Je découvre le livre "Faut-il être végétarien pour la santé et la planète" de Claude Aubert et Nicolas Le Berre. Le premier est agronome, le second est médecin. Cela peut paraître insolite d'associer cet ouvrage à Empédocle, l'un des premiers philosophes de la Grèce, mais, outre ses réflexions sur la corps et son fonctionnement, Empédocle a été l'un des premiers à dénoncer les sacrifices d'animaux et la consommation de viande, pour des motifs, il est vrai, anthropomorphiques (il pensait que les âmes se réincarnaient, y compris dans des formes animales).
Voici ce qu'il écrit dans ses Purifications, évoquant un âge d'or :
«Ceux-là n'avaient pour dieu ni Arès*, ni Cydoïmis, ni le royal Zeus, ni Cronos, ni Poséïdon mais la reine Cypris*. Ils se la conciliaient par de pieuses sculptures, de vivantes peintures, des essences parfumées aux senteurs savantes, des sacrifices de myrrhe pure et d'encens odorant, exposant sur le sol des libations de miels blonds. L'autel n'était pas arrosé par le meurtre violent des taureaux, mais parmi les êtres humains, le crime le plus important était d'avoir pris une vie pour se repaître de chairs.»
*Arès est le dieu de la guerre, Cypris, autre nom d'Aphrodite est la déesse de l'amour.
Ce n'est pas le cas de ces deux auteurs, mais, j'ai trouvé dans le livre (qui n'est pas un plaidoyer idéologique et dogmatique mais au contraire un traité scientifique et argumenté) quelques observations et comparaisons extrêmement judicieuses.
Notamment, l'auteur a établi quelles émissions de CO2 correspondaient aux assiettes que nous mangions. Eh bien, entre une assiette à forte teneure en viande et une assiette de légumineuses le ratio est de 9 à 1. Neuf fois moins de CO2 pour la production de légumineuses. Mieux : selon que l'alimentation soit végétarienne ou carnée, le ratio est de 1 à 14 pour la surface terrestre utilisée. Voilà qui laisse songeur quant aux problèmes de crises alimentaires. Ne parlons pas de la production d'eau : les légumes consomment bien moins d'eau que tout le reste, à commencer par celle qu'utilise le bétail. Les chiffres que donnent les auteurs sont toutefois des estimations, car ils peuvent varier selon le mode de culture des végétaux et d'alimentation des animaux.
Mais bon, c'est intéressant, parce qu'il y a là une clef à la fois de santé publique, et à la fois contre le réchauffement climatique. Le livre est en outre intéressant, parce qu'il abat un certain nombre d'idées reçues. Par exemple, sur les produits laitiers trop promus et nocifs à haute dose, sur les huiles souvent raffinées ce qui enlève leurs qualités nutritionnelles (il ne faut prendre que les huiles sur lesquelles il est précisé pression à froid) et sur le logo AB qui garantit certes une culture biologique des ingrédients, mais nullement leur transformation.
Les auteurs proposent d'ailleurs la création d'un label santé à côté du label biologique. J'évoquais la question des labels environnementaux et sociaux, dans trois billets (1 , 2 et 3), il y a quelques temps, mais le fait est qu'il faudrait ajouter une pastille pour la santé...
Au final, cela ne va pas m'empêcher d'aller bâffrer un bon carpaccio de boeuf, mais, le fait est que nous consommons trop de viande et que c'est non seulement mauvais pour notre santé mais en plus pour la planète. Je vais mettre tout le monde au régime légume, moi , chez moi :-) (une délicieuse salade, tomates, laitue, feuille de chêne, concombres, courgettes, brocolis, poivrons, j'en bave d'impatience rien que d'y penser, j'aime au moins autant les légumes sinon plus que le carpaccio !).
Commentaires
Argh vous me coupez l'herbe sous le pied, j'avais prévu une série là-dessus pour les vacances (je suis végétarien)...
Je mettrai cet article en lien et tâcherai de me procurer le bouquin.
Merci pour cette prise de position !
(mais bien que votre salade me fasse saliver, en cette saison il y a d'autres alternatives préférables... tiens il faudrait relancer ce fameux blog collaboratif de recettes de cuisine cf. Hypos et KaG...)
Bonjour Florent
Mais non, pas du tout, écrivez-les, ça va nourrir le débat (pas mal le jeu de mots, non ? :-) )
@ L'Héré(diété)tique
Merci pour la piqûre de rappel pour Empédocle :-)
Bon billet sinon. J'ajouterai que sans aller jusqu'au régime végétarien comme Florent, je limite l'apport carné dans mon alimentation.
Ne pas oublier que réduire la viande est aussi bénéfique au niveau de la prévention des maladies cardio-vasculaires. Les USA ont une prévalence importante de l'obésité due à un excès de consommation de viande.
@ Thierry
Oui, c'est pour cela que je parlais de santé publique.
c'est étonnant de lire ce genre d'article dans lequel il est écrit que manger de la viande est nocif. comment expliquer dès lors que l'élévation du niveau de vie est en relation avec la consommation de viande qui elle est en relation avec l'augmentation de la durée de vie....
il ne faut pas oublier que la viande apporte des acides aminés essentiels que l'on ne retrouve pas dans les végétaux. la viande c'est comme l'alcool c'est à consommer avec modération....
demander aux pauvres du SUD s'ils n'aimerais pas pouvoir consommer plus de viande .....
@ Europium
Certes...
Mais il ne faut pas nier les bienfaits du régime crétois.
