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leonarda

  • Choses minables lues à propos de Leonarda

    D'une certaine manière l'affaire Leonarda a un effet cathartique inversé : elle permet d'ouvrir les fosses septiques partout où elles étaient fermées.

    Que la famille de Leonarda soit devenue difficilement défendable, c'est un fait et je l'ai écrit. Cela ne justifie en aucun cas le tombereau d'ordures qui tombe sur la jeune fille. Ok, elle était absentéiste dans son collège, ok elle a du mendier deux ou trois fois (sans doute sur l'inspiration de son père ou de sa mère) mais cela n'en fait pas une criminelle pour autant.

    Je continue à lire l'Didier (faut toujours se tenir au courant de ce qu'écrit la réacosphère) : il aurait mieux fait de laisser sa plume de côté ce jour-là. Pourquoi ? Parce qu'en arriver à écrire  «de toute façon, elle ne doit pas être une meilleure mère que le père n'est un bon père, sinon il y a beau temps qu'ils auraient mis leur boudin au régime et lui aurait payé une séance d'épilation des sourcils avec l'argent de la mendicité rapporté par les plus petits» c'est quand même tomber particulièrement bas.

    Bordel, faut se calmer l'Didier (et les autres qui approuvent), c'est une adolescente de 15 ans, rien d'autre. Une cible un peu facile, non ? Même pas honte, en plus, je parie.

    Jusqu'à nouvel ordre, on peut encore espérer que cela ne soit pas la perfection physique qui devienne un critère d'éligibilité à la nationalité française faute de quoi une quantité conséquente de réacs risquent de jarreter en même temps que notre jeune Rom. 

    Bon, je me doute que le monde merveilleux (oserais-je dire le grand lebensraum sans me prendre une volée de points Godwin ?) de mes tovaritchi reacovitchi est un gigantesque défilé de mode, mais jusqu'à nouvel ordre, notre société n'en est pas encore là (encore que...suffit de considérer le jeunisme ambiant et les invitations consuméristes à se faire plantureuse et anorexique pour se dire qu'on en est pas si loin...).

    NDLR : caramba ! A chaque billet je me dis que je vais passer à autre chose mais je lis une nouvelle crétinerie qui m'oblige à réagir.

  • Leonarda et sa famille ne sont plus défendables

    Après le rapport d'inspection, difficile de donner tort à Valls dans l'affaire Leonarda.

    Je viens de récupérer le dossier de l'Inspection Générale de l'Administration dans l'affaire Leonarda. Après ce que je viens de lire, très difficile de donner tort désormais à la préfecture ou à Valls.

    Cela n'enlève rien à ce que j'ai dit, toutefois, et je n'en juge pas moins inquiétant que Leonarda ait été condamnée par autant de gens en l'absence des éléments dont je dispose, désormais. En voici un extrait vraiment significatif :

    2.2. CONCERNANT LE REFUS D’ADMETTRE EXCEPTIONNELLEMENT AU SEJOUR DE M. RESAT DIBRANI :

    Le préfet du Doubs a refusé la demande d’admission exceptionnelle au séjour de M. DIBRANI et lui a signifié une obligation de quitter le territoire le 19 juin 2013. La durée de résidence en France de M. DIBRANI, entré irrégulièrement sur le territoire le 26 janvier 2009, ainsi que la durée de scolarisation des enfants auraient pu conduire le préfet à accorder, à titre dérogatoire, une autorisation provisoire de séjour.

    Il ne l’a pas fait, considérant que le comportement général de l’intéressé ne dénotait pas « une réelle volonté de s’intégrer à la société française ». Il s’appuyait notamment, pour l’affirmer, sur les faits suivants :

    - au sein de l’établissement qui l’héberge, un refus de rencontrer l’interprète, un mauvais entretien de l’appartement que la famille occupe, le stationnement devant l’immeuble de plusieurs véhicules hors d’usage lui appartenant, des insultes adressées à l’encontre de la directrice et des personnels sociaux ;

    - des absences répétées des enfants au sein des écoles et collèges qu’ils fréquentent ;

    - une absence de recherche sérieuse d’emploi alors que l’offre est, dans l’arrondissement de Pontarlier, réelle.

