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Le cas de la burqa

Je ne suis pas loin de partager les avis de Rubin (encore que je ne jetterai pas la pierre aux députés)et surtout d'Aurélien Véron à propos de la burqa. Comme le second, j'ai mal pour les femmes qui portent la burqa. En revanche, cela me paraît quelque peu tendancieux de faire la comparaison de leur cas avec le percing...Mais sur le fond, il me semble qu'il vise juste en rappelant qu'il faudrait se demander pourquoi ces femmes-là portent la burqa. Certaines y voient en effet une affirmation d'une identité, même s'il ne faut pas occulter que pour une majorité, il y a une pression de la famille ou d'un mari.

Je suis convaincu que la proposition de loi de nos députés part d'un bon sentiment, mais il faut se rappeler cette maxime fameuse de Pascal : l'homme n'est ni ange ni bête et qui veut faire l'ange, fait la bête. Il y a un risque non-négligeable d'ouvrir la boîte de Pandore en légiférant ainsi. Bien sûr, c'est tentant de ne pas céder un pouce de terrain à l'intégrisme islamiste, car c'est bien de cela qu'il s'agit, et, très certainement, je suis à peu près convaincu que cette loi serait efficace, comme l'a été la loi sur le voile, mais les dommages collatéraux sont trop importants à mes yeux. Nous ne parviendrons pas à faire passer un tel projet sans renier notre droit particulièrement dans le domaine de la protection des libertés individuelles.

J'ai lu la proposition de résolution. L'argument principal avancé est pour le moins surprenant : la burqa empêche l'identification de la personne. Comme la cagoule, en somme...

l’obligation de retirer le niqab ou la burqa pourrait être justifiée par des buts légitimes qui sont les exigences de la sécurité publique, d’identification des personnes ou encore la protection des droits et liberté d’autrui.

Je dis l'argument principal, parce que le second me paraît trop flou :

la burqa comporte une signification de soumission de la femme qui dépasse sa portée religieuse et pourrait être considérée comme ‘’portant atteinte aux valeurs républicaines présidant à la démarche d’intégration et d’organisation de ces enseignements, obligatoires pour les étrangers admis pour la première fois en France

Les députés doivent réaliser que toute loi qui s'appliquera sur la base de tels arguments pourra faire jurisprudence. Il n'est pas aisé de définir clairement les signes de soumission de la femme. Nous nous aventurons sur un terrain fort mouvant avec un objectif aussi clairement affiché.

Non, la seule chose que l'on peut demander aux femmes en burqa, c'est de le retirer chaque fois que la situation l'exige, comme le fait observer Chitah en commentaire chez Aurélien (je le cite):

Le problème c'est qu'un contrôle de police, normalement, devrait être justifié : on ne contrôle pas les gens comme ça, au hasard, juste pour le plaisir. C'est ce qu'une constitution bien plus libre que la nôtre dit, cela s'appelle une "fouille illégale et illégitime". (Le droit des citoyens d'être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n'est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou affirmation, ni sans qu'il décrive particulièrement le lieu à fouiller et les personnes ou les choses à saisir.) C'est ça le principe. Ensuite, il existe des lieux privés où être identifiable est absolument nécessaire, je pense notamment aux guichets bancaires : là, effectivement, perruques, cagoules, casques de motos, etc. sont interdits parce qu'ils empêchent l'identification. Second point : le débat sur "ces femmes ont-elles le choix ou pas de porter le voile/burqa/etc.?" est complètement débile. D'une part pour les raisons invoquées par Aurélien, où il semble que nombreuses sont celles qui sont parfaitement autonomes dans leur décision. Et d'autre part parce que dans la loi, obliger quelqu'un à faire quelquechose est déjà proscrit. Si demain j'oblige ma femme à porter un voile, jouer du banjo, ou faire le poirier, dans les trois cas je serais évidemment en faute, qu'un tribunal évaluera pour fixer une peine adéquate.

Le point sur lequel je ne rejoins pas Chitah, en revanche, c'est d'affirmer que ce débat est débile. La preuve que non, c'est qu'il fait justement débat et qu'il pose un réel problème aux yeux de l'idée que nous autres Français, attachés à la démocratie, au droit et à la laïcité nous nous faisons de l'égalité entre hommes et femmes. Ce n'est pas n'importe quoi parce que cela touche le fondement même de notre constitution. Chitah aurait donc bien tort de l'évacuer ainsi d'un revers de la main, sous prétexte ce que ce serait marginal (lire son billet sur le sujet) tout comme Manuel, d'ailleurs, qui intervient aussi dans ces mêmes commentaires en estimant que c'est de la propagande anti-islam.

