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Sans le latin, sans le latin, l'école nous emmerde...

La chanson de Brassens, sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde, m'a toujours fait rigoler. J'ai fait à ce sujet une trouvaille improbable sur la Toile :un blog d'un sociologue dont l'objet d'étude est le latin, et ce, dès la première année de d'étude de cette langue. On y trouve des choses surprenantes : le latin, envers et contre les apparences, vit ses plus belles heures actuelles en France, puisqu'il n'y a jamais eu autant de latinistes en France !

Cette langue est finalement assez emblématique de l'idée que nous nous faisons de l'école et de notre rapport à l'excellence. Elle symbolise la science, le savoir, l'érudition et la rigueur. On n'y peut rien, c 'est quasiment inscrit dans nos gènes, à nous autres, pays latins.

D'une certaine manière, le latin incarne l'ancienne France, celle tu terroir, de la tradition, engagée dans une lutte sans merci avec le modernisme frénétique (et non la modernité). Ce n'est guère étonnant qu'un Descoings, par exemple, veuille la mort de cette discipline.

Si la gauche réformiste a globalement su revenir des errements planistes et étatistes qui caractérisaient toute la gauche dans les années 70  et 80 dans le domaine économique, elle n'a en revanche jamais renié ses fondamentaux dans le domaine éducatif : en particulier, c'est encore et toujours Bourdieu et les thèses constructivistes qui sous-tendent une large partie de sa démarche. Ce constructivisme-là a essaimé puisqu'il a aussi contaminé une large part de la droite libérale en se recombinant (comme le font parfois les virus d'un règne animal à un autre) avec son utilitarisme traditionnel.

La gauche réformiste assure vouloir stériliser les élites en empêchant leur reproduction. Il lui est donc logique d'éradiquer les héritages. La droite moderne ne fait pas fondentalement un calcul différent : elle rêve d'hommes neufs ou assimilables pour éjecter définitivement la vieille droite, attachée à la tradition : elle a donc trouvé dans le constructivisme un allié objectif.

Tout cela n'est que poudre aux yeux, bien évidemment : la droite moderniste avance sans fard, ou presque, tandis que la gauche réformiste s'accomode très bien des écarts de condition sociale. En revanche, en coupant à la source les voies de l'excellence, il est à peu près assuré que ce seront désormais les passe-droit qui permettront à une nouvelle élite très select et jet-setisée de conserver ad vitam aeternam les clefs de l'ascenseur social.

Dans son Tiers-État, dans son Projet d'Espoir et dans son Abus de pouvoir plus encore, il me semble que Bayrou a vu une large part de ces aspects. La panne de l'ascenseur social n'est pas une vaine incantation, à ses yeux, mais une préoccupation bien réelle. A rebours des modernistes et réformistes, le fond de sa pensée, c'est que pour monter dans l'ascenseur social, il est nécessaire de s'approprier les héritages. Nos héritages. Et c'est bien pour cela qu'il souhaite préserver partout, de manière égale et équitable les voies de l'excellence sur tout le territoire français. Le même souci se fait jour dans le livre de Jean Lassalle, la Parole donnée, où il évoque avec nostalgie le temps où jusque dans le village le plus reculé de sa vallée, on pouvait faire ses humanités.

In fine, toute la culture issue des héritages (et aux premières loges, le latin, la musique classique, le patrimoine, l'art et le théâtre classiques) par exemple) est victime d'un vaste mouvement de tenailles qui lui laisse bien peu de chances de survie. Sa subsistance se fait, d'ailleurs, non au nom de la tradition, mais en vertu de la diversité, dans laquelle on case à peu près tout et n'importe quoi.

Et pourtant, tous ces fichus cabotins, ils ne savent pas ce qu'ils perdent !

 

 

Commentaires

  • Je crois qu'en matière éducative, l'erreur fondamentale de cette gauche est de vouloir supprimer les accès aux formations élitistes alors qu'il faudrait au contraire les multiplier et les rendre accessibles à tous.

  • @ L'Hérétique
    Assez d'accord toi.
    Juste un bémol cependant sur "D'une certaine manière, le latin incarne l'ancienne France".
    Le latin dans "l'ancienne France" a été la langue des clercs et des lettrés en aucun cas celle du peuple.

  • Je ne pense pas être d'accord, mais c'est aussi pour cela que je viens vous lire régulièrement.
    N'en faisons pas tempête dans un verre d'eau, fut-elle bénite, mais Brassens faisant partie de mon héritage, de mes humanités personnelles, je crois pouvoir affirmer que c'est bien des fichus calotins qu'il s'agit.

  • Bonjour GeeMee

    Oui, je sais qu'il s'agit des calotins, mais j'ai transformé volontairement la phrase... :-)

  • @ L'Hérétique

    Amen !

  • @ raphaël
    ne nos inducas in tentationem sed libera nos a malo :-D

  • Nolite oblivisci sermonem Latinum Europaeum esse. 85% bibliothecarum nostrarum a pueris nostris legi debent nisi velimus stupidi fieri.
    il y a aussi la Belgique qui, avec sa Schola Nova, continue à parler européen, c'est-à-dire latin!.

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