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La Fontaine

  • Bayrou,Borloo et les centristes...

    Europium est venu me rappeler opportunément une remarque de François Bayrou en mars dernier sur la difficulté de rassembler les centristes : 

    Rassembler les centristes, c'est comme conduire une brouette pleine de grenouilles: elles sautent dans tous les sens.

    Du coup, cela m'a rappelé un poème de La Fontaine tout à fait à propos, au sujet des centristes, de Bayrou et de Borloo : les Grenouilles qui demandaient un roi...

    Les grenouilles se lassant 

                De l'état démocratique,  

                Par leurs clameurs firent tant  

    Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique. 

    Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique:  

    Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant, 

                Que la gent marécageuse,  

               Gent fort sotte et fort peureuse,  

                S'alla cacher sous les eaux,  

                Dans les joncs, les roseaux,  

                Dans les trous du marécage,  

    Sans oser de longtemps regarder au visage  

    Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau.  

                Or c'était un soliveau,  

    De qui la gravité fit peur à la première  

                Qui, de le voir s'aventurant,  

                Osa bien quitter sa tanière.  

                Elle approcha, mais en tremblant;  

    Une autre la suivit, une autre en fit autant:  

                Il en vint une fourmilière;  

    Et leur troupe à la fin se rendit familière 

                Jusqu'à sauter sur l'épaule du roi. 

    Le bon sire le souffre et se tient toujours coi. 

    Jupin en a bientôt la cervelle rompue: 

    «Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue.»  

    Le monarque des dieux leur envoie une grue, 

                Qui les croque, qui les tue,  

                Qui les gobe à son plaisir;  

                Et grenouilles de se plaindre.  

    Et Jupin de leur dire:« Eh quoi? votre désir 

                A ses lois croit-il nous astreindre?  

               Vous avez dû premièrement 

                Garder votre gouvernement; 

    Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire 

    Que votre premier roi fut débonnaire et doux 

                De celui-ci contentez-vous,  

                De peur d'en rencontrer un pire.»

  • Le Juge arbitre, l'Hospitalier et le Solitaire

    Et cette dernière fable de La fontaine, qui, si je ne me trompe pas, est son testament spirituel puisque c'est la dernière qu'il a écrite alors qu'il était lucide mais  très gravement malade.

    Trois saints, également jaloux  de leur salut,
    Portés d'un même esprit, tendaient à même but.
    Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses :
    Tous chemins vont à Rome ; ainsi nos Concurrents
    Crurent pouvoir choisir des sentiers différents.
    L'un, touché des soucis, des longueurs, des traverses
    Qu'en apanage on voit aux procès attachés,
    S'offrit de les juger sans récompense aucune,
    Peu soigneux d'établir ici-bas sa fortune. 

