Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

France Telecom

  • Le Travail entre bonheur et suicide

    Il y a un remarquable article du café pédagogique, ce matin, sur les épidémies de suicide liées au travail. L'auteur de l'article observe notamment très finement qu'une enquête récente de l'INSEE place le travail en troisième position, derrière la famille et la santé, parmi les domaines les plus importants pour être heureux. Les chômeurs et les précaires le placent même en première position. A contrario donc de ce que j'écrivais mardi, c'est bien la charge de bonheur/malheur que nous associons à nos emplois qui jouerait un rôle déterminant dans les suicides survenus sur le lieu de travail, ou, tout du moins, à cause des conditions dans lesquelles on y exerce.

    Je me suis penché sur l'étude que cite le Café pédagogique, car cette étude examine les relations entre travail et identité.  La question est plus politique qu'il n'y paraît, puisque les libéraux ne  considèrent pas le travail comme une activité réalisatrice comme le font les Marxistes, mais plutôt comme une nécessité afin d'obtenir des biens. Paradoxalement, dans le paradis libéral, on ne travaille pas, les biens s'auto-génèrent, alors que dans le paradis marxiste, le travail est la condition sine qua non du bonheur. Il est donc logique de trouver les héritiers du marxisme en pointe sur un tel thème. Aux yeux des Marxistes, le travail est la quintessence de l'activité humaine.

    Mais cette opposition serait réductrice : en réalité, le travail ne se réduit pas à l'activité humaine, mais, bien souvent, il structure le temps, l'espace et jusqu'à un certain degré, les relations sociales. Toucher au travail impacte donc fatalement plus ou moins fortement tous ces aspects de la vie humaine. L'étude menée par Hélène Garner, Dominique Méda et Claudia Senik relève une enquête assez éclairante faite par la CFDT et le CEVIPOF en 2001 :

    L’enquête menée par la CFDT visait précisément à savoir si le travail est principalement perçu comme un moyen de vivre ou un lieu de réalisation de soi : « Pour vous le travail, c’est 1) une obligation que l’on subit pour gagner sa vie (un tiers des réponses), 2) une obligation et aussi un moyen de se réaliser (42 %), 3) être utile, participer à la vie en société (20 %), 4) réaliser un projet, une passion (5 %) ». Les réponses étaient diversifi ées non seulement selon les catégories de salariés mais aussi selon les secteurs : on remarquait notamment une forte différence entre le secteur privé pour lequel le travail est d’abord une obligation et le secteur public qui voit plus le travail comme un moyen d’être utile ou de se réaliser ; par ailleurs, les ouvriers et les employés du privé, qualifi és ou non qualifi és, défi nissaient principalement le travail comme une obligation subie. En revanche, ceux pour lesquels le travail est un moyen de se réaliser ou une façon d’être utile à la société sont des enseignants, des travailleurs sociaux, des salariés des hôpitaux, des professions de la santé : le travail apparaît alors de l’ordre de la vocation.

    J'observe simplement ceci : France Telecom (Orange) était à l'origine une entreprise publique, et même un service public. Elle s'est peu à peu privatisée. Il en va de même, au demeurant, pour Renault (qui a connu aussi une épidémie de suicides il y a deux ans). Il n'est, à la lueur de l'extrait que je cite ci-dessus, peut-être pas étonnant, dans ces conditions, que des individus qui ont choisi une profession pour se réaliser ou par vocation vivent mal de se trouver dans une perspective d'emploi qui n'est plus la même, où le travail devient une nécessité et non plus une activité réalisatrice.

    Il faut bien sûr avancer avec prudence, et toute généralisation serait hâtive, mais il y a certainement là des éléments de réflexion à méditer.

  • Suicide en entreprise

    Polluxe s'est posée, dans son dernier billet, la même question que moi : depuis la vague de suicides qui frappe France Telecom, j'essaie de me renseigner pour comprendre s'il s'agit vraiment d'une vague de suicides ou si c'est la médiatisation qui lui donne son ampleur.