Par ailleurs, j'avais lu une étude selon laquelle le peuple japonnais en passant d'une alimentation basée traditionnellement sur le poisson à une alimentation plus "occidentale" rencontrerait de plus en plus de cas de maladies cardio-vasculaires.
Il y a longtemps, j'ai fait des recherches en démographie historique, j'avais constaté en fait que l'espérance de vie avait graduellement augmenté par l'accroissement de la quantité de calories, par la régularité des apports sur l'année. Rendons hommage à Turgot qui avança la libéralisation de la circulation des grains.
Ultérieurement à partir du XIX° siècle, le développement de l'asseptie dans la préparation des repas permit de réduire la morbidité des populations.
Cf Nicolas Appert inventeur de l'appertisation (ancien nom de la stérilation) des conserves. La découverte empirique du rôle de la vitamine C pour lutter contre le scorbut des marins...
Un point aussi est étonnant. La diversification et la meilleure qualité des apports nutritifs a par ailleurs fait que la taille moyenne de l'homo occidentalis a augmenté depuis la fin du XVIII° siècle. Constat fait à partir des sondages réalisés sur les livrets militaires qui mentionnent la taille des conscrits.
ok pour le régime crétois, ou l'apport de viande est faible, mais il est compensé par une forte consommation de poisson.
malheureusement c'est un modèle non adaptable à une plus grande échelle vu que des études sérieuses prédisent la disparition des poissons d'ici 50 en rapport avec la sur-exploitation de la ressource.
"Un point aussi est étonnant. La diversification et la meilleure qualité des apports nutritifs a par ailleurs fait que la taille moyenne de l'homo occidentalis a augmenté depuis la fin du XVIII° siècle. Constat fait à partir des sondages réalisés sur les livrets militaires qui mentionnent la taille des conscrits."
j'ai dit la même chose mais d'une autre manière. la diversification des apports nutritifs a consisté en particulier en une augmentation de la consommation de viande liée à l'augmentation de la qualité de vie. ceci est a corrélé à partir du XVIII ème au fait que la société s'est fortement industrialisée.
Partons de l'hypothèse que tout le mode devienne végétarien : existe-t-il assez de sols cultivables et de bonne qualité sur la planète pour pouvoir le faire? la réponse est non! de plus il va falloir gérer un autre problème qui est celui de la compétition des sols c'est à dire la compétition entre agriculture dédiée aux agro-carburants et agriculture vivrière( qui ne suffit déjà pas....)
cette compétition conduit à l'augmentation des cours des principales céréales....
@Europium :
La viande est un aliment facultatif (dont seul l'excès est nocif, effectivement) : les acides aminés essentiels peuvent parfaitement être retrouvés dans les aliments végétaux (cf. association céréale/légumineuse). Dire que la viande est indispensable est un mensonge ; dire que l'on doit s'en passer totalement, aussi.
Il n'est pas sûr qu'il existe suffisamment de sols cultivables pour produire de la nourriture pour toute la population mondiale, mais cette situation est aggravée, et non réduite, par la consommation de viande : il faut plusieurs kilogrammes d'aliments végétaux pour produire un kilogramme de viande et toute cette ressource alimentaire-là n'est actuellement pas utilisée pour nourrir les populations humaines... Quant à la compétition avec les agro-carburants, c'est un faux débat : d'une part c'est une question de choix et on pourrait choisir de privilégier l'alimentation ; d'autre part les agro-carburants de première génération (utilisant des matières premières "nobles" de type huile des graines, ou sucres divers) sont une voie sans issue et ont un rendement énergétique médiocre voire nul, c'est la deuxième génération (utilisant les déchets agricoles non consommés de type tiges et tourteaux divers) qui pourra potentiellement apporter des réponses plus satisfaisantes. L'augmentation du cours des céréales a des causes diverses qui ne se résument pas à cette compétition (cf. blog de Corinne Lepage il y a quelques mois).
La consommation de poisson dans le régime crétois pose effectivement des problèmes en cas de généralisation à toute la population, cependant elle ne paraît forte que relativement à la consommation actuelle (beaucoup de gens n'en mangent qu'une fois par semaine), car dans l'absolu, elle est en fait bien plus faible que la consommation actuelle -aberrante- de viande (à chaque repas, souvent à la fois en entrée et en plat).
OK avec Florent dont les remarques sont très pertinentes.
Je rappelle l'excellente intervention de M. Mazoyer lors de la Convention sur l'Europe en juin dernier.
http://www.mouvementdemocrate.fr/evenements/convention-europe-080608/convention-europe-8juin-table-ronde-2/3-convention-europe-8juin-intervention-mazoyer.html
Petit clin d'oeil historique. Autre temps autre alimentation dans notre pays !
Ca m'a fait repenser que le saumon trop présent au menu lassait à une époque pas si lointaine !!!
Trop c’est trop!
À la fin du XIXe siècle, les rivières et les fleuves de France regorgent de saumon de l’Atlantique et ce poisson est tellement courant dans l'alimentation qu'on s'en lasse. À preuve, ce vent de révolte qui soufflera sur la prison de Nantes, soutenu par les gardiens qui, tout comme les prisonniers, en ont assez de voir apparaître ce poisson à leur menu quotidien. Même chose dans les fermes, où les journaliers font préciser sur leur contrat qu'on ne doit pas leur en servir plus d'une fois par semaine.
source :
http://www.passeportsante.net/fr/Nutrition/EncyclopedieAliments/Fiche.aspx?doc=saumon_nu
Beaucoup à redire sur l'intervention de M. Mazoyer, mais c'est intéressant.