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précarité

  • Petits vieux et petites vieilles...

    Pas la joie d'être à Paris, quand on vieillit. Les petits frères des pauvres le disent, la hantise pour beaucoup d'entre eux, avec la montée vertigineuse des loyers, c'est de perdre leur logement. Alors du coup, ils économisent sur tout, nourriture, chauffage, électricité. Et puis passé 75 ans, un sur deux est seul. C'était, pour autant que je me souvienne, l'un des axes de réflexion de la commission "Social" du MoDem parisien, il y a trois ans, au moment des municipales. L'idée qui avait alors été lancé, au sein du MoDem, c'était de réactiver la solidarité inter-générationnelle, et, plus concrètement, l'habitat mixte, jeunes et troisième/quatrième âges. 

    Bertrand Delanoë propose en principe aujourd'hui une enveloppe de plusieurs millions pour aider les anciens en difficulté. Pourquoi pas, mais je ne crois pas que cela permette de soigner le mal là où il se trouve. Pourquoi ne pas utiliser astucieusement une telle enveloppe en couplant l'octroi d'aides à des étudiants à une co-location avec des personnes âgées isolées ? Tiens, plutôt que de créer des bureaux supplémentaires dans le 1er, eh bien il aurait pu utiliser l'immeuble qu'il vient de vendre pour une expérience de ce genre.

  • Tranche de vie d'une précaire sur la ligne Paris-Nevers

    Ah, Paris-Nevers, tout un poème : comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer cette ligne-là. On s'amuse bien sur la ligne Paris-Nevers. Comme on a pu l'observer par le passé, on a l'étrange sentiment que la grève y est perpétuelle, les retards successifs venant suppléer aux humeurs revanchardes des agents locaux.

    C. travaille dans une société de services : ceci signifie que son salaire n'est pas fixe mais dépend du nombre d'heures qu'elle effectue. Elle n'est pas fonctionnaire : une heure de retard ne lui est pas payée quand il y a une grève. 

    Sur la ligne Paris-Nevers, il y a une joyeuse baston : il y a des gars qui se disent que cette grève ne rime à rien, et d'autres qui jugent au contraire qu'il faut aller jusqu'au bout. Sauf que voilà, les jusqu'auboutistes imposent leurs vues aux autres en bloquant la circulation des trains conduits par ceux qui veulent bosser.

    Résultats, C. a perdu 20 heures de revenus pour la seule semaine qui vient de s'écouler. C. se lève à 4 heures du matin afin d'être à Paris à 8h00 pour ses premières heures de la journée. Le Service Minimum, dans la Nièvre, ce n'est pas seulement une réduction du nombre de trains, ce sont des retards aléatoires, variant de 1h30 à 3h00 selon l'humeur des feignants locaux. 

    C. travaille entre 34 et 35 heures par semaine. Quand les trains arrivent à midi à Paris et repartent 1 à 2 heures plus tôt, elle perd donc les deux tiers de son revenu.

    C. n'est pas seule : elle discute avec d'autres voyageurs. Certains commencent à avoir de sérieux problèmes avec leurs employeurs pour des retards dont ils ne sont pas comptables.

    Comme on a le sens de la fête à la SNCF sur la ligne Paris-Nevers, les grévistes posent des pétards sur les rails quand les non-grévistes passent avec leurs trains. Du coup, comme ces derniers craignent un éventuel incident technique, au son de l'explosion, ils arrêtent leur train. Astucieux non ? Qu'est-ce qu'on rigole à la SNCF !

    Est-ce qu'il y a un jour quelqu'un qui va se soucier des précaires, en France ? Et quand je dis s'en soucier, je ne parle pas de manifester en les empêchant de bosser avec des régimes spéciaux et la sécurité de l'emploi, mais de vraiment trouver les moyens de leur faciliter leurs conditions de travail !

    En tout cas, côté blogues nivernais, on parle de tout sauf d'eux ! Eh, oh, le MoDem du 58 qui veut préparer les cantonales : vous auriez intérêt à sérieusement vous pencher sur la question, parce que cela concerne bien plus de nivernais que vous ne pouvez l'imaginer.

  • Où sont les ouvriers ? Où est le peuple ?

    Je parcours, depuis quelques jours, les pages de l'ouvrage de deux sociologues, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin (tiens, un ancien du MRC...). Il s'intitule "Recherche le peuple désespérement". Ce livre s'adresse préférentiellement à la gauche, mais il m'intéresse beaucoup, parce que les observations faites par les deux auteurs recoupent une partie de mes interrogations et également bon nombre de mes observations.

    En particulier, on a cru, au sein du landernau politico-médiatique (et pas seulement à gauche), à l'exclusion, malheureusement et il faut le dire, du Front National, que la classe ouvrière n'existait plus en France. Le PS, les communistes et même les Trotskistes se sont satisfaits des populations multi-assistées des  logements sociaux des centre-villes ou des proches banlieues qui leur permettaient de se trouver une caution populaire à bon compte. Pendant ce temps, les classes populaires, repoussées bien au-delà des grandes banlieues, plongées dans une grande détresse, précarisées, affrontaient seules et abandonnées de plein fouet les effets pervers de la mondialisation.

    Parce que l'industrie s'est réduite comme peau de chagrin, la gauche qui ne connaissait plus de classes populaires hors la bonne vieille industrie issue du XIXème siècle, n'a pas vu la précarisation croissante de tout un secteur de la population, péri-urbanisée, parfois rurale. Il a été plus simple d'y voir des beaufs, des électeurs du FN, des mineurs politiques dont il était préférable de limiter l'exercice des droits civiques, ces derniers ayant tendance à voter pas toujours comme il le fallait.