    Il est apparemment très difficile de se procurer des statistiques sur les causes de suicide dans les entreprises. Finalement, ce qui frappe, dans ce sinistre phénomène, ce n'est pas tant le nombre que la répétition de la cause : les salariés qui se sont suicidés ont à chaque fois invoqué les conditions de travail. Et on arrive alors à cet étrange paradoxe : à France Telecom, in fine, on se suicide moins qu'ailleurs pour des causes extérieures au travail. En effet, si l'on retranche ces cas spécifiques revendiqués, on tombe alors à un taux de suicide particulièrement plus bas que la moyenne française.

    Il faut toutefois intégrer d'autres données : être salarié à France Telecom, c'est disposer d'un emploi, et d'un emploi plutôt bien rémunéré, comparativement, puisque c'est la politique de cette entreprise que de payer davantage ses salariés. Il faudrait donc comparer des situations égales pour se faire une idée claire du caractère extraordinaire ou non des faits.

    Je me garderais de conclure, mais je constate simplement un fait : notre société se gouverne elle-même par la peur, particulièrement dans sa composante marchande et économique. Notre société est dans une logique productiviste qui pousse au rendement et qui punit l'échec par la déconsidération dans le meilleur des cas, l'exclusion et le rejet dans le pire.

    C'est à mon sens dans le moteur de la motivation que le bât blesse : les techniques de management modernes, au-delà d'un discours en trompe l'oeil, sont passées d'une logique de motivation positive à une logique de motivation négative.

    Si je devais invoquer les mânes de Nietzsche, et son Zarathoustra, je dirais que ce ne sont plus des forces actives qui mènent l'humanité, mais des forces réactives qui la conduisent à un reniement toujours plus violent.

    Notre société ne pourra pas continuer à produire si elle ne change pas radicalement son rapport au travail. J'obsqerverais d'ailleurs un détail qui hélas, est significatif : pour qualifier le labeur, les Français ont choisi un vieux mot d'origine latine, datant de 'empire romain tardif ; travail vient de tropalium qui vient lui-même de tripalium, un engin de torture à trois pointes. D'ailleurs, au moyen-âge, on utilisait le mot "travail" pour désigner les souffrances de l'accouchement.

    Voilà qui en dit long sur notre société et qui indique le chemin à ne pas suivre...

  • L'absurde management de France Telecom

    Je viens de prendre connaissance de la manière dont France Telecom gère la carrière de ses cadres grâce à un article du Parisien. Mutation forcée tous les trois ans. Je commence à comprendre pourquoi c'est le bordell, là-bas, quand on essaie de faire appel aux différents services.

    Il y a un truc de base que France Telecom (mais ce n'est dans doute pas la seule entreprise dans ce cas) semble tout à fait ignorer : je n'en connais pas le terme technique, mais moi, je l'appelle "mémoire de l'entreprise". L'esprit d'une entreprise se constitue en partie par l'image qu'elle renvoie, en externe, mais aussi, par les souvenirs qu'en ont ceux qui y travaillent et par la somme d'information qu'ils détiennent. Une gestion intelligente de cette mémoire diverse et divisée, c'est de faire en sorte qu'elle soit efficiente là où est affectée. Ainsi, dans chaque service, quelques personnes établies peuvent apporter un soutien précieux aux débutants ou débloquer une situation grippée grâce à l'expérience et aux connaissances accumulées. C'est particulièrement le rôle des cadres. Ceci ne signifie pas qu'il faut les laisser à vie dans leur poste, car le danger qui guette, alors, c'est l'ennui (mais pas nécessairement la routine), mais qu'il faut au moins leur laisser le temps de constituer cette mémoire efficace et bien considérer l'impact d'un changement de poste, comparable à un effacement de données sur un disque dur, ou du moins, à une réallocation complètement ubuesque.

