Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Suicide en entreprise

Polluxe s'est posée, dans son dernier billet, la même question que moi : depuis la vague de suicides qui frappe France Telecom, j'essaie de me renseigner pour comprendre s'il s'agit vraiment d'une vague de suicides ou si c'est la médiatisation qui lui donne son ampleur.

Il est apparemment très difficile de se procurer des statistiques sur les causes de suicide dans les entreprises. Finalement, ce qui frappe, dans ce sinistre phénomène, ce n'est pas tant le nombre que la répétition de la cause : les salariés qui se sont suicidés ont à chaque fois invoqué les conditions de travail. Et on arrive alors à cet étrange paradoxe : à France Telecom, in fine, on se suicide moins qu'ailleurs pour des causes extérieures au travail. En effet, si l'on retranche ces cas spécifiques revendiqués, on tombe alors à un taux de suicide particulièrement plus bas que la moyenne française.

Il faut toutefois intégrer d'autres données : être salarié à France Telecom, c'est disposer d'un emploi, et d'un emploi plutôt bien rémunéré, comparativement, puisque c'est la politique de cette entreprise que de payer davantage ses salariés. Il faudrait donc comparer des situations égales pour se faire une idée claire du caractère extraordinaire ou non des faits.

Je me garderais de conclure, mais je constate simplement un fait : notre société se gouverne elle-même par la peur, particulièrement dans sa composante marchande et économique. Notre société est dans une logique productiviste qui pousse au rendement et qui punit l'échec par la déconsidération dans le meilleur des cas, l'exclusion et le rejet dans le pire.

C'est à mon sens dans le moteur de la motivation que le bât blesse : les techniques de management modernes, au-delà d'un discours en trompe l'oeil, sont passées d'une logique de motivation positive à une logique de motivation négative.

Si je devais invoquer les mânes de Nietzsche, et son Zarathoustra, je dirais que ce ne sont plus des forces actives qui mènent l'humanité, mais des forces réactives qui la conduisent à un reniement toujours plus violent.

Notre société ne pourra pas continuer à produire si elle ne change pas radicalement son rapport au travail. J'obsqerverais d'ailleurs un détail qui hélas, est significatif : pour qualifier le labeur, les Français ont choisi un vieux mot d'origine latine, datant de 'empire romain tardif ; travail vient de tropalium qui vient lui-même de tripalium, un engin de torture à trois pointes. D'ailleurs, au moyen-âge, on utilisait le mot "travail" pour désigner les souffrances de l'accouchement.

Voilà qui en dit long sur notre société et qui indique le chemin à ne pas suivre...

Commentaires

  • Le problème est que nous sommes poussé à vivre pour le travail. Toute notre vie réduite à être outil de production. Parfois outil de luxe.

    C'est pour cela que la placardisation et autres mobbing peuvent déclencher des réactions aussi violentes.

    Tu as bon être cadre et bien payé. Le mépris de tes collègues, et surtout le mépris de soi-même ne peuvent être compensé par rien au monde. Si en réalité : par le lien social. Mais à partir du moment qu'on est pris dans cette spirale, tout se brise.

    Il y avait un comique en Italie dans les années 90 qui avait fait un tabac avec un incipit de ses sketches :
    mon grand père avait un atelier, mon père avait un grand atelier, moi j'ai un très grand atelier. Mon fils, il se drogue.

    Joli tableau d'un certain néant, n'est pas ?

  • Oui, enfin quand on discute un peu avec des salariés de France Telecom on y voit tout de suite plus clair et on se rend compte par la même que les politiques comme la presse raconte à peu près n'importe quoi.