    La mission rappelle pour sa part que la demande de M. DIBRANI de se voir reconnaître le statut de réfugié a été rejetée par trois fois dont une en appel, qu’il n’a pas respecté les mesures administratives prises à son encontre (2 obligations de quitter le territoire et une obligation de pointage), que tous ses recours devant les juridictions ont été rejetés.

    Par ailleurs, selon les témoignages d’élus et de personnes qui l’ont accompagné depuis son arrivée à Levier :

    - M. DIBRANI n’a jamais donné suite aux propositions d’embauche qui lui étaient faites, et il ne cachait pas attendre le versement des prestations familiales qui suivraient sa régularisation pour assurer un revenu à sa famille ;

    - il n’a jamais présenté de permis de conduire alors qu’il se prétendait chauffeur de poids lourd ;

    - il a donné trois versions différentes des raisons pour lesquelles il ne pouvait pas produire de pièce d’identité.

    L’un des élus, conseiller général, qui a suivi 5 familles de déboutés du droit d’asile, dont deux kosovares, a signalé que la famille DIBRANI était la seule qui ne s’était pas engagée dans un processus d’intégration, que l’ensemble des efforts fournis pour lui venir en aide avaient en définitive échoué. Il a également souligné l’absentéisme de certains enfants.

    Selon les données recueillies par la mission, les absences de Léonarda au collège sont de 66 demi-journées en 6e, 31 en 5e, 78 en 4e et 21 ½ depuis le début de l’année scolaire actuelle.

    L’un des professeurs de Léonarda rencontré par la mission a en revanche souligné sa volonté d’intégration et ses progrès.

    Plusieurs témoignages, dont celui de la directrice du centre d’accueil où la famille résidait, ont fait état du défaut d’entretien du logement mis à disposition de la famille et des problèmes de voisinage qui en ont résulté. La famille a d’ailleurs laissé ce logement dans un état de dégradation avancée. D’importants travaux seront nécessaires avant que ce logement puisse de nouveau accueillir une famille de demandeurs d’asile ; les photos produite à la mission ne laissent pas de doute à ce sujet. Une procédure a en outre été établie auprès de la gendarmerie le 26 août 2013 pour différend de voisinage.

    M.DIBRANI n’a pas hésité à user de menaces afin d’éviter d’être expulsé de cet appartement. Il a indiqué qu’il ferait exploser une bouteille de gaz devant l’ancien maire de Levier et un membre du réseau de défense des sans-papiers. Aux agents de l’office français d’immigration et d’intégration, qui lui proposaient une aide au retour (8500 €, la première fois ; 10 000 € une deuxième), il a annoncé qu’il tuerait sa famille s’il était expulsé.

    M.DIBRANI a également été placé en garde à vue pour un cambriolage par la communauté de brigade de Saint-Vit le 14 octobre 2010. Il a aussi été mis en cause comme auteur dans un vol commis dans une déchetterie à Levier (communauté de brigade de Pontarlier).

    Enfin, les filles aînées de M. et Mme DIBRANI ont été prises en charge par les services sociaux du conseil général après avoir fait état de violences exercées par leur père (placement en garde à vue pour violences sur mineur par ascendant à la communauté de brigade de Pontarlier le 15 janvier 2013), mais elles se sont ensuite rétractées. Selon l’avis d’un conseiller général, rester dans le foyer où elles avaient alors été placées aurait favorisé leur intégration, elles n’ont pas saisi cette chance.

    Je ne voulais pas épiloguer mais ce cas n'est pas défendable. Quant à Leonarda, quand on prétend vouloir faire des études en France, on le prouve en étant au moins présente en cours. Et je m'abstiens de commenter son arrivée au Kosovo car elle a menti en affirmant devoir dormir sur un banc. En réalité, les autorités kosovares ont donné tout de suite une allocation à sa famille et un logement. Je l'ai appris également ensuite.

    L'offre de François Hollande à cette jeune fille pas très sérieuse me paraît particulièrement généreuse compte-tenu que toute cette famille a bien cherché ce qu'il lui est arrivé.

  • Leonarda, épilogue

    J'ai eu confirmation de ce que je craignais un petit peu dès le début : comme je le disais dans mon premier billet j'ai globalement confiance en l'humanité de Valls ou de Hollande et plus généralement de la gauche dans le domaine de l'immigration. Je me doutais en mon for intérieur que la famille de Léonarda n'avait pas été expulsée par hasard, surtout quand la préfecture a laissé entendre qu'elle ne présentait pas de perspectives d'intégration économique et sociale.