    Depuis qu'il est des lois, l'Homme, pour ses péchés,
    Se condamne à plaider la moitié de sa vie.
    La moitié ? les trois quarts, et bien souvent le tout.
    Le conciliateur crut qu'il viendrait à bout
    De guérir cette folle et détestable envie.
    Le second de nos Saints choisit les hôpitaux.
    Je le loue ; et le soin de soulager ces maux
    Est une charité que je préfère aux autres.
    Les malades d'alors, étant tels que les nôtres,
    Donnaient de l'exercice  au pauvre Hospitalier,
    Chagrins, impatients, et se plaignant sans cesse :
    Il a pour tels et tels un soin particulier ;
                   Ce sont ses amis ; il nous laisse.
    Ces plaintes n'étaient rien au prix de l'embarras
    Où se trouva réduit l'Appointeur de débats : 
    Aucun n'était content ; la sentence arbitrale
                   A nul des deux ne convenait :
                   Jamais le Juge ne tenait
                   A leur gré la balance égale.
    De semblables discours rebutaient l'Appointeur :
    Il court aux hôpitaux, va voir leur Directeur :
    Tous deux ne recueillant que plainte et que murmure,
    Affligés, et contraints de quitter ces emplois,
    Vont confier leur peine au silence des bois.
    Là, sous d'âpres rochers, près d'une source pure,
    Lieu respecté des vents, ignoré du soleil,
    Ils trouvent l'autre Saint, lui demandent conseil.
    Il faut, dit leur ami, le prendre de soi-même.
                   Qui mieux que vous sait vos besoins ?
    Apprendre à se connaître est le premier des soins
    Qu'impose à tous mortels la Majesté suprême.
    Vous êtes-vous connus dans le monde habité ?
    L'on le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité :
    Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême.
                  Troublez l'eau : vous y voyez-vous ?
    Agitez celle-ci. Comment nous verrions-nous ?
                   La vase est un épais nuage
    Qu'aux effets du cristal (8) nous venons d'opposer.
    Mes frères, dit le Saint, laissez-la reposer,
                   Vous verrez alors votre image.
    Pour vous mieux contempler demeurez au désert.
                   Ainsi parla le solitaire.
    Il fut cru, l'on suivit ce conseil salutaire.
    Ce n'est pas qu'un emploi ne doive être souffert.
    Puisqu'on plaide, et qu'on meurt, et qu'on devient malade,
    Il faut des médecins, il faut des avocats.
    Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas :
    Les honneurs et le gain, tout me le persuade.
    Cependant on s'oublie en ces communs besoins.
    Ô vous, dont le public emporte tous les soins,
                   Magistrats, princes et ministres,
    Vous que doivent troubler mille accidents sinistres,
    Que le malheur abat, que le bonheur corrompt,
    Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.
    Si quelque bon moment à ces pensers vous donne,
                   Quelque flatteur vous interrompt.
    Cette leçon sera la fin de ces ouvrages :
    Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir !
    Je la présente aux Rois, je la propose aux Sages :
                   Par où saurais-je mieux finir ?

  • Le combat des rats et des belettes

    J'ai bien aimé la fable de La fontaine qui suit, et je vous laisse en tirer les conclusions et réflexions que vous voulez, en ce beau jour de municipales :-)

     

    LE COMBAT DES RATS ET DES BELETTES 

    La nation des belettes,
    Non plus que celle des chats,
    Ne veut aucun bien aux rats ;
    Et sans les portes étrètes
    De leurs habitations,
    L'animal à longue échine
    En ferait, je m'imagine,
    De grandes destructions.
    Or une certaine année
    Qu'il en était à foison,
    Leur roi, nommé Ratapon,
    Mit en campagne une armée.
    Les belettes, de leur part,
    Déployèrent l'étendard.

    Si l'on croit la renommée,
    La victoire balança:
    Plus d'un guéret (1) s'engraissa
    Du sang de plus d'une bande.
    Mais la perte la plus grande
    Tomba presque en tous endroits
    Sur le peuple souriquois.
    Sa déroute fut entière,
    Quoi que pût faire Artapax,
    Psicarpax, Méridarpax,
    Qui, tout couverts de poussière,
    Soutinrent assez longtemps
    Les efforts des combattants.
    Leur résistance fut vaine ;
    Il fallut céder au sort :
    Chacun s'enfuit au plus fort,
    Tant soldat que capitaine.
    Les princes périrent tous.
    La racaille, dans des trous
    Trouvant sa retraite prête,
    Se sauva sans grand travail ;
    Mais les seigneurs sur leur tête
    Ayant chacun un plumail (3),
    Des cornes ou des aigrettes,
    Soit comme marques d'honneur,
    Soit afin que les belettes
    En conçussent plus de peur,
    Cela causa leur malheur.
    Trou, ni fente, ni crevasse
    Ne fut large assez pour eux ;
    Au lieu que la populace
    Entrait dans les moindres creux.
    La principale jonchée
    Fut donc des principaux rats.

    Une tête empanachée
    N'est pas petit embarras.

    Le trop superbe équipage
    Peut souvent en un passage
    Causer du retardement.
    Les petits, en toute affaire,
    Esquivent fort aisément:
    Les grands ne le peuvent faire
    .

    Ah, un petit détail, La fontaine s'est largement inspiré...d'Homère pour écrire cette sympathique petite fable : la Batrachomyomachie .

  • Que pèse la blogosphère ?

    Je viens de lire un article fort intéressant, sur Marianne2 dont j'approuve tout à fait la conclusion.

