Une fois de plus, Montesquieu fait mouche : cette fois il s'intéresse aux relations entre le niveau de liberté d'un côté, et les impôts et les peines fiscales dans le commerce de l'autre. Ses conclusions sont parfois surprenantes, mais toujours sensées.
Livre XIII, chapitre I, Des revenus de l'Etat
«Les revenus de l'État sont une portion que chaque citoyen donne de son bien pour avoir la sûreté de l'autre, ou pour en jouir agréablement.
Pour bien fixer ces revenus, il faut avoir égard et aux nécessités de l'État, et aux nécessités des citoyens. Il ne faut point prendre au peuple sur ses besoins réels, pour des besoins de l'État imaginaires.
Les besoins imaginaires sont ce que demandent les passions et les faiblesses de ceux qui gouvernent, le charme d'un projet extraordinaire, l'envie malade d'une vaine gloire, et une certaine impuissance d'esprit contre les fantaisies. Souvent ceux qui, avec un esprit inquiet, étaient sous le prince à la tête des affaires, ont pensé que les besoins de l'État étaient les besoins de leurs petites âmes.
Il n'y a rien que la sagesse et la prudence doivent plus régler que cette portion qu'on ôte et cette portion qu'on laisse aux sujets.
Ce n'est point à ce que le peuple peut donner qu'il faut mesurer les revenus publics, mais à ce qu'il doit donner; et si on les mesure à ce qu'il peut donner, il faut que ce soit du moins à ce qu'il peut toujours donner.»
J'adore tout aprticulièrement la distinction entre ce que le peuple peut donner et ce qu'il doit donner. A méditer pour les alter, cocos, trotskos et autres crypto-marxistes, mais aussi pas mal de socialistes qui confondent "peut donner" et "doit donner".
Au chapitre XI du même livre, Montesquieu compare les peines fiscales en Europe où les gouvernements sont modérés et en Asie où ils sont despotiques. Il observe que plus un régime est despotique, et moins on y punit la fraude commerciale et fiscale. De même, contrairement à une idée reçue, dans le régime despotique, on lève moins d'impôts. Question aux lecteurs assidus qui suivent certainement l'actualité : qui vient justement de décider de cesser defaire poursuivre en justice les délits financiers ? et qui vient également de faire passer un énorme crédit d'impôts ?
Mais moi, ce que j'aime, c'est la règle générale édictée au chapitre XII :
«Règle générale: on peut lever des tributs plus forts, à proportion de la liberté des sujets; et l'on est forcé de les modérer, à mesure que la servitude augmente. Cela a toujours été, et cela sera toujours. C'est une règle tirée de la nature, qui ne varie point» [...]
«Mais la règle générale reste toujours. Il y a, dans les États modérés, un dédommagement pour la pesanteur des tributs: c'est la liberté. Il y a dans les États despotiques un équivalent pour la liberté: c'est la modicité des tributs.»
Et voilà, n'est-ce pas finement observé ? Bien sûr la France n'est pas un régime despotique, pas plus que Nicolas Sarkozy n'est un despote, mais, des traits de sa politique et de ses mesures le sont, eux, en revanche, et ce n'est pas la première fois que je le note. Merci Montesquieu.