    La vérité est tombée aujourd'hui.

    Le père a été condamné pour plusieurs vols, qualifiés pudiquement de larcins, et, semble-t-il, on le soupçonnait de violences sur sa femme et sur ses filles. Pour le reste, toute la famille vivait de l'aide sociale. Je l'ai écrit dans mon précédent billet, ce sont les enfants, au final, qui paient les pots cassés. Le père est un sacré connard. Malhonnête, violent et paresseux, c'est lui qui méritait et de loin l'expulsion. Il faut être sacrément sans gêne pour voler les habitants du pays auxquels on demande l'asile. Menaçant de faire exploser le foyer où il était logé s'il était expulsé, l'individu ne mérite aucune compassion d'aucune sorte.

    Je n'ai pas d'avis sur son épouse, je n'ai pas d'informations à son sujet. Je note simplement que j'ai connu des immigrés en situation disons, non-régularisée, qui faisaient des pieds et des mains pour travailler. Cela n'avait pas l'air d'être son cas. Mais les enfants, eux, n'y sont pour rien. Je me suis douté dès le début que les parents avaient laissé à dessein leur fille participer à sa sortie scolaire : ils savaient qu'ils étaient convoqués ce jour-là pour un départ immédiat. C'eût été de bonne guerre s'ils n'avaient rien eu à se reprocher.

    Je dis la famille, mais je pense au père. Un individu qui n'a jamais pris la peine de travailler à ce que je comprends. 

    Mais justement : puisqu'il est à peu près établi qu'il battait ses enfants, je peux savoir pourquoi on tient ces derniers pour comptables d'avoir été battus et pourquoi on les renvoie avec un individu aussi paresseux que brutal et sans vergogne ? La logique eût été de les mettre à l'abri sur notre sol, pas de les laisser à sa merci en un endroit où la protection de l'enfance est quasi-inexistante...

  • Leonarda : overdose compassionnelle ?

    J'ai lu successivement les réactions de Sarkofrance, blogue de gauche modérée et du Parisien Libéral, blogue de centre-droit après l'expulsion de la jeune rom kosovar Leonarda et de toute sa famille en Albanie (au fait, ils sont Albanais ou Kosovars ???).

    Si je ne retire pas un mot de ce que j'ai écrit hier, je crois que l'un et l'autre ont raison, jusqu'à un certain point dans leurs analyses. Juan est touché par ce qui vient de se passer mais il admet qu'on ne peut pas régulariser tout le monde. Et le Parisien Libéral dit à juste titre que notre protection sociale contribue à créer un fort appel d'air de l'étranger.

    Ce qui m'attriste, c'est qu'au moins sur la Toile (mais je crains les sondages qui sortiront sur le sujet), il y a une écrasante majorité de Français pour estimer légitime l'expulsion de Leonarda. Nous en sommes arrivés à un point d'empathie zéro ou presque, c'est bien pour cela que j'écris en titre "overdose compassionnelle".

    Interviewer la jeune fille, la montrer désespérée, laisser voir qu'elle s'exprime parfaitement en français laissent de glace les Français. La sphère médiatique, le tout bien-pensant, souvent parisianiste, sont victimes des méthodes qu'ils appliquent sans discernement depuis des années. La réserve de compassion des Français étant largement vide, le sentiment qu'on se fout souvent de leur gueule et qu'on leur ment font le reste. A cela s'ajoute une campagne haineuse contre les Roms depuis plusieurs mois.

    Pour ma part, comme libéral, je pense toujours aux destins individuels brisés dans ce genre d'histoire. Que va faire cette jeune fille qui n'a connu que le français ou l'italien comme langue ? Que vont faire ses frères et soeurs ? Tout le monde s'en fout. Ils peuvent bien crever la bouche ouverte, en somme.

    Si nous n'avions pas accueilli à tour de bras 200 000 immigrés en moyenne pendant des années, certainement resterait-il des réserves d'émotion pour cette enfant. Et dans le même temps, je m'étonne de son expulsion alors que j'ai connaissance tous les jours de délinquants mineurs ou non d'origine étrangère que l'on naturalise ou que l'on autorise à rester en France.

