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  • Les vacances de Nicolas Sarkozy

    Oui, il n'a pas grand chose à craindre, Nicolas Sarkozy, si les critiques qu'on lui adresse continuent à ce point à toucher le ras du sol. Franchement, qu'il passe ses vacances ici ou là, est-ce que cela importe beaucoup ? Et si Rachida Dati les passe avec sa famille, quelle importance ? Une ministre de la justice n'a-t-elle pas le droit d'être l'amie d'un président ou de l'épouse d'un président ?

    Bref, je trouve vraiment que cela ne vole pas haut, ces derniers temps. L'opposition socialiste ferait mieux de songer à se rénover. Et pour nous au MoDem et à l'UDF, nous avons plutôt intérêt à demeurer vigilants, appuyer ce que nous jugeons positif et contrer ce que nous estimons négatif. En tout cas, surtout pas mêler nos voix à celles des Socialistes, car ils n'ont vraiment rien à dire.

    Parce que décortiquer la facture des vacances de Sarko, je trouve que c'est toucher le comble de la mesquinerie. Bref, ridicule. 

  • Récidive, l'analyse d'Yves Detraigne

    Puisque je lis actuellement l'Esprit des Lois, et que nous avons eu l'occasion, sur ce blog, de débattre de la justice et de la récidive, c'est avec intérêt que j'ai trouvé l'intervention du sénateur UDF Yves Detraigne, au sénat, le 05 juillet dernier, à propos de la récidive. J'y retrouve un certain nombre de principes auxquels j'adhère et qu'il m'a bien semblé lire dans l'Esprit des Lois.

    Voici un extrait tout à fait significatif de son intervention (disponible en version intégrale sur le site de l'UDF) : 

     

    En effet, si la fonction de la peine est notamment d'être efficace et dissuasive, je ne suis pas certain que l'aggravation et la systématisation des peines d'emprisonnement soient la meilleure manière de lutter efficacement contre la récidive.
    À en croire les articles et les études qui fleurissent dans la presse ces derniers jours, il n'est pas démontré que la menace d'une sanction plus lourde soit un frein à la récidive : aucune corrélation n'a jamais pu être établie de manière certaine en ce sens.
    Ce en quoi les membres de l'Union centriste croient plus volontiers, c'est en un mécanisme qui fonctionnerait à différents niveaux, notamment plus en amont. En effet, pour être efficace et éviter les récidives, notre système judiciaire dans sa globalité doit être plus volontaire quand il a affaire à un primo-délinquant, que ce soit pour la condamnation, pour l'application de la peine, pour le suivi en prison ou pour la sortie.
    La trop grande bienveillance - je n'ose dire le laxisme - dont il est parfois fait preuve à l'égard des primo-délinquants mineurs ou jeunes majeurs peut donner le sentiment aux auteurs d'infractions qu'ils ne risquent pas grand-chose et, finalement, pour certains d'entre eux, être vécu comme un facteur d'encouragement à poursuivre dans la voie de la délinquance.
    Il ne faut pas être naïf : le mineur ou le jeune majeur qui comparaît pour la première fois devant une formation de jugement n'en est pas à sa première infraction, mais à sa quatrième, cinquième, voire sixième. Et s'il avait senti, dès la première fois, passer le vent du boulet, on aurait sans doute dans bien des cas évité cette dérive vers une délinquance plus grave.
    Malheureusement, la réalité est telle que, lorsqu'il reçoit sa première sanction pénale, l'auteur de l'infraction est souvent d'ores et déjà entré dans la spirale de la délinquance et aura donc d'autant plus de mal à en sortir.
    Il faut donc offrir une meilleure réponse à ces mineurs afin que la sanction n'arrive pas trop tardivement et qu'elle ait encore un sens. Je m'interroge sur l'exclusion systématique de l'excuse de minorité dans certains cas : pourquoi pas, mais n'est-ce pas déjà trop tard ?
    Ne faudrait-il pas améliorer en amont notre système préventif, en recentrant par exemple les missions de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, sur les auteurs d'infractions pénales et en laissant les services sociaux des collectivités territoriales - je pense évidemment aux conseils généraux - s'occuper des jeunes qui connaissent des problèmes sociaux ? Il faut que nous nous donnions les moyens de nous concentrer sur les auteurs d'infractions pénales dès leur première infraction.
    À ce stade, on peut légitimement se poser la question du rôle de cette sanction qui intervient tardivement et de l'efficacité du parcours judiciaire du délinquant.
    C'est pourquoi, s'il peut être intéressant de fixer des peines minimales, encore faut-il laisser la justice adapter la peine à l'importance des faits et à la personnalité de l'auteur qui les a commis, comme l'exige, d'ailleurs, le principe constitutionnel.
    Certes, le projet de loi garantit que l'individualisation de la peine n'est pas remise cause, mais à partir du moment où l'individualisation devient, en quelque sorte, l'exception, il est légitime de s'interroger. En effet, comme je l'ai indiqué précédemment, la certitude de la peine ne garantit pas que l'infraction ne sera pas commise. Derrière un même fait se trouvent des hommes et des femmes différents, avec un passé propre, une histoire personnelle, un profil psychologique différent.
    Force est donc de constater que l'individualisation de la peine est essentielle pour tenter de sortir la personne condamnée de la spirale de la délinquance. On ne peut pas adhérer au principe de systématisation de la sanction.
    La peine doit servir à quelque chose. La volonté de la société est non seulement que le délinquant paie les conséquences de son acte, mais aussi qu'il ne recommence pas.
    J'aborde donc maintenant la question de l'effectivité de la peine et de son caractère dissuasif. Ne serait-il pas plus utile d'appliquer réellement les sanctions dès la première infraction, d'avoir une politique de l'application des peines plus sévère, mieux adaptée, disposant de plus de moyens, et d'assurer, en tant que de besoin, un véritable suivi socio-judiciaire à la sortie de prison, alors qu'actuellement la personne qui sort d'un établissement pénitentiaire n'est bien souvent pas mieux préparée, voire encore moins bien, à affronter la réalité du monde ?
    Il est aujourd'hui indispensable d'améliorer les conditions d'exécution de la peine, qui sont aussi importantes - voire plus - que le niveau de la peine lui-même.