A noter que Frédéric (Ataraxosphère), un blogueur MoDem, ne s'est pas posé la question sous l'angle de la religion ou des valeurs. Pour lui, c'est bien plus simple que cela : il devrait être interdit de se promener en masquant son visage, quel qu'en soit le motif, un simple question de sécurité publique.

Commentaires

  • Merci pour le lien, mais il s'agit d'une réflexion de Frédéric ;-) Ceci dit je la partage.

    Je pense que vous voulez parler d'un "revers" de la main pour Chitah.

    Je n'ai pas le temps de tout commenter, mais j'ai deux remarques au sujet du long passage en italique (citation de Chitah je croid) :
    - à ce que j'apprends, il apparaît que les forces de l'ordre sont donc elles-mêmes très régulièrement en infraction dans les "quartiers sensibles", puisque des contrôles d'identité ont lieu à tout bout de champ, sur des personnes qui sont en plus déjà connues puisqu'appelées par leur prénom ; ou alors j'ai mal compris
    - quant au fait que beaucoup des femmes concernées sont autonomes dans leur décision, cela ne justifie en rien de négliger celles qui n'ont pas le choix ! cela m'étonne d'ailleurs de vouloir sacrifier la liberté de certain(e)s au prix de celle des autres - mais c'est quelque chose que je retrouve souvent dans le discours des "libéraux" ("MON nombril d'abord, et les autres ce n'est pas mon problème"), plus je fréquente vos liens LHC et plus je considère que cet étendard n'est qu'un alibi qui cache leur véritable démarche, purement individualiste (nous avions déjà abordé le sujet sur votre blog)

  • Je vois que ce post ne recueille pas les commentaires qu'il mérite... J'y vais donc de mon petit grain de sel. La question, personne n'est dupe, ne porte pas sur un quelconque impératif sécuritaire. Cela n'est qu'argutie juridique et il n'est pas étonnant que dans un état policier (depuis toujours! ce n'est pas une innovation sarkosienne) comme la France, l'attention de ces messieurs se soit tournée vers ce stratagème. Ce n'est pas non plus une question de liberté individuelle : c'est une collectivité qui est ici mise en cause. C'est bien cette peur viscérale de l'autre, surtout musulman, qui faisait dire à un analyste américain à propos de la reconsidération des alliances avec l'Europe (je le paraphrase) : "si vous voulez visitez la tour Eiffel, dépéchez-vous car elle sera bientôt transformée en minaret", et qui inspire ces grandes résolutions à une poignée de députés. Non, décidément le Français n'aime le musulman que lorsqu'il porte un Kéfié et un AKA-47 (si il y a bien quelque chose qui insupporte plus le Français qu'un arabe, c'est un juif!). Alors toute ces discussions de sécurité et de liberté, amis Français, c'est bon pour l'assemblée nationale, mais ce n'est pas la peine d'en discuter entre "gens biens"... on sait que ni l'une ni l'autre ne sont à l'oeuvre ici.

  • Je ne vais pas essayé de vous convaincre sur la non nécessite du Nikab d'un point de vue théologique (musulman), je dis cela car les salafistes sont convaincus du contraire et que ce débat n'a d'intérêt que dans une mosquée.
    je ne vois qu'un problème, autre que le visuel qui est LE problème principal pour la majorité des anti- du moment, et qui est celui qui englobe la cellule familiale salafiste dans son ensemble. C'est le fait de se mettre en retrait, de s'exclure de la société , or cela est typique du comportement des sectes en générale.
    Je suis persuadé que si on France on avait le courage de traiter le salafisme comme une secte est que la vigilance ne soit ni plus ni moins que celle porté aux autres sectes, le problème aura évacué à a fois la dimension supposé islamique du débat et la récupération politicienne.

  • Très juste Tarik. La dimension sectaire semble souvent oubliée.

  • La démocratie laisse ses ennemis en liberté, c'est en cela que réside sa grandeur dit-on. Que nos élus ne souhaitent pas céder un pouce de terrain aux intégristes religieux, je trouve cela légitime et même très sain...tant que cela n'atteint pas la sphère privée.

    Bref, je trouve normal et même essentiel d'interdire le voile et la burqua dans les écoles et les administrations de la république - laïque, peut-on le rappeler sans passer pour un islamophobe primaire ?

    L'interdire dans la rue en revanche semble une réponse disproportionnée, une atteinte aux libertés individuelles qui se révélerait sans doute être in fine un remède pire que le mal.

