Je reviens sur la compétence économique du MoDem que j'évoquais hier en réponse à un article de Philippe Cohen dans Marianne. J'ai lu çà et là quelques réactions. Bien sûr, celles qui figurent en commentaires, mais aussi celles que l'on peut lire sur le sympathique forum pour sympathisants MoDem de Demos. Or, qu'ouïs-je ? Quelqu'un juge que ma réponse n'est pas convaincante sur le délicat sujet des régulations qu'il convient de mettre en place sur les marchés financiers.
Je voudrais d'abord faire une petite observation à allblues33 : la question qu'il se pose, tout le monde se la pose, actuellement. UMP, PS, FMI, Commission européenne, gouvernement fédéral des USA, Obama, banques, bref, cela ne se limite pas au seul MoDem, et il ne faut peut-être pas s'attendre à une réponse toute faite sur un thème aussi complexe.
Je ferais ensuite une métaphore pour appréhender plus simplement ce qu'est un marché financier. Un marché financier, c'est une sorte de très gros herbivore particulièrement craintif. Tant qu'il est en confiance, il vit sa vie, mais, il déteste être surpris, et, plus la suprise est brutale, plus sa réaction est incontrôlée et brutale. Si l'économie mondiale était un champ d'herbe grasse, on peut se dire que les marchés financiers, c'est un gros, très gros brontosaure.
Je ne sais pas si allblues33 a vu la taille de la queue du bestiau, mais quand un brontosaure en panique s'enfuit en courant dans tous les sens, mieux vaut ne pas se trouver du côté où sa queue bat de gauche et de droite, sous peine au mieux d'être sonné, au pire, d'y laisser sa peau.
Si allblues33 devait réfléchir à la manière dont il va calmer, je ne dis même pas dompter mais seulement calmer, même s'il s'y mettait avec toute la tribu MoDem, il ne trouverait pas la solution tout de suite, à mon avis.
Un marché financier, c'est à peu près ça : un gros brontosaure qui ne vit que par anticipation. Il broute çà et là, cherchant les bonnes zones herbeuses à souhait. Son long cou lui permet de les détecter de loin (anticipation). Mais si son oeil acéré a repéré de l'herbe grasse, et que lorsqu'il approche le cou, il tombe sur une grosse motte de terre, il va légitiment s'inquiéter. S'il pense brouter à l'abri des prédateurs et qu'il se découvre soudainement encerclé par des fricoraptors enragés et affamés, nul doute qu'il va paniquer.
Je dois rectifier mon image. En fait, le marché, ce n'est pas un brontosaure. Non, c'est un gros gros gros troupeau de brontosaures avec quelques prédateurs genre vélociraptors qui font des raids de temps à autre.
Cette image donne le ton et le fil des solutions à appliquer. On ne peut rien faire tant qu'on n'aura pas calmé les brontosaures. Il faut donc rétablir la confiance avant toutes choses.
Or, pour être en confiance, il faut disposer d'informations fiables, c'est ce que je faisais valoir il y a 10 jours en qualifiant de crise catallactique la crise actuelle. On a quelques éléments de réponse avec les premières réactions de députés ADLE, groupe parlementaire auquel appartient le MoDem. Par exemple, en décembre dernier, Mariela Velichkova Baeva (Bulgarie, ADLE) estimait que l'origine de la crise était à trouver dans "la quête du profit, le manque de connaissances sur le véritable état du marché et sa capacité à faire face à un cataclysme ainsi que dans l'ignorance des conséquences."
Les informations fiables supposent également des règles fiables ainsi q'un arbitre. C'est ce que précisait dès le mois de septembre une autre députée ADLE. Silvana Koch-Mehrin (DE) pour le groupe ADLE faisait remarquer "qu'il ne s'agit pas juste de quelques banques en crise, car ceux qui perdent ne sont pas des opérateurs de titres, mais des familles qui 'touchent le fond' avec des retraites menacées et des revenus endommagés". Elle appelait alors à agir sur la base de faits : "la réponse ne consiste pas en des marchés libres, nous exigeons la régulation de ces marchés. Les règles doivent être définies et nous exigeons un arbitre pour évaluer leur fonctionnement dans la pratique. Ceux qui ont refusé d'être liés par des règles doivent être accusés, et non le marché en soi". Elle insistait enfin :"nous exigeons des règles pour toute l'économie mondiale".
