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léonetti

  • Fin de vie, la loi Claeys-Léonetti est très bien calibrée

    J'ai suivi tous les débats qui ont accompagné l'élaboration du rapport d'Alain Claeys et de Jean Léonetti, et franchement, je suis content des préconisations des deux députés.

    Le concept de sédation profonde est un très bon compromis entre euthanasie et soins palliatifs. 

    Le principal, me semble-t-il, c'est que chacun puisse choisir sa fin de vie, et surtout, de ne pas souffrir inutilement. Des sédatifs très puissants dont l'objet n'est pas de tuer mais de soulager s'accordent sans difficulté avec l'antique Serment d'Hippocrate et permettront à chacun de partir dans le repos.

    Je trouve également très positif le principe des directives anticipées, sorte de testament médical, pour ainsi dire. De cette manière, l'issue de l'agonie ou de la grande souffrance ne sera plus entre des mains extérieures, celles du médecin, mais bien celles du principal intéressé.

    Au passage, je suis toujours demeuré méfiant avec la loi précédente qui se contentait d'autoriser l'interruption de soins qui maintenaient en vie pour ne pas verser dans l'acharnement thérapeutique. Interrompre un traitement, ce n'est pas soulager, et, qui dit, dans ces conditions, qu'un patient ne part pas alors dans de grandes souffrances ?

    J'espère que cette loi va être votée le plus vite possible, de préférence à l'unanimité, et, dans tous les cas de figure, je l'applaudis des deux mains.

  • Deuil d'enfant, deuil d'avenir

    En contrepoint à ma précédente note, «Voir mourir un bébé ?» j'ai décidé de publier la réaction d'une de mes lectrices, juju41, car elle me semble éclairante et apporte un témoignage décisif :

    «Ayant bossé dans des services de néo-natalogie et de pédiatrie, j'ai vu bien des drames...et personnellement je suis contre l'acharnement thérapeutique. Dans le cas de ce bébé né en état de mort apparente, l'anoxie cérébrale était déjà là avant sa naissance, que les 20 premières minutes aient été consacrées à le sauver, apparamment sans résultat, c'est normal.S'acharner au delà de ce temps qui est déjà très long pour un petit cerveau,me parait anormal, car de toute évidence, les conséquences étaient prévisibles ; déjà un temps bien moins long d'anoxie cérébrale entraîne des handicaps lourds..Il faut savoir accepter que le combat contre la mort n'est pas toujours gagnable. Et de fait est ce que cette vie sauvée est une vie digne d'être vécue..? pour avoir vu de nombreux petits très lourdement handicapés, et le malheur de leurs parents, je trouve que c'est bien facile de se débarasser du poids épouvantable du handicap sur les parents, et de considérer qu'on a fait son devoir de médecin, en sauvant cet enfant.. chacun est libre de penser que c'est de l'eugénisme, ou de l'euthanasie, en tout cas moi je pense que c'est de la compassion. Il est plus facile de faire le deuil d'un enfant mort, que de faire le deuil d'un avenir d'enfant, qui chaque jour est là dans sa grande souffrance...certains parents y arrivent, d'autres pas.. et préfèrent abandonner cet enfant plutôt que de supporter cette souffrance qui va les ronger.. les gens ne sont pas tous des héros admirables!...»

    laloose, qui tient le blog "Bloque qui peut" s'est également emparé du sujet. J'ai trouvé sa conclusion intéressante, et j'en rends donc compte également ici :

    Au final, difficile d’avoir un avis tranché sur la question. A l’instar de Jean Leonetti, je pense qu’il “serait très grave que cette décision soit prise comme une décision qui empêche de donner la chance à la vie“. Et sans vouloir protéger à tout prix les médécins, je serais favorable au fait que ce type d’affaire ne soit pas jugée par un tribunal avec des notions de dommages et intérêts que je trouve déplacés, mais plutôt par un collège de médecins, à charge ensuite de bien diffuser ces enseignements dans les écoles de médecine et auprès des autres praticiens. Je souhaite en tous cas bonne chance et bon courage à tous ceux qui passent leur vie à en sauver ou en soigner. En espérant qu’ils pourront trouver toutes les formations et tous les conseils nécessaires pour prendre les bonnes décisions, sachant qu’en règle générale, on ne sait si elles sont bonnes ou mauvaises que bien après les avoir prises… Ces parents auraient-ils porté plainte si leur fils était en bonne santé aujourd’hui?

  • Voir mourir un bébé ?

    J'ai appris que les parents d'un enfant lourdement handicapé avaient obtenu la condamnation de l'hôpital d'Orange pour cause d'acharnement thérapeutique à la naissance de l'enfant. Je comprends la peine de cette famille dont l'enfant souffre de maux multiples : il est tétraplégique, ne s'exprime que par râles, peine à déglutir et est sujet à de fréquentes crises d'épilepsie. Il souffre vraisemblablement de lourds handicaps mentaux. Cet enfant est né en état de mort apparente, et, après 20 minutes d'efforts, le gynécologue, à sa naissance, a annoncé sa mort aux parents. Mais le personnel hospitalier n'a pas abandonné, et, à force d'efforts, est parvenu à faire repartir le coeur. Le problème, c'est que le cerveau n'a pas été alimenté en sang pendant près de 30 minutes.