    Le port de la Burqa marque clairement un échec de l'intégration à la française, enfin du moins pour une partie de sa population. Si la France ne traversait pas une crise de confiance existentielle perpétuelle, ce problème ne se poserait peut-être pas, de la même façon qu'il ne s'est pas posé pour les Polonais ou les Italiens, arrivés par vague en France et pourtant eux aussi confrontés au racisme et au rejet.

  • "Le port de la Burqa marque clairement un échec de l'intégration à la française"

    Pas seulement car des françaises "de souche" adoptent ce vêtement.

  • Merci pour le lien. Je ne jette pas la pierre au députés, car j'ai appris à ne pas toujours attribuer à la malice ce qui peut relever de la simple incompétence ;-)

  • tiens, ça marcherait pour la 1ère fois depuis 3 ans, les trackback, chez moi ?

  • @L'Hérétique :
    L'existence d'un débat sur une question donnée en France ne donne pas de légitimité particulière à celui-ci. Ce n'est pas parce que les députés, les journaux, et le peuple parlent de quelquechose que ce n'est pas un débat complètement débile et bidon.
    Un exemple, le thème de la violence à l'école, dont on parlait beaucoup il y a quelques semaines, et qui a disparu des Unes depuis un mois : http://mondodingo.blogspot.com/2009/05/un-debat-bidon-de-plus-la-violence.html

    "il pose un réel problème aux yeux de l'idée que nous autres Français, attachés à la démocratie, au droit et à la laïcité nous nous faisons de l'égalité entre hommes et femmes. Ce n'est pas n'importe quoi parce que cela touche le fondement même de notre constitution."
    Si on prend les points les uns après les autres :
    - que vient faire la démocratie là-dedans?
    - que vient faire le droit là-dedans, sachant que si des femmes sont forcées de porter la burqa, ce n'est pas une question de société, c'est une question de police et de justice.
    - la laïcité, ce n'est pas éjecter les religions des rues de France, parce qu'à ce compte-là, dans la rue, il y a des Eglises, des mosquées, des synagogues, des boutiques confessionnelles, qu'il faudrait raser au nom de la neutralité de l'espace public. La laïcité, c'est que l'Etat ne se mêle pas de religion et réciproquement. Ici, l'hérétique, en cherchant à promouvoir le débat sur la burqa, vous êtes anti-laïque, alors que moi je suis justement laïque.
    - l'égalité entre les femmes et les hommes, quel rapport? Si demain des hommes se balandent en burqa, le problème sera mondre?
    - je ne vois pas en quoi cela touche notre constitution au plus profond d'elle-même. Ce doit être une constitution bien fragile si quelques femmes avec un bout de tissu sur le dos peuvent l'ébranler à ce point.

  • C'est exactement ça.

  • @ Chitah
    Ce que je veux dire c'est que ce débat ne peut pas être neutre.
    Vous dites : «si les femmes sont forcées de porter la burqa»
    Le problème, c'est votre "si". Croyez-vous que cela soit aussi simple à déterminer ? Si tel était le cas, je pense qu'il serait très aisé de légiférer. On peut comparer ce questionnement à celui des phénomènes sectaires. Où commence et ou s'arrête la responsabilité individuelles ?

  • @L'Hérétique :

    Hé bien l'exemple des sectes est assez bon, et peut-être que le juriste qu'est Rubin pourrait nous éclairer sur le sujet : est-il nécessaire d'avoir un arsenal législatif anti-secte? Alors même que la notion d'escroquerie (en bande organisée ou pas), abus de faiblesse, etc, existent déjà.
    La commission parlementaire anti-secte n'avait pas elle aussi pour but de rassurer l'opinion alors que cela ne sert dans les faits absolument à rien?

    Dans le même genre, ce que vous dites sur la burqa :
    "Le problème, c'est votre "si". Croyez-vous que cela soit aussi simple à déterminer ? Si tel était le cas, je pense qu'il serait très aisé de légiférer."

    Et si demain on s'aperçoit qu'il existe des hommes qui forcent leur femme à jouer du banjo, on va faire une loi anti-forçage-de-jouer-au banjo?
    Et si demain un homme oblige une femme à porter des vêtements bleus, et uniquement bleux, on va faire une commission d'enquête sur l'assentiment des femmes à porter du bleu?

    Cela m'amène donc à deux conclusions :
    - l'arsenal législatif est d'ores et déjà suffisant pour juger et condamner les cas de coercition de port de burqa, et si on décidait d'adjoindre une loi anti-burqa, on empièterait sur les libertés individuelles.
    - le fait qu'on s'intéresse à la burqa et non pas aux femmes obligées de porter des mini-jupe ou des vêtements bleus par leur conjoint me fait me poser des questions sur les motivations réelles des commanditaires.