    J'avoue ma perplexité. Quitte à établir des priorités pour l'accueil d'étrangers on pourrait déjà commencer par considérer les troubles à l'ordre public. Bref, il y a des gens qui n'ont rien à faire chez nous qui y restent et d'autres qui me paraissent paisibles que l'on chasse. Allez comprendre la logique.

    Puisqu'enquête administrative il y aura, et que l'opinion s'est saisie de cette affaire, il paraît légitime qu'elle soit informée des suites. J'aimerais par exemple savoir pourquoi la préfecture a jugé que cette famille ne présentait pas de perspectives d'intégration sociale et économique.

    Mais je voudrais ajouter encore une chose : nous ne choisissons ni nos parents ni nos frères et soeurs. Il se peut que les parents, le père ou la mère, soient restés à attendre les minimas sociaux et aient vécu de cette manière. Je n'en sais rien. Il n'en reste pas moins que ce sont les enfants qui paient les pots cassés, dans cette histoire. Qui faut-il accuser ? Je ne le sais pas, mais je me mets à la place de cette jeune fille désormais déracinée et de tous ceux qui l'ont connue.

  • Leonarda : dura lex sed lex ?

    L'expulsion de la jeune Léonarda et de sa famille n'a à mon avis pas fini de faire des vagues. J'avoue avoir été interpelé par la méthode utilisée. Si je comprends la nécessité d'appliquer une loi j'ai du mal à admettre que l'on alpague une jeune fille de 15 ans  au beau milieu d'une sortie scolaire avec sa classe.

    J'ai un a priori plutôt favorable envers les Socialistes sur le respect des procédures en matière d'immigration et je ne pense pas que des gens comme Hollande ou Ayrault donnent leur accord à la légère dans ce domaine.

    Le problème avec les lois c'est que par nature elles finissent toujours par télescoper frontalement le réel. 

    Dans le principe, je suis le premier à dire qu'il faut en finir avec une immigration excessive, mais dans la pratique, si j'avais été l'enseignante de cette jeune fille, ayant tissé des liens affectifs avec elle, je ne promets pas que je n'aurais pas cherché à la cacher voire à prévenir la famille d'un rixe d'expulsion.

    Si j'étais le père d'un des enfants qui étaient dans le bus, je pense même que j'aurais été furieux de cette reconduite forcée et que j'aurais signé toutes les pétitions possibles et imaginables, même d'organisations ou d'associations que je ne goûte guère habituellement, pour obtenir son retour. Je n'imagine même pas ce qu'il en aurait été si elle avait été la petite amie de mon fils. Je crois que là encore, je l'aurais cachée moi-même.

    Évidemment, j'attends d'en savoir plus d'autant que la préfecture assure que cette famille ne présentait pas des garanties valables d'intégration sociale et économique.

    Valls a été sage, dès sa prise de fonctions, de bien se garder de fixer un objectif chiffré pour les reconduites à la frontière. Traiter au cas par cas ces situations, c'est la position de Bayrou de longue date et je la trouve bonne. Alors bien sûr, l'emballement médiatique empêche souvent d'examiner sereinement des faits et peut-être que la préfecture a de très bonnes raisons de faire partir cette famille. Nous le saurons sans doute un peu plus tard, une fois que le ballon aura dégonflé et, sur ce point, Hollande s'est montré prudent et réfléchi, annonçant qu'il ne se prononcerait qu'une fois qu'il en saurait plus.

    Je n'en crois pas moins que notre pays s'honorerait à se montrer capable d'entorses au droit qu'il fixe quand il s'agit d'humanité ordinaire.

    Polynice n'aurait jamais eu de sépulture si Antigone n'avait pas invoqué la légitimité de l'amour fraternel face aux lois de Thèbes et de Créon.

    Dans tous les cas de figure, il est sain, dans ce pays, qu'il reste des personnes et des responsables politiques pour exiger des explications quand il y a une prise de décision qui ressemble tout de même fortement à un dérapage. Daniel Schnedeirman qui a l'intelligence chez Rue89 de comparer la version des faits de la famille et celle de Valls conclut à raison, me semble-t-il par ces mots : 

    «ce pouvoir, comme le précédent, n’est pas à l’abri d’une nouvelle affaire Ivan. On frémit en tout cas à l’idée que la version Valls aurait pu être la seule (ou même la première) disponible.»