    J'avoue que je suis très troublé par cette condamnation : je comprends le concept d'acharnement thérapeutique quand on évoque le cas d'individus gravement malades et/ou en fin de vie. Mais j'ai beaucoup plus de mal à accepter cette terminologie quand il s'agit d'un bébé qui vient de naître et qu'une équipe fait des efforts désespérés pour le sauver. Le métier des services de réanimation, c'est de réanimer : va-t-on assister à des procès contre les hôpitaux qui n'ont pas essayé de réanimer les nouveaux-nés, puis, à l'inverse, contre ceux qui l'ont fait ?

    Peut-on reprocher, in fine, à une équipe dont le métier est de donner la vie, d'admettre de voir mourir un bébé sans intervenir ? Le tribunal administratif de Nîmes a eu la main aussi lourde que son jugement a été léger.  J'estime, au nom de la solidarité, que l'État doit tout faire pour aider les familles dont les enfants sont très lourdement handicapés, mais je ne juge pas juste que l'on reproche à un hôpital d'avoir fait de son mieux, surtout en l'absence d'une loi claire sur le sujet.

    Il naît actuellement 10 000 grands prématurés par an, tous susceptibles de développer des séquelles, qui seront d'autant plus graves que le terme aura été échu bien avant l'heure.

    Il conviendrait, je le crois, de fixer une loi-cadre afin de déterminer ce que les professionnels peuvent faire ou non. J'espère que ce jugement ne fera pas jurisprudence et que l'on n'en tirera pas une généralité. L'hôpital a agi sagement en choisissant de ne pas faire appel. Aucun second jugement ne viendra confirmer le premier, au risque de le graver dans le marbre. L'accouchement a eu lieu en 2002, et la loi Léonetti date de 2005.

    L'article L 1110.5 était rédigé en ces termes :

    «Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent  pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent sans préjudice de l'obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produit de santé, ni des dispositions du titre II du livre Ier de la première partie du présent code. Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort

    La loi Léonetti a ajouté les deux alineas suivants :

     

    « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »

    Article 2

    Le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

    « Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »

     

    Entre eugénisme et euthanasie, la limite n'est pas aisée à tracer. Tout être, à sa naissance, a droit à une vie digne et heureuse : la santé physique et mentale en est souvent une condition sine qua non.

     

  • Que permettait la loi à Chantal Sébire ?

    J'ai trouvé la loi Léonetti sur la Toile, mais, à vrai dire, je ne vois pas ce qui dedans  pouvait permettre de répondre positivement à la requête de Chantal Sébire. Je rappelle les références de cette loi :  J.O n° 95 du 23 avril 2005 page 7089 texte n° 1
    A l'article 1, on trouve la mention suivante :
    « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »

    Bon, évidemment, si on veut comprendre cet article, il est indispensable de connaître l'article L. 1110-10 :

    Article L1110-10
    Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage.

    Le problème, en fait, c'est que la loi Léonetti évoque la possibilité d'interrompre un traitement, et non d'en administrer un spécifique. Cela dit, si je lis avec attention l'article 1, je peux l'interpréter ainsi : ne pouvant soigner Chantal Sébire d'un mal incurable, on pouvait peut-être lui administrer de très forte dose de morphine, au risque de provoquer une overdose, et ce afin de sauvegarder sa dignité. En même temps, pouvait-elle être considérée comme une mourante ? Probablement non, et c'est là où le bât blesse. 

    Je pense que l'article 2 de la loi va un peu dans le sens de ce que j'interprète : 

     « Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »

    Après une lecture attentive, je pense que cela correspond au cas de Chantal : je ne sais pas ce qu'en pensent les juristes... 

    Par ailleurs, je signale l'excellent dernier numéro de l'Itinérant (hebdomaire de lutte contre la misère et la précarité, vendu essentiellement par des sans-abris dans les rues) : on trouve donc dans l'édition du 31 mars au 06 avril (n°697) un entretien avec Jean Léonetti, l'auteur de la loi que je cite ici. Il confirme dès la première question qu'il est possible de supprimer toute souffrance physique ou morale en fin de vie même si c'est au prix de raccourcir la vie. Et il fait exactement le même raisonnement que moi sur les doses de médicament, je le cite :

    « De manière concrète, cela signifie qu'on a le droit, et même le devoir, d'utiliser tous les moyens thérapeutiques possibles pour supprimer la souffrance, même si, par les produits utilités, on est conscient que l'on hâte la mort

    Voilà qui me paraît très clair, et je ne comprends pas ce qui a empêché de faire rentrer Chantal Sébire dans cette catégorie. Comme le note Jean Léonetti, le droit à la vie est inscrit dans l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. On ne peut donc envisager un droit à la mort, c'est à dire l'euthanasie, sans être en contradiction avec cette convention. En revanche, on pourrait envisager une dépénalisation des homicides par compassion. A condition que les circonstances soient codifées et précisées, et bien sûr, dans un cadre médical.

    Il n'y  pas de position officielle du MoDem, du moins à ma connaissance, sur la fin de vie, et pas non plus de François Bayrou. En revanche, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec Marielle de Sarnez, que la question intéresse. Marielle n'a pas adopté de position arrêtée, mais je crois que sa position se rapprocher sur certains points de celle de Jean Léonetti : elle est favorable à l'ouverture d'un débat sur la question, mais d'un débat de fond, et en attendant, d'utiliser toutes les ressources de la loi lactuelle pour les cas exceptionnels. Comme le relève Jean Léonetti, sa loi convient pour 95% des cas.