    « Enfin, le monde des «netoyensr» s'est refermé sur lui-même en un dense réseau où l'on se cite et se référence les uns les autres, où l'on parle le même jargon, où l'on blogue à propos des blogs autant que des sujets dont on blogue, au point qu'il devient possible d'oublier qu'il existe un autre monde, qui ne nous lit pas

    C'est exactement ce qui m'agace de plus en plus au sein de la blgopshère. Il y a une espèce d'aristocratie qui n'en peut plus d'arrogance et de sentiment d'évoluer dans des sphères supérieures, et qui se donne une importance qu'elle n'a sans doute pas. En fait, elle rejoint progressivement l'attitude commune des intellectuels français et autres courtisans du pouvoir. Schumpeter a écrit des choses admirables sur ces gens-là.

     Je reviens sur le chapitre XIII de Capitalisme, Socialisme et Démocratie

    Dans la seconde partie, la sociologie des intellectuels, Schumpeter écrit :

    « Néanmoins, l'intellectuel typique ne se souciait guère de monter sur le bûcher, toujours dressé pour les hérétiques, mais, en règle générale, il préférait grandement prendre sa part d'honneurs et de confort. or, tout compte fait, et bien que les humanistes aient été les premiers intellectuels disposant d'un publie au sens moderne du terme, de tels avantages ne pouvaient être dispensés que par les princes spirituels ou temporels. »

    et plus loin, il complète son propos sur les moyens de parvenir aux dits honneurs :

    « Cependant les honneurs et les émoluments peuvent être obtenus par des procédés divers. L'obséquiosité et la flatterie sont souvent moins fructueuses que l'arrogance et l'insulte. »

    C'est, globalement, ainsi que je vois les choses. J'ajouterai que le blog est un phénomène d'autant plus français, qu'outre la tradition autobiographique  française, c'est aussi une posture qui convient bien pour le coq dressé sur ses ergots. Il peut ainsi claironner à tue-tête avec la sensation d'avoir un auditoire réservé. Ainsi, l'aristocratie ne se réduit pas à quelques blogs fameux, et le phénomène du coq est généralisé.

     La réalité est que nos pauvres blogs sont bien peu de choses et pèsent, au final bien peu. Bien moins que ce que nous leur prêtons. Et nos blogs politiques aussi. Quand on dissèque les chiffres, que reste-t-il ? Je table, ce mois-ci, sur 8  000 visiteurs uniques c'est à dire au moins 8 000 lecteurs différents. Mais un article, la plupart du temps, recueille 100 à 200 visites, et même les plus lus n'excèdent guère 700 à 800 visites. A moins de titrer Carla Bruni ou Laure Manaudou nue, on ne peut espérer vraiment plus. Que l'on observe la géo-localisation, ce que je peux voir, et pour une campagne municipale, par exemple, il m'est aisé de réaliser que je vais toucher avec un seul article une trentaine, à peine, d'électeurs concernés par l'actualité de mon billet. Sur ces trente là, les 3/4 seront déjà convaincus dans un sens ou dans l'autre. Il en reste  10 à 15, finalement, qui n'ont peut-être pas de positions nettes. Heureux si je réussis à en convaincre, ou si je contribue à en convaincre ne serait-ce qu'un seul avec mon billet. 

    Revenons à nos blogueurs : allez dans la rue, et demandez au premier badaud croisé qui est Versac. Il n'en saura 99% du temps fichtre rien. Les Embruns ? Pour lui ce sera certainement une plage bretonne ou vendéenne. Tedcrunch sera certainement une marque de chocolat, et Fred Cavazza du café...

    Bref, nul n'est besoin de citer la fable fameuse de La Fontaine sur la grenouille et le boeuf, fable qu'au demeurant il emrpunta à Phèdre ou Esope. Mais à défaut de la citer, je pense que la blogosphère toute entière devrait la méditer, cette fable... 

    Oh, et puis zut, je la copie intégralement :

    Une Grenouille vit un bœuf
    Qui lui sembla de belle taille.
    Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
    Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
    Pour égaler l'animal en grosseur,
    Disant : Regardez bien, ma sœur ;
    Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
    - Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
    - Vous n'en approchez point. La chétive pécore
    S'enfla si bien quelle creva.
    Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
    Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs,
    Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
    Tout Marquis veut avoir des Pages.