En somme, cher allblues33, il ne s'agit pas de réguler pour punir les très méchants capitalistes ni la vilaine finance, comme une sorte de grand Satan à l'origine de tous nos maux, mais de faire en sorte qu'on puisse tous brouter dans le même pré sans se téléscoper parce qu'il y en a qui ne font pas la file.
En somme, c'est ce que dit en grande partie Marielle de Sarnez : «Nous voulons une régulation financière mondiale. Nous voulons imposer davantage de contrôles, mais aussi davantage de sanctions. Il revient à l’Europe d’inspirer et de promouvoir un nouveau système de gouvernance et de régulation mondiale. En commençant par mettre en place un régulateur européen, capable de parler à égalité avec son homologue américain.»
Tenez, pourquoi pensez-vous que Marielle de Sarnez parle de régulateur européen ? Ben oui, faudrait pas l'oublier : qui a créé les subprimes ? des agents américains, pardi, contrôlés/non-contrôlés par les seuls Américains. Ben oui, elle a bien compris le problème, elle Marielle. Pour que tout le monde puisse évoluer en confiance, il faut aussi des arbitres fiables. C'est bien ce que voulait Silvana Koch-Mehrin et Mariela Velichkova Baeva, l'une avec un arbitre, l'autre avec le véritable état du marché.
Alors comment concrètement cela va se mettre en place, on ne le sait pas encore, parce que cela va dépendre justement du résultat des élections européennes...Entre le PPE (dont est membre l'UMP) qui ne souhaite modifier les choses qu'à la marge, le PSE (dont est membre le PS) dont les membres disent tout et son contraire puisqu'ils ne sont pas d'accord entre eux, et la gauche de la gauche (Verts compris) qui rêve de décroissance ou de Grand Bond en avant (20 millions de morts avec la Chine, tout de même, à la fin des années 50), sans parler des partis nationalistes et/ou extrémistes qui rêvent de protectionnisme (crise de 10 années en 1929 + une guerre mondiale avec 60 millions de morts), vous voyez, cher allblues33, les jeux sont ouverts et vous avez une large palette de choix pour déterminer quel brontosaure vous souhaitez être...
Commentaires
Du constat, du constat, du constat, voilà ce que sait faire le MoDem de manière pas toujours cohérente d'ailleurs (relance par l'investissement selon JP ou par la consommation selon FB ?). Ici le constat est imagé de manière amusante, mais ça n'est qu'un constat. Un régulateur européen ? QQOQCP ?
Pas étonnant que des journalistes se mettent à la politique, vu qu'il s'agit (en tout cas au MoDem) de constater plutôt que de proposer...
Bien vu la métaphore du dinosaure
Sur ce vaste sujet et complexe sujet, et sans avoir la prétention d’apporter des solutions toutes faites, il me semble intéressant de garder 2 éléments essentiels en tête :
1 - Qu’il faut tout d’abord bien définir ce que l’on appelle « marchés » !
A l’origine de la crise nous avons des crédits hypothécaires à risque élevés qui ont été reconditionnés pour permettre aux banques prêteuses de les céder et ainsi de les sortir de leurs bilans pour qu’elles puissent continuer à prêter et ainsi de suite …
Or ces produits reconditionnés n’étaient pas traités au sein d’un marché financier structuré (de type marchés d’actions, d’obligations, d’options, de futurs etc), leur marché secondaire était extrêmement faible !
Pas de confrontation permanente d’offre et de demande avec les processus d’évaluation du risque qui vont avec !
C’est ce qui explique en partie le fait qu’ils ont pu être valorisés de manière incohérente par rapport au risque qu’ils portaient.