    En tout cas, merci de m'écouter et de me faire participer à ce débat!

  • D'accord avec Chitah : ce qu'il expose dans son dernier commentaire me semble relever du B-A BA de la démocratie libérale. Au risque de passer pour un obtus ou un sectaire, je ne parviens toujours pas à comprendre comment ces principes clairs et simples peuvent échapper à autant d'observateurs.

  • @ Rubin et Chitah

    Je vous suis tous les deux sur le terrain du droit, bien sûr : on ne peut pas interdire à quelqu'un de s'habiller comme il l'entend, dès lors qu'il n'y a pas atteinte à la sécurité publique, bien entendu.

    En revanche, je pense qu'il est difficile de traiter le religieux comme on traite le sectaire, même si le sectaire peut s'entremêler avec le sectaire, notamment dans le cas précis de l'intégrisme, justement...

  • Cette loi qui empêche les femmes de porter la burqa dans les lieux publics aura pour résultat de les exclure encore plus. Elles resteront enfermées chez elles. Et l'on pourra se vanter d'avoir réussi quelque chose: plus de femmes en burqa pour polluer notre vue...
    Oui c'est une proposition de lui débile.

  • Il est bien évident, Passage, que ces personnes-là sont actuellement impitoyablement "sacrifiées" de toute manière : soit par le regard méchamment désaprobateur des gens de la rue, soit par la séquestration abusive en effet de leur mari, lui-même prisonnier d'une religion sectaire, religion elle-même corrompue par des meneurs imbéciles ou manipulateurs.

    Le problème du voile est STRICTEMENT le même que la survivance de l'excision ! Dont personne ne semble plus se préoccuper outre-mesure actuellement.
    Oui, c'est le même problème de culture, de traditions. Et malheureusement chacun d'entre nous peut en être à la fois victime et bourreau... Faire changer les mentalités passe hélas par des sacrifices humains.
    Notre réflexion commune doit nous conduire à trouver la meilleure proposition de résolution de problème. Sans trop de dégâts évidemment.
    Interdire le voile pour des raisons de sécurité et non pas d'appartenance à une collectivité, c'est ne pas céder à la pression des preneurs d'otage. C'est une réponse saine.
    Si le preneur d'otages (lui-même prisonnier d'une religion, ne l'oublions pas) s'en prend bêtement à ses otages, il doit en être puni et ses enfants changeront intelligemment de posture.
    Une génération de femmes et d'hommes aura peut-être trop souffert mais pas les suivantes.

  • "Il est bien évident, Passage, que ces personnes-là sont actuellement impitoyablement "sacrifiées" de toute manière"

    Evident, non, ça ne l'est pas.

    "Le problème du voile est STRICTEMENT le même que la survivance de l'excision !"

    C'est le même uniquement dans l'esprit d'une féministe qui range cela dans la grande catégorie "atteinte à la dignité de la femme". Il faut pas exagérer non plus, entre une burqa et une excision y'a quand même une petite différence de nature quand même : je n'ai jamais entendu une femme dire "j'ai été excisée volontairement", contrairement au cas de la burqa.

    "Faire changer les mentalités passe hélas par des sacrifices humains."

    Ah d'accord, l'Homme Nouveau, il faut réformer.

    "Interdire le voile pour des raisons de sécurité et non pas d'appartenance à une collectivité, c'est ne pas céder à la pression des preneurs d'otage. C'est une réponse saine."

    Mais c'est une réponse illégale et anticonstitiontionnelle. On basculerait dans quelquechose qui n'est pas un Etat de droit.

    "Si le preneur d'otages (lui-même prisonnier d'une religion, ne l'oublions pas) s'en prend bêtement à ses otages, il doit en être puni et ses enfants changeront intelligemment de posture."

    Hé ben, c'est plus l'Homme Nouveau, c'est carrément à une opération de dressage qu'on assiste.

    Votre réponse, madame, est violente, outrancière, et surtout incompatible avec les formes les plus élémentaires du droit. On ne peut poursuivre quelqu'un pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il fait.

    Ou alors c'est peut-être l'exemple suivant que vous voulez suivre : http://mondodingo.blogspot.com/2009/06/actions-policieres-pour-port-de.html
    Après tout, je peux comprendre que vous le trouviez efficace!

  • pas d'incitation à la haine religieuse svp, c'est d'ailleurs un délit pénal équivalent à de la diffamation.

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