    Premièrement France Telecom n'existe pas (pour être plus exact l'entreprise n'existe plus), la société s'appelle Orange. France Telecom est juste une marque dont le groupe est propriétaire et qu'ils utilisent pour leur communication en France, parce que ça fait mieux, parce qu'aussi ça permet de tromper les gens et de faire croire qu'on fait parti du service publique (bien utile pour accéder aux immeubles où le démarchage est interdit. On apprend aussi que cette entreprise traite mal ses salariés, mais aussi ses clients (particuliers et surtout entreprise), ses prestataires, bref tout le monde. C'est bien simple, une psychanalyste de mes connaissances me racontait qu'une de ses patientes avait mis des mois avant de lui dévoiler le nom de l'entreprise pour laquelle elle travaillait ... car elle en avait honte. Oui vous lisez bien, on peu avoir honte de travailler pour Orange. Le terme de tricheur, de voleur, de salauds reviennent souvent pour ceux qui ont eu à travailler pour ou avec Orange... sans même parler des concurrents directs ou indirects. C'est bien simple, à écouter certains on croirait entendre parler de Microsoft à son époque la plus sulfureuse.

    ... et le fameux management ? Et bien il a une particularité qui n'est jamais citée: inefficace, désorganisé, changeant au grès du vent et surtout des cours de la bourse. Et c'est probablement une grande part du problème. France Telecom est une entreprise avec un faux nom, pas de tête, un grand corps pourtant et des intérêts internationaux. Une grosse machine qui broie n'importe quoi sans raison et sans objectif à moyen ou long terme. Trop grosse pour réagir vite et efficacement et trop préoccupée par l'instant pour s'organiser et devenir efficace.

    Un exemple pas si isolé en fait, qui ressemble à d'autres multinationales dont l'unique patron est la bourse. C'est à dire des valeurs aléatoires changeant au jour le jour, à chaque heure, à chaque seconde.

    Pourquoi ce suicide t'on à France Telecom ? Imaginons... Parce qu'on ne va pas bien déjà, qu'on ne sais pas où l'on va mais qu'on sais qu'a priori ce ne serait pas vers un mieux, ni même un bien. Parce qu'on ne peut pas rentrer chez soi avec la satisfaction du travail accompli vu que, dans le meilleurs des cas, on accompli rien faute de temps pour atteindre les objectifs, ou dans le pire on accompli rien puisqu'on est mis à l'écart. Parce que certains ont des scrupules à faire un boulot immoral, ne se sentent pas utiles, voir carrément nuisibles. Parce qu'enfin si on veut se plaindre, les mots eux même sont interdits, les mots n'ont plus de sens. Pour tout le monde vous travaillez chez France Telecom, mais vous seuls savez que vous êtes chez Orange et que ça n'a rien à voir... ou bien est-ce vous qui êtes fou. Même a la télé ils disent que vous êtes juste un technicien qui n'a pas su s'adapter à internet.

    Internet, encore un vaste sujet, sur "internet, France Telecom et Orange" il y en aurait à raconter: des scandales d'état, des gachis extraordinaires, des comportements mafieux, de la corruption, de la bétise...

    Ah quelle belle entreprise !

    A coté de ça certaines personnes travaillent comme des fous dans des boulots beaucoup plus durs et ne se suicident pas... peut être ont ils l'impression de servire à quelque chose, eux. Peut être que retirer une satisfaction de son travail est plus important que le nombre d'heure qu'on y passe.

    Quelles sont les professions a plus fort taux de suicide en France déjà ?

  • Les deux professions qui connaissent le plus de suicide par an sont les enseignants (39 pour 1000) et les policiers (34 pour 1000 mais sans doute plus car les taux sont souvent maquillés dans ce milieu pour ne pas effrayer).
    Cordialement,
    Nadette

  • @ Nadette
    Très intéressant : vous auriez un lien en référence ?

  • @ l'Hérétique

    Oui, la voici, d'ailleurs je n'ai pas vu que j'avais mal écrit : il s'agit de 39 pour 100 000 (on ne se relit jamais assez !)

    http://www.mediapart.fr/club/blog/sebastien-rome/131009/stress-l-ecole

Les commentaires sont fermés.