Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Turquie - Page 2

  • La Turquie m'impressionne

    Je fais partie de ces Français, pour l'instant encore minoritaires en France, qui ne considèrent pas d'un mauvais oeil une éventuelle entrée de la Turquie dans l'Union Européenne. Et à vrai dire, les dernières nouvelles qui en proviennent me paraissent de très bon augure. Il y a quelques temps de cela, une Française s'est retrouvée emprisonnée en Turquie. Je ne me rappelle plus exactement de la cause de son emprisonnement, ni même de son nom, mais en revanche, j'ai encore son témoignage en tête. Elle avait précisé que ses conditions d'incarcérations, au milieu de femmes turques, n'étaient pas plus mauvaises qu'en France. Évidemment, on pourra se dire que la France est très loin d'être un modèle en la matière, et, à raison, que les Français ne s'imaginent pas à quel point nos prisons se sont dégradées dans notre pays. Mais, cela signifie aussi que les prisons turques, elles, ont fait de très gros progrès...

    L'autre élément, nettement plus récent, c'est la décision d'intellectuels Turcs de mettre en ligne une pétition destinée aux Arméniens afin de s'excuser du génocide de 1915. Évidemment, plusieurs politiques ont réagi, à commencer par les anciens ambassadeurs qui sont furieux. Mais la pétition a déjà reçu 27500 signatures à l'heure où j'écris ce billet, et s'adresse lisiblement au monde entier puisqu'elle est rédigée en plusieurs langues. De plus, le Président de la République turque, Abdullah Gül, a déclaré que ces intellectuels étaient tout à fait libres d'exprimer leur opinion. Il s'était d'ailleurs rendu en Arménie au mois de septembre.

    Il reste évidemment d'autres points de contentieux entre l'UE et la Turquie, notamment, dans le domaine géostratégique, son inféodation à l'Amérique, mais ce sont tout de même des nouvelles très encourageantes.

    Mon intuition personnelle est que la Turquie va d'ici relativement peu de temps rejoindre nos standards démocratiques. La dernière marche, ce sont les Kurdes. Sur le respect des minorités, l'Europe est intraitable, et elle a bien raison.

  • Oui à la Turquie

    Attention, je n'ai pas exprimé là un avis personnel (bien que mes lecteurs connaissent mes préjugés plutôt favorables à ce pays en vue d'une adhésion  à l'Europe) : Oui à la Turquie est en réalité du blog de Michel Rocard, Ariane Bonzon et Joël Roman. Je viens d'y faire un tour. Première remarque : au niveau de la validation des messages, ils n'ont pas l'air d'être des rapides. S'ils veulent que le blog s'anime, il y a un effort à faire : rien de plus agaçant que d'attendre 3 à 4 jours la validation de son commentaire.

    J'ai lu tout dernier article de Michel Rocard , Quelle Europe : je partage certaines de ses observations. Michel Rocard fait partie de la petite minorité en France qui défend une intégration européenne à plusieurs niveaux, par groupes restreints si c'est nécessaire. En somme, une Europe évoluant par cercles concentriques.

    Je suis d'accord avec cette manière de voir, parce que c'est la seule viable à terme. Nous risquons autrement une paralysie des institutions, et, in fine, de devenir une simple zone de libre-échange. J'ajouterai toutefois une remarque à la position de Michel Rocard : il faut, si l'Europe avance par cercles concentriques, que l'Allemagne et la France fassent toujours partie du 1er cercle. Rocard n'est pas très optimiste sur une telle évolution. En fait, elle pose un problème : peut-elle être défendue par un parti pro-européen. Je pense qu'il ne faut pas mettre en avant le caractère restreint du groupe de pays, mais plutôt les points de convergence et ce sur quoi on peut organiser un pool. Le rejoint ensuite qui veut.

    J'en viens maintenant à la Turquie : dès lors que l'Europe se décline en cercles, il devient moins problématique d'intégrer la Turquie. En fait, tout dépend de ce que l'on inscrit dans chaque cercle. Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec Michel Rocard pour exactement les mêmes raisons que lui, et, très certainement, j'ai sans doute plus d'arrière-pensées que ce dernier. Si le premier cercle de l'Europe est juste une zone de libre-échange des marchandises, alors oui, on peut intégrer la Turquie.

    Mais moi, j'aimerais poser quelques questions qui fâchent : dans quels cercles plaçons-nous, par exemple, la libre-circulation des personnes ou encore la redistribution des fonds structurels européens ?

