C'est marrant, aujourd'hui, en France, si vous voulez afficher un énorme chiffon rouge, brandissez l'étendard du libéralisme : vous êtes à peu près certains d'être chargé par une horde de bovidés enragés.
C'est qu'en effet, l'on accuse le libéralisme de tous les maux. Curieux. Moi, je ne vois pas de libéralisme nulle part, mais au contraire, une mainmise grandissante des États sur la vie économique, les libertés et les existences de chaque individu.
A travers la fiscalité, les États démocratiques nous taxent jusqu'à la moëlle, tandis que les régimes autoritaires limitent autant qu'ils le peuvent les libertés individuelles. Pour la fiscalité, vu l'endettement record des États, ils n'ont pas fini de nous taxer : ils devront rembourser tôt ou tard, et, à ce moment-là, ils chercheront de l'argent partout où ils pourront en trouver. Et je n'évoque pas non plus les libertés publiques qui en prennent un coup, depuis quelques temps, dans nos états démocratiques, à commencer par la France...
Je crois que le pire des maux qui assaillent notre civilisation démocratique, c'est le copinage généralisé au plus haut sommet des états mais aussi des très grandes entreprises. A coups d'entente et d'accords privilégiés, ces réseaux anéantissent petit à petit les libertés, à commencer par les libertés économiques ! Cette nouvelle forme de pouvoir n'a été analysée que par peu d'individus : par Jean François Kahn, d'abord, qui a le grand mérite de comprendre qu'il ne s'agit pas là du libéralisme que l'on dénonce habituellement, mais aussi par certains blogueurs libéraux particulièrement incisifs. Je renvoie ainsi à l'excellente définition de la social-bourgeoisie par Vincent Bénard sur son blog, objectif liberté :
Pourquoi "Social Bourgeoisie" ? , car cette doctrine politique est très interventionniste, elle est donc apparentée au socialisme. Cette forme particulière d'interventionnisme public très fort dans l'économie consiste à se montrer aussi dépensier que ne le seraient des socialistes purs et durs, et parfois plus que des socialistes réformateurs étrangers. "Bourgeoise", parce que les clientèles principales de ces interventions ne sont plus des familles modestes ou "ouvrières", comme aux débuts de l'essor du socialisme de masse, mais les milieux d'affaires les mieux connectés au pouvoir, c'est à dire les grandes entreprises, et surtout les banques et compagnies d'assurances, alliées indispensables des états qui creusent chaque année un peu plus le trou de leur dette publique. Ceci, afin, nous dit-on, de "favoriser l'économie et l'emploi".
Vincent Bénard achève avec intelligence son analyse, observant que des interventions sectorielles d'un état sont aux antipodes des thèses libérales traditionnelles, d'une part, et qu'ensuite, si on les confond avec le libéralisme, c'est qu'elles se font souvent au détriment d'acquis sociaux et syndicaux, en faveur de la très petite minorité de très grandes entreprises et de grandes banques qui en bénéficient. Il y a, en fait, des interventions incessantes des états depuis de nombreuses années, à commencer par les USA, mais elles se font en faveur de quelques acteurs et au détriment des autres.
Pour ma part, je le dis et je le redis : le coeur du libéralisme, dans le domaine économique, c'est la concurrence libre et non faussée. Ce libéralisme économique doit s'appuyer sur un libéralisme politique : pas de concurrence libre et non faussée sans transparence, pas de transparence sans libertés publiques (dont la liberté de commercer, d'acheter ou de consommer sans devoir faire face à des entendesz illégales appuyées par des états, par exemple).
Voilà pourquoi les libéraux ne peuvent absolument pas se reconnaître dans le nouvel ordre mondial, et encore moins dans le bonapartisme de Nicolas Sarkozy. Non au capitalisme de connivence, car il détruit petit à petit tous les acquis que le capitalisme avait pu amener grâce à l'incroyable accumulation de richesses qu'il avait permis !
L'état, au lieu d'intervenir à tout va, ferait bien de s'occuper de remplir convenablement sa première fonction : contrôler l'équité des échanges, de l'information, assurer le transparence, prévoir des lois qui permettent aux petits entrepreneurs et aux consommateurs de se défendre. Récemment, les class actions n'ont pas été retenues dans la Loi de Modernisation de l'économie. Pourquoi, parce que cela gênait les plus grosses entreprises. Il y a donc bien eu collusion entre l'état et ses copains...En définitive, c'est une élite qui truste toutes les places du pouvoir et empêche toute saine émulation grâce à ces réseaux. C'est aussi ce que dénonce, je le crois, François Bayrou dans son Abus de pouvoir, et c'est à cela qu'il faut mettre fin si l'on veut retrouver, au moins en France, aux blocages de toute sorte à tous les niveaux de l'économie et de l'état...
Commentaires
" la concurrence libre et non faussée" est-ce seulement possible ?
en tant que consommateur on a un peu l'impression que soit les produits identiques sont au même prix partout, soit si les prix diffèrent c'est que les produits ou services sont différents, avec une tendance pour les services de téléphonie par ex. à la complexification de l'offre rendant les comparaisons simples et rapides impossibles...