    Et ce qui me frappe, dans tous les cas de suicide qui se sont produits à France Telecom, c'est justement l'écart grandissant entre  les compétences des cadres mutés et ce qui en était attendu dans un métier parfois complètement différent.

    Pour finir, tout n'est pas non plus à jeter dans les méthodes de France Telecom : l'entreprise a parallèlement une gestion de l'intéressement plutôt généreuse, mais l'argent ne peut être le seul moteur d'une organisation efficace. Olivier Barberot, le Directeur des ressources humaines du groupe, a du pain sur la planche, je crois...Il veut former les 20 000 managers du groupe, paraît-il : et si France Telecom lui assignait un "objectif sur le plateau" ?

    Cela dit, sans vouloir soulever à nouveau un lièvre, je me demande parfois dans quelle mesure l'application des 35 heures dans les entreprises n'a pas généré un surcroît de travail et surtout de demande de productivité. Je relisais le compte-rendu d'une table ronde à laquelle Olivier Barberot avait justement participé en 2001, alors qu'il était DRH de Thomson et voici ce qu'il disait :

    Nous avons cinq centres de recherche dans le monde, les deux plus importants sont situés à Rennes, où les chercheurs sont aux 35 heures, et à Indianapolis, où l'on travaille 40 heures. Donc, un chercheur français doit produire plus et plus vite qu'un chercheur américain. Il y arrive souvent. C'est dire l'exigence posée par les 35 heures. Il en va de même dans nos usines, l'une étant située en Pologne et l'autre à Angers.

    Je ne cherche pas à faire porter le chapeau aux 35 heures dans ces cas de suicide (le déplacement triennal est une aberration) mais je trouve ce propos, datant de 2001, symptômatique. On a pris alors l'habitude de pressuriser les cadres au-delà de ce que permettait le sens commun. Au passage, Barberot observait lors de cette même table ronde, contrairement à une idée reçue, que le dialogue social existait en France et que les conflits sociaux étaient bien plus durs aux USA.

     

     

  • Charles-Amédée de Courson critique la stratégie de désendettement du gouvernement

    L'Etat, en se désengageant à hauteur du 5% du capital de France Telecom, a fait tomber dans son escarcelle un montant de 2.6 milliards d'euros. En théorie, selon Christine Lagarde, ce montant devrait être affecté intégralement au désendettement. 

    Mais cette stratégie suscite de fortes réserves, à commencer par celles de Charles-Amédée de Courson, celui-là même qui avait chiffré le coût des programmes à l'UDF pendant la campagne présidentielle. Il fait en effet partie des hérauts de  l’orthodoxie budgétaire. En 2006, alors sous la bannière UDF, il avait critiqué la politique de cession d’actifs menée à tour de bras par le ministre de l’Economie d’alors, Thierry Breton.

    Aujourd’hui il avance les mêmes objections : «Pour désendetter, comme disait ma grand-mère, il y a deux solutions : Désendetter vraiment, ou vendre des actifs. C’est kif-kif, mais vendre des actifs n’est pas une solution.» 

    De fait, vendre des actifs alors qu'ils ont un rendement financier plus élevé que les taux d’intérêts, cela paraît particulièrement mal calculé. . Grâce à un dividende élevé, le rendement de l’action France Télécom est de près de 6 % alors que l’Etat s’endette à 4,5 %. Le député du Nouveau Centre juge que le seul «vrai»  moyen de réduire le déficit de l’Etat, c’est «de baisser les dépenses de fonctionnement».  «L’endettement n’est ni bon ni mauvais , ce qui est en revanche inacceptable, c’est de s’endetter pour financer des dépenses de fonctionnement.»

    On prend les mêmes et on recommence...C'est désespérant. L'erreur a déjà été faite avec les autoroutes mais cela n'a pas l'air de perturber outre mesure nos responsables politiques et économiques. Espérons que cela pousse Charles-Amédée de Courson à se rappeler les raisons pour lesquelles il a soutenu François Bayrou plutôt que Nicolas Sarkozy et son UMP au premier tour des présidentielles...