     Je crois que cette dernière remarque de l'extrait résume bien à elle seule le véritable fond du problème. C'est la certitude de la sanction qui compte, non son niveau, et Montesquieu ne dit pas autre chose. Je reprends le début du chapitre XII du Livre VI sur la puissance des peines, que j'avais déjà commenté sur ce blog  :

    « Il ne faut point mener les hommes par les voies extrêmes; on doit être ménager des moyens que la nature nous donne pour les conduire. Qu'on examine la cause de tous les relâchements, on verra qu'elle vient de l'impunité des crimes, et non pas de la modération des peines.

    Suivons la nature, qui a donné aux hommes la honte comme leur fléau; et que la plus grande partie de la peine soit l'infamie de la souffrir. »

    Voilà : simple, et pourtant, c'est le problème n°1 de la justice en France... Alors les roulements de tambours et les déclarations sur la récidive, c'est assez pathétique au final, tant cela ne touche pas le coeur du problème, qui n'est pas d'être condamné, mais bien d'être condamné en temps et d'exécuter sa peine...

     

  • Christian Gaudin : le financement des PME sans manichéisme

    Christian Gaudin, sénateur UDF, fait un certain nombre d'observations intéressantes sur le nécessaire financement des PME en France, et notamment les prises majoritaires dans leur capital par des fonds privés. Il relève, à cet égard, que le fond d'investissement peut être animé de bien meilleures intentions que le repreneur industriel. A méditer...

    À l'issue de près d'un an de travaux, je viens de remettre, au nom de la mission commune d'information sénatoriale présidée par Philippe Marini, un rapport sur le développement des centres de décision économique. Il en ressort que la course à laquelle se livrent les grandes métropoles pour attirer sur leurs sols les quartiers généraux des multinationales ne saurait résumer à elle seule le débat sur le développement pérenne des centres de décision économique et de l'attractivité des territoires. Il est tout aussi essentiel de s'intéresser au développement des centres de décision économique à taille humaine que constituent nos petites et moyennes entreprises.

    Celles-ci entretiennent généralement un lien fort avec leur environnement économique immédiat, cet ancrage étant renforcé dans le cas d'entreprises dites " familiales " pour lesquelles l'impératif de rentabilité coexiste avec le souci d'assurer une continuité de l'entreprise au profit des générations suivantes. En revanche, si elles demeurent trop locales ou si elles n'atteignent pas la "taille critique", les PME risquent de ne pas être suffisamment performantes et de disparaître. Le maintien des centres de décision économique en France constitue donc, s'il en était besoin, une raison supplémentaire de favoriser la croissance de nos PME.