    L'Union européenne représente 495 millions d'individu. La Turquie en compte 70 millions. Intégrer la Turquie, ce serait accroître d'un coup de plus de 10% la population de l'UE.

    Rocard a mis en avant l'atout géo-stratégique que la Turquie représente pour l'Europe, en raison de sa proximité immédiate avec de nombreux pays, souvent instables et/ou despotiques, disposant de très grosses réserves de pétrole et de gaz. C'est un raisonnement à court-terme : primo, parce que je ne considère pas le gaz ni le pétrole comme des énergies d'avenir, et que l'on peut espérer que d'ici moins de 50 ans, l'Europe saura se passer de ces énergies. Secondo, la Turquie actuelle (du moins le pouvoir) me paraît surtout inféodé à l'Amérique, qui pousse de toutes ses forces (de longue date d'ailleurs) pour l'intégration de ce pays. Ensuite, il faudrait savoir ce qu'en pense la population turque, toute la population turque, et pas seulement les élites urbanisées. Se sentent-ils européens ? L'Europe ne peut être le fait de quelques décisions technocratiques entre gouvernements.

    Enfin, il est hors de question d'accepter une démocratie au rabais. François Bayrou, sur ce point, avait eu tout à fait raison de souligner le risque de dissolution du projet européen si l'on acceptait la Turquie en l'état.

    Pour ma part, je ne suis pas fermé à l'intégration de la Turquie, et je pense qu'invoquer les causes géographiques est un mauvais procès.

    Les relations avec l'Islam doivent par ailleurs être clarifiées. Rappelons que les autorités de la Mecque estiment qu'un musulman qui change de religion doit être puni de mort. La liberté religieuse, y compris de changer de religion, doit être très clairement établi dans la constitution turque, et dans les faits, en vue d'une adhésion. Les autorités islamiques en Turquie doivent aussi mettre au clair cet aspect par des fatwas appropriées.

    En dehors de cela, le fait est que la Turquie, comme le souligne Rocard, a fait, il est vrai, énormément de progrès, et que la plupart des réformes récentes vont toutes dans le bon sens. J'espère, que ce sur ce sujet, le MoDem saura aplanir les angles en adoptant une position modérée.

  • De l'islam surgira l'Islam

    Bien des idées reçues circulent sur l'Islam, au sein de la société occidentale, et c'est ce qui m'a donné l'envie de rédiger ce billet. Je lisais récemment un billet sur le blog d'Ibn Kafka, dans lequel il cite Edmond Amran el Maleh. Ce dernier juge que l'on ne peut battre l'islamisme que sur le terrain de la religion, et que la riposte doit venir de l'intérieur. Ibn Kafka met un bémol à cet avis en jugeant que l'intérieur tout court suffit.

    Pour ma part, je suis d'accord avec Edmond Amran. C'est bien de l'Islam que peut venir la riposte contre l'islamisme, et pas d'un magma dont rien de précis n'émerge. Ibn Kafka dit que l'islamisme ne vient pas de l'Islam, et que ce sont d'autres facteurs qui sont à sa source. C'est vrai. Mais l'Islam en est le catalyseur, car de sinistres individus s'en sont emparés. Or, l'erreur, ce serait justement de leur laisser l'Islam entre les mains. Edmond Amran el Maleh a donc bien raison de juger que c'est dans la religion qu'il faut trouver la source.

    A cet égard, je me suis intéressé à trois nations et donc, trois expériences significatives : le Maroc, la Turquie et l'Iran.

    C'est un chef d'état remarquable qui dirige le Maroc. Hassan II était un homme intelligent, mais dur et sans scrupules. Mohamed VI, son fils, est un dirigeant sage. Sa réforme du code de la famille est un morceau d'anthologie de modération et d'habileté politique. Il a très bien compris qu'une amrche forcée vers la modernité générerait d'autant plus de résistances, et il s'est donc appuyé avec bon sens sur le Coran,  l'autorité de sa fonction, des théologiens universitaires et des hadiths fameuses pour faire passer sa réforme.Les Marocains sont des gens modérés. Je ne dis pas que l'islamisme ne parvient pas à s'y implanter, mais il y demeure circonscrit sous l'action d'un roi efficace.