    La gauche verdâtrisée a ignoré tous ces hommes et ces femmes, qui font jusqu'à 5 heures de trajet aller et retour pour venir travailler dans les métropoles, vivent dans des communes-dortoir de moins de 1000 habitants, n'ont d'autres choix pour se déplacer que d'utiliser leur automobile et ne connaissent plus des services publics que le nom que l'on en donne aux émissions télévisées, leur principale distraction.

    Qui s'intéresse à ces gens ordinaires, qui vivent généralement de 100 à 200 kilomètres des grands centres urbains ? Quels partis politiques s'y déplacent ? Non, les préoccupations des populations boboisées des villes sont bien plus intéressantes, bien sûr !

    Qui s'intéresse à la question ne sera pas étonné de découvrir que ces nouveaux ouvriers sont désormais en grande majorité des ouvrières...des femmes seules, souvent avec un enfant ou plus.  La demande de productivité toujours plus forte a rendu la vie impossible aux ouvriers qui travaillent encore dans les secteurs industriels, d'autant que le maintien de leurs usines et ateliers dépend désormais de leur propension à faire mieux et moins coûteux que ceux des pays qui pratiquent le dumping social. L'externalisation des services, leur automatisation, mettent aussi sur le carreau les caissières, les opératrices diverses et variées, elles aussi soumises à des "objectifs" et à des cadences infernales.

    La gauche, les verts, ont été très forts pour proposer de la culture, quelques allocations et empoisonner l'existence du petit peuple que désormais ces partis méprisent. Mais rien dans leurs propositions politiques, n'a été pensé pour leur redonner un espoir. Quant à la droite, sous l'égide de Nicolas Sarkozy, elle a consciencieusement appliqué le vieux principe qui dit que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent... Les visites dans les usines ? de la poudre aux yeux. Même le vieux thème porteur de la sécurité (qui s'appuie sur la peur d'un déclassement social toujours plus violent pour ces populations fragilisées) aura fait long feu. Je l'ai dit ce matin, le gouvernement réduit toujours plus les moyens de fonctionnement de la sécurité intérieure : le peuple n'aura même pas cette consolation-là.

    La précarité ne touche pas seulement des ouvriers sans qualification, c'est toute une génération de jeunes diplômés, désormais, qui est assomée par la vie chère, par les CDD et l'incertitude de leurs revenus, même à bac+5. Les jeunes sont les premiers à faire les frais de cette nouvelle donne. Bac+5 et le SMIG, cela devient désormais la norme pour une part croissante de la jeunesse diplômée. Et même pour ceux qui disposent d'un emploi statutaire, garanti à vie, l'avenir demeure incertain : n'est-ce pas Robert Rochefort, euro-député MoDem, qui observait récemment que dans l'Académie de Versailles, près de deux cent enseignants reçoivent une aide alimentaire d'urgence de la part des services du rectorat ?

    Je n'ai pas fini de lire le livre de Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, j'en reparlerai donc ici. Je pense que sa lecture est salutaire pour tous les mouvements politiques. Je doute fort de recevoir les solutions préconisées par les deux auteurs, encore que, mais, j'estime que les populations péri-urbaines devraient faire l'objet de l'attention particulière de chaque parti.

    En ce sens, j'appelle le MoDem à ne pas se laisser boboiser, notamment par des enjeux écologiques plaisants dans le principe, mais dont ces classes sociales feraient encore les frais. Le MoDem a été, je le crois, l'un des premiers partis à envisager sérieusement la nécessaire réindustrialisation de la France. Jean Peyrelevade, en particulier, en affirme l'absolue nécessité en raison de l'amplitude de la valeur ajoutée qui caractérise cette production économique. L'industrie n'a pas seulement un rôle économique, elle a un rôle social.

    Ouf, c 'est l'une des priorités absolues du nouveau programme du MoDem. Dans ce programme, le premier chapitre porte sur l'économie, et le 1er sous-chapitre sur l'emploi. Le 13ème amendement du projet est le suivant : Développer l’emploi industriel par la relocalisation de certaines fabrications en France et en Europe ; évidemment, il faut le faire. Il faudra plancher même très sérieusement sur le sujet.

    Ce sont les conditions de travail qui viennent juste après, dans le document préparatoire ; il y a un amendement, mais il n'engage à pas grand chose. Ce devrait être un axe prioritaire de notre réflexion.

    Ensuite, nous devrions mener une réflexion sur la précarité qui ne se limite pas à l'industrie, mais qui touche les services et l'agriculture (et les ouvriers agricoles, alors !!!).

    Soyons très clairs : ce n'est pas la peine de blablater sur le développement durable auprès des populations péri-urbaines. Ils ont d'autres choix à fouetter. Il faut leur proposer des solutions concrètes : par exemple, l'implantation d'une usine de production de panneaux photo-voltaïques, du côté d'Agen, c'est une réponse concrète.

    Bref, nous autres démocrates et libéraux, reprenons la main et tendons-là aux populations abandonnées à leur sort depuis trop longtemps. Et ce n'est pas du lumpen-prolétariat des cités dont je parle, mais bien des honnêtes citoyens qui se crèvent la carcasse à ramener trois francs six sous chez eux. Ceux-là, personne ne leur dit jamais rien : innovons et incarnons, au MoDem, une véritable rupture. Si François Bayrou veut pouvoir continuer à parler au nom du Tiers État, il doit le prouver.

    Ce n'est pas seulement le MoDem que j'invite à réfléchir, mais aussi les libéraux, qui se sont complètement désintéressés des classes populaires depuis un moment. Quelles propositions libérales pour les ouvriers ? Voilà un beau et délicat sujet de réflexion que les libéraux s'honoreraient à traiter avec d'autres réponses que les seul critères de productivité et de compétitivité...