    Sur ce point, la mission d'information formule des propositions en faveur du développement de l'épargne longue. Il ne faut pas non plus exclure que nos PME doivent se développer au moyen de prises de participation majoritaire dans leur capital. Nos travaux démontrent qu'il est dangereux de considérer de façon manichéenne comme de " bons rachats " de nos PME ceux qui émaneraient de groupes industriels et comme de " mauvais rachats " ceux émanant de fonds d'investissement, a fortiori étrangers.

    Chacun connaît les risques représentés par certaines catégories de fonds dont l'horizon d'investissement conduit à une recherche de rentabilité à court terme. Ces pressions ne sont d'ailleurs pas le seul fait des fonds de court terme, ils peuvent aussi résulter de la succession dans le temps de plusieurs opérations " longues " de type LBO (leverage buy-out) puisque les troisième ou quatrième repreneurs de l'entreprise doivent rechercher des gains de rentabilité supplémentaires par rapport aux mesures d'amélioration des performances déjà engagées par leurs prédécesseurs.

    Si aucun de ces risques ne doit être oublié, il convient de rappeler que le parti pris anti-fonds d'investissement, animé par la volonté de maintien en France de capacités de décision et de production, aboutit à l'inverse du résultat recherché. En cette matière, le mieux est l'ennemi du bien. Par exemple, si les fonds Carlyle et Eurazeo n'avaient pas investi dans Terreal, une entreprise de tuiles sortie du giron de Saint-Gobain, cette société aurait été reprise par Wienerburger, un groupe autrichien. À moyen terme, le centre de décisions de Terreal aurait disparu, et les savoir-faire de cette entreprise auraient été transférés vers l'Autriche.

    Cet exemple n'a rien d'étonnant dès lors qu'un fonds, tel qu'un fonds de capital-investissement ayant des objectifs sur trois à cinq ans, vise à développer et à améliorer les performances de l'entreprise, ce qui passe souvent par son développement. En revanche, un repreneur industriel - surtout si c'est un concurrent - peut avoir pour intérêt principal la rationalisation de l'outil de production, voire l'utilisation de l'entreprise rachetée au profit de son propre groupe. Or nous sommes aujourd'hui confrontés à un moment historique où se conjuguent deux phénomènes. D'une part, certaines entreprises familiales qui n'ont pas une dimension européenne ont besoin de relais capitalistiques pour se maintenir sur les marchés français et européen. D'autre part, des grands groupes qui étaient à l'origine des conglomérats français sont amenés, dans le cadre de leur développement international, à céder des entreprises petites ou moyennes qui ne font pas partie de leur coeur de métier. Il faudra donc trouver des moyens de financement pour ces deux catégories d'entreprises. Il est essentiel, dans cette perspective, de sortir du manichéisme tant l'enjeu du développement de nos PME participe de l'objectif de souveraineté économique qui a animé les travaux de la mission d'information du Sénat.

  • Vaincre la peur de la mort

    Presque mourant, il écrit cette lettre à Idoménée : "Alors que nous passons et terminons le jour heureux de notre vie , nous vous écrivons ceci : des souffrances stranguriennes et de la dysenterie se sont succédées sans rien perdre de leur intensité extrême ; la joie dans mon âme au souvenir de nos entretiens passés repousse toutes ces douleurs. "Quant à toi, conformément à une disposition d'esprit depuis ta jeunesse à mon sujet, et à la philosophie*, prends soin des enfants de Métrodore." Et il en fut ainsi.

    ἢδη δὲ τελευτῶν γράφει πρός Ἰδομενέα τήνδε ἐπιστολήν· τὴν μακαρίαν ἄγοντες καὶ ἅμα τελευτῶντες ἡμέραν τοῦ βίου ἐγράφομεν ὑμῖν ταυτί· στραγγουρικά τε παρηκολουθήκει καὶ δυσεντερικὰ πάθη ὑπερβολὴν οὐκ ἀπολείποντα τοῦ ἐν ἑαυτοῖς μεγέθους· ἀντιπαρετάττετο δὲ πᾶσι τούτοις τὸ κατὰ ψυχὴν χαῖρον ἐπὶ τῇ τῶν γεγονότων ἡμῖν διαλογισμῶν μνήμῃ· σύ δὲ ἀξίως τῆς ἐκ μειρακίου παραστάσεως πρὸς ἐμὲ καὶ φιλοσοφίας ἐπιμελοῦ τῶν παίδων Μητροδώρου. καὶ ἔθετο μὲν ὧδε.

