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huelin

  • Recherche peuple désespérément...

    Je poursuis la lecture du livre Recherche peuple désespérément, et j'en suis arrivé aux lignes dans lesquelles les deux auteurs font un tour rapide des discriminations qui frappent le peuple. Ils observent, par exemple, qu'une jeune issu d'un lycée rural a bien moins de chances d'entrer à science-po qu'un jeune des cités venu de Bobigny. Ils remarquent aussi que la gauche s'est polarisée sur les discriminations ethniques sans prendre garde que les discriminations sociales, aussi muettes que discrètes, étaient bien plus redoutables et prononcées. Tous les partis politiques soignent aujourd'hui leur "diversité". la diversité, c'est tendance, ça fait bien sur un plateau. Mais qui s"'indigne de ce que l'Assemblée Nationale ne compte plus un seul ouvrier dans ses rangs ? Fini les Monory garagiste, ou un Bérégovoy ouvrier-tourneur et premier ministre ! place aux élites embourgeoisées venus des centre-villes !

    Il y avait ce week-end un congrès à Arras : le Mouvement Démocrate établissait un programme politique. Dans son discours de clôture, François Bayrou a évoqué une discussion avec Alain Dolium, actuel candidat à la tête de liste pour le MoDem en île de France ; Alain Dolium lui parlait alors des discriminations et voilà ce qu'il lui disait :

    J'ai fait ce parcours. J'ai vécu ces discriminations et - une dont je parlerai dans un temps - mais on se tromperait en croyant qu'il n'y a que les garçons et les filles de peau noire ou d'origine étrangère qui vivent ces discriminations, parce que, a-t-il ajouté, les provinciaux à Paris, ceux qui ont de l'accent, ceux qui viennent d'ailleurs, ceux qui ne connaissent pas les codes, ceux qui ne savent pas comment on s'habille quand on sort dans le monde, ceux qui n'ont pas le parcours fléché, tous ceux-là vivent les mêmes obstacles.

    Et Bayrou a alors conclu :

    C'est bien de tous ceux-là dont nous prenons le destin en charge en ayant choisi les candidats que nous avons choisis. Il y a un peuple de travailleurs qui n'est pas représenté, un peuple de pauvres et, parfois, travailleurs et pauvres en même temps, un peuple de petits retraités - ma mère qui vient de s'en aller percevait pour sa retraite moins de 680 €. Je ne dis pas que ce soit rien, mais, après une longue vie de travail, ce n'est rien. Tous ceux-là constituent, pour nous, notre communauté d'origine, notre enracinement. C'est cet enracinement-là que nous allons porter dans cette élection.

    Et moi, je le dis, je suis d'accord avec cette vision ; c'est d'ailleurs le sens de mes deux billets, l'un sur les ouvriers, l'autre sur la social-bourgeoisie. Et je pense, qu'au PS, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin ont bien raison de se pencher sur la question. J'espère que leur réflexion ensemencera les programmes régionaux des Socialistes.

    Pour nous, au MoDem, il ne nous reste plus qu'à bâtir des programmes régionaux qui intègrent ces populations oubliées, sans céder un pouce de terrain aux sirènes chics de la médiatisation urbano-centrée. Foin des métropoles, occupons-nous un peu du peuple...

  • Où sont les ouvriers ? Où est le peuple ?

    Je parcours, depuis quelques jours, les pages de l'ouvrage de deux sociologues, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin (tiens, un ancien du MRC...). Il s'intitule "Recherche le peuple désespérement". Ce livre s'adresse préférentiellement à la gauche, mais il m'intéresse beaucoup, parce que les observations faites par les deux auteurs recoupent une partie de mes interrogations et également bon nombre de mes observations.

    En particulier, on a cru, au sein du landernau politico-médiatique (et pas seulement à gauche), à l'exclusion, malheureusement et il faut le dire, du Front National, que la classe ouvrière n'existait plus en France. Le PS, les communistes et même les Trotskistes se sont satisfaits des populations multi-assistées des  logements sociaux des centre-villes ou des proches banlieues qui leur permettaient de se trouver une caution populaire à bon compte. Pendant ce temps, les classes populaires, repoussées bien au-delà des grandes banlieues, plongées dans une grande détresse, précarisées, affrontaient seules et abandonnées de plein fouet les effets pervers de la mondialisation.

    Parce que l'industrie s'est réduite comme peau de chagrin, la gauche qui ne connaissait plus de classes populaires hors la bonne vieille industrie issue du XIXème siècle, n'a pas vu la précarisation croissante de tout un secteur de la population, péri-urbanisée, parfois rurale. Il a été plus simple d'y voir des beaufs, des électeurs du FN, des mineurs politiques dont il était préférable de limiter l'exercice des droits civiques, ces derniers ayant tendance à voter pas toujours comme il le fallait.

    La gauche verdâtrisée a ignoré tous ces hommes et ces femmes, qui font jusqu'à 5 heures de trajet aller et retour pour venir travailler dans les métropoles, vivent dans des communes-dortoir de moins de 1000 habitants, n'ont d'autres choix pour se déplacer que d'utiliser leur automobile et ne connaissent plus des services publics que le nom que l'on en donne aux émissions télévisées, leur principale distraction.

