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bureaucratie

  • L'Europe et la mauvaise réputation

    581821186.2.jpgJe continue la lecture du Petit dictionnaire pour aimer l'Europe de Marielle de Sarnez, euro-députée démocrate (MoDem). J'ai dépassé la lettre B (j'en suis à C) mais je me suis arrêté sur l'article Bureaucratie. On s'imagine l'Europe comme une grosse machine à technocrates bureaucrates et pourtant...il n'y a en tout et pour tout que 32 000 fonctionnaires européens, et ce, pour 27 nationalités, puisque l'Europe compte 27 pays. Comparons avec les millions de fonctionnaires de la France ! Tenez, Marielle de Sarnez fait observer que la ville de Paris emploie à elle-seule 48 000 fonctionnaires ! Et ce n'est pas tout : en réalité, l'écrasante majorité de ces fonctionnaires est constituée d'interprètes (27 pays donc presque 27 langues !) et de juristes (eh oui, 27 pays = 27 systèmes juridiques !). La réalité, c'est que l'Europe travaille avec une structure très très légère. L'essentiel du travail provient généralement des députés européens qui bossent beaucoup et des groupes politiques qui disposent de leurs propres commissions pour proposer des projets de lois ou de directives.

    En fait, il se trouve que j'ai lu aussi l'article Budget, dans le dictionnaire de Marielle et qu'est-ce que j'y trouve ? Tout d'abord, il ne représente que 1% du PIB européen (en France, le budget, c'est 18% du PIB). Ensuite, 80% du budget de l'union est consacré à la politique agricole commune et aux fonds structurels (qui servent à développer les régions). Ce qui est regrettable, c'est la faiblesse des fonds affectés à la recherche. En fait, l'Europe dispose de peu de fonds propres parce qu'elle a peu de compétences propres. Ce que je retiens, pour revenir à mon sujet, c'est que l'Europe est très peu budgetivore et que les coûts de l'administration de Bruxelles sont négligeables.

    C'est bien de le dire une bonne fois pour toutes tant on a fait une mauvaise réputation à l'Europe tout à fait à tort. Merci, Marielle, de rétablir la vérité avec des chiffres précis.

  • Capitalisme, Socialisme et Démocratie (10) : performance publique

    Encore quelques chapitres de l'ami Schumpeter, dans Capitalisme, Socialisme et Démocratie : certains se sont réclamés de Schumpeter pour affirmer la supériorité du socialisme sur le capitalisme en raison de la comparaison des deux organigrammes qu'effectue Schumpeter.

     Il faut dire que l'organigramme tel que l'envisage l'auteur n'a plus grand chose de marxiste : d'une part, il l'imagine vidé de sa substance moralisante et idéologisante (l'argent c'est pas bien,les bourgeois sont des méchants, être riche c'est honteux, mort aux profiteurs) d'autre part, il rhébilite l'appât du gain au sein de l'économie publique qu'il décrit, excluant radicalement toute comparaison avec le système soviétique d'ailleurs, qu'il assimile à une mascarade.

    Il écrit, par exemple, au chapitre 18 sur les archanges et les demi-dieux :

    « L'appel aux archanges, à son tour, est l'écho de la thèse bien connue selon laquelle les modalités d'existence socialistes présupposeraient un niveau moral dont on ne saurait espérer que les hommes, tels qu'ils sont, puissent s'y hausser.

    Les socialistes n'ont d'ailleurs qu'à s'en prendre à eux-mêmes si des arguments de ce calibre ont jamais apporté de l'eau au moulin de leurs adversaires. Ils ont, en effet, discouru à perte de vue sur les horreurs de l'oppression et de l'exploitation capitalistes qu'il suffirait, soi-disant, de faire disparaître pour révéler d'emblée la nature humaine dans toute sa beauté ou, en tout cas, pour amorcer un processus éducatif qui réfor­merait les âmes humaines jusqu'à les hausser au niveau moral réclamé 1. Ils se sont ainsi volontairement exposés, non seulement au reproche de flatter les masses à un degré absurde, mais encore au ridicule d'avoir épousé une doctrine à la Rousseau, depuis longtemps discréditée. Or, ces socialistes auraient parfaitement pu se passer de ces histoires de brigands, car les arguments de bon sens ne leur faisaient aucunement défaut pour étayer leur cause. »

     

    Dans son régime socialiste, on cultive avant toutes choses la performance, et, à cet effet, Schumpeter réintroduit la récompense au mérite et l'appât du gain afin de favoriser la compétence et la productivité. 