Tout cela pour dire qu’il est absurde de vouloir remettre en cause tous les types de marchés ou tous les processus d’échanges d’actifs financiers même ceux qui n’ont pas faillis (la plupart d’entre eux) !
2 - Qu’il ne faut pas demander aux politiques de définir eux-mêmes ce que devrait-être le mode de fonctionnement optimum des marchés !
Il faut s’appuyer très largement sur les associations professionnelles et les régulateurs (AFTI, AMAFI, FBF, MAF, CESR etc) considérant qu’elles sont les plus compétentes pour définir de nouvelles règles qui sécurisent et rendent transparents les processus et qui responsabilisent les acteurs tout en tenant compte du rôle essentiel des marchés dans l’Economie, de la diversité des métiers et de la nécessaire souplesse et liberté dont ils ont besoin pour fonctionner efficacement.
Il ne faut surtout pas que les politiques tombent dans l’illusion d’une réglementation exhaustive, lourde chape de plomb censée sécuriser à 100% les marchés financiers. N’oublions pas que le monde de la finance est déjà extrêmement réglementé et que ça n’a pas empêché la catastrophe que nous vivons.
Ps : Le « régulateur européen, capable de parler à égalité avec son homologue américain.» existe déjà ! Il existe un comité des régulateurs européens : le CESR (prononcer CESAR) qui entre autres attributions à celle-ci (je cite sa chartre) « The Committee will foster the dialogue and cooperation with authorities of non-EU countries with the view to exchange information and views on supervisory practices and to facilitate the supervisory convergence and eventually the mutual recognition of supervisory regimes.”
@ Yann 35
Lisez ce que j'écrivais dans le billet précédent dont je donne le lien en début d'article. l'opposition entre relance par l'investissement et relance par la consommation est stérile. Ce qu'il faut considérer, c'est QUEL investissement, et QUELLE consommation. A cet aune seulement, les deux peuvent être la cible d'une politique de relance.
Pour le régulateur, voir ce qu'en dit Nicolas 007.
@ Nicolas 007
Je n'avais pas la totalité de ces éléments en mains (régulateur européen) mais merci pour la réponse.
Je suis d'accord avec l'article qui montre avec "malice" que pour l'Europe, L'option Modem, c'est une option d'intérêt fort pour la résolution concrète des problèmes Economiques.
Pour ma part je pense que l'on est un temps où les états (d'Europe) n'ont pas assez de prise sur les "régulations" (Regardons les USA ?).
A mons sens, il n'y a pas vraiment de divergences entre les dires de F. Bayrou et Peyrelevade.
L'article de Cohen me semble vraiment très imprécis mais dans le fond il n'est pas si antipathique que cela, c'est une manière de dire au Modem : "Vous vous dites forts en Economie, montrez le un peu mieux que cela !!".
Je regrette que nulle part on ne puisse avoir rapidement des renseignements économiques simples.
Ah si il pouvait y avoir un site "Modem Economique officieux", même et (surtout ?) pour des renseignements simples !!
Rien ne vient de rien et tant que ceux qui se disent démocrates continueront à construire des structures monarchiques nous n'irons qu'à la guerre. Est-ce si difficile de différencier un censeur et un modérateur ? Je comprends que ceux qui nagent dans les pouvoirs locaux trouvent un aspect pervers qui les poussent au maintient de ce système, mais pourquoi un parti qui se voulait devenir démocrate n'a pas corrigé ce travers et même est allé plus loin en imposant à ses adhérents de prendre la carte auprès de la baronnie locale ? Pour ensuite parler de démocratie au sens général, ce n'est pas crédible.
cordialement
Pour une position "officieuse" do Modem, on peut lire le blog de Jean Peyrelevade, "La refondation du capitalisme".
http://peyrelevade.blog.lemonde.fr/
(@hérétique: peut-être à référencer?)
Merci pour le renseignement.
@ Miaou
Il figure déjà dans ma blogroll (voir cardinaux et évêques démocrates)
Une remarque, toutefois : Peyrelevade contribue fortement aux analyses économiques du MoDem, mais il ne saurait être représentatif de la position du parti à lui tout seul.