Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

individu

  • La violence et les extra-punitifs...

    Dans ma prime jeunesse, je me suis piqué de psychologie, et me suis montré lecteur assidu des Mucchielli père et fils (Alex et Roger). J'ai notamment parcouru avec attention les réactions de défense dans les relations inter-personnelles. Je me souviens notamment de la classification qu'il en faisait selon les caractères des individus. Il distinguait l'impunitif (les malheurs ne sont la faute de personne mais de l'enchaînement des circonstances), l'intro-punitif (c'est ma faute si la centrale nucléaire de Fukushima a volé en éclats) et l'extra-punitif (salauds de profs qui ne savent pas gérer les situations de conflits avec les gentils apprenants).

    Manager, gérer, se former, c'est la grande mode par les temps qui courent. La violence s'accentue à l'école ? Il faut former les profs, ils ne savent pas la gérer. On lance des pavés sur les CRS dans les cités ? Situation de conflit classique avec de gentils jeunes gens qui cherchent simplement à attirer l'attention de la société. Licencié et au chômage suite à délocalisation ? On va vous former pour apprendre à chercher un emploi.

    On a dit du XIXème siècle qu'il était hystérique et du XXème qu'il était névrotique. On pourra dire du XXIème siècle qu'il aura été pervers. On y cultive le bon sentiment, et on y fait de la compassion (surtout quand elle ne coûte rien) l'alpha et l'oméga de toutes choses alors même que notre société devient impitoyable pour les perdants, sur lesquels nous jetons un voile pudique.

    Les associations vertes fleurissent, on évoque la protection des animaux dans le temps même où l'on a industrialisé à grande échelle leur massacre et où espèce sur espèce s'éteignent.

    De grandes marches pour protester contre la violence et les incendies de commissariats, de logements sociaux, d'écoles maternelles, ce crèches, même ? Les briquets qui sont brandis dans les défilés sont ceux-là mêmes qui ont enflammé mèches et bidons d'essence, comme l'observait avec acuité Xavier Darcos il y a une dizaine d'années.

    On porte sur les fonds baptismaux l'enfance ? On conspue (à juste titre) les pédophiles ? Mais pendant ce temps, on organise les défilés de beauté pour enfants, et la mode prévoit pour de toutes jeunes filles des vêtements que des femmes honorables évitent de porter. Côté garçons, c'est la racaille et la mode racaille qui sont portées aux nuées ; le blouson noir autrefois, le rappeur aujourd'hui, le fumeur de joint, le présentateur qui s'en met plein les poches et cetera...

    Les coachs, les invitations à cueillir le jour, les idéologies de développement personnel fleurissent, et dans le même temps, les conditions de travail se sont dégradées au point que nous sommes beaucoup plus proches de la misère de la condition ouvrière du XIXème siècle que nous le pensons. Pour les précaires, c'est "marche ou crève" et il n'y a pas d'autre issue.

    Le grand marché de Noël nourrit les consciences et les charity-business de toutes sortes au moment même où les enfants chinois et nord-coréens se crèvent la carcasse à l'alimenter pour nous.

    On cultive, enfin, le culte du gratuit, le souci de n'avoir aucun effort à faire, et pour la jeunesse, le slogan "citoyen" remplace l'initiative et l'esprit d'entreprise qui sont muselés par tous les moyens.

    L'honneur, le courage, la générosité, la courtoisie sont des valeurs révolues sauf s'ils servent à mener de grands shows télévisés à grand renfort de tapage médiatique.

    Bref, nous baignons dans une société dont l'hypocrisie atteint des sommets.

    Ils sont bien peu aujourd'hui à se tourner vers un modèle de développement humain dont l'individu est le coeur. C'est le chemin emprunté manifestement par Thierry Crouzet dans sa Tune dans le caniveau, qui en dépit des reliquats idéologiques qui marquent sa narration, n'en considère pas moins que ce n'est qu'en se changeant que l'on peut changer le monde. C'est aussi une idée qui est relativement présente dans toutes les associations qui promeuvent le développement durable, comme les Amis de la Terre, par exemple, ou encore dans le programme politique du MoDem dont le préambule annonce la volonté de libérer l'individu et son esprit d'initiative.