    « Mieux vaut reconnaître sans plus attendre qu'il serait également irréaliste, soit de se reposer exclusivement sur un sens du devoir purement désintéressé, soit de dénier catégoriquement le rôle important que cette vertu est susceptible de jouer. Même si l'on tient complètement compte des différents facteurs apparentés au sens du devoir, tels que la satisfaction que procurent le travail et le commandement, un système quelconque de récompenses, tout au moins sous la forme de promotion et de prestige sociaux, n'en aurait pas moins, on est en droit de le présumer, son utilité. D'une part, en effet, l'expérience quotidienne nous enseigne qu'il est difficile de trouver un homme ou une femme, quelle que soit leur élévation d'esprit, dont l'altruisme ou le sens du devoir ne comportent pas, dans quelque mesure, un alliage de ce que l'on pourrait désigner par le terme d'égoïsme désintéressé ou, si l'on préfère, de vanité ou de désir de s'affirmer. D'autre part, il est évident que l'attitude psychologique sous-jacente à ce désir, dont les manifestations sont souvent attendrissantes, est plus pro­fondément enracinée que le système capitaliste lui-même et fait partie de la logique de l'existence au sein de n'importe quel groupe social. Par conséquent, on aurait tort d'en faire bon marché en discourant sur le microbe capitaliste qui infecte les âmes et vicie leurs penchants « naturels ». »

    «Quant au traitement préférentiel en termes de revenu réel, il convient d'observer, en premier lieu, que, dans une certaine mesure, une telle pratique, tout à fait indépen­damment de sa vertu stimulante, a pour but de ménager rationnellement le stock de ressources sociales existant. De même que les chevaux de course et les taureaux de concours sont les bénéficiaires reconnaissants de faveurs qu'il ne serait ni rationnel, ni possible d'accorder à tous les chevaux et à tous les taureaux, de même, si l'on entend respecter les principes de la rationalité économique, l'on doit réserver un traitement préférentiel aux hommes qui réalisent des performances exceptionnelles.» 

    Il suggère de placer les individus issus de la bourgeoisie au sein de l'appareil productif aux postes de responsabilités afin d'y insuffler l'esprit de pragmatisme et d'efficacité de le classe bourgeoise. 

    « Toutefois, il ne serait aucunement malaisé d'installer les hommes de souche bour­geoise aux places qui leur conviennent à l'intérieur de la bureaucratie socialiste, ainsi que de remodeler leurs habitudes de travail. Nous verrons plus tard que, tout au moins dans le cas d'une socialisation réalisée lorsque les temps auront été révolus, les con­ditions d'une adhésion morale à l'ordre de choses socialiste et d'un transfert des loyalismes en faveur de ce régime seraient probablement remplies, sans qu'il soit besoin de commissaires pour aboyer aux chausses des réfractaires ou pour les mordre. »

    En termes modernes, installer aux postes-clef de l'administration des individus issus du privé qui auraient fait leur preuve... 

    Son administration publique partage nombre de points communs avec l'entreprise monopolistique dont il s'est évertué à démontrer la supériorité en régime capitaliste dans plusieurs chapitres précédents (voir notamment Pratiques monopolistiques). 

    Il soulève le principal problème, à mes yeux, en tout cas, inhérent à la gestion bureaucratique :

    « La méthode bureaucratique de traitement des affaires et l'atmosphère morale qu'elle diffuse exercent fréquemment, à n'en pas douter, une influence déprimante sur les esprits les plus actifs. Cette inhibition tient principalement à la difficulté, inhérente à la machine bureaucratique, de concilier les conditions mécaniques de son fonction­nement avec l'initiative individuelle. »

    Il va de soi que trouver une solution à ce mal consubstantiel à l'administration publique pourrait s'avérer intéressant pour tous ceux qui cherchent à réformer nos administrations. 

    «Cette machine ne laisse fréquemment que peu de liberté aux initiatives, mais beau­coup de liberté aux manœuvres hostiles visant à les étouffer. Un tel état de cho­ses peut développer chez les fonctionnaires l'impression décourageante de la vanité de leurs efforts, laquelle engendre, à son tour, une mentalité qui s'extériorise dans des critiques stérilisantes dirigées contre les efforts d'autrui. » 

    Tiens, allez savoir pourquoi, cela me rappelle quelque chose...