    « la joie dans mon âme au souvenir de nos entretiens passés repousse toutes ces douleurs » c'est cette phrase en grec  : ἀντιπαρετάττετο δὲ πᾶσι τούτοις τὸ κατὰ ψυχὴν χαῖρον ἐπὶ τῇ τῶν γεγονότων ἡμῖν διαλογισμῶν μνήμῃ . Quand j'ai traduit ce texte, ce passage m'a beaucoup marqué.

    On peut comparer avec la version que donne Cicéron (qui l'adresse à Hermarque) en latin dans De finibus, II, 30, 96.

    Audi, ne longe abeam, moriens quid dicat Epicurus, ut intellegas facta eius cum dictis discrepare: 'Epicurus Hermarcho salutem. Cum ageremus', inquit, 'vitae beatum et eundem supremum diem, scribebamus haec. tanti autem aderant vesicae et torminum morbi, ut nihil ad eorum magnitudinem posset accedere.' Miserum hominem! Si dolor summum malum est, dici aliter non potest. sed audiamus ipsum: Compensabatur', inquit, 'tamen cum his omnibus animi laetitia, quam capiebam memoria rationum inventorumque nostrorum. sed tu, ut dignum est tua erga me et philosophiam voluntate ab adolescentulo suscepta, fac ut Metrodori tueare liberos.'

    Ecoute, sans que je m'éloigne de mon sujet, ce que dit Epicure en mourant, afin de comprendre que ses actes différaient de ses paroles : "Epicure te salue, Hermaque. Alors que nous vivons ce jour heureux, le dernier, de notre existence, nous t'écrivons ceci : Les malaises occasionnés par la vessie et les coliques sont telles que rien ne pourrait s'ajouter à leur ampleur." Malheureux homme. Si la douleur est un le plus grand grand mal, on ne peut rien dire d'autre. Mais écoutons-le :«ces maux étaient compensés par la joie prise à me remémorer nos raisonnements et découvertes. Mais toi, comme il est digne de ton attitude depuis ta jeunesse envers moi et la philosophie, fais en sorte de protéger les enfants de Métrodore».

    Le texte ci-dessus serait la dernière lettre qu'Epicure aurait écrit sur son lit de mort, alors qu'il s'apprête à rendre son dernier soupir. Je méditais à ce sujet, songeant à la mort et à l'angoisse de la mort et j'appliquais à mon propre cas : il m'est toujours resté dans l'esprit la naissance de mon fils aîné comme un merveilleux moment de bonheur, et je me disais que si au moment de mourir, quand l'heure sera venue, il me fallait trouver une image apaisante pour adoucir l'angoisse du dernier moment, ce serait certainement celle-là, et le souvenir de ses premières années.

    On va me trouver bien mortifère en ce mois d'août, d'autant que je viens de fêter son 7ème anniversaire, mais bon, on ne choisit pas toujours les pensées qui traversent l'esprit, et après tout, la mort et la peur de la mort sont des sujets très sérieux.  

    J'imagine que l'engagement politique est aussi, d'une certaine manière, une volonté plus ou moins consciente de la transcender en laissant derrière soi quelque chose qui touche le genre humain, et pas seulement quelques individus.

    C'est sans doute le souvenir des moments forts et heureux qui permet de résister à l'angoisse en général. Dans cet ordre d'idée, et pour déborder le sujet, des études ont montré que des enfants qui avaient connu un début d'existence heureux résistaient mieux aux malheurs de la vie s'ils devaient en subir, que ceux qui au contraire avaient été malheureux dès le début. Les psychologues appellent cela la résilience, je crois. C'est peut-être une forme de résilience, finalement, ce qu'évoque Epicure.

     

  • L'Esprit des Lois (5) : la république fédérative, un modèle pour l'Europe

    Décidément, l'Esprit des Lois est un trésor inépuisable. Comme j'ai retrouvé le Tome 1, j'en poursuis la lecture en parallèle du Tome 2. Or, au chapitre I du livre IX, Montesquieu s'intéresse à la survie des républiques en raison de leur petite taille. Je ne résiste bien sûr pas au plaisir de citer le texte :

     

    « Si une république est petite, elle est détruite par une force étrangère; si elle est gran­de, elle se détruit par un vice intérieur.

    Ce double inconvénient infecte également les démocraties et les aristocraties, soit qu'elles soient bonnes, soit qu'elles soient mauvaises. Le mal est dans la chose même; il n'y a aucune forme qui puisse y remédier.

    Ainsi il y a grande apparence que les hommes auraient été à la fin obligés de vivre toujours sous le gouvernement d'un seul, s'ils n'avaient imaginé une manière de cons­ti­tution qui a tous les avantages intérieurs du gouvernement républicain, et la force extérieure du monarchique. Je parle de la république fédérative.

