ce que s'il y avait totalité, évidemment, on pourrait décréter par exemple que notre régime n'est plus une démocratie sous prétexte que Nicolas Sarkozy montre des penchants clairement bonapartistes. Les Marxistes avec leurs logique outrancière et sans nuance habituelle n'hésitent pas à franchir ce pas de mauvais goût régulièrement : c'est d'ailleurs là l'un des traits marquant de la diabolisation à laquelle ils se livrent dès lors que quelque chose ou quel'uqun les dérangent. 

    Quand je dis marxistes, j'entends par là, troskos, crypto-marxistes, alter-mondialistes et autres gauchistes du même acabit, bien sûr... 

    Mais bon, justement là, en dépit de ce calamiteux écart terminologique, pas de divergences avec Althusser, c'est bien l'analyse qu'il donne de l'Esprit des Lois.

    Il observe avec justesse le pragmatisme de Montesquieu : ainsi Montesquieu en plusieurs endroits relève qu'il n'est pas suffisant de voter des lois conformes au principe d'un type de gouvernement, et qu'elles produisent même parfois un effet inverse au but recherché. 

    Il relève entre autres un point essentiel soulevé par Montesquieu. Montesquieu parlant des débuts de la République Romaine observe que ce sont les moeurs, simples et pures, qui ont d'abord tenu lieu de loi, ce qui revient à dire que les moeurs entrent en fait dans le principe pour le fortifier, voire le précèdent. C'est un concept, remarque Althusser, que Montesquieu peine à définir, et Althusser y voit là une contradiction car il y voit mal le passage.

    Si je devais donner un exemple bien plus moderne, je l'illustrerai avec le problème de l'établissement de la démocratie dans moult région du monde : cet établissement ne devient possible que si les moeurs le permettent, c'est à dire, finalement, l'esprit de la démocratie.

    C'est bien là où le bât blesse dans des pays où le droit de vote aboutit à la venue au pouvoir de forces réactionnaires et anti-démocratiques. Dèslors que l'on présuppose des essences, quelles que soient leur nature (elles peuvent aussi être religieuses, à la manière de la droite conservatrice et réactionnaire américaine !) on pèche, c'est le cas de le dire, par un grave travers : c'est que la démocratie n'est pas une essence, mais bien un aller-retour entre son essence propre et les moeurs d'une population donnée en un temps donnée. C'est bien pour cela , d'ailleurs, que Montesquieu étudie avant tout des formes imparfaites, c'est à dire historiques. C'est la différence fondementale qu'Althusser soulignait justement dans son premier chapitre avec les philosophes du contrat social, par exemple.

    Bien évidemment,  tel n'est pas l'avis d'Althusser, et c'est bien là où l'on voit ressortir les gros sabots marxistes : pour lui, Montesquieu étant un homme de son temps, il ne pouvait chercher une unité plus profonde qui supposerait l'économie politique. Et voilà...Althusser évidemment, ne peut s'empêcher de ramener aux thèses marxistes les conditions profondes de chaque régime, faisant de l'économie le prédicat de tout régime politique.

    Eh bien heureusement que Montesquieu n'a pas eu cette "prescience" !!!

    Et vient l'accusation du marxiste : Montesquieu avait besoin de "l'éminence des formes sur leur principe, pour y faire son choix".

    Fin de l'analyse, début de l'idéologie. Je montrerai cela dans un billet supplémentaire, et pour le fondement économique marxiste de la science politique, nous aurons l'occasion de l'écorner sérieusement avec Schumpeter quand nous traiterons ici de Marx l'économiste...

  • Capitalisme, Socialisme et Démocratie (1) : Marx et ses ouailles

    Depuis le temps que je me réclame de Joseph Aloïs Schumpeter, je me suis dit qu'il était grand temps que je rende compte ici de son ouvrage majeur. A vrai dire, je dois admettre honteusement que moi-même, je ne connaissais Schumpeter que de manière bien trop fragmentaire. Ce travers va donc être réparé, puisqu'en parallèle de mes lectures sur Montesquieu, j'ai ouvert les pages de Capitalisme, Socialisme et Démocratie.

    Et je dois dire que je n'ai pas été déçu : Schumpeter est doté d'un esprit acéré et corrosif et ses arguments sont toujours aussi pertinents que puissants. Pour ne rien gâcher, il écrit extrêmement bien et fait preuve d'un grand sens de l'humour. 

     J'ai notamment adoré le premier chapitre, Marx le Prophète. Tout en reconnaissant le génie du théoricien, Schumpeter n'est pas dupe du marxisme.

    Le champ lexical de la foi et de la religion occupe une large part de ce premier chapitre. On rit à gorge déployée dès la première page, avec des petites notes féroces de bas de page de ce genre :

    La qualité religieuse du marxisme explique également une attitude caractéristique da marxiste orthodoxe à l'égard de ses contradicteurs. A ses yeux, tout comme aux yeux de tout croyant en une foi, l'opposant ne commet pas seulement une erreur, mais aussi un péché. Toute dissidence est condamnée, non seulement du point de vue intellectuel, mais encore du point de vue moral. Aucune excuse ne saurait être invoquée en sa faveur à partir du moment où le Message a été révélé

    Et, plus avant, pour expliquer l'avènement du marxisme :

    Or, à des millions de cœurs humains le message marxiste du paradis terrestre du socialisme apportait un nouveau rayon de lumière en donnant un nouveau sens à la vie. L'on peut traiter, si l'on veut, la religion marxiste de contrefaçon ou de caricature de la foi - il y aurait beaucoup à dire en faveur de cette thèse -, mais l'on ne saurait contester la grandeur d'un tel achèvement, ni lui marchander son admiration. 