"""""""Pour ma part, je le dis et je le redis : le cœur du libéralisme, dans le domaine économique, c'est la concurrence libre et non faussée."""""""
Je ne suis pas sur, mais je crois que la plupart des libéraux n'aime et n'utilise pas ce terme de concurrence libre et non faussée. Peut être que certains libéraux pourront apporter des précisions. Bayrou avait lui aussi fait une brillante analyse au congrès de Villepinte en 2007
"Dans la société française, on se tourne vers l'État en disant : Monsieur État ou Madame qui servez l'État, s'il vous plait, veuillez résoudre ce problème à notre place. La France souffre d'une idée fausse de l'État et il faut que nous nous souvenions de ce qui a été depuis longtemps défini par des esprits, de grands esprits de tout premier plan : chaque fois que vous vous en remettez à un État tout-puissant, au bout du compte, vous finissez avec un État impuissant.
Eh bien, c'est la situation de notre pays. C'est la situation de notre pays, car il est impossible qu'il y ait quelque part quelqu'un d'assez intelligent, d'assez informé, d'assez capable pour décider de tout sujet à la place de 65 millions de citoyens. C'est absolument impossible. Quand bien même il existerait quelqu'un qui ait toutes ces vertus, et je crois que cela n'existe pas, il est impossible que les décisions ainsi concentrées puissent répondre de tous les besoins d'invention, d'adaptation, de situations nouvelles que nous avons à assumer. C'est impossible et c'est un drame pour la France, qu'à chaque élection les candidats se présentent en laissant croire aux citoyens qu'ils ont, dans la poche, une baguette magique qui va leur permettre de répondre à toutes les questions. L'État ne peut pas se présenter comme celui qui va tout résoudre et s'il le fait, il ment, et au bout du chemin il y a des désillusions qui vont ébranler un peu plus la société française".
Bon, je ne suis pas autant libéral que vous comme beaucoup en étant toutefois plus que la moyenne Française, mais je penses que le MODEM devrait retrouver cet esprit et ainsi séduire les classes moyennes qui sont toujours les laissés pour compte des politiques.
Bravo pour cet article qui dit tout haut ce que je pense tout bas depuis bien longtemps...
@ Stan
Merci. N'hésitez pas à penser tout haut :-)
Bravo pour le texte (les, si on prend ceux de Vincent Bénard et de François Bayrou cités en commentaire).
Il faut aussi rajouter à cette classe de socio-bourgeois toutes ces personnes qui ont pu atteindre un emploi à l'abri du système, protégé par l'Etat (via numerus, quota, licences, ...), et qui impose désormais leurs prix.
Merci pour ce texte. Je te linkerai.
@ Rangueil
c'est l'analyse de Vincent Bénard qui est remarquable. Mais sur le libéralisme, j'ai toujours pensé que pour les libéraux, la priorité devait être la transparence, à commencer par celle de l'information. C'est l'absence de transparence qui installe la défiance, et la crise financière que nous avons connue a été aussi une crise de confiance.
@ h16
Merci, mais ne te sens pas obligé :-) social-bourgeoisie, c'est pas mal trouvé de la part de Vincent Bénard.
salut,
si le libéralisme c'est comme au poker ou la roulette, la banque a toujours raison de jouer ... trés peu pour moi
christian
D'ailleurs je me souviens d'une autre citation de Bayrou:
"La vertu du libéralisme, ce sont des règles précises et rigoureuses : la séparation des pouvoirs, l’équilibre entre les pouvoirs, l’interdiction de mélanger l’État et l’économie. Aucune de ces règles n’est respectée en France."
@ monpostdemocrate, il ne faut pas tout mélanger et caricaturer, nous ne sommes pas au PS ou l'UMP.
Sinon, j'aurais espérer qu'un libéral me réponde sur "la concurrence libre et non faussée".
@ démocrate
c'est à dire que certains libéraux s'en défient, parce qu'on peut comprendre la concurrence libre et non faussée au sens large : par exemple, est-ce que le dumping social fausse ou non la concurrence ? Certains libéraux jugent que c'est excessif. C'est une question d'interprétation...
Il me semble que j'avais entendu que beaucoup de libéraux préféraient un autre terme ou conception que celui-ci, mais je ne m'en souviens plus du tout ...
Tiens, je pourrais essayer de lancer le débat chez les LHC. Mais ils ne comportent pas que des libéraux : on y trouve aussi des conservateurs et même des réactionnaires purs de dur.
Je dirais même que le noyau dur est plutôt libéral-conservateur, désormais, voire nationaliste...
Peut être que si H16 passe dans le coin, il pourra détailler les positions libérales sur la "concurrence libre et non faussée", mais je suis d'avis que les libéraux ne l'apprécie pas, un peu comme la conception de "concurrence pure et parfaite" ( cela se rejoins d'ailleurs).