Je viens de finir la très bonne chronique de décembre d'EGEA. Il me semble qu'il pose également avec pertinence la question du devenir des avions et de leur remplacement progressif par des drones.
En somme, en dehors du bombardement, l'avion ne semble plus avoir d'utilité comme unité de "corps à corps". Les duels aériens appartiennent pour l'instant à un passé révolu. La question que je me pose, à considérer l'évolution des drones, pour lesquels, d'après EGEA, on forme désormais plus d'opérateurs que de pilotes d'avions de chasse, c'est ce qu'il va advenir de la guerre aérienne. Fini les avions U2 du temps de la guerre froide. En Iran, c'est un drone qui s'est crashé.
Seules deux armées semblent avoir véritablement opéré le tournant stratégique des guerres futures : bombes à guidage laser, missiles "intelligents", "drones", sur toutes ces nouvelles armes, Israël et les USA sont en avance.
Bien sûr, Dassault tente bien de produire des drones à son tour, mais on comprend que cette société est clairement aidée industriellement par des entreprises israéliennes, bien plus avancées, et de plus, le dernier vote du Sénat laisse apparaître clairement une distorsion importante entre le coût et de la qualité de la chose.
Nous sommes pourtant face à des choix difficiles : se doter du Reaper, le drone américain, c'est donner à nos forces armées du matériel d'une qualité supérieure, mais c'est de l'autre côté renoncer progressivement à continuer à entretenir une industrie militaire indépendante. N'est-ce pas d'ailleurs inéluctable, à terme ? Je me pose parfois la question.
Et puis il y a la question budgétaire : chaque modèle français coûte de 50 à 75% de plus que chaque modèle américain, et on parle là d'appareils dont le coût se chiffre en centaines de millions d'euros.
L'inconvénient, c'est qu'il n'y a pas de mises en concurrence entre industriels français, et qu'au final, on est dans la configuration la pire : un monopole privé sur un marché d'État. Dassault comptant sur ses relais dans les gouvernements et à l'Assemblée Nationale n'éprouve nullement le besoin d'être compétitif. C'est ainsi que l'on arrive à ne vendre aucun rafale, en dépit des qualités intrinsèques de l'appareil, et à produire des drones dépassés, onéreux et peu efficaces, du moins pour nos besoins (de conception israélienne, ils sont prévus pour des observations sur petite distance).
A l'heure actuelle, l'Europe ne dispose d'aucun drone en propre. Il existe en revanche deux projets concurrents : celui de Dassault et celui d'EADS. Mais voilà, EADS a opéré un rapprochement avec des industriels turcs. Je n'ai pour ma part aucune confiance en la Turquie d'Erdogan. Ce pays ne fait pas partie de l'Union européenne, et, compte tenu de l'irresponsabilité de son dirigeant, je n'imagine pas qu'un tel pays puisse disposer d'un matériel aussi sensible.
Le chemin vers l'autonomie est donc fort long : chaque marché national est trop petit pour développer une filière. Sans une Europe de la Défense avec des armes communes, il semble bien que nous soyons condamnés à dépendre du savoir-faire américain, d'autant que nous ne pouvons envisager de jouer avec la vie de nos soldats.
Voilà des questions qui mériteraient d'inspirer nos candidats à l'élection présidentielle. Je sais que le MoDem et François Bayrou sont favorables à une Défense européenne, au contraire d'un parti comme le FN qui prône une défense purement nationale. Côté UMP, on chante l'Europe tout en accordant généreusement contrat sur contrat à Dassault. Il n'y a donc pas de stratégie clairement définie à l'heure actuelle, au sein des partis politiques, sur la défense que nous voulons. Avant d'élire un nouveau président, la question mériterait pourtant de s'inviter dans la campagne. La doctrine de chaque parti est d'autant plus indigente qu'elle se limite aux déclarations d'intention : réintégrer ou non l'OTAN, construire ou non une défense européenne, et cetera...Quid des moyens d'y parvenir ? Voilà qui mériterait un exposé et des pistes exhaustives, pourtant !...