    Et ce premier chapitre regorge de moments savoureux de ce type : un authentique régal, à lire pour commencer la journée de bonne humeur. 

    Je ne résiste pas à la tentation, et j'en cite deux autres :

    le socialisme marxiste appartient au groupe des religions qui promettent le paradis sur la terre 

    Excellent, non ? Et dites-moi si vous ne reconnaissez pasle militant marxiste ou crypto-marxiste dans cette nouvelle saillie schumpeterienne :

    Certes, une partie, d'ailleurs très minime, du succès de Marx peut être attribuée au stock, qu'il met à la disposition de ses ouailles, de phrases incandescentes, d'accusa­tions passionnées et d'attitudes vengeresses, prêtes à être utilisées sur n'importe quelle tribune 

     Trop fort:-D

    Cela dit, Schumpeter annonce la couleur dès ce premier chapitre : s'il admire Marx pour la rigueur de ses constructions logiques, et pour une culture certaine du personnage, doublée au demeurant d'honnêteté, il escompte bien mettre à jour ses falsifications.

    Et la première est d'ordre psychologique, je fais la citation ad hoc :

    En procédant de la sorte et en attribuant - d'une manière tout à fait injustifiée - aux masses son propre mot d'ordre de la « conscience de classe », Marx a, sans aucun doute, falsifié la véritable psychologie de l'ouvrier (centrée sur le désir de devenir un petit bourgeois et d'être aidé par la puissance politique à accéder à cette position), mais, dans la mesure où son enseignement a été suivi d'effet, il a élargi et ennobli cette mentalité.

    J'ai tout de même le fort sentiment que Schumpeter tape juste : il n'y a qu'à voir comment se sont reconstitués les privilèges au sein de classe ouvrière jusque dans les ex-pays soviétiques. Attribuer une conscience morale a priori à un groupe d'individus est un mensonge : sur ce point, Spinoza, dans son Traité politique, cherche à démontrer comment  les valeurs morales découlent de l'association des humains en une entité politique. Je suis fort sceptique sur ce point. Spinoza reconnaît d'ailleurs que ce sont nos appétits qui nous guident avant tout, et cela, quand bien même nous sommes constitués en entité politique.

     La seconde, d'ordre sociologique est bien plus percutante encore : Marx a tenté de plaquer de force sa théorie des classes sociales à ce qui avait précédé le monde bougerois, c'est à dire la féodalité. Il y a donc pour lui une continuité dans la possession des moyens de prdocution et du capital. or, historiquement, rien n'est plus faux.

    Schumpeter écrit justement dans le second chapitre, Marx le Sociologue :

    Comme la plupart des méthodes d'accumulation initiale valent également pour l'accumulation ultérieure - l'accumulation primitive, en tant que telle, se poursuivant à travers toute l'ère capitaliste - il n'est pas possible de soutenir que la théorie marxiste des classes sociales soit satisfaisante, sinon pour expliquer les difficultés relatives aux processus d'un passé lointain. 

    [...] 

    la réussite dans les affaires ne constitue évidemment pas en tous lieux la seule voie d'accès à l'éminence sociale ; or, une telle condition serait nécessaire pour que la propriété des moyens de production détermine causalement la position d'un groupe dans la structure sociale. Cependant, même s'il en était ainsi, définir cette position par la propriété serait aussi peu rationnel que de définir un soldat comme un homme ayant, par chance, un fusil. La notion d'une cloison étanche entre les gens qui (avec leurs descendants) seraient une fois pour toutes des capitalistes et les autres qui (avec leurs descendants) seraient des prolétaires une fois pour toutes n'est pas seulement, comme on l'a souvent signalé, entièrement dépourvue de réalisme, mais encore elle ignore le phénomène le plus frappant relatif aux classes sociales - à savoir l'ascension et la décadence continues des familles individuelles, accédant aux couches supérieures ou en étant exclues. Les faits auxquels je fais allusion sont tous évidents et incontestables. La raison pour laquelle ils n'apparaissent pas dans la fresque marxiste ne peut tenir qu'à leurs implications non-marxistes. 

    Ce qui est frappant, c'est de voir comme nos alter-mondialistes et autres avatars crypto-marxistes modernes répliquent exactement les mêmes divagations. A certains égards, dans le domaine scolaire, le bourdieusisme avec les fameux "héritiers" poursuit la même logique.

    En plein système capitaliste, la transformation sociale a bien existé, et le cas le plus probant en est la terre-mère du capitalisme, l'Amérique : jusqu'au début des années 70, les plus gros patrons d'entreprise viennent à plus de 90%  de classes sociales très modestes.

    Plus récemment, Bill Gates vient de la classe moyenne. Et l'une des milliardaires les plus fameuses, J.K Rowling,  a vécu dans la misère, à moins de 400 euros par mois.

    Alors, messieurs les gauchistes, cessez, s'il vous plaît avec vos falsifications mahonnêtes. Est-ce à dire que les privilèges n'existent pas ? Gare au discours inversement réducteur, bien évidemment, mais privilèges est-il le mot adapté, et à supposer qu'ils existent, ces privilèges sont-ils nécessairement indus ? et quand bien même sembleraient-ils héréditaires, cela signifie-t-il que cet état de fait est une fatalité ?

    La réforme, d'essence démocratique, est nécessaire quand une catégorie d'individus verrouille les leviers du pouvoir, mais cela n'a pas forcément de rapport direct avec une lutte des classes, et, en tout les cas, s'il s'agit de castes, leur catégories logiques ne traversent nullement l'histoire, et l'expliquent encore moins.