    En Turquie, l'Islam a pris un visage politique et temporel avec l'AKP. L'AKP, à mes yeux, ressemble à la droite française du début du siècle. A l'origine religieuse, monarchique et anti-républicaine, la vie en république a petit à petit adouci ses moeurs. L'évolution de cet adoucissement, c'est la démocratie-chrétienne. Je crois que c'est ce chemin qu'emprunte la Turquie, et la pression de l'Union Européenne accélère ce mouvement. A cet égard, l'Europe ne devrait pas repousser la Turquie, mais observer avec intérêt cette évolution, qui rapproche ce pays des autres pays européens par son développement politique.

    Reste enfin l'Iran : c'est dans ce pays que se sont affirmés deux camps résolument opposés l'un à l'autre. D'un côté les réformateurs, dont l'ex-président Khatami est assurément la tête de proue, de l'autre les conservateurs qui s'appuient sur la frange la plus réactionnaire du clergé. Il y a dansle shi'isme quelque chose d'intrinsèquement révolutionnaire, qui fait qu'une nation shi'ite ne peut se satisfaire d'un ordre figé comme on le trouve dans les pays soumis à la Sunna. En pays shi'ite, la foi compte plus que la loi. Ce seul fait autorise toutes les exégèses, et, par suite, ouvra la porte aux mutations aussi bien sociales qu'économiques. Les réformateurs d'aujourd'hui, ce sont les mystiques de 79 qui sont revenus de leurs illusions ; des islamo-gauchistes qui ont bien tourné, comme en France, d'ex soixante-huitards se sont finalement convertis à l'économie capitaliste.

    L'islamo-gauchiste présente pourtant un visage inquiétant : il est à l'Islam ce que le fascime primitif, pas encore scindé du socialisme, était au socialisme : revendications sociales, violence, et foi aveugle (parfois mauvaise foi) sont les mamelles de cette nouvelle forme de l'Islam. Que l'islamo-gauchisme fasse sa jonction avec ce que Marx appellerait le lumpen et avec la frange ultra-réactionnaire des traditionnalistes, et l'on obtient le GIA ou encore Al Qaeda.

    Revenons à l'Iran : Ibn Kafka a commenté sur son blog un document aussi rare qu'intéressant : un sondage réalisé en Iran chez les Iraniens eux-mêmes. On constate que les Iraniens sont des gens très raisonnables, tout à fait dans la tradition perse, au demeurant, peu désireux de voir le nucléaire militaire se développer chez eux, et soucieux de trouver des convergences avec le monde occidental. Et pour balayer les idées reçues sur les droits de la femme, Ibn Kafka observe que les Iraniens sont 78% à estimer qu'une égalité totale entre hommes et femmes est d'une grande importance dans leur pays.

    Ibn Kafka s'étonne de ce que les Iraniens apprécient le travail d'Ahmeninejad. Il donne pourtant des éléments de réponse : parmi les hauts revenus ou les hauts niveaux d'éducation, le président iranien n'est pas populaire. Ibn Kafka oublie ce quoi Ahmaninejad s'est fait élire : il s'est fait élire sur une réputation d'intégrité. L'Iran comme l'Europe connaît une fracture entre ses élites et le peuple. Que pensent vraisemblablement les classes populaires ? Que les autres sont tous pourris parce que corrompus, mais pas Ahmaninejad. Ceci ne signifie nullement qu'ils valident ses choix diplomatiques, mais plutôt son éthique personnelle comme personnalité politique. Le malheur, c'est que les réformateurs ne soient pas capables de produire un individu de la même trempe éthique en termes de corruption.

    Il me reste enfin trois autres exemples à donner : La Malaisie et l'Indonésie, qui ont globalement réussi à concilier exercice de la démocratie, et, pour la première, application de la Sharia, et on peut se reporter à un excellent article à ce sujet sur le site des Eglises d'Asie  ; par ailleurs, le déroulement des dernières élections parlementaires en Malaisie ont été un modèle démocratique, avec usage d'urnes transparentes, par exemple, pour garantir la qualité du scrutin.

    Reste enfin le Qatar, avec Al-Jazeera, qui a bâti un media extraordinairement libre au beau milieu des états les plus conservateurs de la planète. A titre personnel, je trouve al-jazeera souvent populiste, mais, je lui reconnais une vraie liberté éditoriale qui détone dans une sphère où la liberté d'expression est très limitée.

