Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

bien-être

  • Pensées ...

    I. DE toutes les choses du monde, les unes dépendent de nous, les autres n'en dépendent pas. Celles qui en dépendent sont nos opinions, nos mouvements, nos désirs, nos inclinations, nos aversions ; en un mot, toutes nos actions. 

    II. CELLES qui ne dépendent point de nous sont le corps, les biens, la réputation, les dignités ; en un mot, toutes les choses qui ne sont pas du nombre de nos actions. 

    III. LES choses qui dépendent de nous sont libres par leur nature, rien ne peut ni les arrêter, ni leur faire obstacle ; celles qui n'en dépendent pas sont faibles, esclaves, dépendantes, sujettes à mille obstacles et à mille inconvénients, et entièrement étrangères. 

    IV. SOUVIENS-TOI donc que, si tu crois libres les choses qui de leur nature sont esclaves, et propres à toi celles qui dépendent d'autrui, tu rencontreras à chaque pas des obstacles, tu seras affligé, troublé, et tu te plaindras des dieux et des hommes. Au lieu que si tu crois tien ce qui t'appartient en propre, et étranger ce qui est à autrui, jamais personne ne te forcera à faire ce que tu ne veux point, ni ne t'empêchera de faire ce que tu veux ; tu ne te plaindras de personne ; tu n'accuseras personne ; tu ne feras rien, pas même la plus petite chose, malgré toi ; personne ne te fera aucun mal, et tu n'auras point d'ennemi, car il ne t'arrivera rien de nuisible. 

    Épictète, Pensées et Entretiens, 1-4

    Sur le fond, je ne puis dire que je me sente une proximité véritable avec la philosophie stoïcienne. Épictète m'a toujours paru aride, non par la complexité de sa pensée, mais par la difficulté à mettre en oeuvre ses recommandations. Les philosophies de l'Antiquité sont le plus souvent des sagesses pratiques : non des théories à appliquer, mais des conseils d'amis pour ne pas être malheureux.

    Le monde dans lequel nous vivons est une tentation permanente : comment concilier dans ces conditions un idéal ascétique (car comment appeler autrement un tel renoncement à ce qui est à autrui ?) avec notre société consumériste.

    D'une certaine manière, dans une société où les préceptes d'Épictète seraient suivis, quelles innovations technologiques, quels progrès techniques seraient possibles ? L'envie n'est-elle pas un moteur essentiel pour jalonner le chemin de l'humanité ? Quelle motivation puis-je avoir si je ne suis pas fortement attiré par ce qu'il y a dans l'assiette de mon voisin ?

    J'aime bien évidemment l'éthique de la responsabilité qui est celle d'Épictète, mais  l'absence d'émulation, et, de manière évidente, d'attention prêtée à la superficie des choses , me paraissent des obstacles à une vie sociale qui ne saurait être que celles de purs esprits dégagés de tous leurs désirs.

    Voilà en tout cas un sujet qui mérite réflexion collective, et donc, tag...Le raisonnement d'Épictète est quasiment par nature anti-économique puisqu'il suggère de ne pas considérer le bien-être comme un moteur de l'action humaine. C'est une pensée aux antipodes des préconisations d'un Amartya Sen, ou, plus près de lui, d'un Aristote lorsqu'il évoque les libertés positives dans son Éthique à Nicomaque. 

    En somme, la morale d'Épictète est individuelle, mais elle ne saurait être politique.

    Que le bien-être et l'envie soient des moteurs de l'action humaine, cela me semble pour moi aller de soi. Il reste donc à interroger quelques blogueurs sur le sujet afin de déterminer ce qu'ils en pensent.

    J'ai cité Amartya Sen : avec un peu de chance, Claudio devrait rappliquer, il est directement visé :-) Est-ce que Rubin relèvera le gant ? Il me semble que ce genre de questionnement devrait aussi pouvoir intéresser Fred  et Mirabelle qui écrit parfois quelques notes sur les Anciens. Ah, la responsabilité individuelle...cela touche mêmes les poubelles et les voisins, c'est dire...il me manquait un blogueur à taguer, en voilà un tout trouvé s'il lit le billet avec Homer...

  • Libéralisme contre néo-libéralisme

    Avec ce billet, j'ai à peu près l'assurance de voir rappliquer LOmiG et Criticus : ces derniers temps, nous nous sommes heurtés à plusieurs reprises sur la définition du libéralisme et surtout, sur la pertinence du néologisme néo-libéralisme. Je viens d'achever, tout récemment, après une très longue lecture, les apports de l'école autrichienne d'économie de Thierry Aimar. Objectivement, j'en ai sué, parce que j'ai eu du mal à bien comprendre le modèle praxéologique, dans un premier temps, le principe catallactique ensuite, et puis pour finir, j'ai abandonné avec la théorie de la monnaie de Hayek. Le dernier chapitre est passionnant, parce que les Autrichiens s'essaient à tenter de définir une économie du bien-être, et ils butent sur le modèle praxéologique qui récuse toute forme de subjectivisme. En récusant la validité du modèle expérimental appliqué à l'humain, les Autrichiens ont de facto effacé la possibilité d'une morale collective, et, par là, d'une définition du bien commun. Conséquemment, il ne leur est plus possible de circonscrire une économie du bien-être sans devoir se départir de l'impartialité propre au modèle praxéologique.

    Ce qu'on appelle communément néo-libéralisme prend en réalité sa source dans les ultimes avatars hayekiens de l'école autrichienne. Pour LOmiG ou Criticus, le libéralisme est avant toutes choses contractuel, et c'est le contrat et la liberté de contracter qui le définit en premier lieu. Donc, le plus important, pour une société, à leurs yeux, c'est de garantir la liberté du contrat et...son exécution ! Cette liberté de contracter est celle de l'individu, je ne parle pas, ici, du contrat social, celui de Jean-Jacques Rousseau. Dans ces conditions, l'éthique est un choix personnel dont la seule limite est de ne pas gêner le voisin dans le cadre de la société. Pas de morale collective, mais un accord général pour admettre certaines règles de vie commune, voilà la substance de ce libéralisme là pour les aspects civils et éthiques. Est-ce un hasard, d'ailleurs, si Criticus invoquait, en décembre dernier, la survie pour justifier son libéralisme ? C'est exactement l'argument qu'Hayek tente désespérément d'invoquer pour tenter de sauvegarder une morale dans le processus catallactique : le marché serait l'expression de l'instinct de survie des individus puisqu'ils y viennent pour satisfaire leurs besoins et y réaliser des transactions avantageuses pour eux (voir dernier chapitre du livre de Thierry Aimar). Qu'il en soit conscient ou non, c'est bien dans cette tradition-là que Criticus s'inscrit.

    Pour ma part, j'ai eu souvent l'occasion de le faire valoir, mon principal totem libéral, c'est Montesquieu. Or, chez Montesquieu, la liberté n'est pas première, comme chez les Autrichiens. La liberté est la conséquence d'un choix moral qui est de pratiquer la vertu. Montesquieu constate que seule la liberté permet véritablement l'expression de cette vertu. Et, le type de régime républicain, et tout particulièrement la démocratie, est l'expression politique qui garantit le plus sûrement cette liberté. Et donc la vertu...

    Nous sommes donc bien face à deux conceptions du libéralisme, qui partagent évidemment certaines vues, qui s'opposent parfois frontalement, et qui, au final, divergent sensiblement à plus d'un égard.

    Avec un billet comme celui-là, il ne me reste plus qu'à attendre des réactions de la sphère libérale...