    Cette forme de gouvernement est une convention par laquelle plusieurs corps poli­tiques consentent à devenir citoyens d'un État plus grand qu'ils veulent former. C'est une société de sociétés, qui en font une nouvelle, qui peut s'agrandir par de nouveaux associes qui se sont unis.»

     

     C'est clair, il y a là le modèle et la fondement de notre actuelle communauté européenne : nous n'avons pas raisonné autrement pour la constituer. Plus loin, il ajoute ces arguments fort pertinents :

     

    « Celui qui voudrait usurper ne pourrait guère être également accrédité dans tous les États confédérés. S'il se rendait trop puissant dans l'un, il alarmerait tous les autres; s'il subjuguait une partie, celle qui serait libre encore pourrait lui résister avec des forces indépendantes de celles qu'il aurait usurpées, et l'accabler avant qu'il eût achevé de s'établir.

    S'il arrive quelque sédition chez un des membres confédérés, les autres peuvent l'apaiser. Si quelques abus s'introduisent quelque part, ils sont corrigés par les parties saines. Cet État peut périr d'un côté sans périr de l'autre; la confédération peut être dissoute, et les confédérés rester souverains.»

     

     Voilà : je trouve qu'il résume là exactement tout ce qui fait la force de l'Europe. Voyez comme Haider a été contenu en Autriche, et comment les jumeaux polonais doivent finalement se résoudre à plier devant la force de la démocratie. Voyez, et cela, je ne sais encore si Montesquieu l'a dit, le puissant pouvoir d'attraction démocratique que l'Europe impose à ceux qui veulent adhérer : Hongrie et Roumanie contraintes de s'entendre sur la Transylvanie autrefois, Turquie réformant son droit tout azimut aujourd'hui.

    L'Europe, c'est magnifique, 50 ans de paix, le plus grand système redistributif du monde, une garantie pour tous les citoyens européens en cas de dérapage dans un état. Quelle magie ! Et tout cela, Montesquieu l'a parfaitement senti avec sa république fédérative qui est clairement l'ancêtre de notre actuelle Europe. A noter que dans ce même livre, il cite la Hollande comme exemple de république fédérative, et fait remarquer que la Grèce est tombée le jour où les cités grecques ont cessé de s'unir.

    Il relève aussi qu'une fédération de principautés et de monarchies est moins efficace. On comprend pourquoi, par exemple, la Ligue Arabe, qui est une fédération de régime despotiques, ne tient pas la route. J'avais (mea culpa) une lecture de bas étage, récemment, et feuilletait le dernier Paris-Match. Or, dans ce dernier numéro, le médecin palestinien témoignait des souffrances endurées et des tortures subies.  Il concluait en disant que pas un pays arabe n'avait bougé en sa faveur, mais que son salut était venu de l'Europe car la Bulgarie lui avait accordé la nationalité bulgare. C'est ce qui l'avait sauvé. Il finissait en précisant que son pays, désormais, c'était la Bulgarie.

    Sans renier le travail de Cécilia Sarkozy, qu'il ne faut pas dénigrer, car il a été efficace, il faut dire en revanche dire que Nicolas, son mari, a beaucoup tiré la couverture à lui : la conclusion ce ces interminables et terribles années, pour les infirmières bulgares, c'est l'Europe qui en est comptable. J'ajoute pour ces malheureuses qu'il est dommage que la Bulgarie n'ait pu adhérer qu'en janvier 2007.

    Vous voyez : dès lors qu'elle intègre la république fédérative, la Bulgarie bénéficie de sa protection. Non vraiment, je ne conçois pas aujourd'hui que l'on puisse  être anti-européen, et continuerai longtemps à déplorer le vote référendaire négatif contre le TCE en 2005.

    L'Europe est vraiment une belle chose qu'on se le dise, et sa force, c'est celle de la république fédérative telle que l'a sentie Montesquieu. 

  • L'Esprit des Lois (4) : les dettes...

     A méditer , le chapitre XVIII du livre XXII... les conseils de Montesquieu à Nicolas Sarkozy... C'est cela que j'ai découvert avec l'Esprit des Lois, et que beaucoup ignorent : Montesquieu est non seulement un philosophe, mais aussi un économiste fort avisé et pragmatique, avec des idées souvent en avance sur l'esprit de son temps. La preuve, ses préconisations et observations demeurent très actuelles... 