    Au final, tous les indices que je réunis ici, venus des quatre coins de l'Islam (le Maroc est arabe et au Maghreb, l'Iran est perse donc indo-européen, la Turquie ouralo-altaïque, le Qatar au proche-orient et Indonésie et Malaisie en Asie) montrent que l'Islam n'a rien d'incompatible avec la démocratie.

    Je conclurais simplement par le propos de Surin Pitsuwan, ancien ministre thaïlandais des Affaires étrangères,  tenu en 2005 pour qualifier les rapports entre Islam et démocratie. Selon lui, il n'est pas tant question du rôle que l'islam peut jouer au sein de la démocratie que d'être un bon musulman en comprenant l'importance de vivre sous un régime démocratique.

    «Je crois avec ferveur que pour être un bon musulman, vous devez vivre dans un système démocratique»

     

  • De la place de la Turquie en Europe...

    A nouveau une contribution d'un lecteur, cette fois de Thierry P, qui donne son point de vue sur le positionnement de la Turquie en Europe.
    Tout comme dans le billet précédent, je ne me range pas nécessairement à ses conclusions.


    Comme souvent, on comprend mal le présent si on a pas entrevu un thème dans sa dimension historique. Après, libre à chacun de se forger une opinion personnelle.

    Je vous livre donc mon point de vue qui n'est qu'une modeste lecture de l'histoire.
    Je pense que l'Europe que nous connaissons aujourd'hui est liée à un événement qui a eu lieu dans la seconde moitié du XVème siècle !

    Une date importante, 1453, mérite en effet d'être connue pour resituer le débat de la place ou non de la Turquie en Europe.
    La prise de Byzance par les Ottomans cette année-là marque (symboliquement) le passage de cette partie du monde dans la sphère orientale.
    La Sublime Porte n'aura de cesse de poursuivre son expansion sur le sol européen (jusqu'au siège de Vienne qui en sera le terme en 1529).
    Deux blocs différents et antagonistes (politiques, culturels et religieux...) étaient désormais face-à-face, l'empire Ottoman et les pays d'Europe. 
    La bataille de Lépante en 1571 est une illustration de cette rivalité entre les deux blocs alors en présence.
    Car c'est à peu près à cette époque que prend forme l'Europe dans l'idée telle que nous la connaissons encore.

    Mais à côté de ces luttes d'influence (à forte connotation religieuse il est vrai), les liens diplomatiques ne seront pas pour autant rompus entre ces deux ensembles. Pour preuve les contacts que le roi François Ier de France noua avec le Sultan Ottoman Soliman II le Magnifique en vue d'une alliance contre les Habsbourg.

    Cet épisode de la chute de Byzance illustre à mes yeux le fait que les critères géographiques ne sont pas suffisants et satisfaisants pour définir ce qu'est l'Europe. Les frontières, c'est une des lois de l'histoire, sont par nature appelées parfois à fluctuer. 

    Pour revenir à cette fin de XVème siècle il est intéressant de souligner qu'à l'ouest, un mouvement "inverse" se produisit peu après. L'année 1492 marque en effet la fin du Royaume maure de Grenade qui met un terme de plusieurs siècles d'une extraordinaire civilisation où ont coexisté en paix les pratiquants des trois grandes religions monothéistes.  

    Pour compléter et relativiser ce raisonnement sur la place de la Turquie dans l'histoire européenne il convient de signaler de notables singularités :
    - Ainsi, la Grèce qui a été de facto une partie intégrante de l'Empire Ottoman a su conserver intacte une forte identité religieuse chrétienne. Laquelle a contribué à favoriser la renaissance de l'Etat Grec au cours de la première moitié du XIXème siècle. 
    - De nombreux Etats européens sont restés dans la sphère d'influence Ottomane jusqu'à la fin du premier conflit mondial (Bulgarie, Albanie par exemple), donc quoi que l'on puisse en penser la présence turque a existé en Europe.  

    Quid du futur européen de la Turquie ?
    S'agissant de la place qu'il conviendrait (ou pas) d'accorder à la Turquie en tant qu'État membre à part entière de l'Union, il faut reconnaître qu'il s'agit d'une demande très ancienne. Elle remonte à 1963.  
    Je vous renvoie à l'excellent commentaire d'ArnaudH (sur le billet du 22 juin de L'Hérétique) qui dresse l'historique de cette demande d'adhésion et qui rappelle la très longue liste des conditions auquel cet État devrait satisfaire pour voir sa candidature validée.
    Si je partage entièrement le constat d'ArnaudH, j'émettrais toutefois une opinion divergente quant à la pertinence de l'adhésion de la Turquie à l'Europe.