    Toutefois, des trois (rares) contre-exemples cités, Thierry Crouzet est le seul à engager autant la responsabilité des individus qu'il n'invite à leur libération.

    Elles sont loin les sagesses pratiques des écoles de l'Antiquité, épicurisme, stoïcisme, pythagorisme, qui faisait de l'être humain et sa capacité à se modifier (ou au contraire à demeurer égal) la pierre angulaire du chemin vers le bonheur.

  • Plaidoyer pour l'individu

    Ce n'est pas en noyant dans l'uniformité tout ce qu'il y a d'individuel chez les hommes, mais en le cultivant et en le développant dans les limites imposées par les droits et les intérêts d'autrui, qu'ils deviennent un noble et bel objet de contemplation; et de même que l’œuvre prend le caractère de son auteur, de même la vie humaine devient riche, diversifiée, animée, apte à nourrir plus abondamment les nobles pen­sées et les sentiments élevés ; elle renforce le lien entre les individus et l'espèce, en accrois­sant infiniment la valeur de leur appartenance a celle-ci.

    À mesure que se développe son individualité, chacun acquiert plus de valeur à ses propres yeux et devient par conséquent mieux à même d'en acquérir davantage aux yeux des autres. On atteint alors à une plus grande plénitude dans son existence, et lorsqu'il y a davantage de vie dans les unités, il y en a également davantage dans la masse qu'elles composent.

    On ne peut pas se dispenser de comprimer les spécimens les plus vigou­reux de la nature humaine autant que nécessaire pour les empêcher d'empiéter sur les droits des autres ; mais a cela, on trouve ample compensation, même du point de vue du développement humain. Les moyens de développement que l'individu perd par l'interdiction de satisfaire des penchants nuisibles aux autres s'obtiennent surtout aux dépens du développement d'autrui. Et lui-même y trouve une compensation, car la contrainte imposée à son égoïsme autorise du même coup le meilleur développement possible de l'aspect social de sa nature. Être astreint pour le bien des autres aux strictes règles de la justice développe les sentiments et les facultés qui ont pour objet le bien des autres.

    Mais d'être ainsi contraint par le seul déplaisir des autres à ne pas commettre d'actions susceptibles de leur nuire ne développe par ailleurs rien de bon, sinon une force de caractère qui se manifestera peut-être par une résistance à la contrainte. Si l'on se soumet, c'est une contrainte qui émousse et ternit le caractère. Pour donner une chance équitable à la nature de chacun, il faut que différentes per­son­nes puissent mener différents genres de vie.

    Merci, JSM, pour ce magnifique témoignage, auquel je n'ai rien à redire... (Liberté, III)

  • Grandeur et décadence du syndicalisme français

    Je rebondis sur une note de Rubin Sfadj à propos du syndicalisme français. Voilà l'occasion de produire un billet que je méditais depuis quelques temps déjà.

    Rubin Sfadj y écrit notamment «les syndicats de salariés représentent de moins en moins de travailleurs». J'ai bien envie d'opérer un petit rectificatif : «les syndicats de salariés représentent de moins en moins le travailleur». Et je pense que mon «le» est bien à l'origine des maux de nos syndicats et de leur faible représentativité. Les syndicats français sont incapables d'un accompagnement individuel. Ils ne rêvent que de grandes luttes et de mouvements collectifs dans lesquels ne se reconnaissent que peu ou pas les salariés. Or, notre société a évolué : c'est une donnée qu'elle se morcelle et s'individualise. C'est d'ailleurs l'essence de la démocratie libérale dans laquelle nous vivons. Or, quand il s'agit de gérer les intérêts d'UN travailleur, un seul, les syndicats sont au mieux incompétents, au pire inconsistants. Les individus et les histoires personnelles ne les intéressent pas. Or, dans notre société où la solidarité se fait toujours plus défaillante, c'est l'accompagnement individuel qui fait le plus cruellement défaut, et c'est cela que veulent les gens en général. Que l'on pense à eux non en tant que classe sociale, mais en tant qu'individus. Tant que les syndicats français n'auront pas compris et reconnu cette évolution irréversible, ils continueront leur lente mais inexorable déchéance.