     

    Du payement des dettes publiques

    Il faut qu'il y ait une proportion entre l'État créancier et l'État débiteur. L'État peut être créancier à l'infini; mais il ne peut être débiteur qu'à un certain degré; et quand on est parvenu à passer ce degré, le titre de créancier s'évanouit.

    Si cet État a encore un crédit qui n'ait point reçu d'atteinte, il pourra faire ce qu'on a pratiqué si heureusement dans un État d'Europe [1] : c'est de se procurer une grande quantité d'espèces, et d'offrir à tous les particuliers leur remboursement, à moins qu'ils ne veuillent réduire l'intérêt. En effet, comme, lorsque l'État emprunte, ce sont les particuliers qui fixent le taux de l'intérêt; lorsque l'État veut payer, c'est à lui à le fixer.

    Il ne suffit pas de réduire l'intérêt: il faut que le bénéfice de la réduction forme un fonds d'amortissement pour payer chaque année une partie des capitaux; opération d'autant plus heureuse que le succès en augmente tous les jours.

    Lorsque le crédit de l'État n'est pas entier, c'est une nouvelle raison pour chercher à former un fonds d'amortissement; parce que ce fonds une fois établi rend bientôt la confiance.



    [1]      L'Angleterre.

    Et dans ce même chapitre :

     

    ° Il y a quatre classes de gens qui paient les dettes de l'État: les propriétaires des fonds de terre, ceux qui exercent leur industrie par le négoce, les laboureurs et arti­sans, enfin les rentiers de l'État ou des particuliers. De ces quatre classes, la dernière, dans un cas de nécessité, semblerait devoir être la moins ménagée, parce que c'est une classe entièrement passive dans l'État, tandis que ce même État est soutenu par la force active des trois autres. Mais, comme on ne peut la charger plus sans détruire la confiance publique, dont l'État en général, et ces trois classes en par­ticulier, ont un souverain besoin; comme la foi publique ne peut manquer à un certain nombre de citoyens, sans paraître manquer à tous; comme la classe des créanciers est toujours la plus exposée aux projets des ministres, et qu'elle est toujours sous les yeux et sous la main, il faut que l'État lui accorde une singulière protection, et que la partie débitrice n'ait jamais le moindre avantage sur celle qui est créancière.

    Je suis stupéfait, à chaque fois en lisant les observations de Montesquieu, et en considérant ce qu'était le programme de Bayrou et de l'UDF pendant la campagne présidentielle. Décidément, que de points commun. Nous avons notre programme dans l'Esprit des Lois...

     

  • L'Esprit des Lois (3) : le commerce...

    Ouf : je viens de récupérer une connexion après près de 15 jours de coupure !

    Et entre temps, comme j'avais égaré le tome I de l'Esprit, des Lois, j'ai du coup commencé le Tome 2.

    Livre XX sur le commerce, chapitre I, de toute beauté...

     

    Les matières qui suivent demanderaient d'être traitées avec plus d'étendue; mais la nature de cet ouvrage ne le permet pas. Je voudrais couler sur une rivière tranquille; je suis entraîné par un torrent.

     Le commerce guérit des préjugés destructeurs et c'est presque une règle générale que, partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce; et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces.

     Qu'on ne s'étonne donc point si nos mœurs sont moins féroces qu'elles ne l'étaient autrefois. Le commerce a fait que la connaissance des mœurs de toutes les nations a pénétré par-tout: on les a comparées entre elles, et il en a résulté de grands biens.

     On peut dire que les lois du commerce perfectionnent les mœurs, par la même raison que ces mêmes lois perdent les mœurs. Le commerce corrompt les mœurs pures [1] : c'était le sujet des plaintes de Platon; il polit et adoucit les mœurs barbares, comme nous le voyons tous les jours.



    [1]      César dit des Gaulois que le voisinage et le commerce de Marseille les avaient gâtés de façon qu'eux, qui autrefois avaient toujours vaincu les Germains, leur étaient devenus inférieurs. Guerre des Gaules, liv. VI [chap. XXIII].

    N'est-ce pas magnifiquement analysé ? On a là toute l'ambiguïté des échanges commerciaux et du négoce en général. Un bon sujet de réflexion pour les adhérents de l'UDF et du MoDem, mais pour les autres aussi. Je trouve pour ma part, qu'il y a une grande parenté entre les réflexions de Montesquieu et celle de Bayrou, sur l'économie. En fait, j'ai lu l'ouvrage plus en avant, mais je ferai une note à ce sujet un peu plus tard dans la semaine.