    De trop nombreux "obstacles" rendent à mes yeux cette perspective illusoire :
    1. Les arguments que Didier a donnés sont tous fondés pour marquer cette grande césure entre les Etats européens (issus de 5 siècles d'histoire) et ce pays.   
    2. La liste des critères à satisfaire comme préalable à son adhésion (cf. ArnaudH) est trop longue pour ne pas en saisir l'aspect rhédibitoire.
    3. Les peuples des 27 Etats de l'Union ne seraient pas enclins à accepter un tel élargissement de l'Europe. Et sur ce point, je tiens à souligner que l'hypothèse de l'adhésion de la Turquie a gravement hypothéqué le débat autour de la ratification du TCE (en France notamment). Les nationalistes ont su tirer profit de l'ambiguïté des "politiques" face à la question turque et ont pourri le débat avec leurs polémiques populistes.
    4. Enfin, et c'est ce qui constitue le fondement de mon opposition de principe à l'adhésion de la Turquie à l'Union, accepter d'étendre jusqu'aux confins de l'Iran, voire plus loin dans le Caucase comme le suggère ArnaudH, ce serait renoncer de facto à la perspective d'une Europe fédérale. Ce projet ne recueille pas encore l'assentiment des européens (si tant est il le recueille un jour !). Avec la Turquie dans l'Union l'option fédérale aurait fait long feu. Je conçois mal que tous ces efforts consentis depuis 50 ans n'aboutissent qu'à un "machin" qui ne soit finalement qu'une zone de libre-échange !         
    D'aucuns avancent aussi l'argument que la Turquie dans l'Union permettrait d'assurer la garantie d'une des routes du transport de l'énergie. Certes, sous l'angle économique et stratégique, l'argument est recevable.
    Ma vision d'une Europe plus intégrée n'est hélas pas de cet ordre.
    [Cette vision est parfaitement critiquable, je le concède, mais je n'en démordrai pas ! Cela fait partie d'une des convictions d'une vie sur lesquelles il est difficile de revenir !] 

    Alors quelle alternative proposer à la Turquie ?
    D'emblée, je balayerai l'argument qui voudrait que refuser le principe de l'adhésion à ce pays ce serait le condamner au chaos. Mais dans la mesure où cet État participe au Conseil de l'Europe, la question de la stabilité de la démocratie en Turquie ne doit pas être un argument en soi !
    Plutôt que prôner une Turquie dans l'Union, je verrais parfaitement cet État devenir le pivot d'une Union d'Asie Mineure à construire avec les Etats de cette zone géopolitique qui ont des intérêts communs. L'Europe devrait apporter un soutien sans faille à un tel effort de construction.
    Après les échanges entre les deux Unions auraient toute latitude à être formalisés.
    Cette solution aurait le mérite de mettre un terme à cette valse hésitation avec la Turquie depuis des décennies. Loin de rejeter cet État, l'aider à jeter les bases d'une Union dans sa zone d'influence lui confèrerait à coup sûr un rôle plus éminent sur la scène internationale.  

  • Géopolitique de la Turquie en Europe

    Mon récent billet, et si la Turquie gagnait l'euro 2008, a attiré des intervenants de qualité ; parmi eux, Didier Colpin dont je reproduis le commentaire. Je tiens toutefois à préciser que je n'épouse pas  les conclusions du point de vue exposé ici. L'exposé occulte d'ailleurs que la Turquie et avant elle l'Empire Ottoman ont toujours eu les yeux tournés vers l'Europe, au cours de leur histoire.

    EUROPE ET TURQUIE

    - Le « Non » au Traité constitutionnelle est encore dans toutes les mémoires. Mais est-ce pour autant l’ « Europe » qui a été ainsi rejetée ? Non, tout le monde en convient ! L’a été une certaine vision, compréhension, conception de l’Europe. Le fameux « sens des mots », trop souvent source d’incompréhension, de confusion …
    Et au sein des causes de ce rejet figurent en bonne place la Turquie !

    - Alors, ce pays, européen ou pas ?

    - Remarquons que répondre par la positive, reviendrait à admettre que l’Iran et l’Irak ont une frontière commune avec le vieux continent... Tout de même estomaquant…

    - Décortiquons, autant que faire ce peux en quelques lignes obligatoirement réductrices. Certains mettront en avant le fait que la Turquie est laïque, et que son alphabet est le latin ! Pourquoi donc ne pas l’accepter ?