    Qui s'intéresse à ces gens ordinaires, qui vivent généralement de 100 à 200 kilomètres des grands centres urbains ? Quels partis politiques s'y déplacent ? Non, les préoccupations des populations boboisées des villes sont bien plus intéressantes, bien sûr !

    Qui s'intéresse à la question ne sera pas étonné de découvrir que ces nouveaux ouvriers sont désormais en grande majorité des ouvrières...des femmes seules, souvent avec un enfant ou plus.  La demande de productivité toujours plus forte a rendu la vie impossible aux ouvriers qui travaillent encore dans les secteurs industriels, d'autant que le maintien de leurs usines et ateliers dépend désormais de leur propension à faire mieux et moins coûteux que ceux des pays qui pratiquent le dumping social. L'externalisation des services, leur automatisation, mettent aussi sur le carreau les caissières, les opératrices diverses et variées, elles aussi soumises à des "objectifs" et à des cadences infernales.

    La gauche, les verts, ont été très forts pour proposer de la culture, quelques allocations et empoisonner l'existence du petit peuple que désormais ces partis méprisent. Mais rien dans leurs propositions politiques, n'a été pensé pour leur redonner un espoir. Quant à la droite, sous l'égide de Nicolas Sarkozy, elle a consciencieusement appliqué le vieux principe qui dit que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent... Les visites dans les usines ? de la poudre aux yeux. Même le vieux thème porteur de la sécurité (qui s'appuie sur la peur d'un déclassement social toujours plus violent pour ces populations fragilisées) aura fait long feu. Je l'ai dit ce matin, le gouvernement réduit toujours plus les moyens de fonctionnement de la sécurité intérieure : le peuple n'aura même pas cette consolation-là.

    La précarité ne touche pas seulement des ouvriers sans qualification, c'est toute une génération de jeunes diplômés, désormais, qui est assomée par la vie chère, par les CDD et l'incertitude de leurs revenus, même à bac+5. Les jeunes sont les premiers à faire les frais de cette nouvelle donne. Bac+5 et le SMIG, cela devient désormais la norme pour une part croissante de la jeunesse diplômée. Et même pour ceux qui disposent d'un emploi statutaire, garanti à vie, l'avenir demeure incertain : n'est-ce pas Robert Rochefort, euro-député MoDem, qui observait récemment que dans l'Académie de Versailles, près de deux cent enseignants reçoivent une aide alimentaire d'urgence de la part des services du rectorat ?

    Je n'ai pas fini de lire le livre de Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, j'en reparlerai donc ici. Je pense que sa lecture est salutaire pour tous les mouvements politiques. Je doute fort de recevoir les solutions préconisées par les deux auteurs, encore que, mais, j'estime que les populations péri-urbaines devraient faire l'objet de l'attention particulière de chaque parti.

    En ce sens, j'appelle le MoDem à ne pas se laisser boboiser, notamment par des enjeux écologiques plaisants dans le principe, mais dont ces classes sociales feraient encore les frais. Le MoDem a été, je le crois, l'un des premiers partis à envisager sérieusement la nécessaire réindustrialisation de la France. Jean Peyrelevade, en particulier, en affirme l'absolue nécessité en raison de l'amplitude de la valeur ajoutée qui caractérise cette production économique. L'industrie n'a pas seulement un rôle économique, elle a un rôle social.

    Ouf, c 'est l'une des priorités absolues du nouveau programme du MoDem. Dans ce programme, le premier chapitre porte sur l'économie, et le 1er sous-chapitre sur l'emploi. Le 13ème amendement du projet est le suivant : Développer l’emploi industriel par la relocalisation de certaines fabrications en France et en Europe ; évidemment, il faut le faire. Il faudra plancher même très sérieusement sur le sujet.

    Ce sont les conditions de travail qui viennent juste après, dans le document préparatoire ; il y a un amendement, mais il n'engage à pas grand chose. Ce devrait être un axe prioritaire de notre réflexion.

    Ensuite, nous devrions mener une réflexion sur la précarité qui ne se limite pas à l'industrie, mais qui touche les services et l'agriculture (et les ouvriers agricoles, alors !!!).

    Soyons très clairs : ce n'est pas la peine de blablater sur le développement durable auprès des populations péri-urbaines. Ils ont d'autres choix à fouetter. Il faut leur proposer des solutions concrètes : par exemple, l'implantation d'une usine de production de panneaux photo-voltaïques, du côté d'Agen, c'est une réponse concrète.

    Bref, nous autres démocrates et libéraux, reprenons la main et tendons-là aux populations abandonnées à leur sort depuis trop longtemps. Et ce n'est pas du lumpen-prolétariat des cités dont je parle, mais bien des honnêtes citoyens qui se crèvent la carcasse à ramener trois francs six sous chez eux. Ceux-là, personne ne leur dit jamais rien : innovons et incarnons, au MoDem, une véritable rupture. Si François Bayrou veut pouvoir continuer à parler au nom du Tiers État, il doit le prouver.

    Ce n'est pas seulement le MoDem que j'invite à réfléchir, mais aussi les libéraux, qui se sont complètement désintéressés des classes populaires depuis un moment. Quelles propositions libérales pour les ouvriers ? Voilà un beau et délicat sujet de réflexion que les libéraux s'honoreraient à traiter avec d'autres réponses que les seul critères de productivité et de compétitivité...