    - Notons d’abord que cette position indique que les frontières (ou leurs absences) ne sont pas que géographiques, elles peuvent également être culturelles.

    -Commençons par les géographiques.
    La formule de Gaule est connue : l’Europe s’étend de l’Oural à l’atlantique et s’arrête au Bosphore. Cohérent. Mais, en rapport avec notre question, il y a un « hic »… La Turquie se jette sur des deux rives du Bosphore, et les puissances victorieuses du premier conflit mondial qui ont redessinée, avec un trait de plume parfois malheureux, les frontières ont validé cet existant. Aussi, de quel côté faire pencher la balance ? Et si l’ont prenait tout simplement comme unité de mesure le km2 ? Où en trouvent-on le plus ? En Europe ou en Asie ?
    Evident, non…

    - Frontières culturelles.
    Comme « nous », n’est-elle pas laïque, et si l’écriture est un des éléments constituant la culture d’un peuple, comment ne pas mettre en avant son alphabet, latin comme celui que « nous » utilisons ? Effectivement…
    Mais tout cela n’est que greffon au devenir incertain… Un risque réel de rejet par la souche existe…
    - Osons aborder à présent un sujet tabou, un sujet qui fâche, l’origine chrétienne de l’Europe, de ses valeurs, de sa culture ! Pourtant, est-ce plus choquant que de souligner le poids de l’Islam dans la culture des pays arabes ?
    - A la façon d’une plaque photographique classique qui renvoi une image inversée, la laïcité turque est l’inverse de la notre (occultons le fait que la laïcité française n’est pas la laïcité anglaise etc.…) : L’histoire européenne du XX siècle ne manque pas d’exemples -pensons à l’Espagne de Franco- ou un pouvoir « fort » utilise la puissance de l’armée pour imposer une idéologie religieuse au mépris de la laïcité, alors qu’en Turquie, à partir des années 20, le pouvoir a utilisé la force de l’armée pour imposer la laïcité, au mépris de l’idéologie religieuse dominante… D’ailleurs le mot « laïque » est inconnu du vocabulaire arabe et le terme turc utilisé est emprunté au vocabulaire occidental… Car au delà du mot, le concept même véhiculé par « laïcité » est extérieur à l’Islam radical où le rejet de la foi (islamique) ne peut conduire l’ « apostat » qu’à la mort physique ordonnée par un corps social qui en agissant ainsi se purifie… En français cela s’appelle un meurtre, un assassinat, tout comme le sont tout également les « crimes d’honneur », coutumiers en Turquie…
    - Revenons en France. La sérénité et le recul que donne l’écoulement du temps, permet de dire que, paradoxalement, et au-delà des déchirements consécutifs à la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et à l’opposition des « culs bénis » et des « bouffeurs de curés », la laïcité est aussi fille de la célèbre parole christique « Rendez les choses de César à César et les choses de Dieu à Dieu »… Dans la même veine, pourquoi les « Droits de l’homme » peinent-ils tant à s’imposer et à prospérer en pays musulmans ? Car ils ont été conceptualisés sur le terreau fertile des valeurs chrétiennes, de l’humanisme chrétien, pour devenir l’expression d’un christianisme déchristianisé, d’une foi chrétienne désacralisée, laïcisée…
    - Ouvrons une parenthèse. Ne confondons pas tolérance et laïcité.
    Nous parlions à l’instant de « bouffeurs de curé », terme né à une époque ou le paysage religieux français métropolitain était majoritairement occupé par le catholicisme. Aujourd’hui existe toujours des « Talibans de la laïcité » qui prônent l’athéisme comme Vérité révélée et rêvent de marginaliser les citoyens qui ont pour défaut d’être croyants et de le dire !
    Espagne mauresque : L’arrivée des arabes en Espagne au VIII° siècle mit fin à la persécution dont les juifs étaient victimes de la part des Wisigoths qui avaient abandonnés l’arianisme pour le catholicisme. Et pendant de nombreux siècles sous domination musulmane, l’Espagne a été une terre de paix et de tolérance pour les trois religions monothéistes ! Comme quoi, Islam n’est pas toujours synonyme de fanatisme et d’intolérance…
    - Fermons la parenthèse.
    - Quand-à l’alphabet latin, il est entré en Turquie à la même époque que la laïcité et lui aussi au forceps, l’Empire ottoman utilisant l’alphabet arabe, c'est-à-dire il y a moins d’un siècle. Alors que « chez nous », déjà avant les premiers écrits en « français » du XV° siècle, les lettrés qu’étaient les clercs, écrivaient évidement et depuis « toujours » en latin !

    - Aussi, tant pour des raisons géographiques que culturelles, il me semble difficile de prétende que la Turquie puisse avoir vocation à intégrer l’Europe ou la communauté européenne, notions qui sont différentes (La Suisse appartient à la première mais pas à la seconde). Et, pour prétendre le contraire, que l’on ne mette pas en avant un quelconque partenariat économique ! L’Europe peut commercer si elle le souhaite avec l’Afrique du sud sans pour autant que ce pays entre dans l’Europe ! Identique pour la Turquie !

    - Prétendrais-je que ce rejet affirmé, que cette position est vérité, réalité objective ? Non...

    - Pour prendre conscience de la relativité des certitudes, également des certitudes géographiques, transportons-nous au temps de Rome.

    - Si l’Empire romain prétendait à l’universalité, dans les faits, des frontières se sont imposées :
    Au nord, l’Ecosse (le mur d’Hadrien).
    A l’ouest, évidement l’atlantique.
    Au nord/est le Rhin et le Danube.
    Au sud l’Afrique noire (les pays de Maghreb étaient partie intégrante de l’Empire -neutralisons Carthage-)
    Au sud/est le Tigre et l’Euphrate.
    Cela pour souligner que si la géographie peut dire ce qu’est l’Europe, cette définition ne vaut que pour « aujourd’hui » (au sens de l’Histoire).
    Si nous demandions à nos contemporains européens où se trouve le centre géographique de l’Europe, qui citerait la capitale de l’Italie ? Personne !
    Mais l’Empire s’est construit autour de la Méditerranée avec en son centre cette ville, Rome, elle même située sur cette péninsule, cet appendice pénétrant ce « centre du monde » qu’était la « Grande mer », comme on l’appelait alors.
    Toujours à cette époque, le civilisé, était logiquement de type méditerranéen, c'est-à-dire pas très grand, brun et basané. Et le barbare, lui était grand, blond et à la peau très blanche…
    Relativité des concepts, disions-nous…
    Et parmi ces barbares, il est des tribus germaniques qui allaient nous devenirs « chers » à nous français, celles des Francs…

    - Le rapport avec notre sujet ? Dans le monde romain, la région nommée de nos jours Turquie ne posait pas de problème : elle appartenait à l’Empire, tant pour des raisons géographiques que culturelles ! Et elle n’était même pas en zone frontière ! Et le latin, comme ailleurs, y était aussi la langue officielle, administrative !
    Mais cela était il y a « deux milles ans »…

    - Certitudes, avez-vous un socle digne de ce nom ?

    - Pour conclure, maniant le paradoxe, clin d’œil à Edmond Wells et à son Encyclopédie du savoir absolu relatif, je dirais que la Turquie ne fait pas partie de l’Europe et qu’il s’agit là d’une position objective élaborée au sein d’un concept qui lui, ne l’est pas…
    Cette affirmation découle d’une prise de conscience selon laquelle il n’y a pas une vision du monde mais plusieurs, indissociables de grilles de lecture, parfois inconscientes, qui sont autant de filtres. Et la pseudo objectivité de la de la stricte géographie s’efface devant le poids de la géopolitique qui elle-même s’efface devant celui de la géoculture, autant de réalités subjectives dans leurs valeurs.

  • Et si la Turquie gagnait l'euro 2008 ?

    Je crois que ce serait trop drôle si la Turquie gagnait l'euro 2008. Comment argumenter contre l'intégration de ce pays dans l'UE par la suite s'il gagne le championnat d'Europe ?

    Il est vrai qu'Hérodote classe la Turquie en Asie, mais il ne faut pas oublier qu'à cette période, le concept d'Europe n'existe pas !!! Il n'est apparu qu'à la Renaissance. S'appuyer donc sur Hérodote pour distinguer géographiquement Asie et Europe est un anachronisme.

    Evidemment, la Turquie, c'est beaucoup de monde, et encore beaucoup d'effortsd à faire pour atteindre les normes démocratiques du reste de l'UE, mais, pour ma part, et contrairement à Bayrou sur ce point, je ne suis pas radicalement opposé à l'adhésion des Turcs.

    Le préalable, ça doit être évidemment le règlement de la question chypriote, et le respect du droit des femmes, ainsi que le traitement de la corruption de la justice et de la police.

    Mais pour le reste, je n'ai pas d'objections. Et puis, à ce que j'ai compris, la Grèce ne s'y oppose plus, ce qui est un bon point. Observons avec attention la gestion d'Erdogan : la Turquie, terre de soufisme et de tolérance pourrait préfigurer un modéle, dans l'avenir pour un islam-démocrate de même nature que la démocratie-chrétienne telle qu'elle s'est constituée au sortir de la guerre. L'AKP se réclame du centrisme, paraît-il...bon, à voir, faut pas exagérer non plus. Je comparerai un jour avec le MoDem, mais je pense qu'il y a tout de même une sacrée marge avant de pouvoir parler de centrisme...

    En tout cas, pour revenir au football, une demi-finale ce n'est déjà pas mal du tout...

     

  • Turquie, Lybie, Iran, futures démocraties ?

    Bon, je sais, c'est provocateur, mais j'ai lu avec intérêt les déclarations récentes de Seif el Islam, le fils de Khadafi. Il a (enfin!) reconnu que les infirmières bulgares n'étaient pas coupables et qu'elles avaient été victimes de sévices, de même que le médecin palestinien.

    A ce sujet, la Bulgarie a porté plainte contre la Lybie devant un tribunal des Nations Unies, et, il faut absolument la soutenir. La justice lybienne corrompue, sadique et malhonnête ne doit pas s'en tirer comme cela, pas plus que Khadafi père qui a fermé les yeux sur toute cette affaire, puis l'a utilisée comme monnaie d'échange le moment venu. 

    Au-delà ce ces dernières péripéties, le fils de Khadafi a aussi affirmé vouloir mettre en place en Lybie une constitution ratifiée par tous les Lybiens. Un proche de Kadhafi, le professeur de droit public français Edmond Jouve précisait ainsi dans un entretien tout récent avec un journaliste « Les fondements existent : la déclaration de 1977, le livre vert, exposé de la doctrine du guide, et la grande charte verte des droits de l'homme. Avec ces trois textes, on peut fort bien écrire une Constitution »

     C'est à suivre, à mon avis. Bien sûr, en l'état, nous sommes très loin du compte, mais, il existe peut-être en Lybie au moins un courant doté d'une volonté réformatrice. Reste à savoir ce qu'elle représente réellement dans l'opinion.

    En même temps, on peut avoir des surprises. Prenons l'exemple de la Turquie : Erdogan installe tout doucement une sorte de mouvement politique islamo-démocrate qui a beaucoup de similitudes avec la démocratie-chrétienne des origines. L'Iran lui-même est une théocratie qui s'asseoit sur une démocratie (cela dit, je suis bien gentil de dire qu'elle s'asseoit dessus : disons plutôt qu'elle l'écrase), tout du moins, du point de vue des institutions. Tout n'est donc pas perdu dans ces pays que l'on a cru longtemps livrés au pouvoir de conservateurs religieux tendance ultra.

    Quant aux rapports entre lois et religion, Montesquieu écrit au chapitre XIV du livre XXIV de judicieuses remarques :

    Comme la religion et les lois civiles doivent tendre principalement à rendre les hommes bons citoyens, on voit que lorsqu'une des deux s'écartera de ce but, l'autre y doit tendre davantage: moins la religion sera réprimante, plus les lois civiles doivent réprimer.

    [...]

    Lorsque la religion condamne des choses que les lois civiles doivent permettre, il est dangereux que des lois civiles ne permettent de leur côté ce que la religion doit condamner; une de ces choses marquant toujours un défaut d'harmonie et de justesse dans les idées, qui se répand sur l'autre.
      

    Ce qui est dit ci-dessus, la plupart des pays qui vivent sous régime islamique devraient en prendre de la graine, surtout le second paragraphe. Quel idéal de modération entre religion et pouvoir politique nous propose là Montesquieu ! Il me semble que c'est la voie qu'a choisi Erdogan en Turquie, du moins pour l'instant, et c'est ce qui rend l'expérience turque intéressante. J'ai le sentiment aussi que Mohamed VI, l'actuel roi du Maroc est un peu dans cet esprit.

    Nous restons, toutefois, encore loin, dans tous ces pays, de nos normes démocratiques, mais, qui sait, peut-être y-a-t-il des lueurs d'espoir.